mt cardio 2005 ; 1 : 502-8 Réadaptation cardiovasculaire de l’insuffisance cardiaque Hervé Douard Service de cardiologie, hôpital du Haut-Lévêque, avenue de Magellan, 33604 Pessac <[email protected]> Résumé. L’exercice physique était considéré classiquement comme une contre-indication en cas d’insuffisance cardiaque même stabilisée. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Réadaptation cardiovasculaire Dossier – Réadaptation cardiovasculaire Mais durant la dernière décennie, des programmes de réentraînement ont montré que l’on pouvait augmenter la qualité de vie et la capacité fonctionnelle de ces patients. Les effets de ce réentraînement sur les fonctions hémodynamiques centrales, le métabolisme musculaire squelettique, la fonction endothéliale, ont été établis à travers de multiples études randomisées parallèles ou croisées. Les différentes indications de ces techniques de réentraînement, globales ou segmentaires, sont abordées ; il apparaît que des programmes à la fois aérobiques et/ou de résistance ont des effets favorables à court terme, sans majorer la survenue d’événements secondaires graves. Une sélection rigoureuse des patients autorise des programmes d’entraînement en toute sécurité, même chez des patients resynchronisés ou porteurs d’un défibrillateur interne. La méta-analyse EXTRAMATCH a confirmé récemment que la survie des insuffisants cardiaques bénéficiant d’un réentraînement était améliorée. Mots clés : exercice physique, BNP, insuffisance cardiaque Abstract. Cardiac rehabilitation in chronic heart failure. After a review of the different central and peripherical factors limiting exercise capacity in chronic heart failure, the authors report the mechanisms of these increment with exercise training. The different indications for clinical training techniques including segmental training on a specific bench are discussed ; it appears that both aerobic and repetitive weight programs seem to have long term favorable and complementary effects on functional capacity and mortality. Key words: exercise capacity, BNP, heart failure L’ mtc Correspondance : H. Douard 502 insuffisance cardiaque a été longtemps une contreindication formelle à l’exercice physique ; les bêtabloquants aussi... et pourtant ils sont devenus presque incontournables avec une réduction reconnue de près de 30 % de la mortalité à long terme. L’intégration de patients présentant une altération majeure de la cinétique ventriculaire gauche dans les programmes de réentraînement n’est cependant pas nouvelle [1-8], mais la démonstration par des études randomisées contrôlées d’un bénéfice fonctionnel ne date que de la dernière décennie [9-12]. La réadaptation, qui reste cependant encore insuffisamment proposée aux coronariens (on estime qu’en France, moins de 20 % des infarctus récents bénéficient d’un réentraînement physique secondaire) reste encore balbutiante dans l’insuffisance cardiaque, en raison de la pénurie de mt cardio, vol. 1, n° 6, novembre-décembre 2005 structures dédiées mais aussi des réticences du corps médical face à des patients fragiles, souvent âgés et présentant des handicaps associés. L’insuffisance cardiaque congestive peut être définie comme l’association d’une dysfonction ventriculaire gauche et d’une limitation à l’effort par dyspnée ou fatigue [13]. La dysfonction ventriculaire gauche « asymptomatique » est aussi associée à une diminution de la capacité fonctionnelle maximale quand elle est évaluée objectivement par épreuve d’effort et mesure des gaz expirés (VO2 max). L’intolérance à l’effort augmente largement quand la maladie progresse mais il n’existe aucune relation avec l’hémodynamique de repos (pression capillaire, débit cardiaque) ou la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) d’une part, et la capacité fonctionnelle d’autre part [2]. Ceci suggère que des facteurs important. Aussi apparaissait-il logique de proposer des programmes de réadaptation physique adaptés à cette pathologie avec une individualisation des protocoles en fonction du degré de déchéance cardiovasculaire initial et surtout du déconditionnement périphérique musculaire présent. Méthodes d’entraînement global Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Techniques de réentraînement La réadaptation des insuffisants cardiaques s’est inspirée des techniques utilisées depuis plusieurs