Biologie et cycle vital des schistosomes

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Acta gastro-ent. belg., 1972, 35, 277-284
Biologie et cycle vital des schistosomes
A. FAIN
Professeur de Parasitologie à l'Institut de Médecine tropicale
d'Anvers et à "Université catholique de Louvain.
Biology and life cycle of the schistosomes.
SUMMARY
The author describes the biology and the development of the schistosomes,
parasites of man, and especially of the species responsible for the intestinal
bilharziosis. Schistosomes belong to the group of the digenetic Trematodes or
Digenea. AlI the species in this group go through a complex development, requi­
ring a definitive host to harbour the adult worms, and an intermediate host in
whom the immature parasitic individuals develop. The Digenea are divided into
two groups clearly distinct from each other, from a morphologieal as weIl as
from a biological standpoint: the flukes living in the liver, the intestine and
the lung on the one hand, and the schistosomes on the other.
The author gives more detail on the cycle of Schistosoma mansoni. He descri­
bes the main characteristics of the schistosomes that cause the intestinal bilhar­
ziosis. Their pathogenic action is directly related to their location in the blood
vessels and to their biology. Chiefly responsible for almost aIl the lesions obser­
ved in the bilharziosis are the eggs of the schistosomes. (Acta gastro-ent. belg.,
1972, 35, 277-284).
Je voudrais rappeler ici, brièvement, la biologie et le cycle de déve­
loppement des schistosomes parasites de l'homme. La connaissance de
ces notions permettra de mieux comprendre le rôle pathogène de ces
vers parasites.
Position systématique des schistosomes
Les schistosomes font partie du groupe des trématodes digénétiques ou
Digenea. Chez les représentants de ce groupe, le corps est formé d'un seul seg­
ment aplati qui porte une ou deux ventouses servant à la fixation des parasites
aux üssus de l'hôte. La cuticule est molle. Le tube digestif existe, mais il est
incomplet et se termine en cul-de-sac. Biologiquement, les Digenea présentent un
développement complexe, comportant un hôte définitif, qui héberge les vers
adultes sexués, et un ou plusieurs hôtes intermédiaires dans lesquels évoluent les
stades immatures du parasite. Le premier hôte intermédiaire est toujours un mol­
lusque. C'est dans cet hôte que l'embryon, issu de l'œuf, et appelé encore mira­
cidium, va se transformer en larve infectante, ou cercaire, capable d'infecter
Acta Gastro-Enteroloeica Belgica, Vol. XXXV, luin 1972
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l'hôte définitif. Cette transformation de l'embryon en larve infectante est accom·
pagnée d'une multiplication asexuée, souvent considérable des formes larvaires
du parasite. A titre d'exemple, rappelons que chez les schistosomes un seul
miracidium peut donner finalement naissance à 100.000 cercaires.
Tous les trématodes responsables des bilharzioses humaines font partie du
genre Schistosoma, dans la famille Schistosomatidae. Chez les animaux, on ren·
contre, outre le genre Schistosoma, divers autres genres de schistosomes repré·
sentés chacun par un nombre variable d'espèces.
Différences entre schistosomes et douves
Les schistosomes se distinguent nettement des autres trématodes, appe­
lés aussi douves, par de nombreux caractères. Nous en rappelons ici
les plus importants:
1° Les schistosomes présentent les sexes séparés, alors que les douves
parasites des mammifères et des oiseaux sont hermaphrodites. Le dimor­
phisme sexuel chez les schistosomes est très marqué. La femelle est
longue, étroite et presque cylindrique; le mâle est plus nettement aplati ;
il est plus court, mais plus large et plus musclé que la femelle, et il
présente sur sa face ventrale une gouttière appelée « canal gynécophore »,
qui sert à recevoir la femelle au moment de l'accouplement.
2° Un deuxième caractère séparant les schistosomes des douves est
la forme des œufs. Chez les premiers, les œufs sont munis d'un éperon
mais n'ont pas d'opercule, alors que chez les seconds c'est l'inverse :
présence d'un opercule mais absence d'éperon.
3° Les schistosomes diffèrent encore des douves par la mamere dont
leurs larves envahissent leur hôte. Alors que les cercaires des schisto­
somes pénètrent activement à travers la peau de l'hôte, celles des dou­
ves, du moins pour les espèces parasites de l'homme, s'enkystent dans
le milieu extérieur ou dans un deuxième hôte intermédiaire sous forme
de métacercaires et sont absorbées passivement avec de l'eau ou des ali­
ments contaminés (plantes, poissons, etc.).
