Prise en charge des pleurésies néoplasiques récidivantes

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Perspectives
Prise en charge des pleurésies néoplasiques récidivantes
par drainage pleural tunnélisé à demeure
Avec Gilles Mangiapan, Praticien Hospitalier-Pneumologue
CHIC (Centre Hospitalier Intercommunal) de Créteil
Les pleurésies néoplasiques récidivantes sont les premières manifestations d’un certain nombre de cancers, compliquant
leur évolution. Elles ont un impact important sur la vie des patients, et leur prise en charge se révèle difficile.
Depuis 6 ans, Gilles Mangiapan a trouvé une réponse à un vrai besoin en utilisant la technique du drain pleural
tunnelisé. « Nous devions pratiquer pour certains patients des ponctions à répétition, avec impossibilité de retour à domicile ».
Un échec thérapeutique pour environ 30 % des patients qui lui a fait mesurer l’intérêt d’un modèle multidisciplinaire
autorisant le drainage à domicile.
Capital Equipement Médical : A quel type de patients la technique du drain pleural tunnélisé à demeure est-elle destinée ?
Gilles Mangiapan : Elle concerne des patients atteints de pleurésies néoplasiques, symptomatiques, récidivantes, pour lesquels un drainage
continu est nécessaire. Notons que la France adopte dans ce domaine une
attitude différente des autres pays.
On utilise en France depuis longtemps la symphyse au talc qui permet
d’assécher la pleurésie lors d’une thoracoscopie ou au travers du drain
pleural, au lit du patient. Mais on note chez 30 % des patients une pleurésie récidivante après utilisation de cette technique.
En outre, pour des patients ayant des poumons trappés, il est impossible
de coller le poumon à la paroi, ce qui entraîne un échec de symphyse au
talc avec nécessité de ponctions itératives. Dans ce contexte, le drainage
pleural tunnélisé à demeure apparaît à mon sens une réponse parfaite.
C.E.M. : Pourquoi préférer dans certains cas cette technique au
talcage par thoracoscopie ?
G.M. : Si le talcage par thoracoscopie est efficace dans 70 % des cas, il est
nécessaire de trouver une solution évitant le drainage au long cours de
patients hospitalisés. Or la technique du drainage pleural tunnélisé, en
permettant des évacuations pleurales à domicile, assure le confort du
patient. De plus, la thoracoscopie nécessitant une anesthésie générale ne
correspond pas à des patients fragiles souffrant d’un cancer évolutif et
d’une pleurésie néoplasique avec prise en charge palliative. L’avantage est
donc de pouvoir, avec cette autre technique, envisager un retour à domicile avec possibilité d’évacuation pleurale par le patient lui-même ou par
une infirmière. C’est un réel bénéfice(1).
C.E.M. : Peut-on parler de « rationalisation des coûts » pour
un dispositif, de plus extrêmement simple d’utilisation ?
Correspond-t’il à la culture actuelle ?
G.M. : Absolument. Dans un contexte palliatif le retour rapide à domicile
dans un environnement adéquat a un intérêt économique(2). L’autonomie
d’évacuation est de plus un grand confort pour les déplacements du
patient qui n’a plus l’obligation d’être à proximité de l’hôpital.
Quant à la technique elle-même, elle est très simple : un drain multiperforé avec une pose facilitée par un kit pratique, une tunnélisation
simple et un système d’évacuation pratique et rapide.
Du point de vue des gestes, il s’agit de pratiquer une ponction pleurale,
puis d’insérer dans l’aiguille un fil métallique sur lequel est inséré le désil
et pelable dont la progression permet de dilater l’espace intercostal.
Le drain est ensuite mis en place via ce désilet après avoir tunnélisé sur
5 à 10 cms (ce qui limite l’infection), une partie restant libre avec à son
extrémité une valve anti-retour.
Le dispositif est protégé par un pansement que l’on change régulièrement
avec, de plus, un système de raccord très simple permettant d’évacuer 500 ml
de liquide pleural tous les 2 / 3 jours.
C.E.M. : Il semble que la France n’ait pas encore intégré dans
ses habitudes l’utilisation de cette technique de drainage
pleural. Certains pays n’en sont-ils pas, par contre, de grands
utilisateurs ?
