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L'économie de l'Inde est la septième des plus grandes et considerables
economies mondiales par son PIB nominal et la troisième par Parité de
Pouvoir (PPP). Le pays est classé comme un pays nouvellement
industrialisé, une des grandes économies mondiale, un membre de la
BRICS et une économie en développement avec un taux de croissance
moyen d'environ 7% au cours des deux dernières décennies.
Maharashtra est l'Etat indien le plus riche et a un PIB annuel de 220
milliards $, à peu près égale à celui du Pakistan ou du Portugal, et
représente 12% du PIB indien, suivi par les États du Tamil Nadu (140
milliards $ US) et de l'Uttar Pradesh ( US $ 130 milliards).
L'économie de l'Inde est devenue la plus forte croissance économique
importante du monde à partir du dernier trimestre de 2014, en
remplacement de la République Populaire de Chine.
La croissance à long terme prospective de l'économie indienne est
positive en raison de sa population jeune à faible taux de dépendance,
des économies saines avec des taux d'investissement correspondant, et
d’une intégration croissante dans l'économie mondiale.
L'économie indienne a le potentiel de devenir la 3ème plus grande
économie mondiale de la prochaine décennie, et l'une des plus grandes
économies au milieu du siècle. Les perspectives de croissance à court
terme sont aussi bonnes, selon le FMI, l'économie indienne est la «tache
lumineuse» dans le paysage mondial. L'Inde a également dépassé les
perspectives de croissance de la Banque mondiale pour 2015-16 pour la
toute première fois avec une croissance économique de 7,6% en 2015-16
et devrait croître de 7,7 à 8,0% en 2016 -17.
L'Inde a l'un des secteurs de services à plus forte croissance dans le
monde avec un taux de croissance annuel de plus de 9% depuis 2001, ce
qui a contribué à 57% du PIB en 2012-13. L'Inde a capitalisé son économie
basée sur sa grande population instruite, bien formee et parlant l’anglais
pour ainsi devenir un important exportateur de services informatiques,
des services de sous-traitance et des services des logiciels informatiques,
des exportations de services qui ont valut 167,0 milliards $ en 2013-14.
C’est est aussi la partie la plus forte croissante de l'économie indienne.
L'industrie de l’Informatique continue d'être le plus grand employeur du
secteur privé en Inde. L'Inde est aussi le quatrième plus grand hub startup (hub demarrage) dans le monde avec plus de 3.100 technologies startups en 2014-15.
Le secteur agricole est le plus grand employeur dans l'économie de l'Inde,
mais contribue à une part décroissante de son PIB (17% en 2013-14).
L'Inde occupe le deuxième rang mondial dans la production agricole.
Le secteur de l'industrie a occupé une part constante de sa contribution
économique (26% du PIB en 2013-14). L'industrie mobile indienne de
l'automobile est l'un des plus importants dans le monde avec une
production annuelle de 21,48 millions de véhicules (principalement deux
et trois roues motorisés) pour l'exercice 2013-14.
L'Inde a une valeur de 600 milliards $ du marché de détail en 2015 et l'un
des marches en ligne (E-Commerce) les plus rapides du monde.
Deux grandes bourses de l'Inde, Bombay Stock Exchange et la Bourse
nationale de l'Inde, avaient une capitalisation boursière de $
1710000000000 et US $ 1680000000000 respectivement de février 2015,
qui se classe 11e et 12e plus grand dans le monde respectivement selon
la Fédération mondiale des Echanges.
L'Inde abrite également la troisième plus grande piscine des milliardaires
du monde avec 111 milliardaires en 2016 et le quatrième plus grand
nombre de ménages ultra-high-net-worth qui ont plus de 100 millions de
dollars.
L'Inde est un membre du Commonwealth, de l'Association Sud-Asiatique
pour la Coopération Régionale, du G20, du Fonds Monétaire
International, de la Banque Mondiale, de l'Organisation Mondiale du
Commerce, de la Banque d'Investissement de l'infrastructure Asiatique,
de l'Organisation des Nations Unies et de la Nouvelle Banque de
Développement de BRICS (BRICS est l'acronyme pour l’association de cinq
grandes économies nationales émergentes: Bresil, Russie, Inde, Chine et
Afrique su Sud)
Contents

1. Apercu

2. Histoire

o
2.1. Periode up to 1793
o
2.2. Era Britanique (1793–1947)
o
2.3. Periode Pre-liberalisation (1947–1992)
o
2.4. Periode Post-liberalisation (since 1991)
3. Secteurs
o
3.1. Agriculture
o
3.2. Industryie
o


3.2.1. Petroleum products and chemicals

3.2.2. Pharmaceuticals

3.2.3. Engineering

3.2.4. Gems and jewellery

3.2.5. Textile

3.2.6. Mining
3.3. Services

3.3.1 Energy and Power

3.3.2. Infrastructure

3.3.3. Retail

3.3.4. Tourism

3.3.5. Banking and finance

3.3.6. Aviation
4. External trade and investment
o
4.1. Global trade relations
o
4.2. Balance of payments
o
4.3. Foreign direct investment

