Le consentement et ses conditions éthiques

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Éditorial
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (4) : 345-6
Le consentement et ses conditions éthiques
The consent and its ethical conditions
doi:10.1684/pnv.2014.0512
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L
e verbe consentir est un emprunt très ancien au latin
qui signifie « être d’accord avec » composé du cum,
avec, et du sentire pris au sens « d’être dans un
même sentiment » [1]. Ce verbe signifie « être d’accord »
mais, dans le sens de « se conformer à ». Le consentement
qui est l’action d’acquiescer apparaît plus tardivement et
intéresse surtout le domaine moral dans le contexte de la
validité du contrat de mariage. Par rapport au verbe « adhérer », « consentir » dans son utilisation indique un accord qui
peut être éventuellement passif. Quelqu’un de consentant
n’est pas obligatoirement moteur de l’opinion mais se situe
en second, et n’exprime pas complètement un désaccord.
Progressivement le consentement prendra une acceptation
plus active ; c’est ainsi que dans la loi Huriet-Serusciat [2]
le fait de donner son consentement libre et éclairé (article
15) indique une pleine adhésion juridique à la proposition
qui est faite que cette adhésion soit donnée par voie orale
ou par voie écrite. Le caractère « éclairé » étant fondé sur
l’obligation d’information de la part du médecin. Ce dispositif a été renforcé par la loi sur la dignité de la personne [3]. La
loi dite Kouchner [4] vient renforcer cette obligation et situe
le patient dans une place de décideur. Progressivement,
la notion de consentement perd son aspect relativement
passif « d’accepter ce qui est proposé » pour de plus en
plus devenir un acte actif d’adhésion qui garantit l’accord
du patient mais, sans dédouaner le professionnel de sa
responsabilité.
La mise en place de réseaux, de coordination ou
d’intégration de services dans le domaine gérontologique,
pose la question du consentement de la personne à intégrer dans de tels dispositifs. Il se pose alors les conditions
de validité de ce consentement puisqu’on ne peut considérer que l’éclairage représenté par l’information donnée
par le professionnel suffise à son obtention de manière
valable.
On peut ainsi repérer deux ordres de limitation du
consentement.
La première limitation est celle des déterminations
comme le rappelle Michela Marzano [5]. Notre consentement est toujours une des manifestations de notre
autonomie. Mais l’autonomie personnelle est toujours une
position de dignité face à la difficulté de sa mise en œuvre
effective [6]. En effet, nos déterminismes sociaux, culturels,
économiques ou psychologiques sous-tendent nos choix.
Ces déterminismes qui sont universels prennent parfois un
visage singulier chez les personnes âgées pour lesquelles
ces déterminismes sont difficiles à exprimer ou à entendre
et répondent, parfois, à des référentiels qui appartiennent
à une autre génération, sans que cette différence culturelle
puisse être exprimée par la personne elle-même.
Une autre limitation au consentement de la personne
âgée réside évidemment dans la capacité cognitive à donner ce consentement. Lorsque les altérations cognitives
sont cliniques et en quelque sorte aisément mesurables
par leur retentissement sur les activités instrumentales,
il est aisé de les prendre en compte et de faire appel à
des proches ou en particulier à la personne de confiance
[7]. Mais chez la personne âgée, on observe souvent des
troubles exécutifs en apparence isolés, souvent d’origine
sous-corticale, d’exploration malaisée en pratique quotidienne et qui sous-tendent une incapacité à pouvoir projeter
une décision, planifier une conduite, et donc à comprendre
de manière adaptée les conséquences d’un consentement.
Ces troubles exécutifs précèdent de plusieurs années
l’apparition des atteintes instrumentales qui conduiront au
diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer, par exemple
[8].
Ainsi le consentement d’une personne âgée doit être
apprécié à l’aulne des limites socio-culturelles de son
expression, de l’implication de la personne de confiance
ou, à défaut, des aidants naturels et d’une démarche pluriprofessionnelle qui sont ainsi les repères nécessaires à sa
validation éthique.
Gilles Berrut
Références
3. La loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps et modifiée par
l’article 70 de la loi 99-641 du 27 juillet 1998.
1. Dictionnaire historique de la langue française. Sous la direction
d’Alain Rey. Paris : Éditions le Robert, 1995 : 478.
4. La loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé.
2. La loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes
qui se prêtent à des recherches biomédicales.
5. Marzano M. Je consens donc je suis : une éthique de l’autonomie.
Paris : PUF, 2006.
Pour citer cet article : Berrut G. Le consentement et ses conditions éthiques. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(4) :345-6
doi:10.1684/pnv.2014.0512
345
G. Berrut
8. Amieva H, Le Goff M, Millet X, Orgogozo JM, Pérès K,
Barberger-Gateau P, et al. Prodromal Alzheimer’s disease : successive emergence of the clinical symptoms. Ann Neurol 2008 ; 64 :
492-8.
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6. Pelluchon C. Lévinas et l’éthique médicale. Cahiers d’études Levinassiennes 2001 ; 9 :239-56.
7. Code de la santé publique, Information des usagers du système de
santé et expression de leur volonté, art. Article L1111-6.
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Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 4, décembre 2014
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