Le Vatican durant la Seconde Guerre mondiale Ange ou Démon ? «Faites sourire sur la terre, sur l'humanité le reflet de la beauté et de la lumière divine et vous aurez contribué grandement à l'œuvre de la paix». Pie XII, Lettre aux artistes 5 6 « Rien n’est perdu avec la paix. Tout peut être perdu avec la guerre », Pie XII, 23 août 1939 7 Le Vatican durant la seconde guerre mondiale : Ange ou Démon ? 8 Le Vatican durant la seconde guerre mondiale : Ange ou Démon ? Table des matières …………………………………………………………………….p.9-11 Introduction ……………………………………………………p.12 Contexte historique : ……………………………………………………………………p.13-17 o L’Eglise catholique face au fascisme et au nazisme o Hitler et l’Eglise catholique o Position du Vatican Biographies ……………………………………………………p.18-26 PARTIE I : Pie XII, le pape d’Hitler ? Quand on est élu pape, jusqu’où peut-on ou doit-on aller ? Chapitre 1: Organigramme du Vatican……………………………p.27 Chapitre 2 : Pie XI : Un pape de guerre……………………………p.28 Chapitre 3 : Pie XII : Un pape de paix………………………………p.30 Chapitre 4 : Pie XII et ses limites 4.1. Concordats et encycliques…………………………………..p.32 4.2. Bolchevisme et Judéo-bolchevisme……………………….p.35 4.3. Judaïsme et antisémitisme………………………………….p.37 4.4. Les juifs de Rome, protégés par Pie XII et les catholiques ?...........p.41 4.5. Position de Pie XII avant et pendant la guerre 4.5.1. Les intérêts de l’Eglise avant ceux des victimes ?..............................................p.42 a. Enjeux politiques b. Enjeux humains c. Neutralité 4.5.2 Discours de Noel, 1942……………………p.45 4.5.3 Mgr Orsenigo, nonce de Berlin…………..p.46 9 4.5.4 Excommunication d’Hitler…………………………p.48 4.5.5 Le silence, la solution pour qui et pourquoi ?...p.48 4.6. Attitude d’Israël envers Pie XII……………………………p.51 4.7. Demande de pardon de Jean-Paul II, 2000 ……………p.55 4.8. Actualités ………………………………………………………p.56 Chapitre 5 : La légende noire du pape d’Hitler……………………………p.57 Conclusion ………………………………………………………………………..p.59 Benoit XVI veut canoniser Pie XII, a-t-il raison ou tort ? PARTIE II : De la protection de l’Eglise à la fuite des nazis ou les dessous du Vatican L’attrait du gain, du pouvoir, de la vengeance ou de la jalousie peut-il faire basculer certains religieux dans le cercle des « Conspirateurs en soutane » ? Chapitre 1 : Les hommes de l’ombre 1.1. Réseaux d’exfiltration nazis……………………………………p.61 1.2. Odessa ……………………………………………………………..p.62 1.3. Filières romaines 1.3.1 Premières exfiltrations, Monseigneur Hudal, l’évêque d’Hitler……………….p.64 1.3.2 Filière San Girolamo, Draganović et les prêtres croates…………….p.66 1.3.3 Les raisons de leurs défections au Vatican…………p.68 1.3.4 Devenir d’Hudal et de Draganović……………………p.71 Chapitre 2 : Rôle joué par l’évêque Montini (futur Paul VI)……………….p.72 Chapitre 3 : Implication du Vatican 3.1. Intégrité ou aide ...……………………………………………………….p.73 3.2. Sanctions ...………………………………………………………………..p.75 Conclusion ………………………………………………………………………….p.76 10 PARTIE III : Avis d’historien d’ecclésiastique du Vatican personnel Vatican………………………………………………………………………p.79 Elodie Péridaens, avis personnel………………………………………p.81 Conclusion finale p.84 De nos jours, le Vatican a-t-il le droit d’encore avoir des œillères au regard du passé et de l’actuel présent (prêtres pédophiles) ? Lexique …………………………………………………………………….p.85-86 Annexes ……………………………………………………………………p.87-90 Bibliographie ………………………………………………………………p.91-95 11 Introduction Ces derniers mois, l’Eglise a souvent été citée dans l’actualité médiatique. Au travers des siècles, elle a fait l’objet de nombreuses polémiques. Nous allons nous intéresser plus particulièrement à la période 39-45 et au rôle joué par l’Eglise dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. La lecture de « Angels & Demons » de Dan Brown dont l’action se déroule principalement au Vatican et dans la Ville Eternelle, m’a amenée à m’intéresser de plus près à l’histoire de ce mini-état. Une période et un homme ont particulièrement retenu mon attention : 39-45 et Pie XII. En approfondissant mes recherches, une nouvelle question s’est posée : L’Eglise aurait-elle participé à la fuite des nazis ? Voulant me forger mon propre avis, le Travail de Fin d’Etudes était le tremplin idéal… Les deux thèmes qui feront l’objet de mon travail sont toujours très sensibles et délicats à l’heure actuelle. Le silence du pape Pie XII et le rôle joué par l’Eglise dans les exfiltrations nazies à la fin de la guerre sont toujours sujets à débat. Je vous demande donc d’être indulgent car bien entendu, il me sera impossible d’en cerner toutes les facettes. De même, je m’efforcerai de rester la plus neutre possible même si ce n’est pas toujours évident : chacun ayant sur la question un avis personnel… Le but de ce travail ne sera ni d’accuser ni de défendre qui ou quoi que ce soit mais plutôt, à la lumière de nouveaux éléments (archives du Saint-Siège), d’envisager une nouvelle approche de l’Histoire. 12 CONTEXTE HISTORIQUE : o L’Eglise Catholique face au fascisme et au nazisme o Hitler et l’Eglise Catholique o Position du Vatican L’Eglise Catholique face au fascisme et au nazisme Dictateur fasciste italien, Mussolini prit le pouvoir le 29 novembre 1922, suite à La Marche sur Rome. Chef du Parti national fasciste, il instaura une dictature où l’autorité du roi Victor-Emmanuel III devint en grande partie symbolique. Le 11 février 1929, les Accords du Latran signés entre l’Etat Italien (Mussolini) et le Saint-Siège (cardinal Gasparri) reconnurent le Vatican comme Etat Souverain mais ce dernier dut renoncer à toute prétention sur les anciens Etats pontificaux. En contre partie le catholicisme devint religion d’Etat. Bien qu’anticlérical, le Duce se rendit vite compte de la place privilégiée que l’Eglise occupait en Italie et de l’importance à faire cohabiter religion et politique en bons termes. Il n’attaquera donc jamais l’Eglise de front. Le Troisième Reich (Allemagne nazie) était dirigé par le Führer, Adolf Hitler, chef du Parti national – socialiste des travailleurs allemands. La dictature débuta à la nomination de Hitler comme chancelier le 30 janvier 1933. Hitler et Mussolini furent à la fois alliés et amis. Le premier avait une grande admiration pour le second. Mussolini quant à lui avait un grand respect pour Hitler mais était jaloux du succès des allemands, ce qui en fit parfois des rivaux. Après beaucoup d’hésitations à s’engager, le Duce n’entra en guerre aux côtés d’Hitler que le 10 juin 1940. Ce fut un échec et peu à peu, l’Italie devint « vassale » de 13 l’Allemagne nazie. En 1943, Mussolini fut renversé par le roi Victor-Emmanuel III et il fut exécuté le 28 avril 1945 après avoir essayé de fuir l’Italie. Le Fascisme italien et le Nazisme allemand étaient assez semblables : politique dictatoriale, gouvernement fondé sur la peur, la terreur, les exécutions et la fin tragique de leur dirigeant. Et le Saint-Siège ? Des historiens ont laissé entendre que Pie XII voyait ces deux dictatures « comme remparts contre le communisme ». Hitler et l’Eglise catholique En Allemagne, dans les années 1930, coexistaient 2 grandes communautés religieuses : L’Eglise Evangélique ou Luthérienne d’Allemagne Compte 40 millions de protestants dont 16 000 pasteurs. Elle restera loyale à Hitler et au pouvoir nazi. L’Eglise Catholique Rassemble 20 millions de catholiques (essentiellement en Bavière et Rhénanie) dont 20 mille prêtres et 100 mille ecclésiastiques. Dans un premier temps, le catholicisme allemand s’était opposé aux nazis : les évêques condamnaient le racisme et interdisaient à leurs fidèles d’adhérer au parti nazi jusqu’au concordat de 1933 avec l’Allemagne hitlérienne (voir Chpte 3 : Pie XII et ses limites, 3.1. Concordat et Encycliques). 14 Le cardinal Pacelli, futur Pie XII, y négocia un accord avec Hitler qui promettait de respecter les églises allemandes et de modérer les extrémistes de son parti. Le 19 mars 1937 l’encyclique « Mit brennender Sorge » (rédigée en langue allemande : fait rarissime pour une encyclique généralement en latin) condamnait les violations du Concordat de 1933 (persécutions contres les prêtres catholiques), le régime nazi et dénonçait le National-Socialisme. Au cours des deux années suivantes, de violentes répressions eurent lieu : arrestations et déportations de prêtres et de religieux, saccage et perquisitions dans certains évêchés (Munich, …), vexation, restriction,… A l’avènement de Pie XII le 2 mars 1939, le régime national-socialiste était en lutte contre l’Eglise catholique et toutes les autres religions chrétiennes. Le gouvernement allemand respectait de moins en moins les garanties du Concordat de 1933. Et pourtant les évêques allemands se montraient loyaux envers Hitler, ils approuvaient toutes ses actions en matière de politique étrangère. Ainsi lorsque les allemands pénétrèrent en Tchécoslovaquie, le 1er octobre 1938, le cardinal allemand Bertram adressa ses félicitations au Führer. Bien plus, après le suicide de ce dernier, il ordonna aux prêtres de son diocèse de dire des messes de requiem pour le repos de son âme. Le 30 septembre 1939, à la demande du ministre des Affaires Ecclésiastiques, les cloches sonnèrent pour saluer la victoire sur la Pologne. Pourtant Radio Vatican et l’Osservatore Romano dénonçaient dans le monde entier les atrocités commises par les allemands dans ce même pays. Les cloches sonnèrent également lors de la capitulation de la France en juin 1940. 15 Cependant, quelques foyers de résistance subsistaient : L’« Eglise Confessante », créée en 1934, marquait la résistance protestante à Hitler. Elle se prononça sur la question juive et pris position en 1936 mais en 1940, la Gestapo intervint, la dissout et envoya les dirigeants en camp de concentration. Le Cardinal von Preysing, à l’époque évêque de Berlin, fut l’un des rares évêques allemands à défendre des idées antinazies et ce, même après la prise de pouvoir par Hitler. Il était persuadé que la diplomatie ne changerait en rien l’attitude du Chancelier. En 1941 puis en 1943, il informa le pape Pie XII des évènements se déroulant en Allemagne, de la situation des juifs, de leur déportation. Il demandait son intervention en leur faveur. La réponse fut : « Il appartient aux évêques locaux de dire quand il faut être silencieux et quand il faut parler, compte tenu des risques de représailles ». Position du Vatican A peine élu pape, Pie XII s’efforça, de ramener la paix. Il tenta de renouer le dialogue avec Hitler. Il prôna la négociation auprès des principales puissances pour résoudre leurs conflits. Mais, le 23 août 1939, le pacte germano-soviétique accéléra le processus de guerre. Le lendemain le pape fit une déclaration officielle : « Rien n’est perdu par la paix, tout peut être perdu par la guerre ». Sans effets. Le 26 août 1939 il lança un nouvel appel à la paix et suggéra aux Polonais de faire des concessions à Hitler afin d’éviter la guerre. Sans effets. 16 Le 1er septembre 1939, après l’invasion de la Pologne, la guerre est déclarée et Pie XII conseilla alors à Mussolini de laisser l’Italie hors du conflit. A leur tour, l’Angleterre et la France entrèrent en guerre. Après la défaite de la France, le pape demanda aux gouvernements anglais et allemands de négocier pour éviter la bataille d’Angleterre. Peine perdue. La Seconde Guerre Mondiale se profilait, toutes les interventions papales ayant échoué. 17 Biographies PIE XI NOM : Ratti PRENOMS : Ambrogio Damiano Achille LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Desion, Italie, 31 mai 1857 LIEU ET DATE DE DECES : Vatican, Rome, 10 février 1939 (81 ans) NATIONALITE : Italien FONCTION : Pape Pie XI (1922-1939) 18 PIE XII NOM : Pacelli PRENOMS : Eugenio Maria Guiseppe Giovani LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Rome, Italie, 2 mars 1876 LIEU ET DATE DE DECES : Castel Gandolfo, Italie, 9 octobre 1958 (82 ans) NATIONALITE : Italien FONCTION : Pape Pie XII (1939-1958) Successeur de Pie XI Nonce apostolique en Allemagne de 1917 à 1929 Secrétaire d’Etat de Pie XI de 1929 à 1939 19 PAUL VI NOM : Montini PRENOMS : Giovanni Battista Enrico Antonio Maria LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Concesio, Italie, 26 septembre 1897 LIEU ET DATE DE DECES : Castel Gandolfo, Italie, 6 août 1978 (80 ans) NATIONALITE : Italien FONCTION : Substitut aux Affaires ordinaires sous Pie XI et Pie XII Consacré Archevêque de Milan le 12 décembre 1954 Nommé cardinal sous Jean XXIII le 15 décembre 1958 Pape Paul VI (1963-1978) 20 Orsenigo NOM : Orsenigo PRENOM : Cesare LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Villa San Carlo, Valgreghentino, Lombardi, Italie 13 décembre 1873 LIEU ET DATE DE DECES : Eichstätt, Allemagne, 1er avril 1946 (72 ans) NATIONALITE : Italienne FONCTION : Nonce apostolique en Allemagne de 1930 à 1946 Successeur de Monseigneur Pacelli à la nonciature d’Allemagne 21 Hudal NOM : Hudal PRENOM : Alois LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Graz, Autriche, 31 mai 1885 LIEU ET DATE DE DECES : Rome, Italie, 13 mai 1963 (78 ans) NATIONALITE : Autrichien FONCTION : 1923, Rome, nommé recteur du Collège Teutonique de Santa Maria dell’ Anima (église nationale d’Allemagne à Rome qui hébergeait des religieux allemands et autrichiens). 