5. Currency

6. Income and consumption

7. Employment

8. Economic trends and issues
o
8.1. Agriculture
o
8.2. Corruption
o
8.3. Education
o
8.4. Economic disparities

9. Insurance

10. Security markets

11. See also

12. Notes

13. References

14. Further reading

15. External links
APERÇU
La combinaison du protectionnisme, de la substitution aux importations,
du socialisme Fabian et des politiques sociales démocratiques inspirées
ont gouverné l'Inde pendant un certain temps après la fin de l'occupation
Britannique.
L'économie a ensuite été caractérisée par une vaste réglementation: le
protectionnisme, la propriété publique des grands monopoles, la
corruption généralisée et la croissance lente. Depuis 1991, la poursuite
de la libéralisation économique a déplacé le pays vers une économie de
marché.
En 2008, l'Inde s’etait imposé comme l'une des économies à croissance
plus rapide du monde. La croissance a ralenti de manière significative à
6,8% en 2008-09, mais ensuite a ete récupérée à 7,4% en 2009-10, tandis
que le déficit budgétaire est passé de 5,9% à un niveau élevé de 6,5% au
cours de la même période. Le déficit du compte courant de l'Inde a bondi
à 4.1 % du PIB au T2 FY11 contre 3,2% au trimestre précédent. Le taux de
chômage pour 2012-13, selon le Bureau du Travail du gouvernement de
l'Inde, était de 4,7% au niveau national, par la méthode UPS; et 3% par la
méthode NSSO, le prix à la consommation de l'Inde se situait entre 8,9 à
12% au cours de la période 2009-2013.
HISTOIRE
Les citoyens de la vallée d'Indus, avec un règlement permanent qui a
prospéré entre 2800 avant JC et 1800 avant JC, pratiquaient l'agriculture,
domestiquaient les animaux, utilisaient les poids et mesures uniformes,
fabriquaient des outils et des armes et négociaient les marches avec
d'autres villes. La Preuve de routes bien planifiées, un système de
drainage et d'approvisionnement en eau révèlent leur connaissance de la
planification urbaine, qui comprenait les premiers systèmes
d'assainissement urbains dans le monde et l'existence d'une forme de
gouvernement municipal.
Le commerce des épices entre l'Inde et l'Europe a été le principal
catalyseur pour l'âge de la découverte.
Le commerce maritime a été menée intensivement entre le Sud et le sudEst de l’Inde et l'Asie occidentale depuis les premiers temps jusque vers
le XIVe siècle. Les deux côtes Malabar et Coromandel étaient les sites des
centres commerciaux importants dès le premier siècle avant JC, utilisés
pour l'importation et l'exportation ainsi que de points de transit entre la
région méditerranéenne et le Sud-Est de l’Asie. Au fil du temps, les
commerçants eux-mêmes organisés en associations ont reçu de l'état le
patronage. Raychaudhuri et Habib réclamerent ce patronage de l'Etat
pour le commerce extérieur qui pris fin au treizième siècle, quand il fut
largement repris par les Parsis, les communautés juives et musulmanes
locales, d'abord sur le Malabar et ensuite sur la côte de Coromandel.
D'autres chercheurs suggèrerent le commerce de l'Inde à l'Asie
occidentale et l'Europe de l'Est qui fut actif entre 14 et 18ème siècle. Au
cours de cette période, les commerçants indiens se sont installés dans
Surakhani, une banlieue de plus Bakou, en Azerbaïdjan. Ces commerçants
avaient construit un temple hindou, aujourd'hui conservé par le
gouvernement de l'Azerbaïdjan.
Le jésuite français Villotte qui a vécu en Azerbaïdjan vers fin,1600. a écrit
que ce temple indien était vénéré par les hindous, le temple a de
nombreuses sculptures en sanskrit, date entre 1500 et 1745 AD. Le
temple Atashgah construit par les commerçants résidents de Bakou en
Inde suggère le commerce était actif et prospère pour les Indiens par le
17ème siècle.
Plus au nord, les côtes Saurashtra et du Bengale ont joué un rôle
important dans le commerce maritime, et les plaines du Gange et de la
vallée de l'Indus logeaient plusieurs centres de commerce d’origine
fluvial. La plupart des échanges par voie terrestre a été réalisée via la
passe de Khyber reliant la région du Punjab avec l'Afghanistan et au-delà
du Moyen-Orient et en Asie centrale.
Bien que de nombreux royaumes et souverains émis des pièces de
monnaie, le troc était répandue. Villages payaient une partie de leurs
produits agricoles à titre de revenus aux dirigeants, tandis que leurs
artisans reçevaient une partie des cultures au moment de la récolte pour
les services rendus.
LES PARADOXES
DE LA MODERNITÉ INDIENNE
Derrière les images consensuelles de l’Inde « plus grande démocratie du monde », du
« miracle économique » indien et de la « superpuissance émergée », apparaît une société
structurellement inégalitaire et conflictuelle, dont les performances actuelles, géopolitiques et
économiques (en interne et sur le marché mondial), s’accompagnent d’« externalités »
sociales et environnementales hautement problématiques.
L’Inde, si elle intrigue et fascine, interpelle surtout par les ambiguïtés qui la traversent. Cataloguée il y a
deux décennies à peine comme l’un des pays les plus pauvres du monde, longtemps marginalisée sur la
scène internationale, elle s’affirme désormais comme une puissance « brillante » et incontournable, au
point que la banque d’affaire américaine Goldman Sachs prévoit qu’elle occupe le troisième rang
économique mondial à l’horizon 2025.
Cette ascension, malgré les apparences, n’a rien de fortuit. Elle trouve ses fondements dans la période
post-indépendance. Le modèle de développement instauré par Nehru a permis la constitution « en interne »
d’un substrat économique et scientifique sur lequel le pays se repose encore. Ce système d’économie
mixte qui attribue un rôle central à l’État a toutefois montré ses limites et a finalement été démantelé. Une
politique de modernisation économique est alors entreprise dans les années 1980 et prend une tournure
plus radicale au tournant des années 1990, sous la houlette du parti du Congrès. Elle conduit à une
accélération significative de la croissance : d’un Hindu growth rate d’environ 3% dans les années 1980,
l’Inde s’installe dans un régime de croissance parmi les plus forts au monde depuis les années 2000 - le
deuxième en ordre d’importance parmi les membres du G20 [1].
Ce dynamisme tient au développement du secteur des services (en particulier informatiques) et à l’envol
plus récent du secteur industriel (acier, automobile, pharmaceutique, produits pétroliers) qui bénéficie de
la croissance du marché domestique, mais qui s’oriente aussi vers l’exportation.
Le regard que l’Inde a d’elle-même et la perception de l’Occident sur celle-ci ont évolué ces deux dernières
décennies. Manmohan Singh ne s’était pas trompé, lorsqu’à l’aube des réformes dont il est à l’initiative, il
annonce : « le monde doit comprendre que l’Inde a changé ». Depuis, l’ « éléphant indien » ne rougit plus
lorsqu’on le compare à son voisin chinois. Si l’économie de ce dernier conserve une avance certaine (le
PIB chinois est quatre fois supérieur à celui de son rival), l’Inde est désormais considérée comme un
contrepoids sérieux, comme « l’autre géant asiatique ».
La dimension économique a certes joué un rôle considérable dans la reconfiguration de l’Inde, mais
d’autres paramètres ont permis d’asseoir sa position de puissance émergente. Celle-ci se révèle
notamment sous l’angle démographique. La population indienne, qui atteint aujourd’hui 1,2 milliard
d’habitants, dépassera celle de la Chine dans une perspective de 20 ans, de sorte qu’elle pourra tirer profit
de l’écart favorable qu’elle connaîtra entre ses actifs et inactifs. A cela, s’ajoute une diaspora de 2,5 millions
de personnes, implantée majoritairement aux États-Unis dont l’influence géopolitique et économique
apporte à l’Inde d’importants « retours sur investissement ».
Puissance nucléaire ensuite. Les autorités ont affiché leurs ambitions en procédant à plusieurs essais en
1998 et en opérant des choix stratégiques et militaires qui leur ont permis de se faire entendre dans le
concert des grandes nations. Enfin, New Delhi a cherché à parfaire son image en rappelant, autant que
faire se peut, son statut de puissance démocratique. L’impact diplomatique et les répercussions
géopolitiques de cette situation singulière ont favorisé sa montée en puissance.
Pour autant, le consensus quasi unanime sur la « renaissance » (Racine, 2011) du pays ne doit pas
occulter les contradictions et les paradoxes qui accompagnent son développement actuel. « L’exclusion
massive est le talon d’Achille » (Bulard, 2007) de cette croissance à marche forcée. L’Inde a beau figurer
aux premiers rangs des économies mondiales, 75% de sa population vit avec moins de deux dollars par
jour. Si les Indian Institutes of Technology ont produit des générations d’entrepreneurs convoités à travers
le monde, les taux d’analphabétisme et de scolarisation maintiennent l’Inde dans le bas des classements
en termes de développement humain. Les succès de Bangalore et la prospérité de ses élites urbaines
contrastent avec la crise de l’agriculture et le sort des masses paysannes laissées ostensiblement à la
traîne.
Le pays a le vent en poupe et se distingue par ses performances économiques, mais la nouvelle voie tracée
par les autorités s’accompagne, comme chez d’autres « émergents », d’un creusement des inégalités :
entre riches et pauvres, entre États, entre villes et campagne. « L’Inde a quelque chose d’un hémiplégique,
la société n’ayant jamais connu un tel clivage interne » (Jaffrelot, 2010). Cette forte croissance des
inégalités sociales et géographiques est accentuée plus encore par une fragmentation historique de la
société par castes et communautés religieuses.
Démêler la complexité de la réalité indienne n’est pas une mince affaire. Sans prétendre dresser un
panorama exhaustif de l’Inde contemporaine, nous tenterons d’en dessiner les principaux contours en
interrogeant trois représentations communément admises, qui ont trait à des domaines cruciaux du
développement indien.
Tout d’abord, l’Inde aime à se présenter - et encore plus à être reconnue - comme « la plus grande
démocratie du monde ». Lors des dernières élections de 2009, 714 millions de citoyens se sont rendus aux
urnes pour renouveler la Lok Sabha (le Parlement). La tenue d’un scrutin libre témoigne sans conteste de
la bonne santé démocratique d’un pays, mais cet élément ne valide pas à lui seul la prétention affichée par
l’Inde. Dans cette première partie, nous tenterons de réaliser un bilan des avancées et des limites
enregistrées sur ce terrain.
Le deuxième cliché ayant cours est celui du « miracle indien » qui s’est bâti sur une croissance économique
phénoménale – plus de 8% par an depuis 2003 (sauf en 2008). La « traversée météorique » (Cerium, 2010)
de la crise et les perspectives d’évolutions favorables ne semblent pas démentir cette vision. Toutefois,
plusieurs menaces hypothèquent la poursuite de cet envol et pourraient être à l’origine d’un renversement
de vapeur si l’État n’y prête attention. En premier lieu desquelles, figure la dynamique de concentration de
la richesse et la persistance d’une pauvreté massive. Les « dommages collatéraux », sociaux et
environnementaux, d’une croissance soutenue apparaissent désormais – et c’est un fait plus récent –
comme des « goulots d’étranglement » (Jaffrelot, 2008) de l’économie indienne.
Le développement asymétrique de l’Inde a généré un climat social explosif qui met en péril la stabilité
politique, tout autant que les ambitions démocratiques du pays.
Enfin, la troisième conception qu’il conviendra d’interroger est celle qui hisse le pays au rang de
« superpuissance » asiatique et mondiale. L’Inde a redéfini sa politique étrangère, en particulier depuis les
réformes des années 1990. Sans désavouer totalement ses idéaux passés, elle fait preuve de davantage
de réalisme (realpolitik). New Delhi oscille ainsi entre affirmation nationale et pragmatisme diplomatique,
indépendance d’action et efforts d’intégration. La politique extérieure est devenue un instrument que New