décennies chez les coronariens. Les séances d’entraînement classiques comprennent habituellement une phase d’échauffement (exercices respiratoires, assouplissement des ceintures, mouvements avec petits haltères... d’une quinzaine de minutes), suivie de 20 à 30 minutes sur vélo ou tapis à une fréquence cardiaque cible, puis d’une phase d’exercices d’intensité légère de 5 à 10 minutes, suivie parfois par une période de relaxation et d’exercices d’élongations d’une dizaine de minutes. Ces séances sont quotidiennes en internat ou pluri-hebdomadaire en externat, d’intensité progressive selon l’état initial et comportent généralement une fréquence cardiaque cible visant à améliorer les capacités aérobies (fréquence cardiaque au seuil ventilatoire ou fixée à 60-80 % de la capacité maximale ou de la réserve chronotrope). L’utilisation élargie des bêtabloquants sous-estime cependant, en adoptant les protocoles anciens, les niveaux de charge nécessaires à un bénéfice. Les patients admis dans les centres de réadaptation étant de plus en plus âgés, les principes de la réadaptation physique ont eu tendance ces dernières années à intégrer de plus en plus des exercices de flexibilité, coordination et renforcement musculaire. La capacité d’effort des insuffisants cardiaques est beaucoup moins élevée que celle des coronariens, leur endurance est perturbée avec une sollicitation plus précoce du mécanisme anaérobie et un profil chronotrope et tensionnel perturbé, associé à une récupération beaucoup plus longue. Par ailleurs, beaucoup de ces patients en fibrillation auriculaire ont des thérapeutiques vasodilatatrices et hypotensives. Ils sont souvent appareillés par un stimulateur cardiaque, parfois biventriculaire (resynchronisation) ou un défibrillateur. Pour les cas les plus graves enfin, les programmes conventionnels sont tout à fait inadaptés, tant leur capacité d’effort est réduite ou le risque arythmique Abréviations BNP : brain natriuretic peptide FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche IRM : imagerie par résonance magnétique VO2 : consommation en oxygène du myocarde La plupart des centres ont calqué leurs techniques de réadaptation sur celles utilisées chez les coronariens ; la bicyclette ergométrique est l’appareil le plus souvent utilisé et permet des niveaux d’entraînement très bas, reproductibles, et une meilleure surveillance de l’électrocardiogramme et de la pression artérielle. Le tapis roulant, le rameur, la natation ou la bicyclette à l’extérieur sont trop difficiles pour ces patients très limités. L’intensité est en fonction d’un test cardiopulmonaire d’évaluation initiale ; après échauffement de 5 à 10 minutes, la charge soutenue en plateau le plus souvent est généralement fixée selon un pourcentage du pic de VO2, du pic de fréquence cardiaque maximale atteinte, de la réserve chronotrope (fréquence cardiaque maximale, fréquence cardiaque de repos) ou de la performance (en Watts) atteinte. Ces intensités correspondent à environ 50 % de la réserve en consommation d’oxygène (Pic VO2 – VO2 repos). Il semble que des intensités plus basses soient suffisantes pour améliorer la capacité aérobie de ces patients [1, 3, 4, 17, 18] ; elles apparaissent d’autant plus adaptées que le seuil ventilatoire est souvent précoce, inférieur au pourcentage du pic de VO2 des patients normaux, même sédentaires. Le test d’effort de référence, si possible couplé à une mesure de la VO2 (permettant de préciser au seuil ventilatoire le niveau de consommation d’oxygène) dont est dérivé le programme de réentraînement ne doit cependant pas constituer une base de planification trop rigide ; en effet les erreurs techniques de mesure, l’effet d’apprentissage, les modifications de traitements et surtout les progrès rapides enregistrés sont fréquents. Les recommandations européennes [19] insistent sur l’intérêt des techniques d’interval-training, dérivées de l’entraînement fractionné des sportifs et parfois appliquées aux transplantés cardiaques. Le principe est d’alterner des phases courtes d’exercices intenses (de 10 à 30 secondes) avec des phases de repos de 60 secondes ; l’effort est alors plus abrupt (pour exercer un stimulus plus intense sur les muscles périphériques) déterminé à partir d’un test d’évaluation avec des incréments de charges rapides (25 watts toutes les 10 secondes). Des