1930, nommé consultant du Saint-Office par le cardinal Merry del Val, préfet de la Congrégation du Saint-Office (congrégation pour la Doctrine de la Foi). 1933, juin, ordonné «évêque titulaire» ou «évêque in partibus» d’AEla (évêché in partibus infidelium de Syrie) par le cardinal Pacelli. C’est un titre honorifique car il n’y a pas de fidèles. 22 Draganović NOM : Draganović PRENOM : Krunoslav LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Empire Austro-Hongrois (son lieu de naissance reste assez mystérieux), 30 octobre 1903 LIEU ET DATE DE DECES : Sarajevo, Bosnie-Herzégovine ; 3 juin 1983 (79 ans) NATIONALITE : austro-hongroise (toujours avec réserves) FONCTION : Prêtre catholique Impliqué dans les réseaux d’exfiltrations nazis 23 Gehlen NOM : Gehlen PRENOM : Reinhard LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Erfurt, Thuringe, Allemagne, 3 avril 1902 LIEU ET DATE DE DECES : Starnberg, Allemagne, 8 juin 1979 (77 ans) NATIONALITE : Allemande FONCTION : Officier de renseignement nazi (espion) Général de la Wehrmacht 24 Skorzeny NOM : Skorzeny PRENOM : Otto NATIONALITE : Autrichien DATE ET LIEU DE NAISSANCE : Vienne, Autriche, 12 juin 1908 DANTE ET LIEU DE DECES : Madrid, Espagne, 6 juillet 1975 (67 ans) FONCTION : Officier de commando allemand sur ordre d’Hitler Surtout connu pour être l’un des fondateurs de l’organisation Odessa 25 PARTIE I : Pie XII, le pape d’Hitler ? Quand on est élu pape, jusqu’où peut-on ou doit-on aller ? 26 Chapitre 1 : Organigramme du Vatican L’organigramme du Vatican sous Pie XII, ayant considérablement changé depuis lors, devient très difficile à trouver à l’heure actuelle. Je remercie M. XX et Mme XX, pour m’avoir orienté dans mes recherches, malheureusement infructueuses. 27 Chapitre2 : Pie XI : Un pape de guerre Souvent catalogué « pape de guerre », Pie XI a pris position contre Hitler et le nazisme à différentes reprises notamment avec la publication le 14 mars 1937 de l’encyclique « Mit brennender Sorge » (Avec une Brûlante Inquiétude), ( voir Chptre 4 : Pie XII et ses limites : 4.1. Concordats et encycliques). Il condamna également le « Communisme athée » dans son encyclique « Divini Redemptoris » (le Divin Rédempteur), parue le 19 mars 1937 soit 5 jours après « Mit brennender Sorge ». Lors de la visite d’Etat de Hitler à Rome du 3 au 9 mai 1938, le pontife se retira dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo, fit fermer les musées du Vatican mais se dit prêt à rentrer et à rencontrer le Führer si ce dernier acceptait de changer sa politique religieuse. Très prudent sur la question de l’antisémitisme et du racisme et plutôt qu’une déclaration pontificale adressée au monde entier qui ressemblerait à une condamnation publique de l’Allemagne, Pie XI envoya simplement une lettre aux recteurs des universités et séminaires catholiques, leur demandant une « mobilisation intellectuelle » contre le racisme. A l’été 1938, Pie XI demanda aux Jésuites de préparer une encyclique dénonçant le racisme, l’antisémitisme et les persécutions contre les juifs. Appelée « Humani Generis Unitas » (L’unité du genre humain) et toujours en préparation à la mort du Pape, le 10 février 1939, cette encyclique ne fut jamais promulguée mais archivée par le Saint-Siège. De nombreuses critiques fusèrent alors et Monseigneur Pacelli fut suspecté d’avoir fait disparaître ce document que parfois l’on surnomma l’ « Encyclique cachée » ou « Encyclique perdue ». Les détracteurs du futur Pie XII l’accusaient ainsi d’être 28 antisémite, favorable à Hitler et vouloir éviter un affrontement entre le Vatican, le Duce et le Führer. En fait, c’est la version annotée par Pie XI qui fut détruite, le camerlingue, en ce casci Monseigneur Pacelli, ayant pour mission de détruire toutes les notes d’un pape décédé. Mais, si Pie XI avait vécu plus longtemps, aurait-il osé publier cette encyclique au risque de déclencher un conflit avec l’Allemagne d’ Hitler et l’Italie de Mussolini ? Réticent à bouger, il pensait agir avec sagesse sans coup d’éclat et se raccrochait aux concordats signés avec l’Allemagne et l’Italie. 29 Chapitre 3 : Pie XII : un pape de paix Nonce apostolique à Munich en 1917, puis à Berlin en 1925, nommé cardinal puis secrétaire d’Etat de et par Pie XI en 1929 après les Accords du Latran, le Cardinal Pacelli, de ses 12 ans de mission en Allemagne, avait une connaissance approfondie du pays, de ses problèmes, de ses habitants. Il y avait gardé des relations. Secrétaire d’Etat de Pie XI, il conserva la direction des affaires d’Allemagne et, devenu Pie XII, s’inquiéta du sort de l’Eglise d’Allemagne face à Hitler. Docteur en théologie, en droit civil, en droit canon, érudit (il parlait 6 langues), de par ses nombreuses missions à l’étranger, il apprit la diplomatie. D’après le témoignage de Mgr Tardini 1, Pie XI avait préparé Mgr Pacelli à lui succéder. Mais si Pie XI fut qualifié d « intrépide »2, d’impulsif et de colérique, Pie XII, à l’inverse, ne montrait pas ses émotions et fut qualifié quant à lui de « timide et indécis »². Sur leurs blasons respectifs : « un aigle valeureux »² et « une colombe de la paix »². Tous deux eurent le choix entre silence et condamnation. Ils choisirent la plupart du temps le silence afin de ne pas déclarer la « guerre » aux nazis et fascistes. L’un comme l’autre, ils défendirent le Concordat du 20-07-1933 qui même s’il n’était pas respecté assurait une certaine protection aux catholiques allemands. De même, ils ne désiraient pas mettre plus en danger l’Eglise d’Allemagne par de trop fermes prises de position. Certains ont vu en Pie XII, un pape prudent, modéré, pesant le pour et le contre, prenant la voie du moindre risque, préférant rester en retrait des évènements et dépourvu d’imagination. Lui-même qualifiait son attitude pendant la guerre de non-neutre mais d’impartiale. 1 . Mgr Tardini : secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires et première section de la Secrétairerie d’Etat. 2 . « Hitler et le Vatican », P. Godman, Chap. 14 : L’excommunication de Hitler, pg 243. 30 « Juger les choses selon la vérité et la justice » écrivait Pacelli dans une lettre datée du 31-01-1943 et adressée au Cardinal Faulhaber. « Si un acte est contraire à la vérité et à la justice, il est à condamner mais avec la plus grande prudence pour ne pas accentuer les persécutions » Pensait-il à la répression en Hollande de 1942 ? 31 Chapitre 4 : Pie XII et ses limites 4.1. Concordats et encycliques a) Les Accords du Latran L’Italie étant fondamentalement chrétienne, ce qu’il manquait à Mussolini, c’était l’appui du pape. Le 11 février 1929, trois protocoles furent signés à Rome par le cardinal Gasparri (secrétaire d’Etat de Pie XI) et le Duce au palais du Latran 3 : -Un traité politique La souveraineté du Pape est limitée au seul Etat de la Cité du Vatican. Le Pape renonce à toute prétention sur les anciens états pontificaux (au centre de l’Italie). En échange, il reçoit - Une convention financière Une compensation financière énorme, à peu près 1.750.000.000 lires, est octroyée au pape pour la perte des Etats pontificaux. il signe - Un concordat dans lequel Le catholicisme devient la religion d’Etat en Italie. L’obligation des cours de religion pour les italiens. L’interdiction de divorcer. L’importance du rôle du Vatican dans la Famille. 3 . Palais du Latran : Ancien palais de l’Empire romain, il fut la résidence principale des papes du IVème au XIVème siècle. Il est contigu à l’archibasilique Saint-Jean de Latran, siège du Diocèse (ou Evêché) de Rome. 32 La communauté internationale a interprété cela comme un accord passé avec le pape. Après la Seconde Guerre mondiale, la nouvelle République italienne reconnaît l’Eglise catholique et l’Etat du Vatican mais n’admet plus les lois catholiques. Pour la première fois depuis l’Empire romain, l’Italie n’est plus sous l’autorité spirituelle du Vatican. b) Le concordat du 20 juillet 1933 L’accord fut signé entre le Saint-Siège représenté par le Cardinal Pacelli, secrétaire d’Etat de Pie XI et le Reich allemand, représenté par le vice-chancelier Franz von Papen (catholique conservateur). Il assurait la protection des catholiques allemands dans une Allemagne en majorité protestante. Après la Seconde Guerre mondiale, le concordat fut suspendu. Le 26 mars 1957, la Cour constitutionnelle allemande reconnut et confirma sa validité toujours d’actualité de nos jours. c) L’encyclique du 14 mars 1937 Pie XI avec « Mit brennender Sorge » (Avec une Brûlante Inquiétude), condamna le National Socialisme d’Hitler, dénonça le non-respect du concordat de 1933 et la persécution à l’encontre des catholiques allemands. Il y critiqua entre autres l’Etat totalitaire, le racisme, le paganisme et la propagande anti-chrétienne. 33 Cette encyclique fut préparée en secret par les cardinaux Pacelli et Faulhaber (archevêque de Munich). Elle fut préférée à un concordat pour ne pas mettre en danger celui de 1933. Ecrite exceptionnellement en allemand et non en latin car, adressée aux évêques allemands, l’encyclique fut distribuée secrètement aux prêtres dans toutes les paroisses d’Allemagne et lue publiquement le 21 mars 1937, Dimanche des Rameaux. En représailles, les persécutions anti-catholiques s’intensifièrent en Allemagne : perquisitions des évêchés, procès contre les congrégations religieuses, fermeture d’écoles catholiques, dissolution d’organisations catholiques… En 1937, 1100 prêtres et religieux furent emprisonnés dont 304 prêtres déportés à Dachau en 1938. d) La première encyclique de Pie XII, du 20 octobre 1939 Pie XII avec « Summi Pontificatus » (De l’unité du genre humain), condamna le racisme. Il y prônait l’unité de la race humaine, des différentes cultures, ni supérieures, ni inférieures, la solidarité et la charité afin que tous les peuples soient égaux et le rejet d’un état totalitaire qui pour Pie XII représentait un danger pour la paix dans le monde. Comme toutes les encycliques, ce document se voulait non politique mais le pape y faisait référence à la Pologne envahie. Citons 3 réactions en fonction du pays engagé : L’ambassadeur d’Allemagne au Vatican parla « d’attaque directe contre le troisième Reich ». 34 En Amérique, le New-York Times écrivit en date du 28 octobre 1939 : « Le pape condamne les dictateurs et le racisme. Il exhorte à la reconstitution de la Pologne ». En France et en Angleterre, en guerre contre l’Allemagne, l’on traduisit l’encyclique en allemand et des milliers de copies furent larguées audessus du pays ennemi. 4.2. Bolchévisme a) Le bolchévisme ou communisme ou marxisme Le bolchévisme est un courant politique révolutionnaire marxiste constitué en Russie en 1903 et symbolisé par Lénine. Après la révolution russe de février 1917 où le régime du tsar fut renversé, les bolchéviks prirent le pouvoir en octobre 17, installèrent un régime « léniniste » et refusèrent de le partager avec tous les autres partis politiques. En 1922, il se nommera Parti communiste de L’Union soviétique. Lénine a fait sien les concepts de Karl Marx en les adaptant et en les interprétant pour son régime. Il faut renverser la bourgeoisie (et le Capitalisme) qui exploite le peuple : paysans et ouvriers (prolétariat) par la révolution en renversant le dernier tsar de Russie, Nicolas II. Ce dernier abdiqua le 2 mars 1917. Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918, Lénine donna l’ordre de massacrer toute la famille Romanov (le tsar, son épouse et leurs 5 enfants). 