Delhi manie avec art et – et parfois cynisme – pour atteindre ses rêves de puissance. Trois axes majeurs
témoignent d’un changement de cap : le rapprochement avec les États-Unis, la prise en compte du
voisinage asiatique et la coopération Sud-Sud avec les pays émergents et en développement.
L’INDE : LA PLUS GRANDE DÉMOCRATIE DU MONDE ?
La Constitution et le pari démocratique
Dès son indépendance en 1947, l’Inde use de ce superlatif, en raison du nombre record de ses citoyens et
du principe démocratique qui prévaut dans sa Constitution. Le pari était osé pour Nehru, figure
emblématique du mouvement pour l’indépendance. Il hérite en effet d’un pays traumatisé par la
« partition » [2]. Les violences intercommunautaires ont fait des centaines de milliers de morts et des
millions de déplacés. Le choix de la démocratie pour administrer un pays neuf, multiethnique, tiraillé par
les problèmes internes – notamment l’intégration des anciens États princiers – n’avait rien d’une évidence.
Dès les débuts de l’Union indienne, les « pères fondateurs » ont opté pour la création d’un État fort,
centralisé mais ancré dans une tradition démocratique. Au lieu d’écraser la diversité au nom de l’unité ou
de l’intégration nationale, ils ont érigé le principe du pluralisme comme valeur constitutive de la nation. Pour
l’encadrer, ils ont adopté le fédéralisme comme système de gouvernance. Cette « Union des États »,
composante essentielle de la Constitution, a permis de désamorcer les revendications identitaires
(linguistiques, culturelles, religieuses) et les prétentions séparatistes, créant ainsi un modus
vivendi satisfaisant.
Autre pilier de ce texte fondateur : le droit de vote universel pour les adultes. Entre les premières élections
libres de 1951 et celles de 2009 qui élisent les membres du 15e parlement, la démocratie parlementaire
n’a jamais été mise en cause. Une entorse toutefois à cette règle : les deux années de l’« état d’urgence »
(1975-1977), au cours desquelles Indira Gandhi suspend les règles de fonctionnement démocratique. Les
taux de participation s’élèvent progressivement au fil des scrutins, notamment dans la tranche de la
population pauvre, illettrée et traditionnellement non politisée. Ce ralliement des masses exclues à la chose
publique a pour effet de pousser progressivement « leurs » candidats au sein de l’assemblée. A mesure
que le Parlement indien se popularise – se démocratise –, l’élite urbaine, instruite, anglophone et issue des
hautes castes s’en désintéresse, au profit de la sphère économique et privée.
Une démocratie « congressiste » et conservatrice
La trajectoire de la démocratie indienne est liée, au point de se confondre à ses débuts, au « système
congressiste ». Ce régime politique tire son nom du Congrès national indien. A l’origine, parti de masse à
la tête de la contestation anticoloniale, il devient un parti de gouvernement – l’ « État-Congrès » –, qui
domine sans partage ni discontinuité la scène politique indienne de 1947 à 1977. Le succès de longévité
et la stabilité de ce « règne » tiennent au fait que cette formation politique repose sur un puissant réseau
de notables conservateurs, issus principalement de trois milieux : l’intelligentsia - à l’image de Nehru, lettré,
issu de la caste des brahmanes -, les propriétaires fonciers qui dominent une myriade de petits paysans
aux votes acquis et enfin, les milieux d’affaires, précieuses mannes financières au moment des
campagnes.
Paradoxalement, ce sont ces élites, issues pourtant du haut de la hiérarchie de caste et de classe, qui ont
implanté et veillé à la reproduction d’un système politique démocratique, mais en veillant toutefois à la
défense de leurs intérêts. Cette complicité entendue entre puissants et la pratique répandue du clientélisme
ont conféré une dimension formelle et conservatrice à la démocratie, qui s’éloigne des idéaux progressistes
de la Constitution. La persistance de rapports de dépendance et de domination a constitué un frein sérieux
aux projets de réformes ambitionnés par Nehru, en particulier son volet agraire. Une distorsion trop grande
existait entre les discours socialistes des ténors du parti et les pratiques conservatrices des chefs de faction
ancrés au niveau régional.
Avancées et limites de l’alternance
A partir de la fin des années 1970, la suprématie du Congrès s’effrite. Le parti ne parvient plus à « coaliser
les extrêmes » (Jaffrelot, 2006) et à attirer les voix de groupes par trop hétérogènes. Il enregistre une
première défaite aux élections législatives qui fait entrer le pays « dans le cercle restreint des démocraties
à alternance » (Idem). Cet élément qui témoigne a priori du bon état de santé de la démocratie indienne,
doit toutefois être tempéré. La coalition formée entre les forces d’opposition a le mérite d’avoir fait vaciller
le premier parti, en respectant les règles du jeu électoral. Néanmoins, les divergences irréconciliables de
ses membres mettent en échec la tentative d’alternance. Jusqu’au tournant des années 2000, plusieurs
gouvernements de coalition se succèdent, mais sans jamais parvenir à atteindre le terme d’une législature
et sans proposer une alternative sérieuse et cohérente ; ce qui plonge l’Union dans une période d’instabilité
politique.
Le Congrès tente de se trouver un second souffle dans les années 1980 et développe des tactiques
électorales qui vont se révéler contre-productives. Il attise les mécontentements et réveille les tensions
séparatistes, notamment des Sikhs au Punjab en renforçant l’interventionnisme de l’État central et en
réprimant les mouvements autonomistes. Il exacerbe aussi les tensions intercommunautaires entre
hindous et musulmans, en remettant en cause le principe du sécularisme inscrit dans la Constitution et
défendu par le parti depuis l’indépendance. A l’exigence d’impartialité - cette attitude de reconnaissance et
de bienveillance de l’État - envers toutes les religions, le Congrès prend de plus en plus fait et cause pour
la culture du plus grand nombre, notamment dans l’affaire controversée d’Ayodhya, cette ville sainte
écartelée entre hindous et musulmans.
Cette « communalisation du jeu politique » (Jaffrelot, 2006) dessert le Congrès et ouvre la voie aux
nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP) qui occupent le pouvoir de 1998 à 2004. Deuxième
formation politique et principale force d’opposition, le Parti du peuple indien perce à la fin des années 1980
en « sautant dans le ‘train’ d’Ayodhya » (Gauffin, 2006).
Le BJP doit son succès à deux principaux facteurs. D’une part, un discours populiste et xénophobe qui
surfe sur la vague de ferveur religieuse du groupe majoritaire. Les hindouistes estiment en effet incarner la
nation – environ 80% de la population est hindoue – et prônent une uniformisation culturelle du pays en
reléguant les autres « minorités » (les musulmans sont 160 millions et la troisième communauté en
importance à travers le monde après le Pakistan et l’Indonésie…) à un statut de second ordre. D’autre part,
le parti du peuple profite de l’indignation populaire contre la corruption au sommet de l’État et joue la carte
de l’intégrité, qui tranche avec les luttes de factions et les pratiques corrompues du Congrès. Le BJP récolte
ainsi les votes des castes supérieures de la classe moyenne urbaine, qui voient en lui un acteur politique
capable de promouvoir une Inde forte, soucieuse de ses intérêts.
Recomposition de la scène politique : exacerbation des identités ethniques et régionales
A la fin des années 1990, l’instabilité parlementaire handicape la vie politique et économique. Des
formations hétéroclites alternent au pouvoir, mais échouent successivement. Le pays est amené à voter à
cinq reprises au cours de la décennie. Les partis nationaux sont sur le déclin et voient leur pouvoir
d’attraction chuter. En réaction, le système de partis et l’électorat se fragmentent sur base des identités
régionales et ethniques qui sont étroitement liées - les États étant souvent associés à une ou plusieurs
castes dominantes. Toutefois, la multiplication des partis régionaux et la montée en puissance politique
des basses castes permettent paradoxalement de stabiliser le régime politique en place.
S’ouvre alors l’« ère des coalitions ». Les deux grands partis se résignent à ce mode de fonctionnement et
nouent des alliances pré-électorales. Le Congrès forme l’United Progressive Alliance (UPA) et le BJP, la
National Democratic Alliance (NDA). Cette évolution force les deux formations à dévoiler plus explicitement
leur programme. Elles doivent s’exposer en définissant leurs priorités. Pendant des décennies, l’idéologie
congressiste a été floue et mouvante. Elle épousait les évolutions de la société, reflétait les luttes de faction.
Elle a ainsi été tour à tour socialisante, populiste, autoritaire ou ultralibérale. Désormais, les enjeux sont
plus lisibles pour l’électeur. De manière simplifiée : néolibéralisme et nationalisme hindou pour la NDA ;
sécularisme, multiculturalisme et capitalisme d’État pour l’UPA.
En 2009, le Congrès emporte les élections et reprend la main. Les personnalités de Sonia Gandhi et de
Manmohan Singh ainsi que les « votes sur enjeu » (Jaffrelot et Verniers, 2009), c’est-à-dire l’évaluation
des politiques publiques, ont certes contribué à une légère progression du parti, mais plus encore, son
succès tient aux évolutions et à la nouvelle configuration de la scène politique indienne. Cette victoire ne
témoigne pas d’un retour en force du Congrès national indien, mais de la poursuite d’un processus de
fragmentation du jeu politique.
Les partis régionaux, souvent identifiés à une caste, s’illustrent d’ailleurs en récoltant plus de 50% des voix,
soit plus que le Congrès et le BJP réunis. « Les États sont [plus que jamais] devenus ‘le’ lieu où les choix
politiques se font » (Yadav et Palshikar, 2008). La vraie réussite du Congrès a donc été de tirer profit du
jeu des alliances pré-électorales. Elle a bénéficié également des effets de distorsion du système électoral
majoritaire à l’indienne, c’est-à-dire de cette disproportion qui existe entre le pourcentage de votes valides
obtenus et le nombre des sièges au Parlement [3].
Dépasser les contradictions du système démocratique
Le système politique indien a démontré à plusieurs niveaux qu’il possède des attributs de la démocratie –
élections libres, stabilité du régime, multipartisme, jeu respecté de l’alternance ainsi que des contrepouvoirs effectifs. Ces performances démocratiques sur le terrain politique masquent toutefois une société
qui reste inégalitaire et hiérarchisée, malgré des progrès accomplis en termes d’intégration.
La Constitution indienne était pourtant prometteuse. Elle posait les bases d’une démocratie sociale. Elle
prônait la justice sociale, économique et politique et l’égalité des citoyens. Elle abolissait officiellement
l’intouchabilité et condamnait toutes formes de discriminations, dont celles fondées sur la caste et la
religion. Or, le système politique indien s’est détourné de ces principes fondateurs pour se reposer sur une
structure inégalitaire et la maintenir. La stratégie institutionnelle du « refus de voir la caste » a permis
d’enraciner un statu quo social et a interdit implicitement toute remise en cause de la problématique, du
moins jusqu’au récent débat sur le recensement de 2011 (lire l’article de Satish Deshpande et Mary E. John
dans cet ouvrage).
Pour faire bonne figure et atténuer les effets les plus excluants du système, les gouvernants britanniques
et ensuite indiens avaient très tôt, dès la fin du 19e siècle, introduit des mesures de discrimination positive,
afin de donner une éducation aux intouchables et de réserver des places dans la fonction publique, ainsi
que dans les assemblées élues. A l’indépendance, le Congrès a systématisé les quotas et les a rendus
proportionnels à leur poids démographique – environ 15%. Cette transformation de la société décidée à
l’initiative des élites ne menaçait toutefois pas de faire basculer l’édifice social et politique, en raison de la