4° Un autre caractère très important qui différencie les schistosomes
des douves est Jeur localisation parasitaire. L'habitat normal des schisto­
somes ::dultes est le sang veineux. Les douves, parasites de l'homme,
par contre, ne se rencontrent jamais dans les vaisseaux sanguins. Leurs
principales localisations sont des organes en communication avec le milieu
extérieur, comme les canaux biliaires, l'intestin ou les poumons.
C'est cette localisation dans le sang veineux qui est à la base de la
pathogénicité très particulière des schistosomes. En effet, comme le
système vasculaire dans lequel vivent les schistosomes est un milieu
clos, l'élimination des œufs de ces parasites dans le milieu extérieur
Acta Gastro-Enterologica Belgica, Vol. XXXV. Juin 1972
SCHISTOSOMES : BIOLOGIE
est particulièrement compliquée. Les
petites veines intestinales ou vésical(
tissus, avant de p2rvenir dans la lu
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à distance dans le foie ou le poumon
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Cycle évolutif de Schistosoma mans
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SCHISTOSOMES : BIOLOGIE
est particulièrement compliquée. Les œufs qui sont pondus dans les
petites veines intestinales ou vésicales doivent en effet traverser les
tissus, avant de p2tvenir dans la lumière intestinale ou vésicale. Ce
cheminement intratissulaire des œufs et aussi leur embolisation fréquente
à distance dans le foie ou le poumon sont à la base des troubles patho­
logiques observés dans la bilharziose.
La description du cycle de développement des scmstosomes permettra
de mieux comprendre ces phénomènes. Nous prendrons comme exem­
ple celui de Schistosoma mansoni, l'agent responsr ble de la bilharziose
intestinale.
Cycle évolutif de Schistosoma mansoni:
Les schistosomes deviennent adultes dans la veine porte. Les vers
s'accouplent déjà avant leur maturité sexuelle complète, la femelle étant
logée dans le canal gynécophore du mâle. Cet accouplement est indis­
penszble pour que la femelle puisse devenir sexuellement mûre. On
constate, en effet, qu'en l'absence de mâles les femelles restent imma­
tures.
Après maturité sexuelle, les couples remontent à contre-courant la
veine porte et aboutissent dans les veinules du gros intestin. La femelle
étant plus étroite que le mâle, peut cheminer dans des veinules très
petites où le mâle ne pourrait plus passer. C'est dans une petite vei­
nule distendue par elle que la femelle dépose ses œufs. Après la ponte,
la femelle se retire et les œufs restent emprisonnés dans le petit vais­
seau. Très rapidement, la petite veinule se rompt et les œufs sont
libérés dans les tissus de la muqueuse ou de la sous-muqueuse. Le
mécanisme de l'effraction du vaisseau et du cheminement de l'œuf dans
les tissus n'est pas complètement élucidé, mais il est probable qu'il
relève de la combinaison de facteurs mécaniques (éperon de l'œuf et
mouvements péristaltiques de l'intestin) et chimiques (enzymes sécré­
tées par l'embryon). L'œuf traverse finalement l'épithélium intestinal
et tombe dans la lumière de l'intestin d'où il est éliminé avec les selles.