35 A la mort de Lénine en 1924, Staline lui succéda. Depuis avril 1922, il était secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique et le resta jusqu’à sa mort en 1953. Chef de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), il imposa une politique de terreur et de purges. On lui doit les goulags ou camps de travail où des centaines de milliers de personnes ont connu la déportation. Les opposants au régime étaient forcés à l’exil ou assassinés. Le « petit père des peuples » était un dictateur qui s’octroya un pouvoir personnel absolu et imposa à l’URSS un régime totalitaire. Au regard de ce qui précède, il est plus facile de comprendre l’attitude de Pie XII vis-à-vis du communisme. Il ne pouvait admettre une telle doctrine et avait peur qu’elle ne prenne le contrôle en Europe. C’est peut-être l’explication à certains écrits comme quoi Pie XII considérait le fascisme et le nazisme comme remparts contre le communisme. b) Le Judéo-bolchévisme ou Judéo-communisme ou Judéo-marxisme ou bolchévisme juif Le Judéo-bolchévisme est un terme politique antisémite et anticommuniste. Faisant référence, entre autres, aux origines juives de Léon Trotski, il soutenait que les juifs, pour la plupart athées, étaient à l’origine du communisme. Or il faut savoir que ces derniers étaient une minorité opprimée et méprisée en Russie. Dans les années 1920, cette idéologie s’est largement répandue dans tous les pays du monde. 36 Déjà défendue en 1918 par l’ambassadeur américain en Russie (David Francis) et en 1920 par l’anglais Winston Churchill accusant les juifs d’être responsables de la Révolution russe, elle servait parfaitement les intérêts du parti nazi qui l’a adaptée et utilisée à sa cause : le régime communiste servait les intérêts juifs et tous les juifs étaient communistes… 4.3. Judaïsme et antisémitisme a) Le judaïsme Le judaïsme rassemble tous les juifs appartenant à la religion juive, qu’ils soient pratiquants ou non. Il est basé sur la croyance que Dieu a élu le peuple juif. Le symbole en est le chandelier à sept branches appelé menorah. b) L’antijudaïsme L’antijudaïsme est l’hostilité à l’égard du judaïsme en tant que religion. c) L’antijudaïsme chrétien L’antijudaïsme chrétien reproche au peuple juif d’avoir condamné et crucifié JésusChrist et l’a appelé peuple « déicide »4 pour cette raison. 4 . Peuple déicide : Concept selon lequel le peuple juif serait collectivement responsable de la mort du Christ. 37 L’Eglise catholique a reconnu s’être toujours méfiée du peuple juif dans le passé et avoir ainsi diffusé une culture anti-judaïque allant jusqu’aux persécutions antijuives. Déjà en 1959, Jean XXIII supprima dans la prière universelle du Vendredi saint, la mention « pro perfidis judocis » (« Prions aussi pour les juifs incroyants », au sens où ils n’étaient pas chrétiens). Dans le missel promulgué en 1970, Paul VI la formula de cette manière: « Prions pour les juifs à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance ». Lors du Concile Vatican II, ouvert en 1962 par Jean XXIII et terminé en 1965 par Paul VI, suite au décès du précédent en 1963, on rejeta pour la première fois la « culpabilité collective » du peuple juif. Position identique, tout récemment, de Benoît XVI qui a mis fin à l’antijudaïsme chrétien. Le 9 mars 2011, mercredi des Cendres, le pape publiait le second tome de son livre « Jésus de Nazareth », dans lequel il innocente le peuple juif dans la condamnation de Jésus et donc le lave du crime de déicide. Le Concile Vatican II a également abandonné la théologie (ou théorie) de la Substitution ou Supersessionisme : « le christianisme aurait été substitué au judaïsme dans le dessein de Dieu ». L’origine de cette doctrine remonte au milieu du IIè siècle, quand pour la première fois, le philosophe chrétien Justin de Naplouse écrivit que « l’Eglise est le véritable Israël ». 38 d) L’antisémitisme L’antisémitisme marque l’hostilité à l’égard des juifs en tant que peuple et non plus uniquement en tant que religion. Il symbolise la haine à l’encontre d’une nation considérée comme race inférieure. Prenons 3 pays en exemple : -La Russie voir 4.2. Bolchévisme, b) le judéo-bolchévisme. - La France Edouard Drumont publia en 1886 « la France juive », pamphlet antisémite qui connut un grand succès. On assista alors à une forte montée antisémitisme, doublée d’une montée du cléricalisme. En 1894, sur fond d’espionnage et d’antisémitisme, éclatata l’affaire Dreyfus. D’origine alsacienne, cet officier (capitaine) français juif fut condamné et déporté en Guyanne en 1894, pour avoir livré des secrets militaires français à l’Allemagne. Il fut innocenté et réhabilité en 1906. Durant la Seconde Guerre mondiale, le régime de Vichy a mené une politique antisémite : collaboration de Pétain avec Hitler et les nazis menant une haine, un mépris et une exclusion des juifs résidant en France. -L’Allemagne Au milieu des années 1920, Alfred Rosenberg (adhérent du parti nazi) diffusa le « Protocole des Sages de Sion », par le biais du « Völkischer Beobachter » (observateur populaire), appartenant au Parti national-socialiste. A l’origine, écrit à la demande de la Okhrana (police secrète tsariste), il était destiné au tsar Nicolas II 39 et à sa politique de discrimination antisémite. Faux programme juif, il voulait prouver l’existence d’un vaste complot destiné à prendre le pouvoir mondial. Repris par Hitler, ce texte fut publié à grande échelle dans le but de dénoncer ce complot juif et devint l’une des bases de la propagande antisémite du Troisième Reich. Devant un tel climat de haine et d’hostilité, beaucoup de juifs émigrèrent aux EtatsUnis dans les années 1930. Nous pouvons mieux comprendre maintenant la rupture entre juifs et chrétiens. Cela explique peut-être le silence de nombreux catholiques face aux persécutions et déportations juives ou l’attitude de l’Eglise d’Allemagne, qui intervint en faveur des juifs convertis au christianisme ou mariés à des catholiques mais resta quasiment silencieuse concernant les juifs non catholiques. 4.4. Les juifs de Rome protégés par Pie XII et les catholiques ? Début septembre 1943, les nazis envahirent le nord et le centre de l’Italie. Le 10 septembre, l’armée allemande occupa Rome et s’arrêta aux portes du Vatican (symboliquement à la frontière). La communauté israélite (environ 12 000 juifs) commença à s’inquiéter et le grand rabbin de Rome, Zolli demanda aide à Pie XII. 40 Début octobre, les juifs et toutes personnes recherchées par les allemands trouvèrent refuge dans des couvents, des communautés religieuses et même au Vatican. Sur ordre de Pie XII, les hommes furent autorisés à pénétrer dans les couvents de religieuses et réciproquement. Couverts par l’immunité diplomatique comme propriétés pontificales, certains abris furent cependant forcés et les réfugiés arrêtés. Dans la nuit du 15 au 16 octobre, une rafle SS (razzia) fut déclenchée contre les juifs italiens. Un millier d’entre-eux furent arrêtés et déportés à Auschwitz. Le Cardinal Maglione, secrétaire d’Etat, convoqua au Vatican l’ambassadeur d’Allemagne et « protesta ». La négociation s’engagea et un compromis fut trouvé : le silence du pape (désapprobation officielle) contre l’arrêt de la razzia qui permit de sauver des milliers de juifs. Les juifs étrangers furent à leur tour inquiétés et aidés par un capucin français vivant à Rome, le père Marie-Benoît. Dans le plus grand secret, il leur fournit des papiers d’identité, des cartes d’alimentation,… A la demande du rabbin David Panzieri (faisant fonction de grand rabbin) et des familles inquiètes du sort des prisonniers, le Vatican apporta son aide en créant un bureau d’information, sous la responsabilité de Mgr Montini (substitut aux Affaires ordinaires et futur Paul VI), afin de recueillir et transmettre des nouvelles des victimes disparues. Parallèlement, Pie XII essayait de protéger Rome et le Vatican de la destruction. Le bombardement de la Ville éternelle par l’aviation alliée, le 19 juillet 1943, avait tué plus de 1500 civils et fait autant de blessés. Après le débarquement allié en Sicile, le 10 juillet 1943, puis en Italie, début 1944 (batailles d’Anzio et de Monte Cassino), la guerre se rapprochait. 41 Afin d’éviter que Rome ne devienne un champ de bataille, toutes les voies diplomatiques furent utilisées avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Irlande,… Le 27 mai 1944, Mgr Tardini (substitut aux Affaires extraordinaires), rencontra l’ambassadeur d’Allemagne. Il lui demanda de respecter le Ville sainte : ni représailles, ni destructions à la retraite allemande. Dans son discours du 2 juin, Pie XII s’adressa à l’opinion mondiale dans le même contexte : le respect de tous pour Rome. Au soir du 2 juin, face aux Alliés, les allemands se replièrent. Ils firent le choix d’évacuer la ville et non de la défendre. Le 4 juin, les troupes américaines rentraient dans la cité et occupaient, le 5 juin au matin, une « Rome à peu près intacte ». 4.5. Position de Pie XII avant et pendant la guerre 4.5.1. Les intérêts de l’Eglise avant ceux des victimes ? a) Enjeux politiques Pie XII détestait la guerre et a défendu la paix en intercédant auprès des nations concernées : « Une paix négociée seule permettra d’arrêter le conflit ». Après l’échec de la diplomatie papale et la déclaration de guerre, d’autres enjeux se prolifèrent… 42 o Il fallait protéger l’Eglise d’Allemagne menacée par le régime nazi. o Pie XII devait sauver Rome, la Ville sainte de la destruction. o Il voulait garantir la neutralité du Vatican en évitant tout conflit avec le Führer. Pour la politique nazie, Hitler, en évitant toute guerre ouverte avec le Saint-Siège, forçait le pape à en faire autant. o Or, les condamnations faites par le Vatican auraient pu être interprétées comme guerre spirituelle par l’Etat allemand. o La lutte contre le communisme, « le pire ennemi de l’Eglise » comme l’a souligné Mgr Tardini, devait être doublée d’une lutte contre le nazisme, synonymes tous deux d’injustice, d’oppression et de persécution. Pour certains, l’enjeu politique majeur était la complicité existant entre Pie XII et Hitler. Cette thèse doit être écartée car aucune preuve n’a jamais confirmé de tels faits, lesquels d’ailleurs ont été démentis lors du procès de Nuremberg5. b) Enjeux humains o L’enjeu humain le plus important fut, sans nul doute, le sort des juifs. Juifs de Pologne, de Hollande, de France, d’Allemagne, d’Italie, de Rome, arrêtés, persécutés, déportés par milliers. Pourtant, les premières mesures contre les juifs n’ont guère ému les milieux chrétiens, ni en Allemagne, en Autriche, en Italie ou en France (statuts et législation antisémites de Vichy en octobre 1940 et mai 1941), ni en Hongrie et en Europe 5 . Procès de Nuremberg : Procès incriminant 24 principaux responsables du régime nazi, se déroulant à Nuremberg (Allemagne) à la fin de la guerre, du 20 novembre 1945 au 1 er octobre 1946. 43 centrale sauf en Slovaquie où le nonce Burzio et l’épiscopat réagirent énergiquement mais en vain, en novembre 1941. o Pie XII, très attaché au catholicisme allemand se préoccupait aussi de la situation de l’Eglise en Allemagne. A peine élu pape et entouré des 4 cardinaux allemands Bertram, Faulhaber, Schulte et Innitzer, il en conclut que pour la protéger, on devait améliorer les relations entre l’Eglise et le gouvernement allemand. Ce fut peine perdue, la propagande anticatholique continua, la persécution religieuse aussi, amenant à des représailles sur les catholiques et religieux allemands. o Il fallait aussi garantir la sécurité du Saint-Siège et épargner le peuple italien. Pie XII adressa donc un message à Mussolini appelant à la négociation et à Roosevelt appelant à la clémence. c) Neutralité Pie XII était un pape de paix. Son but premier fut de garantir cette paix à travers le monde et surtout avec les nazis. Rester neutre était pour lui une des meilleures solutions possibles. Mais au terme de neutralité pris dans le sens d’indifférence, il préférait celui d’impartialité qui « juge les choses selon la vérité et la justice ». Telle était la diplomatie pontificale, une volonté de rester neutre afin de préserver ses relations avec tous les pays en guerre. « Ni se taire complètement, ne faire d’éclat dangereux mais protester prudemment ». 