séries de 10-12 séquences à 50-80 % de cette charge maximale sont ainsi programmées. Une étude randomisée montre une amélioration similaire de la capacité fonctionnelle entre le réentraînement continu (+ 14 %) ou par interval training (+ 13 %, p = ns) après trois semaines d’entraînement chez des patients à fraction d’éjection très basse (27 %) [19]. mt cardio, vol. 1, n° 6, novembre-décembre 2005 503 Dossier – Réadaptation cardiovasculaire autres que la diminution du débit cardiaque et « l’engorgement » pulmonaire participent à l’intolérance fonctionnelle chez de nombreux patients. Actuellement de nombreuses altérations portant sur la masse et le métabolisme du muscle périphérique, le comportement vasculaire et la ventilation pulmonaire ont été rapportés chez ces patients [13-16]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Réadaptation cardiovasculaire Réadaptation cardiovasculaire de l’insuffisance cardiaque Que l’entraînement soit en plateau ou fractionné, la durée, l’intensité et la fréquence de l’exercice dépendent de l’état fonctionnel initial. Plus la limitation est importante, plus la répétition de séances courtes, pluriquotidiennes quand c’est possible, est préférable. On préconise d’augmenter progressivement la durée des séances, puis leur fréquence et enfin leur intensité. On distingue ainsi trois stades de progression : – initial : l’intensité est fixée à seulement 30-50 % du pic de VO2 jusqu’à atteindre des durées d’effort de 10-15 minutes en fonction des symptômes et du statut clinique, – stade d’accroissement des intensités jusqu’à 70 % (ou 100 % pour l’interval training) du pic de VO2 puis de la durée jusqu’à 30 minutes. Les améliorations du pic de VO2 surviennent entre les 8e et 12e semaines bien que souvent minimes, – stade de maintien des acquis après le 6e mois d’entraînement ; on a ainsi montré que les progrès d’un séjour de 3 semaines en structure spécialisée, sont complètement perdus en 3 semaines d’inactivité. Activités callisthéniques et gymniques Présentes dans le réentraînement classique des coronariens, elles sont fort utiles également aux insuffisants cardiaques pour augmenter la flexibilité musculosquelettique, la coordination, la force musculaire et la capacité respiratoire. Les mouvements doivent cependant être adaptés pour ces patients fragiles en évitant ceux favorisant les manœuvres de Valsalva (notamment certains exercices des muscles abdominaux). Les programmes spécifiques sont à écrire, mais l’expérience et le bon sens des kinésithérapeutes et cardiologues spécialisés sont fondamentaux. Entraînement respiratoire Les contraintes sur la musculature respiratoire à l’effort liées aux troubles de la compliance pulmonaire d’une part et l’hyperventilation relative d’autre part ont conduit à préconiser une réadaptation respiratoire sur un appareillage spécifique, mais qui semble contraignante et difficile à mettre en œuvre [20]. Les exercices respiratoires dérivés des techniques de yoga ou de Tai Chi apparaissent très utiles pour mieux mobiliser la musculature diaphragmatique, abdominale et thoracique et diminuer les risques d’atélectasie chez ces patients dont les pressions pulmonaires sont élevées [21]. Réadaptation segmentaire et en résistance Bien que quelques études réalisées chez des coronariens après infarctus aient préconisé l’utilisation de techniques de réentraînement en résistance associée aux méthodes classiques de réentraînement en endurance, l’École Bordelaise a préconisé, il y a quelques années, une méthode de réadaptation originale chez les insuffisants cardiaques : compte tenu des perturbations musculaires 504 périphériques majeures observées et responsables du déficit fonctionnel de ces patients, cette méthode consiste en un entraînement segmentaire de type isotonique. Ce réentraînement par séries de contractions-relaxations appliquées successivement sur différents groupes musculaires a pour principal avantage de solliciter très modérément la réserve chronotrope et tensionnelle, limitant également le risque arythmogène chez ces patients fragiles. Le réentraînement segmentaire permet également d’augmenter plus nettement le flux sanguin d’un groupe entraîné isolément, que lors d’une réadaptation sollicitant une masse musculaire supérieure, tout en préservant le flux sanguin des organes nobles, facilitant donc la bonne tolérance