L'éclosion du miracidium ne se produit que si l'œuf tombe dans l'eau
douce. Elle est stimulée par la lumière et la chaleur. La rupture de
la coque de l'œuf est le résultat de l'absorption d'eau et, pour une
moindre part, des mouvements du miracidium. Aussitôt éclos, le mira­
cidium se met à nager activement pour rencontrer son hôte intermé­
diaire, le mollusque. Le miracidium est positivement phototropique et
négativement géotropique. Il gagnera donc les couches superficielles de
l'eau où vivent la plupart des mollusques vecteurs. Le miracidium ne
vit que quelques heures et il meurt si après cette brève période il n'a
pas rencontré l'hôte intermédiaire convenable. D:ns le cas de Schistosoma
Acta Gastro-Enterologica Belgica, Vol. XXXV, Juin 1972
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mansoni, cet hôte est un mollusque pulmoné du genre Biomphalaria,
appelé aussi planorbe. Lorsque le miracidium arrive à proximité de
cet hôte, il manifeste des signes d'excitation et il se met à nager plus
vite et de façon plus irrégulière en se retournant fréquemment jus­
qu'au moment où il arrive en contact avec le mollusque. Le miracidium
se colle alors à la peau du mollusque au moyen d'une épaisse sécré­
tion produite par des glandes spéciales situées à l'avant du corps. La
pénétration à travers la peau du mollusque est assurée grâce à l'action
d'enzymes protéolytiques produites p2r un autre groupe glandulaire. Une
fois parvenu à l'intérieur du mollusque, le miracidium se transforme
en une nouvelle forme larvaire appelée sporocyste, qui a l'aspect d'un
sac. A l'intérieur de ce sporocyste primitif se développent de nou­
veaux sporocystes (= sporocystes fils), qui se libèrent et gagnent l'hépato­
pancréas du mollusque. On observe alors l'apparition dans les sporo­
cystes de nouvelles formations larvaires appelées cercaires. Ces cercaires
sont les larves infectantes des schistosomes. Elles sont formées d'un
corps long et étroit muni de deux ventouses de fixation et d'une queue
fourchue qui leur permet de nager dans l'eau. Les cercaires quittent
les sporocystes, traversent activement les tissus du mollusque et
arrivent finalement dans l'eau.
On peut estimer à plus de 100.000 le nombre de cercaires éliminé
par un mollusque au cours de sa vie. Toutes les cercaires provenant
d'un seul miracidium sont du même sexe et elles se transformeront donc
en schistowmes d'un seul sexe chez l'hôte définitif.
Les cercaires sont des petits organismes transparents et mobiles mesu­
rant moins de 1 mm de long. Les cercaires sortent du mollusque le
matin, sous l'influence de la lumière. Elles gagnent les couches super­
ficielles de l'eau où elles se tiennent verticalement avec le corps dirigé
vers le bas et la queue vers le haut, les fourchons étant déplo~7és afin
de ralentir la descente de la cercaire.
La durée du cycle du parasite dans le mollusque depuis la pénétration
du miracidium jusqu'à la production de cercaires libres est de quatre
à cinq semaines pour S. mansoni, cinq à six semaines pour S. haematobium
et sept semaines ou plus pour S. japonicum.
La cercaire est la larve infectante des schistosomes. Elle envahit acti­
vement l'hôte définitif, en l'occurrence l'homme, au moment où celui-ci
se baigne ou marche dans une eau contaminée. La cercaire a une durée
de vie d'environ quarante-huit à soixante-douze heures. La pénétration
de la cercaire à travers la peau de l'homme est rapide. Elle est le
résultat d'une action complexe où interviennent des facteurs mécaniques
(mouvements de la ventouse antérieure, appelée aussi organe de péné­
tration et action abrasive des spinules cuticulaires) et des éléments chiActa Castro-Enterologica Belgica, Vol. XXXV, Juin 1972
SCHISTOSOMES : BIOLOGIE
miques (enzymes protéolytiques sécré
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miques (enzymes protéolytiques sécrétées par les glandes de pénétra­
tian) .
Seul le corps de la cercaire pénètre dans la peau, la queue se détache
et tombe avant que le corps n'ait achevé sa pénétration. Arrivée dans
la profondeur de la peau, la cercaire gagne les capillaires lymph~tiques
ou veineux. Elle est alors entraînée passivement par la circulation san­
guine jusque dans le cœur, de là dans les poumons et enfin dans le
foie. Ces corps cercariens en migration sont encore appelés schistosomules.
Ce sont des jeunes schistosomes dont le sexe n'est pas encore reconnais­
sable.
Pour gagner le foie en partant des poumons, les schistosomules peu­
vent emprunter deux voies différentes, soit la circulation artérielle (cœur
gauche, aorte, artère hépatique), soit le passage direct par effraction
à travers le poumon et le foie. Une fois parvenus dans le foie, les
schistosomules gagnent la veine porte où ils deviennent adultes.
La période comprise entre la pénétration des cercaires et l'apparition
des premiers œufs dans les selles ou les urines est au minimum de
trente à quarante jours, mais elle peut durer beaucoup plus longtemps.