44 En cela, Pie XII suivait tout simplement la politique apprise sous Pie XI en tant que secrétaire d’Etat. A certaines reprises, Pie XI eut quelques réticences à parler et l’exnonce apostolique de Berlin n’a fait que suivre son exemple. De sa nonciature en Allemagne et de ses nombreux voyages à l’étranger, Pie XII avait acquis une grande expérience diplomatique. Face à la montée du nazisme et de l’antisémitisme, face aux persécutions et aux représailles, plutôt que de protester publiquement, il préféra s’en tenir à la voie diplomatique pensant ainsi sauver beaucoup de vie. 4.5.2. Discours de Noël, 1942 Le discours de Noël de Pie XII, le 24 décembre 1942, diffusé par Radio Vatican en italien, langue difficilement comprise en Allemagne, a suscité une polémique parmi les détracteurs du pape. Dans le film « Amen » de Costa-Gravas (2001), il fut présenté comme un discours neutre où Pie XII n’exprimait en aucune façon son avis sur la question nazie. Une phrase pourtant retint l’attention : « Ce vœu [de retour à la paix], l’humanité le doit aux centaines de milliers de personnes, qui, sans aucune faute de leur part, pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extinction progressive ». Mais si le terme juif n’apparut pas dans le message pour d’évidentes raisons diplomatiques, il était clair que le pape faisait allusion aux victimes de la Shoah et prenait position contre le nazisme. Le 25 décembre 1942, le New York Times (journal important aux Etats-Unis), prit le parti du pontife et publia un éditorial : « La voix de Pie XII est bien seule dans le silence et l’obscurité qui enveloppe 45 l’Europe ce Noël. Il est à peu près le seul dirigeant restant sur le Continent européen qui ose tout simplement élever la voix ». Sur le plan diplomatique, à la fin de janvier 1943, l’ambassadeur d’Allemagne von Bergen protesta contre cette rupture de la « traditionnelle attitude de neutralité » : « Le Vatican semble prendre une position politique contre l’Allemagne. Veuillez l’informer qu’en ce cas, l’Allemagne ne manquerait pas de moyens de représailles physiques ». 4.5.3. Mgr Orsenigo, nonce de Berlin Successeur de Mgr Pacelli à la nonciature de Berlin, Cesare Orsenigo, de tous les avis recueillis de personnes travaillant avec lui, n’était pas d’un tempérament combatif. Contrairement à Mgr Pacelli, le nonce n’était pas un homme formé à la diplomatie. Il manquait d’imagination et d’audace. Orsenigo n’était pris au sérieux ni par Hitler, ni par Pacelli, ce dernier l’excluant même de toutes les négociations au sujet de l’Allemagne. Cependant, il fut l’une des principales sources d’informations en territoire allemand pour le Saint-Siège durant la Seconde Guerre mondiale et la montée au pouvoir des nazis. Après la victoire d’Hitler en 1933, il écrivit à Pacelli qu’il serait « naïf et peu cohérent »6 de soutenir ce nouveau gouvernement, déjà condamné par les évêques catholiques mais tout aussi imprudent de s’y opposer. Selon lui, les catholiques allemands ne sauraient pas s’opposer au Führer car la moitié d’entre-eux avaient voté pour les nazis. 6 . « Hitler et le Vatican », P. Godman, Chap.4 : Des voix s’élèvent en Allemagne, pg 58. 46 Orsenigo était un homme de compromis, prudent mais indécis. Le 8 mai 1933, il rapporta que lors d’une rencontre avec Hitler, celui-ci lui avait confié qu’il n’imaginait pas « la vie d’un individu ou d’un Etat sans le christianisme »7. Et qu’une association entre l’Etat allemand et l’Eglise était plus que nécessaire pour venir à bout, entre autre, du bolchévisme. Ensuite le Führer s’était exprimé ouvertement sur sa peur des juifs, « race […] un danger pour l’Etat et l’Eglise »8. Hitler avait réussi à charmer le naïf Orsenigo. Au printemps 1933, lorsque le Vatican apprit les persécutions dont les juifs étaient victimes, Pacelli donna au nom de Pie XI, des directives à Orsenigo : « Le Saint-Père charge Votre Excellence d’examiner l’opportunité et les modalités d’une éventuelle intervention »9. Mais le nonce déclara qu’il était fort dangereux pour le Vatican d’intervenir contre le gouvernement nazi car cela serait perçu comme « protestations contre les lois de ce gouvernement »10. Le silence était donc de rigueur pour cet homme qui hésitait beaucoup à agir… En tant que nonce de Berlin, Orsenigo ne fut jamais l’homme adéquat. Il maîtrisait très mal la langue, n’était pas bien perçu par les évêques catholiques allemands. Il était contre la rupture avec le Troisième Reich, contre les disputes et les coups d’éclat. Il eut pourtant conscience du régime de terreur imposé par Hitler mais comme ses démarches restaient sans succès, il s’est peu à peu découragé et resta uniquement l’homme de contact de Pie XII. 7 . ibid. pg 60. . ibid. pg 60. 9 . ibid. pg 61. 10 . ibid. pg 62. 8 47 4.5.4. Excommunication de Hitler Sous Pie XI, le Vatican hésitait entre condamner et concilier avec l’Allemagne de Hitler et l’Italie de Mussolini. Avec l’Italie, c’était plutôt un « mariage d’intérêt », une collaboration hypocrite, Mussolini ne voulant pas d’un conflit avec le Saint-Siège et Pacelli ayant peur d’un rapprochement du gouvernement italien avec Hitler. Dans ce marché de dupes, le 10 avril 1938, bien avant son alliance avec Hitler, le Duce proposa au pape l’excommunication du Führer. Ni Pie XI ni par la suite Pie XII ne voulurent prendre de risques et préférèrent la modération et la négociation avec l’Allemagne, plutôt que l’excommunication, qui passerait pour une sanction extrême. Ils jouèrent la sécurité au regard du nazisme et du fascisme comparés à la menace bolchévique. 4.5.5. Le silence, la solution pour qui et pourquoi ? Le qualifiant de pro-nazi ou de germanophile, beaucoup reprochèrent à Pie XII son silence ou quasi-silence face aux atrocités commises en Pologne, au génocide juif et aux massacres des serbes orthodoxes (Croatie). Ce silence peut s’expliquer de plusieurs façons. 48 a. La diplomatie Pie XII, de par sa formation de diplomate, était persuadé que la défense de l’Eglise et des persécutés passait par les voies diplomatiques traditionnelles. Dans ses discours et messages, il insistait sur les « excès de la guerre » et sur les « bienfaits de la négociation et d’une paix fondée sur un juste équilibre ». b. La protection de Rome et du Vatican contre l’occupation allemande c. La volonté de ne pas mettre en danger l’Eglise d’Allemagne et ses catholiques d. La méfiance vis-à-vis du bolchévisme e. Et principalement la peur des représailles o Lors de l’invasion de la Pologne en septembre 1939, l’Eglise fut visée tout autant que les juifs. Plusieurs milliers de religieux furent exécutés ou envoyés en camp de concentration. Le nonce de Varsovie et le gouvernement s’étaient réfugiés en Roumanie. Radio-Vatican sut donner, quelques temps, des informations sur les conditions de l’Eglise en Pologne. Mais sa diffusion s’arrêta lorsque le gouvernement d’Hitler menaça le pape de représailles, jugeant ces émissions anti-allemandes. o En 1941, lorsque le Führer rédigea son plan « Euthanasie » (assassinat des aliénés et des incurables), le pontife soutint les évêques qui protestaient mais sans intervenir publiquement. o Après la lettre des évêques des Pays-Bas condamnant la déportation des juifs dans les camps d’extermination, lue dans les églises hollandaises en juillet 1942, la répression fut d’une violence sans précédent. Plus de 80% de la 49 population juive de Hollande fut exterminée. Aux 100 000 déportations et disparitions dont Anne Frank, célèbre pour son journal, on compta 30 000 survivants à la fin de la guerre. Les SS s’en prirent également aux juifs convertis au christianisme et envahirent les monastères, couvents et écoles catholiques. o Le 2 juin 1943, Pie XII tint un discours devant les cardinaux : « Toute parole, toute allusion publique devaient de Notre part, être sérieusement pesées et mesurées, dans l’intérêt même de ceux qui souffrent, pour ne pas rendre leur situation encore plus grave et insupportable ». A différentes reprises, juifs et chrétiens demandèrent au pape de ne pas faire de protestation publique et de modérer ses propos afin de ne pas intensifier les persécutions nazies. Mais à côté de ce silence, l’Eglise a pu agir par des interventions aussi discrètes qu’efficaces auprès des nonciatures et des évêques, en créant des filières clandestines d’aide aux juifs et en les cachant. Certains ont émis l’hypothèse que Pie XII, par son silence et ses actions secrètes, aurait permis de sauver de 700 000 à 860 000 êtres humains. Mais il ne fut pas le seul à garder le silence et ne peut être tenu pour unique responsable de l’Holocauste. Face à Hitler, antisémite et anticlérical, suivi aveuglément par les allemands et les fanatiques nazis, face aux compromis politiques et religieux, face aux lois raciales se tenaient le pape et sa prudence mais aussi toute l’Europe, où les gouvernements et les églises ne réagissaient pas et gardaient le silence face à la montée du nazisme et qui, plus tard, trop préoccupés par la guerre, ont mis de côté le sort des juifs. 50 En exemple, les accords de Munich du 30 septembre 1938, signés entre l’Allemagne, la France, l’Angleterre et l’Italie : pensant sauver la paix, français et anglais livrèrent la Tchécoslovaquie à Hitler, pourtant la France avait avec ce pays un traité d’alliance. En fait, ils n’ont fait que retarder la guerre comme l’avait prédit Winston Churchill, avant la signature : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre »11. Pie XII devait-il parler plus ? Etait-ce la solution ? Mais à quel prix ? Car s’il avait condamné publiquement les régimes nazi et fasciste, n’y aurait-il pas eu encore plus de représailles, encore plus de morts et cette fois tant catholiques que juifs ? Il est aisé de polémiquer, de supputer sur des questions auxquelles nous n’aurons jamais de réponses. Restons dans le contexte historique. Une chose est sûre : rien ni personne n’aurait pu arrêter Hitler et sa folie de domination. Même pas un pape… 4.6. Attitude d’Israël envers Pie XII Israël et la communauté juive ont des avis très partagés sur Pie XII. Au lendemain de la guerre, en mars 1946, Isaac Herzog, grand rabbin de Jérusalem, exprima toute sa gratitude envers le pape pour son action en faveur des juifs. De même, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères, déclara le jour de la mort du pontife, le 9 octobre 1958 : 11 . Dans un hebdomadaire français « Match », daté du 29 septembre 1938, pg 4. 51 « Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyr terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs… Nous pleurons un grand serviteur de la paix ». Le 21 février 2001, le grand rabbin de New York, David Dalin, demanda de reconnaître Pie XII comme un « Juste parmi les Nations »12. Cet historien a publié, en 2005, une étude sur le rôle joué par le pontife pendant la guerre. Basée sur des faits historiques établis (archives,…), elle en arrive à la conclusion que Pie XII devait être reconnu « Juste parmi les Nations ». Le livre fut traduit en français sous le titre « Pie XII et les juifs. Le mythe du pape d’Hitler ». Déjà en 1940, Albert Einstein déclarait au quotidien anglais « Times », que seule l’Eglise se mettait en travers du chemin d’Hitler. Si ces quelques exemples louent les actions de Pie XII durant la guerre, d’autres par contre condamnent son rôle joué à cette époque. Le mémorial israélien de Yad Vashem, à Jérusalem, se donne pour mission de perpétuer la mémoire de la Shoah. Il comprend le nouveau musée de l’histoire de l’Holocauste inauguré en 2005 qui présente « la vérité historique » sur Pie XII telle qu’elle est connue aujourd’hui : une grande photo du pape est exposée dans la galerie de « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu’ils ont fait contre les juifs »13. Le mémorial se dit toutefois prêt à revoir sa position si de nouveaux éléments sur Pie XII sortiraient des archives du Vatican. Le rabbin israélien Cohen, invité au Synode (assemblée) des évêques du monde entier à Rome en octobre 2008, critiqua le silence de Pie XII sur l’extermination des juifs durant l’Holocauste. 12 . Juste parmi les nations : Plus haute distinction honorifique décernée au nom de l’Etat d’Israël par le mémorial « Yad Vashem ». Ce sont « Les Justes parmi les Nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ». 13 . Nom de la galerie du mémorial « Yad Vashem ». 52 De même, toujours en octobre 2008, Israël s’est élevé par la voix du ministre des Affaires sociales, Ytzhak Herzog (petit-fils du grand rabbin de Jérusalem en 1946) contre le souhait de Benoît XVI de béatifier Pie XII, à qui il reproche de n’avoir jamais condamné la Shoah. Traduction du poème (Nathan Alterman, 1942) Pendant que les fours étaient nourris jour et nuit, Le plus Saint-Père qui demeurait à Rome N’a pas quitté sa basilique, avec l’image du sauveur, Pour être le témoin d’un jour de pogrome14. Participer juste, à une seule journée A l’endroit où se trouve depuis des années, comme un [agneau L’anonyme enfant d’un juif. Portrait de Pie XII au Mémorial « Yad Vashem » Galerie de « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu’ils ont fait contre les juifs ». Traduction15 du texte se trouvant en-dessous du poème « Le Pape Pie XII : Les réactions de Pie XII au meurtre des Juifs pendant la Shoah sont sujettes à controverse. En 1933, quand il était Secrétaire du Vatican, il fut actif pour obtenir un Concordat avec le pouvoir allemand afin de protéger le droit de l'Église en Allemagne, même si cela signifiait la reconnaissance du régime nazi raciste. Quand il fut élu pape en 1939, il « enterra » une lettre contre le racisme et l'antisémitisme qu'avait préparée son prédécesseur. Même lorsque les rapports sur le massacre des 14 . Shoah : Massacre. 