et à moyen terme, la compliance au réentraînement [22, 23]. Cette méthode s’adresse aux patients les plus sévèrement atteints, généralement aux stades III, et parfois IV, de la NYHA, dans notre expérience souvent en attente de transplantation cardiaque pour les plus jeunes, et après des épisodes d’alitement pour décompensation cardiaque ayant favorisé un déconditionnement musculaire important. Le réentraînement segmentaire s’apparente aux méthodes de body-building qui sollicitent différents groupes musculaires, les uns après les autres : notre équipe a mis au point un banc de musculation, adapté aux insuffisants cardiaques et utilisé actuellement par de nombreux centres de réadaptation, permettant de faire travailler par séries de contractions isotoniques répétées (série de 3 x 10 contractions-relaxations) à des intensités de 30, 40 puis 50 % de la force maximale volontaire au fil des entraînements (figure 1). Les principaux groupes musculaires sollicités dans la vie courante sont réentraînés successivement : membres supérieurs (abaisseurs des membres supérieurs, fléchisseurs des coudes, muscles des mains), membres inférieurs (fessiers, extenseurs des genoux, fléchisseurs dorsaux des pieds, fléchisseurs plantaires) ; bien que la force et l’endurance musculaires (addition des forces segmentaires) soient considérablement améliorées, parallèlement à l’amélioration de la qualité de vie et une diminution des réhospitalisations, il semble que les pics de VO2 mesurés chez ces patients entraînés exclusivement en résistance n’augmentent que modérément. Une méthodologie similaire a été reprise par d’autres centres de réadaptation [22-24]. Magnusson et al. [23] ont ainsi montré que l’on pouvait obtenir une perfusion musculaire aussi élevée chez les insuffisants cardiaques que chez les sujets normaux quand la masse musculaire active est faible. Ce réentraînement segmentaire peut être également obtenu par les techniques d’électrostimulation musculaire, appliquées notamment aux quadriceps (mais formellement contre-indiqué en cas de pacemaker) [25]. Plutôt que d’opposer ces différentes méthodes d’entraînement, l’avenir passe sûrement par une combinaison des exercices de renforcement musculaire et un développement spécifique des qualités d’endurance au seuil ventilatoire. D’excellents résultats ont été récemment publiés mt cardio, vol. 1, n° 6, novembre-décembre 2005 Dossier – Réadaptation cardiovasculaire Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Figure 1. Banc de musculation pour réentraînement segmentaire. par ces associations [24, 26]. Le plus difficile est, après une prise en charge en structure spécialisée, de maintenir les acquis par un entraînement à domicile (éloignement, démotivation, manque d’équipement spécifique, aggravation spontanée de la maladie...). Indications et contre-indications de la réadaptation des insuffisants cardiaques Les études randomisées publiées ces dernières années ont inclus des patients présentant une cardiopathie primitive ou ischémique ; même si la FEVG était parfois très basse pour certains patients, le statut clinique était toujours stable sous traitement depuis plusieurs semaines [19, 27]. Plusieurs études ont par ailleurs montré que la réadaptation pouvait être débutée après un infarctus du myocarde étendu sans aggravation d’un remodelage délétère (quantification par échocardiographie dans les études EAMI et ELVD [28] et surtout par imagerie par résonance magnétique [28, 30]). Cependant, la réadaptation n’était débutée qu’au moins un mois après l’épisode aigu ; or de nombreux patients intègrent les centres de réadaptation beaucoup plus tôt. Il n’est donc pas actuellement montré qu’une réadaptation trop précoce après infarctus du myo- carde étendu ne favorise pas un remodelage délétère malgré les nouvelles thérapeutiques protectrices (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, inhibiteurs de l’angiotensine 2, bêtabloquants) dont nous disposons. Il faut sûrement se méfier des insuffisances mitrales ischémiques, ou parfois seulement fonctionnelles, souvent sousestimées, qui peuvent s’aggraver à l’effort ; à l’inverse, il n’est pas prouvé qu’il est utile de réentraîner les sujets encore asymptomatiques malgré une FEVG parfois très altérée. Enfin cette pathologie concerne des sujets souvent âgés, aux pathologies associées qui limitent