Espèces de schistosomes
responsables de la bilharziose intestinale
Nous n'envisageons ici que les schistosomes les plus répandus et les
plus importants pour l'homme:
10 L'espèce la plus répandue est Schistosoma mansoni. On la rencontre
en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud. La femelle adulte
est longue de 15 à 17 mm, le mâle de 10 à 13 mm. Le mâle possède
de 4 à 13 testicules, en moyenne 8 à 9. Chez la femelle, l'utérus est
court et n'occupe que le tiers antérieur du corps. Les œufs mesurent
en moyenne 150 !J. de long pour 60 iL de large. Ils sont munis d'un
fort éperon latéral. Les œufs sont pondus dans les parois du gros intes­
tin. Une femelle pond de 100 à 300 œufs par jour. L'hôte intermédiaire
est un planorbe du genre Biomphalaria. L'homme est le principal réser­
voir de ce schistosome. On l'a rencontré aussi chez des rongeurs et des
singes, mais ces animaux ne jouent qu'un rôle secondaire dans l'épidé­
miologie de ce parasite.
2 0 La deuxième espèce africaine est Schistosoma intercalatum. Elle
est exclusivement africaine. Les vers adultes sont longs de 20 mm
(femelle) et 8 à 15 mm (mâle). Le mâle possède de 4 à 5 testicules.
On rencontre cette espèce au Congo et dans certains pays d'Afrique
occidentale. Les œufs sont un peu plus grands que ceux de S. mansoni
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(en moyenne 175 lJ. X 60 tJ.) et ils sont munis d'un fort éperon ter­
minal. Ces œufs sont également pondus dans les parois du gros intestin.
L'hôte intermédiaire est un mollusque d'eau douce du genre Bulinus,
sous-genre Physopsis.
Ce schistosome est moins pathogène que S. mansoni.
30 Schistosoma japonicum est une espèce qui n'est rencontrée qu'en
Extrême-Orient. La femelle adulte est longue de 20 à 28 mm; son
utérus occupe la moitié ~ntérieure du corps et contient en permanence
de nombreux œufs (au moins 50). Le mâle mesure de 15 à 20 mm
en longueur; les testicules sont au nombre de 6 à 7. Les œufs sont
longs de 70 à 100 [J., larges de 50 à 65 tJ. et ils présentent un éperon
latéral rudimentaire. Les hôtes intermédiaires de ce schistosome sont
des mollusques du genre Oncomelania. Les femelles pondent leurs œufs
principalement dans les petites veines de l'intestin grêle. Une femelle
produit de 1.500 à 3.000 œufs par jour. A cause du grand nombre
d'œufs produits et de la localisation haute de l'infection, ce schistosome
est plus pathogène que S. mansoni. Son importance est aussi plus grande
sur le plan épidémiologique par le fait qu'il peut se développer chez de
nombreux animaux domestiques et sauvages, ce qui rend son éradication
très malaisée.
Rôle pathogène des schistosomes
L'action pathogène des schistosomes est directement liée à leur loca­
lisation parasitaire et à leur biologie.
C'est la migration des œufs à travers les parois de l'intestin et l'em­
bolisation d'un certain nombre de ceux-ci dans le foie et pour une
moindre part dgns les poumons qui sont à la base de la plupart des
lésions observées dans la bilharziose intestinale. Le rôle des vers adultes
est encore mal connu. On pense qu'au moment de leur mort, ils pour­
raient déclencher une réaction de sclérose au niveau du foie.
La gravité des lésions produites dépend donc directement du nombre
d'œufs pondus par les femelles. C'est ainsi que Schistosoma japonicum
dont la femelle produit de 1.500 à 3.000 œufs par jour est plus patho­
gène que S. mansoni dont la femelle ne pond que 100 à 300 œufs par
jour.
Les deux organes, qui sont les plus touchés en cas de bilharziose
intestinale à Schistosoma mansoni, sont le gros intestin et le foie.
Les œufs, qui sont pondus dans les parois de l'intestin, arrivent dans
la lumière intestinale après avoir traversé l'épithélium intestinal par effrac­
tion. Les nombreuses microlésions produites à la surface de la muqueuse
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SCHISTOSOMES : BIOLOGIE
par le passage des œufs sont autar
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ou subaiguë de la muqueuse, qui
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phologiquement et biologiquement: le
d'autre part.
