DOSSIER Réflexions sur la prise en charge optimale des hépatites virales, en Algérie Professeur Saadi Berkane, hépato-gastro-entérologue, Hôpital Bologhine-Alger -Nous sommes toujours l’un des rares pays ou le dépistage de l’AgHbs, chez la femme enceinte n’est pas effectif, avec le risque de transmission mèreenfant et le passage à la chronicité de l’infection VHB, chez le nouveau né, de l’ordre de 90%. Pourtant des solutions existent, simples et proposées depuis des années. Pour la prévention : A l’occasion de la Journée Mondiale contre l’Hépatite Virale qui a lieu, chaque année, le 28 juillet, en reconnaissance de l’anniversaire du professeur Baruch Blumberg, qui a reçu le Prix Nobel, pour avoir découvert le virus de l’hépatite B. Cette initiative mondiale, doit avoir lieu dans les 194 États membres de l’OMS, qui s’est engagée à l’organiser, lorsqu’elle a adopté la Résolution 18 de la 63ème Assemblée mondiale de la Santé. Il nous a semblé utile d’évaluer les progrès réalisés contre ce fléau, dans notre pays. Force est de constater que, malgré les efforts consentis par les autorités sanitaires du pays, en accordant, depuis 2007, près 3 Milliards de DA, par an, pour la prise en charge de la maladie, par la vaccination systématique des nouveau-nés, depuis 2003; l’installation du Comité national de lutte contre les hépatites, depuis mars 2007; les tentatives de mise à niveau de la désinfection du matériel à risque; la proposition, par le Comité National, en Avril 2012, d’un guide de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des hépatites B et C, des insuffisances persistent. La première constatation est : à défaut de données statistiques fiables, nous colligeons, en pratique hospitalière quotidienne, le même nombre de pa14 Santé-MAG N°08 - Juillet 2012 tients porteurs d’une hépatite C, provenant des régions de l’Est du pays, principalement de Barika, 17ans après les premiers cas rapportés à l’hôpital de Bologhine. Pour l’infection virale B, la prévalence nationale de 1998, avec un portage de l’AgHbs de 2,15%, reste d’actualité. La seule explication serait le non respect des règles d’hygiène universelle. Ainsi, il est rapporté des pratiques telles que : le partage de matériel personnel (ciseaux, rasoirs, lames à raser, coupe ongles, brosses à dent), la médecine traditionnelle (scarification et hidjama), pratiquée avec des instruments non jetables ou mal désinfectés, l’usage, persistant, par le coiffeur, du même porte lame désinfecté à l’eau de javel diluée, l’usage de l’alun (echeb) pour coaguler le saignement cutané, malgré les efforts d’information et de vulgarisation de la maladie par l’association SOS hépatites Algérie. Nous relevons, également : -L’absence de médecins spécialistes, formés en hépatologie et la prise en charge de cette pathologie, L’absence de biologie moléculaire en dehors d’Alger, indispensable à l’indication et à l’évaluation de la réponse au traitement, se pose le problème d’acheminement des prélèvements, de prise en charge financière des examens, obligeant le patient au déplacement -Actions d’incitation au dépistage, pour augmenter la proportion de gens connaissant leur statut. La majorité des patients ignore son statut à l’égard du VHB et C; -Améliorer l’information des malades sur l’infection virale et ses caractéristiques, par des campagnes de sensibilisation et de prévention des pratiques à risques des populations, par les médias (spots publicitaires télévision, radio, journaux) et l’action des associations de malades; -Renforcer la réduction des risques de transmission des virus, par une politique de lutte contre les infections nosocomiales, dans les établissements de santé; mener des actions envers la profession libérale et publique, imprimer et diffuser des guides de bonne pratique, pour la prévention et la désinfection, pour les dentistes, l’endoscopie, hémodialyse…; -Faciliter l’accès au matériel performant de désinfection et de stérilisation (autoclaves, produits chimiques) avec une formation médicale continue, par le biais d’ateliers, pour vulgariser DOSSIER la désinfection, avec présence obligatoire des professionnels; -Rendre obligatoire le dépistage de la femme enceinte, par une circulaire pour les