le réentraînement classique ; les techniques segmentaires trouvent ici toute leur utilité ; quand à l’insuffisance cardiaque diastolique, elle est là encore, malgre sa fréquence, la grande exclue de ces programmes de réentraînement, au moins en termes d’évaluation et d’indication (tableau 1). Surveillance Comme pour la réadaptation classique des coronariens, seuls les centres spécialisés en cardiologie sont habilités à entreprendre une réadaptation des patients insuffisants cardiaques stabilisés. Des recommandations précises concernant les indications et les contreindications et l’environnement de la réadaptation ont été édités récemment [5, 19, 27]. mt cardio, vol. 1, n° 6, novembre-décembre 2005 505 Mécanismes d’action Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Réadaptation cardiovasculaire Réadaptation cardiovasculaire de l’insuffisance cardiaque Outre les paramètres de suivi clinique (diminution de la mortalité, des réhospitalisations, des taux de BNP, amélioration des indices de qualité de vie...), un impact économique très favorable, une évaluation très complète de l’impact du réentraînement sur le système cardiovasculaire, ses mécanismes de régulation et sur la musculature squelettique ont été publiés par plusieurs équipes [15, 24, 31-34]. L’entraînement physique diminue modérément la fréquence cardiaque de repos, le débit cardiaque étant inchangé ou peu augmenté [29]. La FEVG n’est pas significativement modifiée dans la plupart des études, et en tout cas jamais diminuée. Au cours de l’effort, on observe une augmentation du flux sanguin artériel vers les membres en activité, une diminution des résistances périphériques globales. À niveau d’effort égal, la fréquence cardiaque est plus basse après réentraînement, de même que le double produit fréquence cardiaque-pression artérielle permettant une diminution de la consommation en oxygène du myocarde (MVO2). Le débit cardiaque maximal semble inchangé, ou très légèrement amélioré. Comme chez les coronariens, l’entraînement physique diminue le tonus sympathique et augmente la composante vagale au repos ; la variabilité de fréquence cardiaque est augmentée après réadaptation, avec en analyse spectrale, une augmentation du contrôle vagal et une diminution de l’activité sympathique. Sur le réseau coronaire, l’exercice régulier modifie le phénotype de l’endothélium coronaire et des cellules musculaires lisses vasculaires, influençant favorablement leur plasticité à l’effort [35, 36]. Les anomalies de ventilation soulignées dans l’insuffisance cardiaque peuvent également être améliorées par l’entraînement physique : outre la diminution de l’hyperventilation à un niveau d’effort sous-maximal, le seuil ventilatoire est retardé et le volume courant augmenté. L’entraînement modifie la pente de la relation ventilation globale-production de CO2, caractéristique des anomalies ventilatoires (dont l’équivalent ventilatoire pour le CO2 au cours de l’effort, qui est, avec le pic de VO2, le facteur pronostique essentiel) observées dans l’insuffisance cardiaque. Plusieurs travaux ont insisté sur la correction des arcs réflexes naissant dans les ergo-récepteurs, les métabolo-récepteurs ou les barorécepteurs vers le système nerveux central et responsables des profils ventilatoires particuliers (courbes débit-volume à l’effort évoquant celles des insuffisants respiratoires restrictifs) des insuffisants cardiaques. L’entraînement physique corrige au moins partiellement les anomalies de dilatation du système artériel endothélium-dépendant situé dans les muscles actifs. Bien que la masse musculaire périphérique soit diminuée chez les insuffisants cardiaques, la réadaptation semble peu augmenter quantitativement celle-ci dans ses modalités actuelles. L’amélioration semble plus qualitative que quantitative. En réadaptant uniquement un membre supérieur chez des patients insuffisants cardiaques, on a pu montrer une amélioration de l’endurance musculaire à l’effort sous-maximal par spectro-IRM : réduction de la déplétion rapide en phosphocréatinine associée à une augmentation de l’adénose diphosphate à l’effort. En récupération, la vitesse de resynthèse de la phosphocréatinine est également améliorée. Ces techniques permettent de montrer indirectement l’amélioration induite par le réentraînement des capacités oxydatives du muscle squelettique dans