Récepteur soluble de la transferrine: Intérêt chez l`hémodialysé

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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
INTRODUCTION
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Au Maroc, les maladies rénales touchent plus d’un million de personnes. Ils
aboutissent au dialyse chez 4000 malades chaque année, actuellement on compte,
d’après le registre MAGREDIAL près de 9000 patients dialysés, ce chiffre
progresse de 5 à 8% par an. A ce rythme, en 2012, environ 13500 patients auront
besoin de dialyse. Ces statistiques édifiantes tirent la sonnette d’alarme et
doivent inciter les professionnels de la santé à s’engager fortement dans la prise
en charge adéquate de ce type de pathologies, de son retentissement et de ses
complications.
L’anémie est une des complications inéluctables du patient IRC
hémodialysé, cette association anémie-IRC est évoquée pour la première fois en
1836 par BRIGHT qui décrit la pâleur progressive des patients urémiques [1].
La sévérité de cette complication à caractère multifactoriel est grossièrement
proportionnelle à la gravité et au stade de l’insuffisance rénale [2].
La prise en charge de l’anémie des patients IRC hémodialysés a été
révolutionnée par l’introduction de la rHu-EPO dans les années 90. L’apport de
cette molécule a été spectaculaire par l’amélioration des capacités physiques et
intellectuelles des patients, la correction des anomalies cardiaques comme
l’hypertrophie ventriculaire gauche et la quasi-disparition des besoins
transfusionnels. Néanmoins, ce traitement a changé la problématique du statut
martiale et la balance du métabolisme de fer est passée du risque de surcharge en
fer liée à la transfusion itérative au risque de carence martiale par déficit
fonctionnel. Ils ont résulté des situations de résistance à l’rHu-EPO en raison
d’une stimulation importante de l’EPO qui augmente d’autant les besoins en fer.
De plus, la présence fréquente d’un syndrome inflammatoire diminue également
la biodisponibilité de fer par séquestration macrophagique.
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Pour corriger l’anémie et ainsi améliorer la qualité de vie des patients, il est
donc nécessaire de porter le diagnostic de cette carence martiale. L’enjeu est
aussi économique, puisqu’il faut éviter que cette carence n’entraîne pas une
surconsommation de la rHu-EPO. L’évaluation du statut martial et notamment le
dépistage du déficit fonctionnel en fer chez l’hémodialysé chronique reste
problématique dans la mesure où les marqueurs classiques du bilan martial sont
souvent pris en défaut pour les raisons déjà évoquées. Les nouvelles
recommandations sur le traitement de l’anémie chez cette catégorie de patients
incluent de nouveaux paramètres (pourcentage de globules rouges hypochromes,
teneur réticulocytaire en hémoglobine) qui ne sont malheureusement pas
disponibles dans tous les laboratoires. Certaines études ont évaluées un nouveau
paramètre de bilan martial, le récepteur soluble de la transferrine. C’est un
paramètre qui a la propriété de refléter non pas les réserves en fer mais la
concentration intracellulaire en fer, notamment des précurseurs érythroblastiques.
Il reflète donc l’apport effectif du fer à la moelle. Il dépend aussi de l’activité
érythropoïétique qui est stimulée par la rHu-EPO.
Nous nous sommes intéressés à ce paramètre chez la population d’IRC
hémodialysé suivis dans le service de néphrologie, dialyse et transplantation
rénale de l’HMIMV et dans un autre centre privé de dialyse. Nous avons étudiés
son rôle comme marqueur du statut martial et de l’érythropoïèse et nous l’avons
comparé aux marqueurs habituels du bilan martial.
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Partie théorique
Revue de la littérature
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
I- METABOLISME DU FER
A- Physiologie
1. Répartition du fer dans l’organisme
Le stock en fer global de l’organisme est d’environ 4 g (l’équivalent du
poids d’un petit clou) chez l’homme adulte normal. Le fer se répartit
quantitativement dans l’organisme entre des sites d’utilisation et des sites de
stockage. Soixante-dix pour cent du fer de l’organisme est utilisé dans la moelle
osseuse, pour être incorporé dans l’hème au cours de la synthèse de
l’hémoglobine. Le muscle est le deuxième site d’utilisation de fer (10-20 % du
fer total), où il est nécessaire à l’activité de certaines protéines (myoglobine en
particulier). Le foie peut capter et stocker des quantités importantes de fer (1g),
notamment lorsque ce dernier est présent en excès dans le plasma [3] (Fig. 1).