15 . www.herodote.net/articles/articles.php?ID=559 53 Juifs s'accumulèrent au Vatican, le pape ne protesta jamais par oral ou par écrit. En décembre 1942, il s'abstint de signer la déclaration des Alliés condamnant l'extermination des Juifs. Lorsque les Juifs furent déportés de Rome à Auschwitz, le Pape n'intervint pas. Le Pape maintint sa position de neutralité pendant toute la guerre, à l'exception d'un appel aux dirigeants de Hongrie et de Slovaquie vers la fin. Son silence et l'absence de directives obligèrent les hommes d'Église, à travers l'Europe, à déterminer par eux-mêmes quelles devaient être leurs réactions. » 54 4 .7. Demande de pardon de Jean-Paul II, 2000 Le 12 mars 2000, à la cité du Vatican, Jean-Paul II fit acte de repentance : demande de pardon de l’Eglise catholique entre autres pour son attitude envers le peuple juif et les persécutions subies depuis 2000 ans. Le 26 mars 2000, pour la première fois, un pape se rendit au pied du mur des Lamentations (lieu sacré) à Jérusalem. Jean-Paul II déposa dans une fente du mur une prière écrite sur une feuille de papier : une demande de pardon de Dieu pour les siècles de persécutions menés par les chrétiens contre les juifs au cours de l’Histoire. Il prononça également un discours lors d’une cérémonie au mémorial Yad Vashem. Ancien détenu de Buchenwald, Lau, à l’époque grand rabbin d’Israël puis Avner Shalev, directeur du Yad Vashem, ainsi que d’autres, se montrèrent déçus que le pape n’y nomma pas clairement la Shoah. Certains lui reprochèrent également de présenter des excuses mais de ne pas reconnaître les fautes commises par l’Eglise. 55 4.8. Actualités Le 19 décembre 2009, Benoît XVI a signé le décret ouvrant la voie à la béatification16 de Pie XII aux côtés de Jean-Paul II et de 18 autres nommés. De nombreuses réactions fusèrent montrant que le sujet portait toujours à controverse. Le pape est l’évêque de Rome, successeur de l’apôtre Pierre. En tant que chef suprême de l’Eglise catholique, son rôle est de veiller à son unité et est limité aux fonctions de l’Eglise. Sa mission est de guider les catholiques, d’aider les hommes et de prendre position si le droit humain est bafoué et non respecté. A ce titre, on peut lui reprocher son immobilisme, son indécision, son silence mais on peut se poser la question sur ses motivations. Tiraillé entre silence et protestation publique, au regard des diverses raisons énumérées dans cette première partie, la meilleure des solutions a pu sembler être, pour lui, le quasi-silence, hormis son discours de Noël de 1942 et celui de1943, où il explique sa position devant les cardinaux. Accusé d’antisémitisme et de racisme, de non-réaction face à la Shoah, certains aiment à faire croire qu’il fut le pape d’Hitler. Mais rien ne justifie cette appellation. Cependant les légendes ont la vie dure. Le 1er mai 2011 à Rome, Jean-Paul II sera béatifié mais pas encore canonisé17. Exit Pie XII. En 2013, des archives du Vatican sur la période 1940-1945, encore tenues secrètes, seront ouvertes aux historiens et chercheurs. Peut-être apporteront-elles un nouvel éclairage sur les silences ou actions du Vicaire du Christ. 16 17 . Béatification : Elevé au nombre des bienheureux sous condition d’un miracle. . Canonisation : Elevé au nombre des saints sous condition de deux miracles. 56 Chapitre 5 : La légende noire du Pape d’Hitler Nombreux furent et sont toujours les livres écrits sur Pie XII, les uns défenseurs, les autres accusateurs. Mais peu ont créé une réelle polémique excepté… Différentes personnes se sont succédées, divers éléments se sont enchaînés pour créer le mythe du Pape d’Hitler. Recteur de l’Eglise nationale allemande à Rome, Alois Hudal était un personnage très ambitieux et arriviste. Nationaliste convaincu, travaillant pour le Vatican sous Pie XI et ensuite Pie XII, il se voulait le médiateur entre l’Allemagne nazie et l’Eglise de Rome catholique. Selon Peter Godman, l’ « Evêque brun »18 se présentait comme rival de Mgr Pacelli, alors secrétaire d’Etat de Pie XI et ensuite a jalousé la place occupée par le pape Pie XII. De plus, il ne fut jamais élevé au rang de cardinal et en conçut énormément d’amertume. Désavoué par le Saint-Siège puis écarté par Pie XII après la guerre, Hudal écrivit ses Mémoires dans lesquelles il prétendait avoir agi pour le compte du Vatican. Ces mémoires furent un tremplin pour Rolf Hochhuth qui écrivit la pièce satirique « Le Vicaire », 5 ans après la mort du pape en 1963, critique virulente du silence de Pie XII. En quelques mots, l’auteur nous raconte l’histoire de Gerstein, officier SS, qui horrifié par les atrocités commises à l’encontre des juifs, décide de leur venir en aide. Il sollicitera l’aide d’un jésuite, Fontana, lequel informera Pie XII et lui demandera d’intervenir publiquement. Ce dernier ne bougera pas. Au final, Fontana s’embarquera dans un convoi pour Auschwitz et y mourra. Gerstein, emprisonné, se pendra en 1945. Il est à noter que si l’officier SS a réellement existé et a voulu intervenir en faveur des juifs, Fontana quant à lui est un personnage fictif. 18 . Evêque brun : Nom donné à Hudal en raison de sa sympathie pour le régime nazi. 57 Le film réalisé par Costa-Gravas en 2002, « Amen » est directement tiré du « Vicaire ». Le cinéaste a repris la même histoire à quelques détails près. Ces deux œuvres ont eu un impact médiatique retentissant, constituant toujours aujourd’hui une référence pour les détracteurs de Pie XII. Citons également John Cornwell. Ce journaliste britannique a écrit en 1999 un livre s’intitulent « Hitler’s Pope » (le Pape d’Hitler), lequel serait basé sur des documents inédits provenant des archives du Vatican. L’auteur y critique le silence du pontife. Mais nombre d’historiens ont contesté l’œuvre la jugeant infondée et contenant mensonges, erreurs et omissions. En 2002, l’écrivain américain Daniel Goldhagen, publia « A Moral Reckoning » (un jugement moral). Ce fils d’un survivant de l’Holocauste pose un regard critique sur le rôle joué par l’Eglise catholique dans la Shoah et son devoir non rempli de repentance doublé d’un violent réquisitoire contre l’attitude de Pie XII. Quelques écrivains, une pièce de théâtre, un film ; des rivalités au sein du Vatican, un pape silencieux ; des mentalités antireligieuses ; une rumeur qui naît, qui enfle, qui provoque toujours autant de passions en 2011 en divisant l’opinion mondiale. Tout porte atteinte à la réputation d’un homme. Et pourtant, rien ne prouve que Pie XII était le Pape d’Hitler. 58 Conclusion Comme nous l’avons montré précédemment, de nombreuses raisons ont poussé Pie XII à ne pas s’exprimer fermement face au nazisme. Par crainte du bolchévisme, de représailles contre l’Eglise d’Allemagne et les juifs ou pour d’autres raisons, le pape n’a parlé, concrètement, que deux fois : son discours de Noël de 1942 et celui de 1943 devant les cardinaux. Nous en arrivons donc à la conclusion que, certes, le pontife aurait dû s’impliquer davantage dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale mais cela aurait-il vraiment changé le cours de l’histoire ? Face à des dictateurs comme Hitler et son idéologie nazie, il est impossible de négocier. De plus, Pie XII ne doit pas être le seul coupable. Les autres états, anglais, français et américain n’ont pas plus ouvert les yeux que lui, tous étant parfaitement au courant de la situation en Europe. Et si Pie XII avait parlé publiquement, que se serait-il réellement passé ? Plus de représailles ou au contraire, un recul du conflit ? L’histoire est écrite, nous ne pouvons plus revenir en arrière. Pour certains, il est aisé de juger quelqu’un en ne sachant pas soi-même comment l’on aurait agi. Il est plus important d’analyser méthodiquement les faits actuels, en attendant de plus amples informations suite à l’ouverture des archives du Vatican en 2013… Benoit XVI veut canoniser Pie XII, a-t-il raison ou tort ? 59 PARTIE II : De la protection de l’Eglise à la fuite des nazis ou les dessous du Vatican L’attrait du gain, du pouvoir, de la vengeance ou de la jalousie peut-il faire basculer certains religieux dans le cercle des « Conspirateurs en soutane » ? 60 Chapitre 1 : Les hommes de l’ombre 1.1. Réseaux d’exfiltration nazis Les « Ratlines » (route des rats) étaient des filières d’exfiltration mises en place par des nazis, des ecclésiastiques et des gouvernements permettant la fuite de criminels de guerre nazis et de tous sympathisants et collaborateurs du régime d’Hitler. Ces organisations secrètes menaient en Amérique latine : Argentine, Paraguay, Brésil, Chili, Bolivie, et au Moyen-Orient : Egypte, Irak, Syrie, mais également aux EtatsUnis. Le réseau ODESSA est sans nul doute le plus connu suite au roman de Frederick Forsyth, publié en 1972 : « The Odessa File » (Le Dossier Odessa) et adapté au cinéma en 1974 sous le même titre. Citons également deux autres organisations très méconnues : « Die Spinne » (L’Araignée) et « Sechsgestim » (Constellation des Six) qui, d’après Simon Wiesenthal19 auraient été basées en Autriche, lieu de refuge des nazis. Les filières romaines de Hudal et de Draganović ont également facilité la fuite de criminels nazis. A côté de ces organisations secrètes, divers gouvernements ont également aidé à l’exfiltration de membres du IIIè Reich, le but étant de s’approprier le savoir des spécialistes scientifiques et stratèges militaires allemands. Ainsi, les Etats-Unis, la Russie et dans une moindre mesure la France et l’Angleterre ont récupéré d’anciens SS et membres de la gestapo. Passées sous silence, on a encore, à l’heure actuelle, très peu d’informations sur ces exfiltrations. 19 . Simon Wiesenthal : Juif rescapé des camps d’extermination nazis. Il a consacré le reste de son existence à la chasse aux criminels de guerre nazis. 61 En 1973, l’ « Operation Paperclip » fut rendue publique. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Pentagone et l’OSS organisèrent une opération de récupération des scientifiques allemands dont Wernher von Braun, ingénieur spécialiste des missiles V2 qui occupa par la suite un poste clé aux Etats-Unis. Officier allemand de la Wehrmacht (armée allemande) sous Hitler, Reinhard Gehlen était un espion nazi. Arrêté puis libéré en juillet 1946 en tant que prisonnier de guerre, il collabora avec l’OSS et créa l’Organisation Gehlen (« Gehlen Org »). Cette dernière employait des centaines d’anciens nazis comme agents secrets afin d’espionner et de surveiller l’Europe de l’Est et l’URSS. En 1956, Gehlen fonda le BND (services secrets d’Allemagne de l’Ouest) et en devint le premier directeur jusqu’en 1968. Il fut soupçonné d’avoir joué un rôle important dans l’évasion de nazis vers l’Amérique latine mais cela ne fut jamais prouvé. 1.2. Odessa Officier SS20, décoré de la Croix de fer par Hitler, Otto Skorzeny s’enfuit après la guerre en Espagne franquiste du nom du régime politique fondé par le dictateur Franco. Son organisation « Bruderschaft » (la Fraternité) devint ODESSA (Organisation des anciens membres de la SS), dont il fut le dirigeant. Ce réseau secret était chargé de gérer les fonds provenant d’anciens SS, d’organiser leur évasion et leur survie hors Europe. 20 . La SS ou la Schutzstafell (escadron de protection) fut l’une des principales organisations du régime nazi déclarée criminelle au procès de Nuremberg. 62 Le docteur Mengele et « le boucher de Lyon », Klaus Barbie, auraient fait partie des criminels de guerre exfiltrés. Reinhard Gehlen aurait également coopéré avec Odessa. Skorzeny ne fut jamais inquiété et est décédé à Madrid en 1975. Cette organisation était une filière d’évasion parmi d’autres mais qui a été rendue célèbre par le thriller du même nom et dont le scénario s’inspira de faits réels. Aujourd’hui, de plus en plus d’historiens s’accordent sur la définition du terme ODESSA : nom de code reprenant les chemins d’évasion mis en place à partir de 1946. Les réseaux secrets créés par les ex-nazis ont plus que probablement utilisé les filières romaines à certains moments, dans le seul but de soustraire tous les sympathisants du régime hitlérien à la justice européenne. Leur sauvetage s’orientait autour de deux grands axes principaux : Le premier est celui de l’Amérique du Sud et ses dictatures conciliantes prenant deux chemins différents : Autriche → Rome de Hudal → port de Gênes → Amérique latine ou San Girolamo de Draganović Suisse → France → Espagne de Franco → Gibraltar → Maroc → Amérique latine Le second est celui du Moyen-Orient, principalement l’Egypte du roi Farouk et l’antisémitisme arabe, passant également par le port de Gênes, véritable plaque tournante. Cet axe présentait une alternative aux filières américaines. 