faiblesse démographique et économique des intouchables.
L’essor des OBC (les Other Backward Classes ou « autres classes ‘arriérées’ ») témoigne quant à lui d’une
ampleur et d’une dynamique nouvelle. Cette catégorie est située au-dessus des intouchables et est
composée essentiellement des shudra, qui avaient vocation à servir les Forward Castes et à les nourrir. Ils
regroupent les castes de cultivateurs et d’éleveurs qui composent la majorité de la population indienne.
Après des mobilisations massives et une résistance farouche de la part des hautes castes opposées à la
remise en cause d’un ordre sociopolitique qu’ils dominent depuis toujours, le gouvernement décide en 1990
de finalement suivre les recommandations de la commission Mandal [4]. 27% des postes de la fonction
publique sont désormais réservés aux OBC, auxquels s’ajoutent 17% consacrés aux intouchables (castes
répertoriées ou dalits) et sept aux aborigènes (tribus répertoriées ou adivasis).
L’élargissement des quotas à la moitié de la population indienne a coupé l’herbe sous le pied des hautes
castes. Les postes de l’administration ont cessé d’être leur chasse gardée et se sont ouverts
progressivement aux pans de la population qui en étaient exclus. La mise en œuvre de politiques
volontaristes a ainsi joué un rôle d’ascenseur social et permis un renouvellement au sein de la fonction
publique. Le même phénomène s’est observé dans les assemblées élues. Le contexte de polarisation
sociale a contribué à la formation et au succès grandissant des partis de basses castes et des intouchables.
A partir des élections de 1991, les intouchables et les OBC votent en nombre pour « les leurs » et non plus
pour les notables des hautes castes, dans une logique de patronage chère au parti du Congrès. En 2004,
les basses castes représentent 25% des votes, soit cinq fois plus qu’en 1952, tandis que les hautes castes
réduisent leur influence de moitié sur la même période (33% en 2004).
A ces deux niveaux – fonction publique et représentativité politique –, la caste a joué un rôle de levier qui
a contribué paradoxalement à démocratiser la société (Jaffrelot, 2005). Les masses dominées se sont
mobilisées en se constituant en « groupes d’intérêt » (Naudet, 2010) et ont été les acteurs principaux d’un
processus de transformation radicale de la société. Les rapports verticaux de domination entre castes ont
cédé progressivement la place à des rapports plus horizontaux de concurrence opposant caste contre
caste. La « castéisation » des pauvres, contradictoire a priori avec les principes égalitaristes d’une société
démocratique, semble dans le cas indien, avoir été une condition nécessaire à leur essor. Les intouchables
ont usé de leur « ethnicité » comme instrument d’intégration. Cette affirmation identitaire croissante depuis
la fin des années 1980 a constitué un outil pour revendiquer une société plus juste, dans laquelle ils seraient
reconnus culturellement et intégrés socialement aux côtés des autres composantes.
Les nouveaux enjeux de l’appartenance de caste
Les politiques de quotas ont permis de corriger certaines inégalités, mais des travers et contradictions ont
accompagné leur mise en œuvre. Les recommandations de la commission Mandal en faveur d’un
élargissement des mesures de discrimination positive se sont fondées sur le critère de la caste pour évaluer
le social backwardness. Le statut a constitué le critère déterminant pour définir la population cible des
programmes sociaux et des politiques publiques. Or, si les catégories de caste et de classe se recoupent,
elles ne se confondent pas pour autant. Les hautes castes ne riment pas toujours avec les classes
supérieures et inversement, des intouchables ont accédé à la classe moyenne. Certes, la superposition
caste-classe reste dominante, en particulier au bas de la pyramide, ainsi que dans les campagnes où les
changements se font peu ressentir, mais les lignes de clivage n’en ont pas moins évolué en raison de
l’évolution du contexte socioéconomique et de la politique des places réservées.
Plusieurs effets indirects découlent de l’imperfection des mesures et du « brouillage des lignes » (Jaffrelot,
2005). Tout d’abord, les strates supérieures des castes répertoriées - les creamy layer - sont injustement
favorisées par les politiques de reservation, alors que des Indiens pauvres issus des hautes classes en
sont exclus, car appartenant à un groupe social considéré comme non prioritaire. Par ailleurs, les
bénéficiaires des quotas qui parviennent à s’extraire de la pauvreté et à accéder à un statut de salarié
entretiennent une relation ambivalente avec leurs camarades de caste. La solidarité de classe joue parfois
davantage que celle de caste. Ainsi ceux qui ont bénéficié de l’ascenseur social ne le renvoient pas pour
autant. Enfin, cette politique catégorielle conduit à une fragmentation, à une ethnicisation de l’électorat qui
est largement exploitée par les partis. La cooptation reste une pratique courante, même si les termes du
rapport entre politiques et pauvres ont évolué.
La référence à l’appartenance de caste, on le voit, ne faiblit pas et continue à jouer un rôle surdéterminant
dans l’organisation de la société indienne. Toutefois, l’interprétation qui en est faite a considérablement
évolué. La caste n’est plus perçue en termes statiques et ne s’agence plus de façon hiérarchique. Au
contraire, elle est construite de façon dynamique, dans un jeu d’actions et de réactions entre les différents
groupes d’appartenance. Ces interactions sont certes conflictuelles, mais témoignent d’une concurrence
nouvelle entre castes due aux enjeux socioéconomiques et à la lutte pour le pouvoir.
De manière générale, cette transformation de fond de la société, qui se traduit par l’émancipation des
basses castes et l’éclatement d’un ordre sociopolitique longtemps verrouillé, s’est opérée avec finalement
peu de heurts au regard des avancées obtenues. Les hautes castes se sont retirées progressivement, avec
certes des réticences et des manifestations d’étudiants brahmanes en 1990, mais qui ont semblé
étonnamment « accommodantes » face à la perte de leurs « droits et prérogatives » historiques sur les
postes dans la fonction publique. Ce pas de côté ne doit pas être compris comme un abandon de la part
de l’élite dominante. Bien au contraire. Cette dernière a simplement trouvé meilleure chaussure à son pied.
En effet, à cette époque, l’Inde opère un virage en termes économiques. Elle renonce au système socialiste
à la Nehru et s’engage dans les réformes néolibérales de concert avec le FMI. Les élites qui peuplaient
autrefois l’État quittent le navire et s’engagent dans les entreprises privées, au sein desquelles les
perspectives de gains sont sans comparaison avec le traitement du secteur public (Jaffrelot, 2006a).
Cette phase de transition que l’Inde connaît sur le plan politique a donc été rendue possible, ou à tout le
moins facilitée, par les transformations concomitantes opérées au niveau économique.
LE « MIRACLE ÉCONOMIQUE » DE L’INDE
L’Inde indépendante opte pour la voie de l’économie mixte. Pendant un demi-siècle, secteurs publics et
privés cohabitent, Nehru attribuant toutefois à l’État un rôle premier et incontournable. Le pays bâtit alors
les structures de son économie qu’il veut équilibrée et autonome. Les limites de ce modèle précipitent
cependant une vague de réformes destinées à libéraliser l’économie.
Le socle de l’économie indienne
En 1947, l’Inde possède déjà un vrai tissu industriel, constitué grâce au dynamisme et à l’esprit d’entreprise
de quelques familles (notamment les Tata, les Birla, etc.). Certains de ses pionniers sont animés par l’esprit
de libération nationale et jouent un rôle de premier plan dans le mouvement pour l’indépendance. La classe
politique et celle des affaires se côtoient donc et leurs intérêts et influences respectives les poussent au
compromis une fois l’indépendance acquise.
Dans les premières années, l’État conserve l’exclusive sur plusieurs domaines considérés comme
stratégiques, mais joue le jeu de la participation avec le privé dans d’autres secteurs. Au milieu des années
1950, Nehru renforce le rôle de l’État et contraint les entreprises privées à tenir compte « des impératifs du
développement du pays et non l’inverse » (Milbert, 2006). Pour ce faire, les autorités développent deux
outils destinés à orienter la politique économique et à encadrer son exécution.
La commission de planification est une instance puissante, parfois décrite comme un « super cabinet ».
Les premiers plans quinquennaux œuvrent au renforcement du secteur public et mettent l’accent sur
l’industrialisation rapide du pays. L’investissement public se concentre sur la création d’industries de
base et sur les infrastructures, qui sont autant de signes de puissance. Dans le même temps, le
développement des campagnes est relégué au second plan, dans un pays qui compte alors quelque 600
000 villages et où la pauvreté est essentiellement rurale.
Le Licence Raj est l’autre levier du système d’économie mixte. Malgré les nationalisations, l’État ne tourne
pas complètement le dos au privé, auquel il concède certaines marges. Ses activités sont toutefois
assorties de puissants garde-fous, sous la forme d’un ensemble complexe de licences et d’autorisations.
C’est le règne du permis. L’État est en effet soucieux de bâtir les structures d’une économie indépendante
et veille à répartir les ressources de façon cohérente en conformité avec le Plan. Il conserve donc la haute
main sur les orientations et les décisions à prendre, relatives à la fixation de quotas et à la diversification
de la production. Toute demande est soumise à l’administration, ce qui lui confère un poids indéniable
qu’elle ne sera pas toujours à même d’assumer. Les lenteurs bureaucratiques et les pratiques de corruption
y étaient - et sont encore - monnaie courante.
Succès et revers de la stratégie indienne de substitution aux importations
Soucieux de son autonomie et de sa souveraineté, New Delhi promeut une stratégie de développement
qui repose sur un régime de substitution aux importations, comme moteur de la croissance. Elle
s’accompagne d’une politique protectionniste, avec la mise en place d’un système de quotas d’importation,
de droits de douane et de pics tarifaires prohibitifs. Dans cette logique, le gouvernement n’autorise à
importer que ce qui ne peut être produit sur le sol indien. L’idée à terme est de remplacer les biens autrefois
importés par des biens made in India.
Les gouvernants témoignent par ailleurs d’une aversion grandissante envers les multinationales, qui
s’explique en raison du contexte politique interne et externe. Le summum de cette méfiance est atteint sous
Indira Gandhi, lorsque son gouvernement promulgue une loi réduisant de 51% à 40% la participation des
filiales de toute compagnie étrangère dans le capital d’une entreprise indienne. Shell, Coca Cola, IBM,
Caltex plient alors bagage.
Cette stratégie de développement a permis certaines avancées. Sur le plan industriel d’abord, ces trois
décennies ont doté le pays d’une infrastructure (complexes industriels, nouvelles villes, système ferroviaire,
etc.) et d’une base économique qui s’est formée à l’abri de la concurrence internationale. Sur le plan
agricole ensuite, les autorités engagent le pays, malgré la frilosité des débuts, dans une « révolution
verte ». Deux années de sécheresse en 1965 et 1966 pressent en effet les autorités à plus
d’investissements. Cette politique a pour bénéfice de mener le pays en quelques années à l’autosuffisance
alimentaire, mais au prix d’inégalités entre les régions et de drames écologiques que le pays paie
aujourd’hui encore.
Enfin, le système socialisant à la Nehru a permis d’atténuer la croissance des grandes inégalités sociales
et géographiques qui explosent avec la libéralisation de l’économie. Les principes et mécanismes de
l’économie mixte montrent toutefois les limites de celle-ci, notamment en raison de sa résistance à