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pondus dans les parois du gros intestin.
llusque d'eau douce du genre Bulinus,
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une espèce qui n'est rencontrée qu'en
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au nombre de 6 à 7. Les œufs sont
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intermédiaires de ce schistosome sont
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produites à la surface de la muqueuse
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par le passage des œufs sont autant de portes d'entrée pour les coli­
bacilles de l'intestin et il en résulte une inflammation septique aiguë
ou subaiguë de la muqueuse, qui se manifeste cliniquement par une
dysenterie.
Tous les œufs cependant ne parviennent pas dans la lumière intes­
tinale. Un certain nombre wnt retenus pour des causes diverses, dans
la sous-muqueuse ou la muqueuse. Leur présence engendre une réaction
inflammatoire dont le résultat final est la résorption de la coque de l'œuf.
Cette inflammation est accompagnée d'une destruction du tissu local, qui
est finalement remplacé par du tissu cicatriciel fibreux. L'accumulation
de ces nombreuses petites cicatrices conduit à une sclérose progressive
de la paroi intestinale. Les œufs qui continuent à être pondus dans
ces tissus sclérosés cheminent de plus en plus difficilement et beau­
coup n'arrivent plus à atteindre la lumière intestinale et sont retenus
dans les tissus avec comme conséquence une aggravation de plus en
plus rapide et importante de la sclérose. Il arrive ainsi un moment
où la plupart des œufs sont retenus. Le diagnostic de la maladie peut
alors devenir très difficile et nécessiter une biopsie de la muqueuse.
Les lésions pathologiques au niveau du foie sont produites par des
œufs qui n'ont pas été retenus dans les petites veines intestinales. Ces
œufs sont repris par le courant sanguin des veines mésentériques et
s'embolisent finalement dans le foie. Ils y provoquent les mêmes lésions
que celles que nous avons décrites pour l'intestin: inflammation chro­
nique aboutissant à la résorption de l'œuf. Il y a aussi une destruction
du tissu local suivie d'une fibrose cicatricielle. Celle-ci conduit finale­
ment à l'hypertension portale avec toutes ses conséquences pathologiques
et cliniques.
RESUME
L'auteur décrit la biologie et le cycle de développement des schistosomes para­
sites de l'homme et en particulier des espèces responsables de la bilharziose
intestinale. Les schistosomes appartiennent au groupe des trématodes digénéti­
ques ou Digenea. Toutes les espèces de ce groupe présentent un développement
complexe comportant un hôte définitif hébergeant les vers adultes et un hôte
intermédiaire dans lequel évoluent les stades immatures du parasite.
Les Digenea se di\1isent en deux groupes nettement tranchés à la fois mor­
phologiquement et biologiquement: les douves d'une part, et les schistosomes
d'autre part.
L'auteur décrit en détail le cycle de développement de Schistosoma mansoni.
Il donne les principales caractéristiques des schistosomes responsables de la bil­
harziose intestinale.
L'action pathogène des schistosomes est directement liée à leur localisation
dans les vaisseaux sanguins et à leur biologie. Ce sont essentiellement les œufs
des schistosomes qui sont responsables de la plupart des lésions observées dans
la bilharziose.
A. FAIN
Institut de Médecine Tropicale
Nationalestraat 155
B-2000 Antwerpen (België)
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A. FAIN
SAMENVATTING
De schrijver beschrijft de biologie en de ontwikkelingscyclus van de schistoso­
men die bij de mens parasiteren, en in het bijzonder de soorten die darmbil­
harziose veroorzaken. Schistosomen behoren tot de groep der digenetische tre­
matoden of Digenea. Alle soorten van deze groep vertonen een ingewikkeld
ontwikkelingsproces, waarbij een definitieve gastheer noodzakelijk is, die de
volwassen wormen herbergt, en een intermediaire gastheer, waar de onvolwas­
sen wormen van de parasiet in huizen.
De Digenea worden in twee groepen verdeeld, die op morphologisch en bio­
logisch gebied duidelijk verschillen : de lever-, darm- en longwormen enerzijds,
de schistosomen anderzijds.
Er wordt een uitgebreide beschrijving gegeven van de cyclus van Schistosoma
mansoni. De pathogene werking der schistosomen is rechtstreeks verbonden aan
hun vestiging in de bloedvaten en aan hun biologie. De eieren zijn hoofdzakelijk
verantwoordelijk voor het merendeel van de letsels die bij de bilharziose voor­
komen.
Acta Gastro-Enterologica Belgica, Vol. XXXV, Juin 1972
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