63 En 2002, le journaliste américano-argentin Uki Goni publia « The real Odessa » (l’Authentique Odessa). Selon lui, après avoir consulté les archives argentines, la fuite des nazis et fascistes avait été organisée par un réseau mis en place sous la présidence et l’approbation du président argentin Juan Peron. Il mettait ainsi en évidence la filière argentine. Le chef du réseau, Rodolfo Freude, proche conseiller du Président Peron, opérait depuis le palais présidentiel à Buenos Aires. Les activités à Berne (itinéraires et faux papiers) étaient coordonnées par Horst Carlos Fuldner, ancien officier SS qui possédait un passeport diplomatique argentin. D’après Goni, outre la Suisse, le Vatican cautionnait le réseau. Ce fut l’évêque argentin Antonio Caggiano, venu à Rome en 1946 pour y être consacré cardinal par Pie XII, qui proposa l’Argentine comme refuge pour les criminels de guerre et collaborateurs français. Les tristement célèbres Eichmann, artisan de la « Solution finale » (plan d’extermination des juifs), Mengele, Barbie et Pavelic ont bénéficié du réseau qui n’étant pas une œuvre de charité exigeait un droit d’entrée. 1.3. Filières romaines 1.3.1. Premières exfiltrations, Monseigneur Hudal, l’évêque d’Hitler Pour beaucoup d’historiens, l’évêque catholique autrichien Hudal était le « diable en personne » et mérite son appellation d’évêque d’Hitler. Recteur du Collège Teutonique de Santa Maria dell’Anima à Rome (séminaires pour prêtres allemands et autrichiens), Alois Hudal était un sympathisant des nazis, antisémite et anticommuniste. 64 En décembre 1944, Hudal fut désigné comme représentant du Vatican pour visiter les camps italiens où étaient détenus les prisonniers de guerre et les civils germanophones et s’en occuper. Selon Aarons et Loftus21, l’évêque se servit de cette position pour devenir le premier ecclésiastique catholique à organiser des ratlines. Il aida nombre de criminels de guerre nazis à s’échapper. Parmi eux, Stangl (commandant des camps de Sobibor puis de Treblinka) en Syrie puis au Brésil ; Brühnner (chef du camp d’internement de Drancy près de Paris et en charge des déportations vers les camps de concentration) en Syrie ; Barbie, Mengele et Eichmann en Argentine. L’ancien officier SS Otto von Wächter vécut à Rome sous la protection d’Hudal après la guerre, échappa au procès de Nuremberg et décéda dans les bras de l’évêque d’Hitler en 194922. Toujours selon Aarons et Loftus23, Hudal se servit de l’organisation du Vatican pour les réfugiés (Commissione Pontificio d’Assistenza)24 pour aider les fugitifs nazis en leur donnant de l’argent et en leur délivrant de faux documents d’identité permettant par la suite d’obtenir des passeports humanitaires via la Croix Rouge internationale (CRI) menant aux visas, principalement argentins, pour leur fuite. Hudal se serait servi de son statut d’évêque pour avoir ces documents de la CRI et les falsifier par après. Confirmé par le Comité International de la Croix Rouge (CICR) dont le siège se trouve à Genève, Adolf Eichmann a reçu un « document de voyage » sous le nom de 21 . « Unholy Trinity : The Vatican, The Nazis, and the Swiss Bankers », M. Aarons and J. Loftus, Chap. 2: Bishop Hudal and The First Wave. 22 . « Römische Tagebücher », A. Hudal, pg 162-163. 23 . « Ratlines : The Vatican’s Nazi Connexion », M. Aarons and J. Loftus. 24 . Commission pontificale d’assistance. Créée par Pie XII en 1944, cet organisme du Vatican avait pour but de venir en aide aux populations démunies après la guerre et aux réfugiés en leur délivrant des papiers d’identité, de l’argent et de la nourriture. Monseigneur Montini (futur Paul VI) en faisait partie. Cette œuvre de charité a ensuite pris le nom « Pontificia Opera di Assistenza » (Œuvre pontificale de l’aide) et de celui de « Caritas Italiana » sous Paul VI. 65 Riccardo Klement le 1er juin 1950 qui lui a permis de disparaître en Argentine. Ce visa fut retrouvé dans les archives du tribunal de Buenos Aires et un duplicata dans celles du CICR. Dans les années 1990, celui-ci a reconnu avoir délivré de faux papiers à certains dignitaires nazis et ainsi leur avoir permis de s’échapper mais dit qu’il a agi en toute bonne foi car il a été trompé. En 1945, la CRI délivrait des papiers aux réfugiés qui n’en possédaient plus. Sur base de documents d’identité que l’on pouvait considérer comme authentiques, elle a délivré de nombreux visas mais dit ne pas devoir être tenue pour responsable car elle ne savait pas tous les contrôler. Elle a cependant reconnu l’action « douteuse » de certains de ses délégués durant la guerre, de même que le trafic de documents volés en son comité. 1.3.2. Filière San Girolamo, Draganović et les prêtres croates En avril 1941, Hitler envahit la Yougoslavie qui fut démantelée : entre autres la Serbie, occupée et placée sous tutelle allemande ; la Slovaquie, partagée entre l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie ; la Croatie, qui devint un état indépendant sous la direction du dictateur Ante Pavelic : état Oustachi allié à l’Allemagne nazie. Ce dernier entama alors un processus de purification contre les prêtres et les serbes orthodoxes, les juifs et les tziganes. Sa devise était : en exterminer un tiers, en expulser un tiers, en convertir un tiers au catholicisme. L’Eglise catholique croate soutint au début le régime de Pavelic et les oustachis 25 mais prit peu à peu ses distances. Le dictateur fut reçu par Pie XII en 1941. Ensuite, il créa plusieurs camps de concentration en Croatie dont celui de Jasenovac, où des membres du clergé furent les gardiens, les commandants et les bourreaux. Le croate Miroslav Filipovic, moine franciscain et prêtre catholique, aumônier militaire 25 . Oustachi : fasciste croate antisémite. 66 parmi les oustachis, participa aux massacres des serbes dans les villages. Début 1942, il commanda Jasenovac et fut surnommé « Fra Sotona » (frère de Satan) par les prisonniers suite à sa cruauté. En 1946, à Belgrade, il fut jugé, condamné pour crimes de guerre et pendu dans sa robe de moine. Les tortionnaires croates firent plusieurs centaines de milliers de victimes et à Jasenovac tuèrent plus de 85 000 serbes, juifs et tziganes. Le séminaire San Girolamo degli Illirici était un foyer pour les prêtres catholiques croates pendant la guerre. Mais à la fin du conflit, recherchés comme criminels de guerre, tous les fugitifs oustachis et prêtres catholiques croates y cherchèrent refuge. Le père Krunoslav Draganović était arrivé à Rome fin 1943 en tant que représentant de la Croix Rouge croate. Il organisa la filière San Girolamo, en devint le chef et en laissa l’administration à un réseau de prêtres croates membres de l’ordre des Franciscains26. Comme Hudal, il profita de la Commission pontificale d’assistance, dont l’agent de liaison était le père franciscain Stefan Guisan qui appartenait à la Sainte Alliance (services secrets du Vatican)27. Ce dernier s’occupait des faux papiers d’identité, des cachettes, du financement et des listes de contacts. Réfugié en Autriche, puis caché à San Girolamo, Pavelic profita du réseau pour fuir en Argentine où il devint conseiller du Président Peron. Les Services de renseignement étrangers avaient connaissance de la principale filière d’exfiltration romaine mais ne bougèrent pas jusqu’à ce que les américains se 26 27 . Franciscain : religieux de l’ordre de Saint François d’Assise. . « La Sainte Alliance – La véritable histoire des services secrets du Vatican », Eric Frattin, 2006. « Ratlines - The Vatican’s Nazi Connexion. », M. Aarons and J. Loftus, 67 servent du réseau de Draganović pour évacuer les cas dignes d’intérêt28, l’exemple de Klaus Barbie étant le plus frappant. 1.3.3. Les raisons de leurs défections au Vatican Hudal L’évêque brun publia en 1937 « Les Fondements du national-socialisme » où il essayait de trouver un compromis entre l’Eglise catholique (catholicisme) et le gouvernement nazi (national-socialisme) contre le communisme. Il s’opposa ainsi à la politique étrangère de Pie XI et Mgr Pacelli, ce qui provoqua sa mise à l’écart du Vatican. Il perdit alors toute chance d’y faire carrière et d’être consacré cardinal. Hudal pratiquait un double jeu : en jouant le rôle de conciliateur entre Pie XI puis Pie XII et Hitler, il ne songeait en fait qu’à renforcer son influence auprès du Saint-Siège et des allemands et ainsi servir ses ambitions. Il fut d’ailleurs qualifié par le cardinal Faulhaber, archevêque de Munich, de théologien officiel du Parti. Personne ne fut dupe et Hudal a souvent reproché au Vatican de ne pas l’avoir soutenu et de s’être retrouvé isolé. Ce qui pourrait expliquer sa défection. Une autre approche tient compte de ses convictions personnelles, au travers de ses Mémoires. -« Je remercie Dieu qu’Il m’ait permis de visiter et de réconforter beaucoup de victimes dans leurs prisons et camps de concentration et de les avoir aidées à s’enfuir avec de faux papiers d’identité »29. 28 . « History of the Italian Rat Line », Declassified US Army File. . « Römische Tagebücher », A. Hudal (Traduction anglaise citée dans « Unholy Trinity : The Vatican, The Nazis, and the Swiss Bankers », M. Aarons and J. Loftus, pg. 37). 29 68 Annotation : Les victimes dont parle Hudal sont les criminels de guerre nazis. Ne pas confondre prison et camp de concentration… -Pour Hudal, les alliés justifiaient la guerre au nom de la démocratie, la liberté religieuse, la race, le christianisme. Ce n’était pas une « croisade » mis un « business » : « raison pour laquelle je sentis qu’il était de mon devoir d’orienter, après 1945, mon travail de charité vers les anciens Nazis et Fascistes et plus particulièrement vers les « prétendus criminels de guerre » »30. -Il avait une idée bien particulière des Ratlines : « organisme de bienfaisance à des personnes dans le besoin, pour des personnes non coupables qui doivent être les boucs émissaires pour les échecs d’un système pervers »31. -En écrivant à propos des procès des criminels de guerre et notamment celui de Nuremberg : « Procès à grand spectacle », « Lynchage »32. -Hudal intercédait au profit des nazis qui fuyaient leurs « persécuteurs »33. -D’après Matteo Sanfilippo, chercheur italien, dans une lettre adressée le 31 août 1948, de Hudal à Peron, demandant des milliers de visas, l’évêque brun expliquait qu’ « il ne s’agissait pas de réfugiés nazis mais de combattants anticommunistes qui avaient pendant la guerre sauvé l’Europe de la domination soviétique ». Chacun appréciera. 30 . op. cit. A. Hudal, pg 21. . Ibid. pg 22. 32 . Ibid. pg 220-254. 33 . « Hitler et le Vatican », P. Godman, chap. 14 : L’excommunication de Hitler, pg 253. 31 69 Draganović Personnage mystérieux et controversé, catholique attaché à la cause croate, l’exfiltration étant pour lui le moyen de protéger et sauver ses amis oustachis. Sa seule explication fut : « Nous devons conserver une espèce de réservoir moral dans lequel nous pourrons puiser à l’avenir »34. En conclusion, chacun d’eux avait une optique bien différente quant à l’utilisation des filières d’exfiltration de criminels de guerre. Hudal en voulait amèrement au Vatican de son éviction et en bon anticommuniste et antisémite, il défendit ardemment la cause perdue des nazis. En bon prêtre catholique, Draganović voulait quant à lui sauver les oustachis et prêtres catholiques croates coupables d’exactions racistes. Dernière constatation en ce qui concerne les ratlines : il n’est pas toujours évident de démêler le vrai du faux. Prenons l’exemple de Klaus Barbie. Après consultation de trois sources différentes (Odessa, Biographie de Klaus Barbie et Réseaux d’exfiltration nazis), on constate que chacune d’elles s’approprie son exfiltration. La plus plausible étant la filière San Girolamo. Les services secrets américains, voulant extrader Barbie en Bolivie via l’Argentine sous l’identité de Klaus Altmann, ont utilisé le réseau de Draganović. 34 . « Background Report on Krunoslav Draganović », CIA, February 12, 1947. 