promouvoir les exportations. En effet « le retard technologique, l’absence de compétitivité, la sousutilisation des capacités industrielles ou les goulots d’étranglement dans la production, (…) s’expliquent
directement par l’absence d’ouverture vers l’extérieur » (Milbert, 2006).
Aussi, la stratégie indienne de substitution aux importations n’a-t-elle pas atteint les résultats escomptés.
La croissance n’a pas décollé et stagne autour de 3%, un taux caractérisé ironiquement de Hindu rate of
growth. L’économie indienne subit ensuite plusieurs chocs : deux mauvaises moussons, la dévaluation de
la roupie en 1966 et les chocs pétroliers des années 1970. À partir du début des années 1980, le
gouvernement de Rajiv Gandhi (1984-1989) tente de réagir. Pour importer la technologie nécessaire à son
développement industriel et assurer son approvisionnement en énergie, le pays doit impérativement
promouvoir ses exportations, sources de précieuses devises. Il desserre alors prudemment le contrôle qui
pèse sur l’activité économique pour donner une impulsion à la croissance et à l’investissement. Certains
progrès sont enregistrés, mais l’inflation est galopante et le déficit se creuse de façon inquiétante. L’Inde
vit alors « à crédit ». L’endettement croît. En 1990, le service de la dette représente 27,7% du PIB.
Ces déséquilibres structurels pèsent sur les budgets et fragilisent l’économie, à un point tel que New Delhi
se révèle incapable d’absorber le choc d’une nouvelle crise à l’aube des années 1990, découlant de
l’instabilité politique interne et externe (guerre du Golfe, effondrement de l’URSS qui entraîne la perte du
partenaire économique et de l’allié politique et militaire). Dans ce contexte, le pays fait face à une crise des
paiements. En juin 1991, les réserves de devises ne permettent plus que quinze jours d’importation. Le
pays est au bord de la faillite.
Virage néolibéral
Le gouvernement amorce alors un virage dans sa stratégie économique et adopte un programme de
réformes structurelles, financé - et donc conditionné - par le FMI et la Banque mondiale. Manmohan Singh,
économiste et technocrate, est désigné ministre des finances. A la tête d’un cercle restreint de hauts
fonctionnaires et de quelques industriels et économistes, il amorce en toute « discrétion » – attitude
destinée à prévenir toute opposition nationaliste et populaire – le processus de libéralisation économique.
Une « convergence de vue » (Etienne, 2006) s’opère entre les instances internationales et les réformateurs
sur la voie à suivre. Les mesures que Manmohan Singh entreprend, sans faire table rase du passé,
remettent en cause structurellement le modèle d’économie mis en œuvre par Nehru et ses successeurs.
Elles conduisent à une dérégulation interne de l’économie et à son ouverture graduelle vers l’extérieur.
D’un point de vue interne, les deux principaux outils et « symboles » du modèle nehruvien sont démantelés.
La commission du plan ne disparaît pas, mais son fonctionnement est complètement repensé. Dans
l’industrie, le système des licences est progressivement aboli. Le secteur privé domestique est autorisé à
produire « ce qu’il veut », sans restriction. Le substrat entrepreneurial, qui existe de longue date, donne
désormais libre cours à ses ambitions et joue un rôle moteur dans le dynamisme croissant de l’économie.
Les entreprises publiques sont légèrement restructurées, mais le processus de privatisation prévu dans la
foulée des réformes n’aboutit pas en raison d’une forte opposition.
L’ouverture de l’économie sur l’extérieur se traduit quant à elle par plusieurs mesures. La roupie est
dévaluée, les barrières tarifaires et les droits de douane réduits et les quotas d’importation pour les biens
de consommation progressivement abolis. La compétitivité de l’Inde sur les marchés s’accroît. L’ouverture
à l’économie mondiale est amorcée mais « avec lenteur et modestie » (Kohli, 2010). Le gouvernement
central et ceux des États attirent peu à peu de nouveaux investissements privés, nationaux et étrangers.
Ils tentent de séduire les sociétés multinationales par des avantages fiscaux et par les compétences et le
bas coût de sa main-d’œuvre.
Des zones économiques spéciales sont créées au début des années 2000 sur les côtes ouest et sud, bien
dotées en infrastructures. Un changement de cap s’opère. D’un système d’économie mixte à caractère
protectionniste et dirigiste, l’Inde se convertit à l’économie de marché et à un modèle de développement
« pro-affaires », propice à la concentration des richesses et du pouvoir (lire à ce sujet, l’article de Kohli
dans cet ouvrage).
La success story du développement indien reste ainsi la réalité d’une minorité de privilégiés. A peine 10%
des Indiens accèdent au statut envié de « nouvelle classe moyenne ». En revanche, entre 300 et 400
millions de personnes sont restées à l’écart de l’« extraordinaire » émergence du pays et survivent avec
moins de 1,25 dollar par jour. Fracture sociale donc, mais fracture géographique aussi. Le taux et le rythme
de croissance varient désormais sensiblement selon les régions. Le Nord-Est qui comprend les États du
Bihar, de l’Uttar Pradesh, du Madhya Pradesh et de l’Orissa est caractérisé par des taux élevés de pauvreté
et une croissance faible. Le rapport est inversé pour les États du Sud (Karnataka, Tamil Nadu) et de
l’Ouest (Maharashtra, Gujarat, Punjab) considérés comme attractifs et en plein essor. Les « conditions
économiques initiales » (Kohli, 2010) résultant des politiques de développement antérieures et la qualité
variable des différents gouvernements constituent les facteurs déterminants de cette « répartition ».
Ère post-réformes
Les réformes engagées ont produit des effets à plusieurs niveaux. La croissance est stimulée et constitue
l’une des meilleures « performances » parmi les pays en développement : 6% de moyenne pour la
décennie 1990 et 8% à partir de 2003. Les exportations, qui constituaient un point faible de l’économie au
cours de la période antérieure, augmentent substantiellement, grâce aux efforts consentis pour améliorer
la qualité et diversifier les produits, mais aussi, grâce à la multiplication des échanges avec les pays de
l’Est asiatique.
Delhi entame en 1992 sa Look East Policy et tente de tisser des liens avec les « petits dragons » d’Asie du
Sud-Est. Certains secteurs clés de l’économie se distinguent et offrent une image de dynamisme.
L’industrie pharmaceutique, la joaillerie, l’automobile élèvent ainsi leurs prestations pour s’offrir de
nouveaux débouchés vers l’exportation. Malgré ces différents efforts, la part du sous-continent dans le
commerce international reste faible (0,8% en 2003).
La spécificité de l’essor indien tient surtout à la croissance vertigineuse de ses services. Le pays se pose
désormais en leader mondial dans des secteurs de pointe comme l’informatique. L’Inde joue de ses atouts
pour développer le software, les activités de back office et répond à la demande croissante de service
d’externalisation - outsourcing - dans ces domaines. La « Silicon Valley » indienne acquiert une renommée
internationale.
Aux États-Unis, les emplois sont déclarés bangalore-d lorsqu’ils sont délocalisés en Inde. Ce pôle
technologique est représenté comme la « capitale de la réussite indienne » (Raffoul, 2007). « Le poids du
high tech dans l’essor économique de l’Inde explique que le secteur des services ait progressivement pris
l’avantage sur les autres, pour finalement représenter plus de la moitié du PNB avec un taux de croissance
supérieur à 10% l’an depuis les années 1980. Les services tirent dès lors la croissance indienne, faisant
de l’Inde un pays postindustriel avant d’avoir été industriel ! » (Jaffrelot, 2006).
La structure de l’économie indienne est en effet singulière. Le PNB est composé à hauteur d’environ 55%
par les services, 25% par l’industrie et 20% par l’agriculture. Les services perdent cependant un peu de
terrain, au bénéfice de l’industrie qui améliore la qualité de sa production, pour capter un marché
domestique en pleine expansion. Le pouvoir d’achat d’une classe moyenne certes minoritaire, mais
colossale en chiffres absolus, pourrait ainsi faire évoluer le modèle de « délocalisation », caractéristique
des débuts de l’intégration de l’Inde au marché globalisé, vers un modèle de « relocalisation » (Cerium,
2010).
Le développement sans précédent du marché intérieur a permis aussi de réduire la dépendance du pays
par rapport à l’étranger. Il est ainsi moins exposé aux exportations qui représentent environ 15% de son
PIB. Au pire moment de la crise, les entreprises indiennes ont ainsi peu accusé l’impact de l’effondrement
de la demande des consommateurs des pays industrialisés. Avec une croissance repartie à la hausse,
l’Inde est même en bonne position pour attirer de nouveaux investisseurs étrangers.
La percée fulgurante de l’Inde entamée au tournant des années 1990 ne semble pas faiblir malgré le séisme
provoqué par la crise mondiale. Le pays poursuit ses ambitions de croissance à deux chiffres et
d’expansion à long terme. Toutefois, des problèmes de fond subsistent et mettent en péril tant la
« viabilité » d’une croissance exponentielle que la légitimité démocratique d’un pays frappé par les
inégalités.
Défis de demain
L’Inde est tout d’abord confrontée à plusieurs faiblesses structurelles de son économie qui sont autant de
freins à sa montée en puissance. Le pays souffre d’un déficit d’infrastructures en matière de transport,
d’approvisionnement énergétique ou de réseaux de distribution d’eau. L’émergence par les services, en
particulier informatiques, n’exigeait pas des réseaux routiers ou ferroviaires très développés, au contraire
de l’industrie dont l’essor en dépend.
Selon le ministre des transports Kamal Nath, « la croissance a précédé le développement des routes, des
autoroutes, l’approvisionnement en électricité, etc. Si l’on veut continuer sur notre lancée d’une croissance
soutenue, ce fossé doit être comblé. Or, à l’heure actuelle, pour ce qui est des infrastructures, nous ne
travaillons pas pour l’avenir mais pour combler notre retard. L’Inde perd environ deux points de croissance
par an en raison de la défaillance de ses infrastructures » (Calle, 2011).
Les autorités gouvernementales ont saisi l’enjeu de cette contradiction et ont prévu de doubler les
dépenses en matière d’infrastructure en y consacrant 1000 milliards de dollars pour la période allant de
2012 à 2017.
A l’heure des réformes, les dirigeants indiens ont par ailleurs totalement négligé les campagnes et minimisé
les crises auxquelles le monde agricole était confronté. A présent, de l’aveu même de Manmohan Singh, la
crise que connaît l’agriculture est grave. Plusieurs effets combinés font que la production agricole est à
bout de souffle et décroche face à la croissance démographique continue.
Tout d’abord, la densification des campagnes et la réduction des terres cultivées entraînent un
morcellement croissant de l’agriculture. La majorité des exploitations couvrent moins d’un ou deux hectares
de terre. Ensuite, les infrastructures adéquates telles que les routes, les systèmes d’irrigation, les lieux de
stockage, les chaînes de froid, les circuits de distribution font défaut et mènent à la perte d’une partie de la
production. Le climat et les moussons ont pour leur part des effets aléatoires qui peuvent être terriblement
dévastateurs.
Enfin, les effets environnementaux et sociaux de la « révolution verte » [5] se sont faits cruellement
ressentir : chute des rendements et pollution des sols, baisse des nappes phréatiques et perte de la
biodiversité, hausse des coûts de production - notamment des intrants - dans un contexte de volatilité des
prix des matières premières. Acculés, les petits propriétaires ont du contracter de nouveaux crédits,
devenus denrées rares, auprès de créanciers sans scrupule. La spirale de l’endettement et les
conséquences de la crise agraire ont fragilisé plus encore les conditions d’existence et poussé certains
