homelie de l`abbe c.gouyaud pour le quatrieme

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HOMELIE DE L’ABBE C.GOUYAUD POUR LE
QUATRIEME DIMANCHE DE CAREME
Mes bien chers frères,
Au premier dimanche de carême, Jésus rétorquait au diable qui lui suggérait une contrefaçon de
transsubstantiation, lui demandant de changer les pierres en pain, que « l’homme ne vit pas
seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Eh bien ! au quatrième
dimanche de carême, Jésus s’enquiert aussi de sustenter les corps et procède au miracle de la
multiplication des pains. En d’autres termes, si l’homme ne vit pas seulement de pain, il vit aussi de
pain. A la fin de ce récit de la multiplication des pains, saint Jean fait observer qu’à la vue de ce
signe, les témoins dirent : « celui-ci est vraiment le prophète, celui qui doit venir dans le monde », ce
qui provoqua le retrait de Jésus seul dans la montagne car il savait qu’ils allaient venir l’enlever
pour le faire roi. Jésus, en effet, est spontanément, comparé aux prophètes par les témoins du signe
de la multiplication des pains. Il est comparé aux prophètes, à Moïse, le prophète par excellence,
Moïse qui avait lui-même donné le pain qui venait du ciel c’est-à-dire la manne. Or la pensée juive
dans son évolution interne était parvenue progressivement à la conviction que le vrai pain venu du
ciel et qui nourrit Israël, c’est la Loi, c’est la Torah, c’est-à-dire la Parole de Dieu. La sagesse, c’est
le pain et c’est pourquoi nous chantons parfois ce cantique : « la sagesse a dressé une table »,
cantique directement référé aux livres sapientiaux de l’Ancien Testament.
Or si selon saint Jean cette multiplication des pains est un signe, c’est qu’au-delà de la factualité de
l’événement cette multiplication renvoie à autre chose que la satiété corporelle. A quoi d’autre, à
quelle réalité ultérieure renvoie ce signe ? Eh bien, c’est dans ce contexte que Jésus, au chapitre 6
de l’Evangile de saint Jean, propose son discours sur le pain de vie avec l’affirmation centrale : « Je
suis le pain de vie, celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ». Comme le dit très bien saint
Thomas d’Aquin : « le Verbe fait chair fait par son verbe de sa chair du vrai pain ». Saint Thomas
montre ici le prolongement de l’Incarnation dans l’Eucharistie.
Si on accentue à juste titre le réalisme eucharistique en montrant que « ceci » c’est le Corps du
Christ c’est-à-dire le pain fait corps, Jésus nous dit en saint Jean que c’est Lui qui devient pain, le
vrai pain. Dans le cas du réalisme eucharistique, du changement du pain en Corps du Christ, on met
en valeur évidemment le pouvoir du ministre ordonné de confectionner le Corps du Christ. Mais si
on met en valeur l’autre dimension, celle qu’on trouve chez saint Jean au chapitre 6, on met
davantage en valeur le don de Jésus tout entier. En effet, « le pain que je donnerai, dit Jésus, c’est
ma chair pour la vie du monde ». L’évangéliste saint Luc, quand il nous présente quelques demandes
de la prière dominicale, du Pater noster, au lieu de dire « donne-nous notre pain quotidien », dit
« donne-nous notre pain supersubstantiel » c’est-à-dire ce vrai pain, Jésus fait vrai pain. En
mangeant ce vrai pain, ce pain supersubstantiel, on s’assimile les dispositions intérieures de Jésus.
Et quelles sont ces dispositions ? Jésus nous dit au chapitre 4 de saint Jean : « Ma nourriture est de
faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir Son œuvre ».
Enfin, à la multiplication des pains, du pain, répond l’unification du Corps du Christ, c’est-à-dire
l’Eglise, le corps mystique. On trouve ainsi dans ce livre très ancien au sujet du pain destiné à
l’Eucharistie, qu’on appelle la Didachè et qui remonte à la fin du premier siècle de notre ère :
« comme ce pain rompu d’abord dispersé sur les montagnes (c’est-à-dire à l’état d’épis) a été
recueilli pour devenir un, qu’ainsi ton Eglise soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton
royaume ». Amen.
15 03 2015
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement.
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