70 1.3.4. Devenir d’Hudal et de Draganović Hudal En juin 1952, l’évêque fut contraint de démissionner de sa fonction de recteur du Collège Teutonique de Santa Maria dell’ Anima suite à ses activités d’après guerre. Il s’exila à Grottaferrata, petite commune italienne dans la province de Rome, où il vécut ses dernières années paisiblement dans une magnifique propriété. Il y écrivit ses mémoires en 1962, qui ne seront publiés qu’en 1976. Il décéda à Rome le 13 mai 1963. Jusqu’à sa mort, il essaya d’obtenir l’amnistie pour les nazis 35 et ne regretta jamais ses actes. Draganović Draganović ne fut pas inquiété par le Saint-Siège. Pour certains, le fait d’être prêtre ne signifiait pas qu’il recevait ses ordres du Vatican mais bien qu’il agissait de sa propre initiative sur son propre réseau d’exfiltration. Par contre Aarons et Loftus36, se basant sur des sources provenant des services de renseignement affirment que « Draganović était le chef officieux du bureau croate au service de renseignement du Secrétaire d’Etat du Vatican », en d’autres termes était un espion. Toujours est-il qu’en octobre 1958, quelques jours après la mort de Pie XII, la secrétairerie d’Etat du Vatican ordonna à Draganović de quitter le collège catholique 35 . Matteo Sanfilippo, « Los Papeles de Hudal como fuente para la historia de la migraciòn de alemanes y nazis después de la guerra mundial segunda», 1999. 36 . « Unholy Trinity : The Vatican, The Nazis, and the Swiss Bankers », M. Aarons and J. Loftus. 71 de San Girolamo. Il vécut dans un monastère près de Sarajevo jusqu’à sa mort, en 1983, où il mit à jour le registre de l’Eglise catholique romaine en Yougoslavie. Chapitre 2 : Rôle joué par l’évêque Montini (futur Paul VI) En 1937, Mgr Pizzardo était consacré cardinal par le pape Pie XI. Mgr Tardini devint substitut aux Affaires extraordinaires (Ministre des Affaires étrangères) remplacé par Mgr Montini à la charge de substitut aux Affaires ordinaires (Ministre des Affaires intérieures). En 1939, à la mort de Pie XI, le secrétaire d’Etat Mgr Pacelli fut élu pape sous le nom de Pie XII. Il nomma le cardinal Maglione carmerlinge et garda les deux substituts. Montini devint alors proche collaborateur du pontife. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il s’occupa du Bureau d’informations qui servit de liaison entre les prisonniers de guerre et leurs familles. En novembre 1941, il présida la « Commission pour les secours » chargée d’aider les prisonniers alliés ou non. Quand le secrétaire d’Etat, Mgr Maglione décéda le 22 août 1944, Pie XII ne le remplaça pas et Montini devint son bras droit. Fin 1946, il créa un service d’assistance aux émigrés italiens, allemands et polonais, victimes de la guerre. Des historiens se sont penchés sur le cas Montini. Etait-il impliqué dans la ratline du Vatican ? Certains semblent l’affirmer. A tort ou à raison ? Selon Aarons et Loftus, en 1946, le Vatican avec Montini en chef des ratlines aurait organisé la fuite des criminels nazis en accord avec les services secrets anglais puis américains37 en 1947. De par sa position au sein de la Commission pontificale 37 . « Des Nazis au Vatican », M. Aarons and J. Loftus, 1992. 72 d’assistance dirigée par Mgr Chiarlo (qui, nommé nonce au Brésil, fut remplacé par Mgr Munch, évêque germano-américain), il dirigeait les opérations d’exfiltration secondé par Hudal et Draganović. Ancien agent de renseignement américain, William Gowen accusa également Montini de participation au blanchissement d’argent destiné aux réseaux et provenant du trésor des oustachis. D’autres encore résumèrent tout en une organisation appelée « Couloir du Vatican » sous l’opération « Couvent ». Le substitut Montini et les cardinaux Tisserant et Caggiano dirigeaient les filières ; les évêques et archevêques Hudal, Siri, Barrère s’occupaient des documents et pièces d’identité ; les prêtres dont Draganović signaient les demandes de passeports de la CRI. Des agents de la Sainte Alliance 38 étaient également impliqués. Mais Pie XII était-il informé ? Personne n’osa et n’ose encore l’affirmer. Chapitre 3 : Implication du Vatican 3.1. Intégrité ou aide La banque du Vatican39 fut incriminée pour deux raisons. Elle aurait servi d’intermédiaire dans le transfert d’argent en provenance d’Allemagne vers des comptes suisses protégés par le secret bancaire, où il servit à financer les ratlines. En outre, elle fut accusée d’avoir blanchi les biens résultant du pillage des avoirs juifs et orthodoxes par les oustachis afin de payer leur fuite. 38 39 . Sainte Alliance : services secrets du Vatican. . Banque du Vatican : fondée par Pie XII en 1942, encore appelée Institut pour les œuvres de religion (IOR). 73 La banque gardera ses secrets car plus aucune preuve n’existe : tous les documents sont détruits après 10 ans d’archivage. Hudal, Draganović la Sainte Alliance, les services secrets, la banque du Vatican, coupables ? Certainement. Et Pie XII ? Et Montini ? Malgré d’importantes recherches et certaines présomptions, Aarons et Loftus n’ont pas réussi à démontrer avec certitude la responsabilité de Pie XII ou de Montini dans les exfiltrations. Historienne française née en 1947, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris VII – Denis Diderot, Annie Lacroix-Riz a publié en 1996 : « Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre Froide 1914-1955 ». Connue pour ses idées communistes, elle y fustigea Pie XII : « son silence, son antisémitisme, son attitude pronazie, sa tolérance à la politique hitlérienne, son refus d’aide aux victimes ». Cependant, elle resta très prudente en ne l’incriminant pas ouvertement et en utilisant le conditionnel sur son implication dans les ratlines et son soutien à des « prélats collaborateurs » sans citer leur nom. Le jésuite américain et historien du Vatican Robert A. Graham a publié en 1999 une étude40 mettant en lumière les lacunes des accusations à l’encontre de Pie XII. S’il reconnût l’implication de Hudal et de Draganović dans l’exfiltration de nazis et de fascistes croates, il soutint qu’ils auraient pu agir seuls, sans l’accord du pontife. D’après lui ; « accuser le pape de complicité dans la fuite des nazis est simpliste car il ne contrôlait pas tout ». 40 . « Papauté et espionnage nazi 1939-1945 », D. J. Alvarez et R. A. Graham, 1999. 74 3.2. Sanctions ? Quand la vérité se fit jour au sujet des filières d’exfiltrations romaines, aucune sanction particulière ne fut prise à l’encontre de Hudal et de Draganović par le pape Pie XII et le Vatican. Mgr Valeri, nonce apostolique en France, à Paris, s’était compromis avec le régime de Vichy. Le Général de Gaulle s’opposa à la reconduction de Valeri et entama le dialogue avec Pie XII sur l’ « épuration du clergé en France ». « Le pape nomma à contre-cœur un nouveau nonce apostolique en France, Mgr Roncalli (futur Jean XXIII), le précédent (Mgr Valeri) ayant continué sa mission diplomatique à Vichy ; cependant, Pie XII refusa de changer les évêques soupçonnés de collaboration, ayant juste accepté la démission de 6 d’entre-eux »41. 41 . « Paul VI, le Pape écartelé », Y. Chiron, pg 112-114, 1993. 75 Conclusion 70 ans après, les historiens sont toujours en désaccord. Aucune preuve n’est venue étayer leurs arguments pour ou contre. Le débat reste ouvert, la question reste posée : Pie XII a-t-il eu connaissance de l’existence des filières et a-t-il aidé à la fuite de criminels de guerre ? 76 PARTIE III : Avis d’historien d’ecclésiastique du Vatican personnel 77 Les avis d’historien et d’ecclésiastique ont été supprimés pour une question de droit d’auteurs. 78 Vatican Il nous est impossible, bien sûr, de donner un avis conforme et précis du Vatican à travers une série de questions. Par ailleurs, le Saint-Siège, dans sa réponse à ma lettre, m’a invitée à consulter l’ouvrage de Pierre Blet s.j., s’intitulant « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale ». Nous pouvons donc partir de cet ouvrage pour avoir un avis global sur la question. Selon le livre, l’objectif principal du pape était de garantir une paix durable dans le monde et il s’y est tenu jusqu’au bout. Le pontife a agi de nombreuses fois, en écrivant des lettres et en prenant contact avec les gouvernements américain, anglais, français; en faisant « des allusions discrètes mais non équivoques »42 ; en écrivant ses discours de 1942 et 1943 ; … . Pie XII, au courant des persécutions à l’encontre des juifs par des témoins fiables, a préféré garder le silence pour éviter toutes représailles. Nous pouvons le voir dans la lettre du 20 février 1941 aux évêques allemands : « Là où le pape voudrait crier haut et fort, c’est malheureusement l’expectative et le silence qui lui sont souvent imposés ; là où il voudrait agir et aider, c’est la patience et l’attente (qui s’imposent) ». Quelques-uns des buts de Pie XII étaient, selon l’auteur, de tenir l’Italie à l’écart de la guerre, de sauver des nombreuses vies humaines et notamment de ne pas alimenter la propagande nazie. Nous devons surtout retenir que Pie XII n’a jamais quitté, une seule fois, son objectif de paix. Il fut très attentif aux maux de la population, aux familles des déportés, aux victimes en leur donnant espoir et il a par ailleurs permis de sauver de 42 . P. Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », Conclusion, pg 320. 79 nombreuses vies. « Pie XII procéda silencieusement, discrètement au risque de paraître inactif ou indifférent »43. Le Saint-Siège ne se faisait pas beaucoup d’illusions quant à la portée de ses messages. Et en conclusion finale, l’ouvrage nous dit que le pontife a alors fait, en ces temps de crise, tout ce qui était à sa portée. « Qu’aurions-nous dû faire que nous n’avons pas fait ? » déclarait-il dans un discours à des infirmières, en mai 1952, bien après la fin de la guerre. 43 . P. Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », Conclusion, pg 325. 80 Elodie Péridaens, avis personnel Que penser de l’attitude du Pape Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale ? L’attitude qu’a eue Pie XII pendant la guerre n’était pas toujours la meilleure solution. Plusieurs raisons en sont à l’origine mais nous ne saurons jamais lesquelles ont vraiment influencé le souverain pontife. Il n’est pas toujours simple d’agir sur le moment présent et Pie XII, en diplomate a préféré agir dans le silence. Il y eut des bonnes choses, notamment la protection des juifs de Rome pendant la rafle dans la Ville Eternelle. Mais aussi de moins bonnes, particulièrement dans le discours de Noël de 1942. Nous pouvions attendre plus de la part du pape qu’une simple déclaration. Mais cela est déjà mieux que rien. La situation était très compliquée et le pape Pie XII n’était peut-être pas l’homme de la situation. Aurait-il dû agir plus ? Si oui, comment ? Le pape aurait dû agir plus, il aurait également dû parler plus qu’il ne l’a fait. En tant que souverain pontife, il pouvait se servir de ses relations pour peut-être encore cacher plus de juifs, se faire entendre plus fort, voire menacer ? Même si cela n’aurait pas été d’une grande aide. La seule chose que l’on puisse vraiment reprocher à Pie XII est qu’il ne se soit pas plus exprimé. Par contre, il a agi, nous ne pouvons pas dire le contraire. 81 Que pensez-vous de l’appellation « Pape d’Hitler », à l’encontre de Pie XII ? Cette appellation est complètement infondée et découle tout simplement d’une série de textes, de rumeurs,… Pie XII n’a été favorable à Hitler en aucun cas (sauf pour le bolchévisme), n’en était pas complice et donc ne mérite tout simplement pas cette appellation injuste. Il est aisé de dénigrer un homme en se basant uniquement sur des préjugés. La béatification de Pie XII n’a pas été acceptée en même temps que celle de JeanPaul II, qui sera béatifié le 1er mai 2011. Quel est votre avis à ce sujet ? Pourquoi n’est-elle pas passée ? Je ne pense pas que Pie XII doive être béatifié et ce pour diverses raisons. Tout d’abord en tant qu’un exemple qui doit montrer que se taire face à un problème, mineur ou majeur, n’est pas nécessairement la solution et que parfois, il est plus important de parler, tout simplement. Cela doit permettre à chacun de réfléchir sur cette attitude. Si l’on béatifie le pape de la Seconde Guerre mondiale, plus personne n’aura cela à l’esprit. De plus, étant toujours un sujet controversé, si la béatification a lieu, elle risque de poser de nombreux problèmes. Ensuite, nous attendons impatiemment l’ouverture des archives du Vatican reprenant toute la période 39-45. Tant qu’elles ne seront pas mises en pleine lumière, il est, selon moi, impossible de rendre un jugement sur le fait de béatifier Pie XII ou pas. 82 Et finalement, en accord avec Monsieur Ducastelle, Pie XII recevrait peut-être une récompense qu’il ne mérite pas forcément. 