fermiers aux dernières extrémités. 200 000 paysans ont ainsi mis fin à leur jour entre 1997 et 2008.
L’agriculture est sans conteste le parent pauvre du développement indien. Dans les années 2000-2007,
alors que l’industrie et les services affichent plus de 9 points de croissance et concentrent tous les efforts
publics, l’agriculture reste à la traîne avec un taux de 2%. En 2009 et 2010, il n’atteint plus que 0,2%. Un
résultat nettement insuffisant alors que l’économie, mais surtout la population est largement tributaire de
l’agriculture. Aujourd’hui, elle fait encore travailler 60% de la population active (Jaffrelot, 2010).
La petite paysannerie a été doublement malmenée par la vague de réformes. D’une part par l’État qui a
retiré ses aides et démantelé les structures d’appui. Avant la crise de 1991, les engrais chimiques,
l’irrigation, les crédits à la production, l’électricité rurale étaient encore largement subventionnés. D’autre
part, par la libéralisation des échanges agricoles qui l’a marginalisée encore davantage. Aujourd’hui, la
production vivrière est en chute libre, la sécurité alimentaire n’est plus assurée et les conditions paysannes
sont au plus bas. Appauvris et endettés, les paysans en sont réduits à céder leur terre ou leurs bras aux
plus offrants (grands propriétaires, entreprises agro-industrielles) et participent ainsi à la « consolidation
des exploitations » (Landy, 1995) voulue par le gouvernement qui consiste à inverser le mouvement de
fragmentation des terres, dans le but de créer une agriculture d’entreprise tournée vers l’exportation.
Dans ce contexte, des mouvements de contestation paysanne se sont progressivement structurés.
Certains, comme Ekta Parishad (lire l’article de P. Jha dans cet ouvrage), ont usé des principes
démocratiques et de non-violence pour revendiquer l’accès à la terre et l’application d’une juste réforme
agraire, et pour dénoncer les conditions d’existence de millions de familles rurales discriminées.
D’autres ont opté, par choix ou par dépit, pour une voie radicale et insurrectionnelle comme celle des
Naxalites (lire à ce sujet, l’article de K S Subramanian). Des milliers de paysans marginalisés ont ainsi
adhéré au mouvement maoïste qui s’érige – à défaut de l’État – en défenseur des populations tribales et
des basses castes. Ces dernières années, la guérilla a étendu son influence sur un « corridor rouge » qui
couvre 223 districts à travers 20 États (Subramanian, 2010). Le Premier ministre considère désormais la
question maoïste comme le « plus grand défi pour la sécurité intérieure depuis l’indépendance » (Idem),
avant même la question du Cachemire. Les Naxalites sont accusés de terrorisme et sont la cible d’une
grande offensive armée, baptisée opération Green Hunt, impliquant 60 000 hommes. En 2009, les combats
disproportionnés entre forces de l’ordre et maoïstes ont fait plus de 600 morts.
Les conditions d’inégalités extrêmes qui règnent entre les États de l’Union, entre l’Inde des villes et des
campagnes, entre riches et pauvres sont les raisons majeures de cette poussée de violence. Les enjeux
d’accès à la terre et aux ressources des adivasis et des dalits se heurtent ici aux projets d’industrialisation
des grandes compagnies minières ou aux intérêts des zones économiques spéciales, soucieuses de
s’étendre ou d’exploiter les richesses de ces États les plus pauvres. Les rapports de force sont inégaux et
injustes, l’État de droit absent, les réponses inappropriées et contre-productives. Résultat : la cohorte des
laissés-pour-compte vient gonfler les rangs des Naxalites.
Le gouvernement actuel a pris tardivement la mesure des enjeux. La chute de la production agricole, les
troubles sociaux, le ralentissement de la croissance ont constitué toutefois des motifs suffisants pour qu’il
sorte de sa position attentiste. La lutte contre la pauvreté dans les campagnes est ainsi devenue un objectif
officiel du gouvernement. En 2005, la loi nationale sur la garantie de l’emploi rural (NREGA) permet à
chaque famille rurale d’obtenir cent jours d’emploi manuel d’intérêt public au salaire minimum (soit 1,5
dollar par jour). L’effort réalisé par l’État est conséquent (0,8% du PNB) et permet à près de 50 millions de
familles de bénéficier de ce programme, mais les investissements plus structurels, nécessaires au
développement des campagnes, continuent à faire défaut.
Par ailleurs, la corruption à tous les niveaux de pouvoir, le manque d’efficience, l’incapacité d’identifier et
d’atteindre les publics cibles, le maintien des bénéficiaires dans une situation de dépendance mettent à
mal la pertinence et l’efficacité du NREGA (Alternatives Sud, 2009). Si le développement économique de
l’Inde est une réalité, les coûts sociaux et environnementaux de ce « miracle » se répartissent
inéquitablement. « La libéralisation a permis à ceux qui disposaient déjà d’un capital – financier, social
et/ou intellectuel – de s’enrichir davantage, tandis que ceux qui n’en avaient pas (ou pas autant) ont
stagné » (Jaffrelot, 2010).
LA « SUPERPUISSANCE » INDIENNE
Le tournant néolibéral des années 1990 se répercute sans surprise sur les choix qu’opère l’Inde en matière
de politique extérieure. La diplomatie économique devient centrale et engage les autorités à nouer de
nouvelles relations avec les acteurs incontournables du marché mondial. Sans tourner le dos à
l’expérience « idéaliste » (Ganguly et Pardesi, 2009) et aux « ambitions multilatérales de l’Inde
nehruvienne » (Racine, 2011), le gouvernement réformateur entend désormais sortir le pays de l’ombre,
pour qu’il gagne en puissance dans l’ordre mondial.
Les évolutions de la politique étrangère sont progressives et répondent à la fois à des prétentions internes
et à des bouleversements externes dans les équilibres régionaux et mondiaux. Trois éléments majeurs
témoignent d’un changement de cap : le rapprochement avec les États-Unis, le rayonnement régional et la
coopération Sud-Sud.
Le rapprochement indo-américain
Les relations entre les États-Unis et l’Inde sont timides et réservées depuis l’indépendance. Manque
d’intérêt de la part du géant américain et méfiance et anti-impérialisme de la part de l’Inde non alignée. La
fin de la guerre froide, le démantèlement de l’Union soviétique dont l’Inde était proche et la nouvelle
configuration de l’ordre mondial modifient toutefois la donne. L’Inde se trouve alors isolée et démunie. Pour
y remédier, New Delhi entame un rapprochement avec les États-Unis dont elle cherche à obtenir l’appui,
sans pour autant hypothéquer l’indépendance nationale à laquelle toutes les forces politiques du pays sont
attachées. Les coalitions menées par le BJP et ensuite le Congrès se succèdent au gouvernement et
tiennent l’une comme l’autre cette nouvelle ligne de conduite. L’approche est opportuniste et pragmatique,
mais permet au pays d’accélérer son essor.
En 1998, une étape est franchie. Le gouvernement Vajpayee (BJP – 1998 à 2004) décide de procéder à
cinq essais nucléaires et fait ainsi accéder le pays au statut de puissance nucléaire. Cette action soulève
un tollé de la communauté internationale, en particulier de la part de Washington qui mène depuis 1995
une intense campagne en matière de non-prolifération. Des sanctions immédiates s’ensuivent, mais sont
toutefois de courte durée.
Les attentats du 11 septembre 2001 compliquent la dynamique de rapprochement en cours, en raison de
ses implications dans la géopolitique régionale. Le rival pakistanais devient, malgré lui, le principal allié des
États-Unis contre le terrorisme international, au grand dam de l’Inde qui redoute d’être délaissée par le
partenaire américain. Mais les deux nations se découvrent au contraire des intérêts partagés. Washington
est à son tour exposé au terrorisme islamiste, condamné par New Delhi depuis des années, du fait des
exactions commises au Cachemire indien par des groupes armés basés au Pakistan.
L’Afghanistan devient ainsi le nouveau théâtre de la rivalité historique entre New Delhi et Islamabad, avec
les États-Unis comme acteur clé d’une relation triangulaire complexe. Le gouvernement indien parvient
toutefois à se positionner avantageusement et des facteurs déterminants, tels que l’identification d’un
ennemi commun, la convergence d’intérêts et de « valeurs » (démocratie, État de droit), le partenariat
économique et le lobby de la diaspora indienne, contribuent à un rapprochement, notamment stratégique
et militaire, avec les États-Uniens.
Chacune des parties tire avantage de cette entente. Du côté indien, les sanctions sont levées. Le pays est
accepté de facto dans le club des puissances nucléaires « responsables » – à la différence d’Islamabad –
et la priorité est désormais donnée à la recherche d’un partenariat en faveur de la paix et de la sécurité
régionale. La coopération s’intensifie en 2004 dans le domaine des technologies de pointe, en particulier
spatiales et du nucléaire civil. Un accord majeur est décidé en 2006. L’Inde, qui n’a pas signé le traité
international de non-prolifération nucléaire, est autorisée à bénéficier des transferts de technologies
sensibles – combustibles et réacteurs – à des fins civiles.
Ce développement offre un double avantage à Delhi. Sur un plan symbolique d’une part et sur un plan
pratique d’autre part en réduisant sa dépendance en hydrocarbure vis-à-vis de l’étranger. Elle supporte
ainsi mieux la demande énergétique croissante qui accompagne l’essor du pays. Les États-Unis trouvent
par ailleurs dans l’Inde un allié fiable, un partenaire stratégique à haut potentiel, sur lequel ils comptent
pour stabiliser la région, notamment pour contenir le voisin chinois et contrôler l’océan indien.
L’Inde est sensible à la demande américaine, d’autant qu’elle répond pour partie à ses intérêts, mais refuse
de sacrifier pour autant son autonomie. Elle procède ainsi, sans complexe, à une certaine détente de ses
relations avec Pékin. Des convergences s’opèrent entre les deux voisins asiatiques qui multiplient les
échanges économiques au sein d’instances multilatérales comme le groupe des BRICS - Brésil, Russie,
Inde, Chine et désormais Afrique du Sud. Des frictions perdurent toutefois en raison de litiges frontaliers
non résolus, de l’amitié indéfectible de la Chine à Islamabad, des rivalités d’influence et de la course aux
ressources au niveau régional (Jaffrelot, 2011).
Le voisinage immédiat et « étendu »
Le deuxième volet de la politique extérieure est dicté par les contraintes énergétiques, qui ont amené l’Inde
à prendre en compte son voisinage immédiat (Arte, 2011). A l’Ouest, les liens diplomatiques sont raffermis
avec l’Asie centrale dont les sols sont riches en pétrole et en gaz naturel. Un rapprochement stratégique
s’opère entre l’Inde et l’Iran. Le projet de construction d’un gazoduc entre les deux pays butte toutefois
contre l’opposition des États-Unis décidés à maintenir l’isolement de l’Iran sous le coût des sanctions
votées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le dossier iranien est révélateur du pragmatisme de
la diplomatie indienne. Il témoigne d’une indépendance d’action des dirigeants qui affirment la primauté
des intérêts nationaux (approvisionnement énergétique), sans compromettre la relation privilégiée de l’Inde
avec les États-Unis (New Delhi vote contre Téhéran à l’AIEA).
A l’Est, la realpolitik est de mise également, notamment dans le cadre des relations avec le voisin birman.
Tout semblait séparer « la plus grande démocratie du monde » d’un régime connu comme l’un des plus
répressifs, mais les motivations indiennes « décomplexées » ont toutefois conduit à un réchauffement des
relations bilatérales. New Delhi ne veut plus être à la traîne de Pékin (déjà engagée sur le terrain birman)
et a besoin des ressources de son voisin, qui constitue en outre une porte d’entrée sur le marché régional
des pays de l’ASEAN - l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.
Plus globalement, l’Inde entretient avec ses autres voisins proches des relations assez médiocres. Un