l’insuffisance cardiaque. L’étude conjointe des débits locaux et des taux de lactates sanguins a monté qu’après entraînement, malgré un flux sanguin inchangé à l’effort sous-maximal, la production lactique traduisant le passage en métabolisme anaérobie selon l’interprétation classique « Wassermanienne » est considérablement retardée, signant une amélioration plus liée aux capacités oxydatives du muscle squelettique qu’à une augmentation de la perfusion sanguine périphérique. Des études par biopsie musculaire révèlent une augmentation de l’activité des enzymes oxydatifs musculaires, présente dans les mitochondries dont la surface et la densité étaient par ailleurs augmentées, parallèlement aux Tableau 1. Contre-indications au réentraînement des insuffisants cardiaques stabilisés Absolues Aggravation récente (3-5 jours) de la dyspnée de repos ou d’effort Relatives Augmentation du poids (> 1,8 kg) dans les 3 derniers jours Ischémie significative à bas niveau d’effort (< 2 METS, 50 watts) Traitement continu ou intermittent par dobutamine Diabète non contrôlé Chute tensionnelle à l’effort Maladie systémique aiguë ou fièvre Stade IV de la NYHA. Thrombose veineuse des membres inférieurs Arythmie ventriculaire complexe de repos ou d’effort Péricardite ou myocardite Fréquence cardiaque de repos > 100 bpm Rétrécissement aortique modéré ou sévère Comorbidités associées Régurgitation valvulaire nécessitant la chirurgie Infarctus du myocarde de moins de 3 semaines Fibrillation auriculaire récente 506 mt cardio, vol. 1, n° 6, novembre-décembre 2005 7. Wielenga RP, Huisveld IA, Bol E, et al. Safety and effects of physical training in chronic heart failure. Eur Heart J 1999 ; 20 : 872-9. 8. Wilson JR, Groves J, Rayos G. Circulatory status and response to cardiac rehabilitation in patients with heart failure. Circulation 1996 ; 94 : 1567-72. Conclusion Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 6. Sullivan MJ, Higginbotham MB, Cobb FR. Exercise training in patients with severe left ventricular dysfunction. Hemodynamic and metabolic effects. Circulation 1988 ; 78 : 506-15. Le réentraînement permet une amélioration de la qualité de vie, appréciée par les questionnaires spécifiques [37], une augmentation de la performance et généralement du pic de VO2 ; plus récemment, il a été avancé que l’on diminuait les poussées d’insuffisance cardiaque et les réhospitalisations, en influençant favorablement la progression de la maladie ; en termes de survie, si l’étude de Belardinelli et al. [38] montre un effet favorable, l’étude canadienne multicentrique d’Exert [11] n’a pas montré à un an de bénéfice sur la survie ; cependant le nombre important de patients échappant au programme de réentraînement après quelques mois explique probablement cette relative déception. Plus récemment, la méta-analyse EXTRAMATCH a montré une amélioration très significative de la survie des insuffisants cardiaques réentraînés [39]. La réadaptation des insuffisants cardiaques reste encore peu développé en pratique courante malgré ses effets favorables reconnus, y compris après mise en route d’un traitement bêtabloquant [40] ou chez des sujets âgés [41]. Le délai de mise en œuvre, par rapport aux décompensations ou après un infarctus du myocarde très étendu, reste à préciser, de même que la fréquence et l’intensité des entraînements. Une meilleure sélection des répondeurs, bien que la motivation individuelle et la compliance aux séances de réentraînement restent probablement le facteur le plus déterminant, devrait permettre d’améliorer encore ses résultats fonctionnels, d’autant que les structures d’accueil de cette pathologie restent limitées. 9. EXTRAMATCH collaborative. Exercise training metaanalysis of trials in patients with chronic heart failure. BMJ 2004 ; 328 : 189-96. 10. Jonsdottir S, Andersen KK, Sigurethsson AF, Sigurethsson SB. The effect of physical training in chronic heart failure. Eur J Heart Fail 2005. 11. McKelvie RS, Teo KK, Roberts R, et al. Effects of exercise training in patients with heart failure : the Exercise Rehabilitation Trial (EXERT). Am Heart J 2002 ; 144 : 23-30. 12. Thompson PD, Franklin BA. From case report to metaanalysis : additional evidence for the benefits of exercise training in cardiac patients. Am J Med 2004 ; 116 : 714-6. 13. 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