G.M. : Citons en premier le Canada. Les premières grandes études y sont
d’ailleurs nées(3). Dans ce domaine, la France est peut-être « victime de son
succès » car nous produisons en Ariège un talc de grande qualité, ce qui
n’est pas le cas en Amérique du Nord où un talc trop fin peut engendrer
des détresses respiratoires parfois mortelles. D’où l’utilisation systématique, par exemple par les Canadiens, de techniques comme le drainage
pleural tunnélisé à demeure.
La situation est différente en France où nous disposons d’un talc bien
toléré (particules calibrées de grande taille). Les praticiens français ont
adopté une attitude thérapeutique de symphyse au talc en première intention. Mais 30 % des patients sont en échec de talcage et nécessite une
autre solution thérapeutique.
Evacuation au travers du système pleurX™ en fin de pose.
1 : valve antiretour du pleurX™ en place
2 : système de branchement au travers de la valve antiretour pour l’évacuation
C.E.M. : Pourquoi avoir choisi le système PleurX™* et, concernant l’utilisation de la technique, faut-il une formation particulière ?
G.M. : Le PleurX™* a été le premier dispositif développé, et j’ajouterais
« très intelligemment pensé », avec un kit de pose simple et original.
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Sur le plan de la formation il est certain qu’il est impossible d’improviser
son utilisation. Il faut avoir été formé au drainage thoracique comme le
sont les pneumologues, les réanimateurs et les chirurgiens. Nous apprenons au cours de nos études ce qui est indispensable concernant le
drainage avec notamment la réalisation d’une échographie systématique
lors de la pose, pour éviter toute complication locale. Il est évident qu’une
recommandation de cet ordre exige une grande habitude des pathologies
pleurales.
Concernant la technique elle-même, je pense que nous pouvons envisager,
à l’éclairage de travaux récents, une utilisation élargie. Une étude vient de
montrer que le couplage de la thoracoscopie avec le système de drainage
tunnélisé à demeure augmente sensiblement l’efficacité (90 %) avec une
qualité supérieure d’assèchement de la plèvre et une hospitalisation
réduite. Il faut aujourd’hui bien réfléchir à l’utilisation de cette technique
et penser aux possibilités d’association.
Un article concernant un modèle médico-économique sur les prises en
charge des pleurésies néoplasiques montre très clairement que dans un
modèle de survie assez courte le drainage à demeure parait en première
intention le plus efficient en termes de rapport coût / efficacité / survie(2).
Par contre en cas de survie à un an la technique la plus efficace et la
moins coûteuse semble le drainage et le talcage au travers du drain.
En conclusion, pour parler de la place respective des différentes techniques dans l’arsenal thérapeutique, je voudrais dire qu’il est important de
disposer d’un nombre important de propositions pour envisager une prise
en charge parfaitement adaptée à chacun de nos patients. En ce sens, le
drain tunnélisé à demeure peut être un vrai choix dans certains cas pour
les patients atteints de pleurésie néoplasique. Il s’agit d’un réel outil
supplémentaire et efficace qui peut parfaitement trouver sa place dans
notre pratique en France.
Propos recueillis par Capital Equipement Médical
www.capitalmedica.fr – Décembre 2012
* Instructions figurant sur la notice d’utilisation de ce dispositif sur
www.sebac.fr
« Produit fabriqué par CARE FUSION et sélectionné par SEBAC DIAGNOSTICS ».
Bibliographie
(1)
Sabur NF, Chee A, Stather DR, MacEachern P, AmjadiK, Hergott CA, Dumoulin
E, Gonzalez AV, Tremblay A. The Impact of Tunneled Pleural Catheters on the
Quality of Life of Patients with Malignant Pleural Effusions. Respiration 2012
Novembre 13 [Epubahead of print]
(2)
Puri V, Pyrdeck TL, Crabtree TD, Kreisel D, Krupnick AS, Colditz GA, Patterson
A, and Meyers BF. Treatment of Malignant Pleural Effusion: ACost-Effectiveness
Analysis. Ann ThoracSurg 2012;94:374–80.
(3)
Tremblay A., Michaud G. Single-Center Experience With 250 Tunnelled Pleural
Catheter Insertions for Malignant Pleural Effusion. CHEST 2006; 129:362–368.
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