sentiment de méfiance prévaut face à la menace d’une domination sans partage de l’Inde sur le souscontinent. Les attitudes oscillent d’une prudente retenue à une franche hostilité, notamment de la part du
Pakistan, son frère ennemi depuis la partition sanglante de 1947. Les difficultés de « voisinage » et les
nombreux foyers de crises qui persistent dans la région (l’Afghanistan, le Pakistan et ses zones tribales, le
litige au Cachemire, la guérilla maoïste au Népal, l’insurrection réprimée des tigres tamouls au Sri Lanka,
la junte birmane, les contentieux de souveraineté avec la Chine, le mur de barbelés avec le Bangladesh,
etc.) contrarient les projets indiens en Asie du Sud et avec le « voisinage étendu » (de l’Iran à l’Asie du
Sud-Est).
L’Inde tente depuis plusieurs années, notamment au regard de la poussée chinoise, de renverser la vapeur
et de construire des relations plus cordiales avec ses voisins [6], notamment le Pakistan avec lequel elle
lance un processus de paix en 2004 (mis à mal par les attentats de Bombay en 2008). Elle multiplie les
initiatives pour améliorer son image, pour rassurer les voisins sur ses intentions et pour convaincre que
l’Inde peut œuvrer à « la stabilité et à la prospérité de la région » (Boquérat, 2006).
L’engagement extérieur de l’Inde se situe sur plusieurs fronts. Elle courtise les grandes puissances et « se
fait un nom » au sein de la communauté internationale, mais à l’échelon régional, elle se rapproche aussi
de ses voisins asiatiques et tente d’influer sur les contours et les équilibres d’un nouvel ordre asiatique,
décisif pour la configuration future de l’échiquier mondial.
La coopération Sud-Sud
Un axe important de la diplomatie indienne est la dynamisation de la coopération politique et économique
entre pays du Sud. Outre les alliances régionales avec des voisins immédiats, l’Inde noue des relations
avec des pays, au-delà du continent. Au sein de l’Organisation mondiale du commerce, New Delhi mène
tantôt un front, à la tête des pays les plus pauvres, pour dénoncer le protectionnisme de l’Union européenne
et des États-Unis qui protègent leurs agricultures à coups de milliards d’euros de subventions ; tantôt elle
se positionne aux côtés des autres puissances émergentes pour contrer la domination des pays
occidentaux et tenter d’imposer ses priorités au cœur des négociations commerciales multilatérales,
notamment lors du cycle de Doha (Alternatives Sud, 2007).
La « flexibilité des alliances » au sein de l’OMC a permis aux pays émergents « de prendre position sur les
enjeux les plus importants et d’imposer le réexamen de l’égalité entre pays développés et pays en
développement dans les négociations multilatérales, tant en matière de procédure qu’en ce qui concerne
les résultats » (Woll, 2008).
Malgré une influence grandissante, les pays émergents sont insatisfaits de l’organisation et des règles de
fonctionnement du système multilatéral actuel qui laisse la part belle aux « vieilles » puissances
occidentales. Au sein du groupe des vingt, ils s’estiment davantage « cooptés » (Soulé-Kohndou, 2011)
que véritablement intégrés. La planification de l’agenda, fixant notamment les thèmes de discussion du
G20 reste ainsi, pour l’essentiel, une prérogative du G8 dont les réunions précèdent souvent le
rassemblement des vingt.
Le G20 est devenu un forum majeur pour les nations émergentes, mais en raison d’un rapport de force qui
leur est défavorable, celles-ci ont décidé d’œuvrer par elles-mêmes à la consolidation de leur stature
internationale. Elles ont développé des stratégies propres et créé de nouveaux cercles, informels ou semiformels, qui leur permettent de développer leur agenda, de se concerter et d’arriver mieux préparées lors
des rendez-vous au sommet des principales organisations internationales. L’IBSA et les BRICS participent
de cette dynamique et contribuent à l’intégration des « émergents » aux processus décisionnels au niveau
international.
En intelligence avec le Brésil et l’Afrique du Sud, l’Inde a créé en 2003 un forum de dialogue nommé IBSA,
pour mutualiser leurs forces sur la scène internationale et contrebalancer les pays développés en créant
un marché de plus de 1,2 milliard de personnes, de 1200 milliards de dollars de PNB et de 300 milliards
de dollars de commerce extérieur (Racine, 2008). Sur le plan politique, les pays membres ont placé à
l’ordre du jour la réforme des Nations unies, la propriété intellectuelle et la problématique du
développement.
Le second groupe créé en 2009 est celui des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Les
États qui le composent présentent des différences notables en termes de niveau de développement, de
régime politique, de culture, mais se rejoignent autour d’objectifs communs. Les BRICS travaillent ainsi à
la réforme de la gouvernance économique, et remettent notamment en cause le dollar comme unique
monnaie de réserve et d’échange. Sur le terrain politique, ils réclament pour l’Inde [7]. et le Brésil un siège
de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et des postes de responsables au FMI et
à la Banque mondiale.
A la conférence de Cancun sur le climat, les BRICS – à l’exception de la Russie – se sont engagés à limiter
les émissions de gaz à effet de serre, sur la base du principe de responsabilité commune, mais différenciée.
Le ministre indien de l’environnement, Jairam Ramesh, a constitué un atout pour l’Inde à un moment où le
pays cherchait à s’affirmer dans la gestion des affaires mondiales. Salué par la communauté internationale,
il est parvenu à tirer parti des divergences entre pays développés et en développement, et à affirmer le
pouvoir de négociation des économies émergentes encore confinées à la marge des institutions mondiales
(Kamdar, 2011).
Pour terminer ce rapide tour d’horizon des formes de coopération Sud-Sud privilégiées par l’Union indienne,
il faut encore évoquer le dialogue que celle-ci a instauré avec l’ensemble d’un continent : l’Afrique. En avril
2008, se tint le premier sommet indo-africain. Ce dialogue a pour finalité d’assurer à New Delhi un accès
préférentiel aux ressources minières et énergétiques africaines, en échange d’un accroissement de l’aide
et d’une entrée facilitée sur le marché indien des exportations des pays les moins avancés.
La diplomatie actuelle de New Delhi joue sur « plusieurs registres, sur plusieurs axes, et dans plusieurs
directions » (Racine, 2008). Elle participe volontiers à des dynamiques collectives et se fait le porte-voix
des pays en développement, mais elle est aussi soucieuse d’asseoir son statut de nouvelle puissance et
d’obtenir la reconnaissance de ses pairs. Pour atteindre cette consécration, l’Inde oscille entre affirmation
nationale et pragmatisme diplomatique, indépendance d’action et efforts d’intégration. Le statut de
puissance tant convoité par l’Inde est à sa portée, mais la donnée inconnue est désormais de savoir ce
qu’elle en fera.
L’« Inde qui brille » ?
« L’Inde n’est pas un pays comme les autres » (Bulard, 2007). Elle marie les contraires, mêle réalité et
faux-semblants. L’Inde est croissance et sous-développement, opulence et pauvreté, démocratie politique
et archaïsme social. Elle est tout à la fois laïque en esprit et religieuse dans les faits, idéaliste et
pragmatique, alliée du Nord autant que du Sud. L’Inde n’a pas encore « émergé », comme le déclarait
récemment Barack Obama. La fragmentation de la société indienne par castes et communautés religieuses
et les paradoxes de la modernité forcent le pays au grand écart. Les inégalités sociales, les fractures
géographiques, les crispations entre communautés et les dérives identitaires s’accentuent depuis le virage
néolibéral accompli par l’économie indienne.
L’ « Inde qui brille » n’est actuellement qu’un leurre et ne concerne qu’une minorité de privilégiés. Pour que
la partie « immergée » de l’Inde « émerge » enfin, il lui faudra surmonter les lourdes contraintes qui pèsent
sur son essor économique, son développement et relever les défis que pose la démocratisation de sa
société.
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Attirer des investisseurs – Aperçu
La capacité d'attirer des investisseurs et d'en maintenir le soutien est essentielle au succès de
toute stratégie de croissance.
L'évolution importante des marchés financiers ces dernières années a octroyé aux relations avec
les investisseurs une responsabilité de gestion stratégique cruciale qui lie de près l'entreprise à ses
investisseurs. Voici quelques questions clés que vous pourriez vous poser pendant vos discussions avec
les investisseurs et la mise au point de votre stratégie de relations avec les investisseurs. Comment me
préparer à rencontrer des investisseurs?
Quelques éléments de préparation.
1. Savoir qui vous allez rencontrer.
Connaissez votre auditoire, son style d'investissement, les autres secteurs auxquels il a participé.
Même des détails personnels sur ses antécédents. Tout ce qui peut vous aider à établir un lien avec ces
personnes. Et adaptez votre discours à chacune d’elles.
2. Avoir un objectif à l'esprit
Pour chaque réunion où vous vous présentez. Est‐ce votre première rencontre avec cette
personne? Vous visez alors un positionnement à long terme en vue d'un éventuel investissement? Ou
l'avez‐vous rencontrée à plusieurs reprises et savez que des obstacles l'empêchent de s'engager? Vous
comprenez ces obstacles et vous vous présentez à la réunion prêt à les vaincre.
3. Investir dans la présentation elle‐même.
Investissez dans l'aspect et la convivialité. Cette présentation PowerPoint fait partie de la
première impression que cette personne aura de vous. Alors, si elle est dépassée et semble dater des
années 90, elle risque de nuire au message général. Investissez aussi dans les répétitions. Une
présentation attrayante ne sera qu'une expérience décevante si vous êtes mal préparé. Vous devriez
l'avoir mémorisée et ne la remaniez pas à la dernière minute, car ça se verra. Une fois qu'elle est bien
mémorisée, vous êtes prêt.
A. Comment trouver les bonnes sociétés de capital‐risque à qui présenter mon idée?
La meilleure façon de trouver la bonne société de capital‐risque est d'avoir une
recommandation directe. L'investisseur de capital‐risque type examinera des centaines de possibilités
d'investissement. Les chances sont faibles pour que vous décrochiez une rencontre avec une société de
capital‐risque si votre possibilité d'investissement est entrée par la petite porte contrairement à la
recommandation d'une source fiable. Connaître un entrepreneur ou un investisseur qui a déjà travaillé
avec cette société de capital‐risque est une excellente introduction.
La deuxième chose vraiment importante, c'est d'effectuer une vérification préalable des sociétés
de capital‐risque à qui vous vous adressez. Voici quelques questions que vous voudrez vous poser : ont‐
elles de l'argent? Investissent‐elles de manière active? Une société de capital‐risque qui a réuni des
fonds il y a cinq ans peut être en dehors de sa période d'investissement et incapable d'envisager de
nouvelles possibilités.
Un autre point qui mérite d'être examiné, c'est de voir si l'occasion d'investissement que vous
offrez convient à l'investisseur. Vous devriez examiner notamment l'étape à laquelle elles investissent, le
secteur dans lequel elles le font et la situation géographique. Les différentes étapes pour investir sont
celles du démarrage, du début de croissance et de la croissance. Vous devez vous demander si
l'investisseur ne s'engagera que si l'entreprise génère déjà des revenus. Vous verrez que beaucoup
d'investisseurs affirment investir à l'étape du démarrage, alors qu'en fait ils cherchent des entreprises
qui ont déjà des produits ou des revenus.
Quant au secteur, certains s'intéressent à la technologie propre, à la biotechnologie, aux TIC et
j'en passe. Si vous recherchez un investisseur en technologie, vous voudrez savoir s'il investit
principalement dans les logiciels, le matériel et les rencontres sociales ou s'il est opportuniste. Une