gynécologues, sages femmes, pédiatres; -Disponibilité des Immunoglobulines anti-Hbs, indispensables pour protéger le nouveau né, de mère porteuse de l’AgHbs, en plus de la vaccination; -Vérifier la réponse vaccinale de tout nouveau né, de mère Ag Hbs+, par le pédiatre; -Rattrapage vaccinal des grands enfants et adolescents, nés avant 2003 (école, Cem, lycée); -Vacciner les sujets à risque : entourage familial du sujet AgHbs +, sujet contacts et les sujets à risque (employés des structures médicales et paramédicales, hôpitaux, étudiants en médecine, milieu carcéral, prostituées...); -Créer un Observatoire national de surveillance épidémiologique des hépatites (déclaration obligatoire des infections nosocomiales, réseau de recueil de données en continu, surveiller les nouveaux cas et déclencher une enquête, si nombre anormalement élevé de cas déclarés); -Uniformiser les techniques de dépistage à travers le pays, en référence à l’IPA utilisant les tests ELISA et non les tests rapides non validés, qui comportent le risque de faux négatifs; -Pour le don de sang, dépister en plus de l’Ag Hbs, les Ac anti Hbc et dosage des ALAT (détecter les hépatites B occultes); -Uniformiser et réglementer les formulaires de dépistage prénuptial. Il doit être demandé en cas de facteurs de risque, séparé, en respectant le code de la confidentialité Pour l’amélioration de la prise en charge thérapeutique : - Faciliter l’accès aux soins, et disponibilité permanente des médicaments, dont la rupture peut être fatale, surtout chez le patient cirrhotique; -Mettre en place des PCR de biologie moléculaire, dans les principales régions sanitaires du pays; -Désigner les centres de traitement, en leur octroyant les moyens nécessaires; -Formation et recyclage des médecins prenant en charge les hépatites, par le biais de centre de référence; -Créer des réseaux, pour favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité pour l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, adaptée aux besoins de la personne, tant sur les plans de l’éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. L’objectif final est d’améliorer le nombre de cas dépistés et le nombre de cas traités. Ces actions ne peuvent aboutir que dans le cadre d’un plan national de lutte contre les hépatites, avec un programme visant à réduire le risque de transmission virale, développer et renforcer les mesures de lutte contre les hépatites. La première solution est l’ouverture de services d’hépatologie, dotés de moyens adéquats, à travers le territoire national, pour préparer l’hépatologie de demain et aboutir, in fini, à la transplantation hépatique. Sur les 48 wilayate du pays, il y a 8 services universitaires de gastroentérologie, dont 3 sont à Alger et 2 à Oran. Le nombre de cirrhoses décompensées et le risque de cancer du foie, de prise en charge lourde et coûteuse, pour l’économie du pays, va aller en progression les prochaines décennies et la majorité des hépato-gastroentérologues, formés actuellement, optent pour le privé, pour exercer une gastro-entérologie de routine, faute de services. Telle est la situation actuelle des hépatites virales, en Algérie. Espérons que le prochain anniversaire de la journée mondiale de l’hépatite verra des améliorations Hépatites : la moitié des malades s’ignore Ce samedi 28 juillet marquera la deuxième édition de la journée mondiale contre les hépatites. C’est l’occasion, de faire le point sur les hépatites B et C. «Les hépatites représentent une priorité de santé publique mondiale, au même titre que le VIH, la tuberculose et le paludisme». Les hépatites virales sont souvent asymptomatiques. En s’aggravant, elles peuvent aboutir «à des complications mortelles, telles que les cirrhoses et les cancers du foie». Lutter contre ce fléau. Objectif: «réduire la transmission des virus, renforcer le dépistage, pour orienter les patients vers une prise en charge médicale précoce (…) et développer la surveillance épidémiologique». «la prévention de ces maladies repose, principalement, sur la vaccination pour l’hépatite B et la politique de réduction des risques pour l’hépatite C». Les populations à risque «doivent se faire dépister, le plus tôt possible» N°08 - Juillet 2012 Santé-MAG 15