83 Conclusion finale Vatican, Ange ou Démon ? Cela restera difficile à déterminer. Ne disposant pas toujours des éléments requis, il est compliqué de se forger une opinion claire et précise. Au fil des siècles, au cœur de l’Eglise, bien et mal se sont toujours côtoyés. Certains ecclésiastiques sont à honorer : l’Abbé Pierre. D’autres sont à blâmer et à condamner : Mgr Vangheluwe, évêque de Bruges. L’Eglise catholique est et restera bercée de mystères et de complexité. Vatican, Ange et Démon … De nos jours, le Vatican a-t-il le droit d’encore avoir des œillères au regard du passé et de l’actuel présent ? A vous de juger… 84 Lexique « In partibus infidelium » : « Dans les contrées des infidèles » : Titre honorifique désignant un ancien siège épiscopal de l’Eglise, désormais disparu, souvent situé en Afrique du Nord, au Proche ou au Moyen-Orient, en Grèce, mais aussi en Europe occidentale et même en Amérique. Apostolique : Qui émane du Saint-Siège. Camerlingue : Cardinal qui administre les affaires de l’Eglise pendant la vacance du Saint-Siège. (Secrétaire d’Etat). Cléricalisme : Positionnement idéologique qui prône la prédominance des idées religieuses et du clergé dans la vie publique et politique. Concordat : Traité entre le pape et un Etat souverain sur les affaires religieuses. Conspirateurs en soutane : Expression souvent utilisée dans des textes, désignant les ecclésiastiques ayant agi en sous-main afin de protéger certaines personnes bonnes ou mauvaises. Droit canon ou droit ecclésiastique : Ensemble des règles religieuses. Duce – Führer : Guide. Encyclique : Lettre solennelle adressée par le pape aux évêques. Etat totalitaire : Où tous les pouvoirs sont aux mains d’un parti unique et où l’opposition est interdite (autorité sans limite). Evêque brun : Mgr Hudal, autrichien protégé du Cardinal autrichien Innitzer, lequel fut souvent accusé d’être pro-nazi, et Mgr Gröber, archevêque allemand de Frisbourg furent tous deux appelés « evêque brun » en raison de leur sympathie pour le régime nazi et en référence aux « chemises brunes » de la couleur de l’uniforme des SA (section d’assaut), organisation paramilitaire du parti nazi. Marxisme : Courant philosophique, politique, économique et sociologique se réclamant des idées de Karl Marx (philosophe 1818-1883) et de Friedrich Engels, 85 reposant sur l’analyse de l’histoire et la participation au mouvement réel de la lutte des classes, pour l’abolition du capitalisme. Nonce : Ambassadeur du pape (ils sont tous évêques). Nonciature : Ambassade du Vatican dans un pays. OSS : Office of Strategie Services. Agence de renseignement du gouvernement des Etats-Unis créée en 1942 après l’entrée en guerre des Etats-Unis, démantelée le 1er octobre 1945 et devenue plus tard la CIA. Osservatore Romano : Journal du Vatican dont le premier numéro parut le 1er juillet 1861. Il est toujours d’actualité. Pacte germano-soviétique : 23 août 1939. Signé au Kremlin entre Staline et Hitler, il permit à l’Allemagne d’attaquer la Pologne le 1er septembre 1939, sans crainte d’une intervention soviétique (pacte de « nonagression »). Ce pacte s’acheva le 22 juin 1941 lors de l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht. Paganisme : Pour les chrétiens, religion des païens, culte polythéiste. Pamphlet : Ecrit satirique et violent. Radio Vatican : Radio du Vatican créée par Pie XI en 1931. Elle est toujours d’actualité. Régime de Vichy : Régime politique du Maréchal Pétain qui assura le gouvernement de la France du 10 juillet 1940 au 20 août 1944, durant l’occupation allemande. Shoah : Grande catastrophe. Trotski : 1879-1940 : Révolutionnaire russe, il fut l’adversaire de Staline. Ce dernier le fit expulser d’URSS en 1929 avant de le faire assassiner à Mexico en 1940. Vicaire général : Bras droit de l’évêque. 86 Annexes Lettre au Vatican PERIDAENS Elodie 6 Rue Joseph Wauters 7810 Maffle Belgique Sa Sainteté Benoît XVI 00120 Citta del Vaticano Rome Italie Monsieur, Sa sainteté le Pape Benoît XVI, Je m’appelle Elodie Peridaens et je suis en dernière année d’humanité secondaire au Collège Saint-Julien à Ath. Je suis chargée de faire un travail de fin d’étude sur le Pape Pie XII et son rôle durant la seconde guerre mondiale. Je me permets de vous écrire à ce sujet pour compléter ma documentation et/ou avoir un avis sur la question venant de la part du Vatican. Tous les documents seront les bienvenus. En vous remerciant d’avance de votre compréhension et des documents que vous m’apporterez peut-être, je vous prie, Monsieur, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, d’agréer mes sentiments distingués. PERIDAENS Elodie 87 Réponse du Vatican 88 Lettre au centre Simon Wiesenthal PERIDAENS Elodie 6 Rue Joseph Wauters 7810 Maffle Belgique Centre Simon Wiesenthal-Europe 64 Avenue Marceau 75008 Paris France Madame, Monsieur, Je m’appelle Elodie Péridaens et je suis en dernière année d’humanité secondaire au Collège Saint-Julien à Ath. Je suis actuellement occupée à faire mon travail de fin d’étude qui porte sur la question de Pie XII et les exfiltrations nazies par l’Eglise. Je me permets de vous écrire concernant la deuxième partie, les exfiltrations nazies, dans l’espoir que vous m’apportiez des documents ou encore des avis concernant cette question. Les sujets cibles sont : « L’implication de l’Eglise dans les réseaux », « Odessa », et les réseaux tout simplement. En vous remerciant d’avance de ‘aide que vous pourriez m’apportez, je vous prie, Madame, Monsieur, d’agréer mes sentiments distingués. PERIDAENS Elodie 89 Réponse du centre Simon Wiesenthal Avec regret, je n’ai reçu aucune réponse de la part du centre. 90 Bibliographie PARTIE I : Pie XII, le pape d’Hitler ? Source Source écrite XX XX, Cours d’Histoire, Collège Saint-Julien, 6ème année, 2010-2011. Chapitre 6 : Mussolini, 6.2 Etat totalitaire Travaux Non écrit « Le vrai pouvoir du Vatican », de J-M Meurice, La Une, 27 octobre 2010. Ecrits -« Pie XII et la persécution nazie » in « L’histoire », n° 32, 1981, p. 25-36 -« Quand l’Histoire témoigne pour Pie XII » in « Famille chrétienne », n° 1260, 9 au 15 mars 2002, p. 8-11. -« Une accusation odieuse » in « Famille chrétienne », n° 1260, 9 au 15 mars 2002, p. 12-13 -Peter Godman, « Hitler et le Vatican », Perrin, New York, 2010, 364 p. -Pierre Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », tempus (Perrin), Paris, 2005, 336p. « In Partibus Infidelium » : http://fr.wikipedia.org/wiki/In_partibus_infidelium page consultée le 21 mars 2011 « Pie XII et les juifs », David Dalin : http://www.pie12.com/index.php?post/2007/06/21/66-pie-xii-et-les-juifs-du-rabbin-daviddalin page consultée le 21 mars 2011 Accords de Munich : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Munich page consultée le 21 mars 2011 Accords du Latran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_du_Latran 91 page consultée le 15 mars 2011 Amen (film) : http://www.fonjallaz.net/Film-Amen/Pages_Amen/APage12.html page consultée le 7 mars 2011 Antijudaïsme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antijuda%C3%AFsme page consultée le 15 mars 2011 Antijudaïsme à antisémitisme : http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=24 page consultée le 21 mars 2011 Antijudaïsme chrétien (fin) : http://www.harissa.com/news/article/la-fin-de-l%E2%80%99antijuda%C3%AFsmechr%C3%A9tien page consultée le 21 mars 2011 Biographie de Adolf Bertram : http://fr.wikipedia.org/wiki/Adolf_Bertram page consultée le 23 décembre 2010 http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bbertram.html page consultée le 23 décembre 2010 Biographie de Benito Mussolini : http://www.dark-stories.com/benito_mussolini.htm page consultée le 23 décembre 2010 Biographie de Cesare Orsenigo : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Orsenigo page consultée le 21 mars 2011 Biographie de Joseph Staline : http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Staline page consultée le 15 mars 2011 Biographie de Pie XI : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XI page consultée le 19 mars 2011 Biographie de Pie XII : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XII page consultée le 19 mars 2011 http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Pie_XII/Pie_XII_version_de_travail page consultée le 28 mars 2011 Biographie de Von Preysing : http://fr.wikipedia.org/wiki/Konrad_von_Preysing page consultée le 23 décembre 2010 http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bpreysing.html page consultée le 23 décembre 2010 Bolchévik : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/bolchevik/ page consultée le 15 mars 2011 Bolchévisme : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Bolchevisme.htm page consultée le 15 mars 2011 Cléricalisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ricalisme page consultée le 15 mars 2011 92 Eglise catholique pendant la Seconde Guerre mondiale : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glises_luth%C3%A9riennes_d'Allemagne_face_au_nazi sme page consultée le 23 décembre 2010 Eglises luthériennes d’Allemagne face au nazisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glises_luth%C3%A9riennes_d'Allemagne_face_au_nazi sme page consultée le 23 décembre 2010 Encyclique « Summi Pontificatus » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Summi_Pontificatus page consultée le 12 mars 2011 Excommunication d’Hitler : http://ch.altermedia.info/gnral/mussolini-avait-suggr-au-pape-dexcommunier-hitler_75.html page consultée le 26 mars 2011 Jérusalem : http://www.herodote.net/articles/article.php?ID=559 page consultée le 21 mars 2011 Judaïsme : http://revue.shakti.pagesperso-orange.fr/judaisme.htm page consultée le 21 mars 2011 Judéo-bolchévisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jud%C3%A9o-bolchevisme page consultée le 15 mars 2011 Marxisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marxisme http://www.toupie.org/Dictionnaire/Marxisme.htm page consultée le 15 mars 2011 Mussolini et l’Eglise catholique : http://www.oboulo.com/mussolini-eglise-catholique-22431.html page consultée le 23 décembre 2010 Pacte germano-soviétique : 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mars 2011 Biographie de Otto Skorzeny : http://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Skorzeny page consultée le 8 avril 2011 Biographie de Paul VI : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_VI 94 page consultée le 21 mars 2011 Biographie de Reinhard Gehlen : http://fr.wikipedia.org/wiki/Reinhard_Gehlen page consultée le 21 mars 2011 Odessa: http://fr.wikipedia.org/wiki/ODESSA page consultée le 8 avril 2011 http://touteveriteestbonnealire.blogspot.com/2010/02/odessa-et-le-couloir-du-vatican.html page consultée le 8 avril 2011 Office of Strategic Services : http://fr.wikipedia.org/wiki/Office_of_Strategic_Services page consultée le 8 avril 2011 Opération « Paperclip » : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seaux_d%E2%80%99exfiltration_nazis page consultée le 8 avril 2011 Réseaux d’exfiltration nazis : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seaux_d%E2%80%99exfiltration_nazis page consultée le 8 avril 2011 Partie III : Avis d’historien d’ecclésiastique du Vatican personnel Source Sources orales / Travaux Ecrits Pierre Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », tempus (Perrin), Paris, 2005, 336p. 95 « Rendre la guerre plus humaine, adoucir les maux de la guerre, secourir et consoler les victimes de la guerre ». Pie XII, avril 1941 96 Péridaens Elodie 6MLg Collège Saint-Julien TFE 2010-2011 Ce TFE a reçu le premier prix des Travaux de Fin d’Etudes pour les Sciences Humaines Pour une question de droit d’auteurs, les noms cités dans le TFE d’origine ne sont plus présents dans cette version internet, de plus la page de remerciements a été supprimée ainsi que les deux interviews orales retranscrites par écrit. Pour tout contact, merci de me contacter à cette adresse : [email protected] "La communication des œuvres reprises sur ce site est effectuée à des fins d'illustration d'enseignements ou de recherche scientifique. Cette communication est justifiée par le but non lucratif poursuivi, et dans le cadre des activités normales, de l’Université Libre de Bruxelles. 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