excellente façon de trouver une bonne correspondance : c'est d'effectuer une vérification préalable des
investissements antérieurs de cette société de capital‐risque. Si elle a déjà investi dans le secteur que
vous ciblez, c'est un moyen intéressant de trouver une bonne correspondance avec un investisseur.
Enfin, la situation géographique; vous devrez vous demander s'ils ont déjà investi dans votre
région. De nombreux investisseurs à l'étape du démarrage aiment le faire chez eux, là où ils peuvent
être très proches de leur investissement.
Dernier conseil pour trouver une bonne correspondance, discutez avec des entrepreneurs qui
ont déjà reçu de l'argent de cette société de capital‐risque. Parler avec des gens qui ont travaillé avec
cette société vous révélera s'il s'agit d'une bonne alliance pour votre entreprise ou l'occasion que vous
offrez. Ce que propose cette société de capital‐risque au‐delà des simples sommes investies est l'un des
aspects importants que vous voudrez examiner. Vous voulez qu'elle puisse ajouter de la valeur à
l'entreprise et devez donc considérer son réseau et le genre de clients qu'elle vous fera rencontrer. Ses
cadres peuvent‐ils aider votre entreprise sur le terrain? Partout où cette société peut vous donner un
avantage sur la concurrence.
Un dernier aspect à examiner, c'est la façon dont l'investisseur réagit en période de crise. Votre
entreprise va connaître bien des hauts et des bas et vous voudrez vous assurer que votre société de
capital‐risque est présente, beau temps mauvais temps.
B. Quelles sont les choses essentielles que recherchent les sociétés de capital‐risque?
La plupart des sociétés de capital‐risque recherchent quatre choses essentielles. Premièrement,
une excellente équipe; deuxièmement, une technologie exceptionnelle. Troisièmement, elles tiennent
vraiment à un modèle d'entreprise attrayant. Enfin, elles veulent un important débouché commercial.
Les investisseurs en capital‐risque disent souvent qu'il faut jouer le jockey, pas le cheval. Les
investisseurs s'attardent au risque lié à l'équipe. Durant leur vérification préalable de votre équipe, ils
voudront connaître vos antécédents, vos références, votre capacité d'adaptation au changement et
aussi se faire une idée de l'intégrité de votre équipe.
L'une des façons de gérer le risque lié à l'équipe, c'est d'essayer d'appuyer celles qui ont des
entrepreneurs aguerris. Des personnes d'expérience, qui ont vu grandir des entreprises dès les
premières étapes et qui ont pu réagir aux situations changeantes. Le risque lié à l'équipe est un point clé
pour tout investisseur en capital‐risque
Deuxièmement, une technologie exceptionnelle. Nous recherchons vraiment une technologie
unique ou un aspect qui vous donne un véritable avantage concurrentiel. Celtic House se concentre sur
les technologies qui offrent une propriété intellectuelle défendable et une barrière efficace contre
l'accès.
Troisièmement, les sociétés de capital‐risque tiennent à un modèle d'entreprise attrayant. C'est‐
à‐dire un modèle d'entreprise capable de générer des revenus, mais aussi de le faire de façon rentable.
Vous devez prouver que vous savez comment faire passer l'entreprise de 100 000 à 500 000 dollars par
trimestre, puis à un million de dollars, deux millions et ainsi de suite. Et que vous pouvez le faire avec
une enveloppe financière raisonnable. C'est bien de créer une entreprise qui a un revenu annualisé de
100 millions, mais si ça prend 10 ans et 200 millions, ce n'est pas un bon investissement.
Finalement, ce que veulent tous les investisseurs en capital‐risque, c'est un important débouché
commercial. Cela veut souvent dire une perspective de 1 milliard et plus, et ils voudront être convaincus
que votre entreprise ou votre occasion prendra une bonne part de ce marché. Vous devez prouver aux
investisseurs que vous comprenez parfaitement la hiérarchie dans laquelle vous fonctionnez. Avoir un
client dès le départ, quelqu'un qui a déjà commandé votre produit ou qui s'y intéresse témoignera de
l'élan du marché et aidera grandement l'investisseur en capital‐risque à prendre sa décision.
Un discours réussi doit aborder tous les éléments clés qu'une entreprise présente aux nouveaux
investisseurs, en commençant par la direction. L'équipe de gestion et son expérience de l'entreprise; un
bilan de la croissance de celle‐ci est donc essentiel. Les raisons de l'introduction en bourse sont aussi
primordiales. Les nouveaux investisseurs veulent d'abord savoir pourquoi vous le faites. La stratégie de
croissance, et donc le caractère défendable de l'entreprise, les raisons de la fidélité de la clientèle et une
stratégie défendable sont importants. Mais la façon de faire croître l'entreprise après mon
investissement est cruciale. Dernière chose, la position que vous pensez occuper sur le plan de la valeur
par rapport à certains de vos principaux concurrents éventuels, car les gens qui investissent dans les
sociétés ouvertes ne manquent certainement pas d'options pour vous classer par rapport à vos
principaux concurrents qui sont déjà inscrits en bourse.
Deuxième point, être concis et précis. Toute présentation doit être précise et aborder tous les
éléments clés de façon efficace. Et j'ajouterais, il faut vraiment s'entraîner. Vous ne pouvez pas sous‐
estimer l'importance de l'entraînement. Pratiquer, pratiquer. Car vous ne savez jamais quel genre de
questions vous poseront les investisseurs potentiels et vous devez vous assurer d'être prêt. Parce qu'en
fin de compte, vous espérez qu'ils vous remettront un chèque pour votre nouvelle entreprise ou votre
nouvelle société ouverte. Alors, assurez‐vous de bien maîtriser la situation.
Quelles sont les pires erreurs que les sociétés de capital‐risque voient souvent chez les entrepreneurs
qui recherchent du capital de développement?
Les gens commettent des erreurs en cherchant des capitaux, et la première est qu'ils oublient souvent
de bien connaître les investisseurs auxquels ils s'adressent. Je suis toujours consterné devant le manque
de vérification préalable et le fait de ne pas savoir s'ils conviennent à cet investisseur. Deuxièmement,
les gens ont souvent des attentes irréalistes. Votre plan d'affaires doit être réaliste. Tout le monde
connaît les courbes de prévision de revenus en forme de bâton de hockey. Lorsque nous sommes devant
Attirer des investisseurs – Aperçu 6 ce type de fausses hypothèses, nous réagissons souvent en disant : «
Si votre entreprise croît à ce rythme, elle sera celle qui a connu la croissance la plus rapide de tous les
temps. »
Une troisième erreur, c'est que les gens ne saisissent pas toujours très bien leur modèle d'affaires ni la
façon de réaliser des profits. C'est bien de créer une technologie remarquable, mais il faut aussi prouver
que vous pouvez bâtir une entreprise autour d'elle. Et c'est là encore que l'équipe entre vraiment en jeu.
Quand vous êtes devant une équipe expérimentée, vous aurez davantage confiance comme
investisseur.
Une quatrième erreur répandue, c'est de sous‐estimer ou simplement d’ignorer vos concurrents. Vous
devez fournir une évaluation réaliste de vos concurrents. Leurs forces, leurs faiblesses et comment vous
allez les battre sur le marché.
Et j'ajouterais, la dernière erreur fréquente, c'est que l'entrepreneur ou l'entreprise comprend
simplement mal quelles sont les attentes des investisseurs. Il est très important de comprendre ce que
les gens jugeront. Ce que l'équipe et les employés considèrent comme une réussite, mais aussi ce que
les investisseurs considéreraient être une réussite. L'alignement des intérêts est essentiel. Ce sera une
relation à long terme peu importe l'investisseur, et vous connaîtrez bien des hauts et des bas. Ce que je
remarque parfois, c'est que les entrepreneurs font un peu la sourde oreille aux besoins et aux désirs des
investisseurs. Tout comme les investisseurs qui ne comprennent pas toujours les motifs des
entrepreneurs qu'ils appuient.
Quelles sont les pires erreurs que les banques constatent parmi les entreprises qui recherchent du
capital de développement?
Deux erreurs que les entreprises commettent plus souvent qu'autrement.
La première concerne l’évaluation de leur valeur. Lorsque vous transformez votre entreprise en société
ouverte, vous recherchez du capital de développement auprès de nouveaux investisseurs. Ce nouveau
public ne vous connaît pas forcément, pas plus que vos antécédents, et vous pensez que votre
entreprise vaut plus que moins. Ce que vous devez faire selon moi – car l’idée d’une réduction accordée
lors d’un premier appel public à l’épargne existe bien –, c’est de vous attendre à vendre votre entreprise
à un prix un peu moins élevé que ce qu'elle vaut peut‐être vraiment. Mais vous le faites pour inciter de
nouveaux investisseurs à participer à votre premier appel public à l’épargne et à se joindre à votre
famille d'investisseurs. Je pense que c'est l'un des prix à payer pour s'introduire en bourse, mais c'est
bien peu pour obtenir du capital de développement à long terme. Alors, une fois que ces investisseurs
ont intégré votre famille, vous espérez les garder longtemps. Mais rappelez‐vous ne ne pas retirer
chaque dollar de la table car, si c'est votre intention, autant vendre votre entreprise et ne pas vous
inscrire en bourse.
Le deuxième point, c'est de « mettre sa peau en jeu », une expression que j'adore. Les investisseurs
aiment que les équipes de direction et leur conseil aient des intérêts en jeu, par là j'entends être
propriétaires de cette formidable entreprise que vous leur dites d'acheter. Cela n'a pas besoin d'être
une part démesurée de l'entreprise, une part importante, une participation majoritaire et que sais‐je
encore. Mais ils adorent que vous ayez des intérêts en jeu dans les actions que vous essayez de leur
vendre. Parce que, si vous réussissez, les actions devraient augmenter et vous en profiterez tous. Et ils
aiment voir un alignement complet entre la direction, le conseil et les nouveaux investisseurs.
Comment établir une relation à long terme avec les investisseurs?
Trois éléments clés permettent d’établir une relation à long terme avec les investisseurs. Le premier,
c'est d'aller les rencontrer. Les investisseurs aiment vous regarder dans le blanc des yeux, vous
rencontrer régulièrement. Qu'entend‐on par régulièrement? À mon avis, au moins tous les trois mois.
Vous devez rencontrer les investisseurs, en général une fois que les résultats sont prêts. Le suivi est tout
aussi important, ce que beaucoup de gens oublient. Mais si vous rencontrez quelqu'un en janvier et que
vous retournez le voir en juin, ça ne devrait pas être la première fois qu'il entend parler de vous. Trouvez
une façon de faire entre‐temps un suivi, que ce soit par un communiqué de presse, l'atteinte d'un jalon
ou autre.
Le deuxième, c'est de viser des pratiques d'information exemplaires. Une petite entreprise peut sembler
grande aux yeux des investisseurs grâce à une communication efficace. Alors, observez les grandes
entreprises et essayez de les imiter. La cohérence du message, communiqué sur plusieurs plateformes,
transparent, qui fournit les détails que les investisseurs veulent savoir, les bonnes comme les mauvaises
nouvelles, et la capacité de réaction. Avez‐vous les ressources nécessaires et communiquez‐vous avec
les investisseurs en temps opportun?
Et le troisième, qui est vraiment le Saint‐Graal des relations, personnelles ou professionnelles, c'est la
gestion des attentes. Il s'agit de promettre moins et d'en livrer plus. Vous pouvez hausser les revenus de
30 %, avoir le sentiment d'un grand succès et être prêt à célébrer, mais, si vos investisseurs
s'attendaient à 35 %, ils planifieront leur sortie. Alors promettez moins et livrez‐en plus. Si vous avez la
réputation d'agir de la sorte, vous mériterez confiance et crédibilité. La confiance et la communication
sont la pierre angulaire de toute relation à long terme.
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