Figure 1 : Schéma illustrant la répartition du fer dans l’organisme [4]
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Après avoir pénétré dans la cellule, le fer doit être correctement réparti
entre trois pools différents, représentés par le pool fonctionnel, le pool de
réserve et le pool de transfert [5].
1.1 Pool fonctionnel
Ce pool correspond à la quantité de fer nécessaire et suffisante pour assurer
les différentes voies métaboliques indispensables à la survie propre des cellules.
Ce pool concerne également les communications intercellulaires. Il s’agit, plus
particulièrement, du fer incorporé dans les protéines héminiques dont
l’hémoglobine, la myoglobine et les cytochromes mais aussi du fer cofacteur de
multiples réactions enzymatiques comme, par exemple, la ribonucléotide
réductase [5].
1.2 Pool de réserve
Dans les conditions physiologiques, le pool du fer de stockage représente
environ 1g chez l’adulte, soit 25% du stock total. Ces réserves se situent
essentiellement dans les cellules du système monocytaire-macrophagique et
dans les hépatocytes sous deux formes quantitativement égales :
 La ferritine hydrosoluble qui constitue une réserve échangeable,
 L’hémosidérine non hydrosoluble, plus riche en fer, produit de
dégradation partielle de la ferritine dans laquelle le fer est peu mobilisable
et qui constitue une réserve martiale stable [6].
1.3 Pool de transfert
Encore appelé pool de fer de « bas poids moléculaire » ou pool de fer labile,
il ne représente que 0.1% du total de fer, soit environ 4 mg. Dans le plasma, il
n’ya pas de fer libre en circulation, car cette forme est trop toxique, il est
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presque exclusivement lié à la transferrine ou sidérophiline. Ce pool constitue
une plaque tournante à partir de laquelle le fer est transporté soit vers le pool
fonctionnel, soit vers le pool de stockage [7].
2. Mouvement du fer : Apports et besoins
Le métabolisme du fer se fait en circuit clos, avec échange entre les
différents compartiments de l’organisme [7]. Les apports, qui compensent
simplement les pertes, représentent une part minime de la masse totale.
2.1 Pertes de fer
Les pertes sont faibles de 1 à 2 mg/jour, l’organisme étant avare de son fer.
Ces pertes sont essentiellement liées à la desquamation cellulaire, digestive et
cutanée. Cependant une très faible quantité de fer est aussi perdue par les voies
biliaire et urinaire. Chez la femme s’y ajoutent les pertes gynécologiques qui
représentent environ 12 à 15 mg par cycle menstruel, et les pertes liées au
transfert du fer au fœtus lors de la grossesse, ainsi que celles en rapport avec
l’allaitement. Enfin, lors du don de sang puisque, 500 mg de fer sont retirés
chaque fois que 1 litre de sang est soustrait [8, 9, 10].
2.2 Apport de fer
Un à deux mg de fer sont quotidiennement absorbés au niveau du duodénum,
ce qui représente environ 10 % du fer contenu dans une alimentation normale.
La captation de fer peut s’adapter, au moins en partie, aux besoins de
l’organisme qui peuvent varier dans différentes situations physiologiques :
augmentation lors de la croissance, la grossesse et l’allaitement. Le pourcentage
de fer extrait de l’alimentation par le tube digestif peut alors augmenter.
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Le fer alimentaire présent sous forme héminique (viande rouge, poisson par
exemple….) a une biodisponibilité supérieure à celle du fer non héminique
(végétaux, œufs, produits laitiers) et se lie à un récepteur membranaire qui
permet son internalisation. L’hème est alors dégradé sous l’action de l’hèmeoxygénase libérant le fer dans l’entérocyte. L’absorption du fer non héminique
nécessite une phase de solubilisation qui est facilitée par l’acidification se
produisant au niveau de l’estomac. Ainsi le fer héminique représente environ 2/3
du fer absorbé alors qu’il ne constitue qu’un tiers des apports [11].
2.3 Mouvements internes
La boucle la plus importante est réalisée par le circuit de l’érythropoïèse.
L’incorporation du fer pour la synthèse quotidienne de l’hémoglobine est
identique à la qualité libérée par l’hémolyse physiologique, c’est-à-dire 20 à 50
mg/jour. Le macrophage reconnaît diverses modifications biochimiques au
niveau de la membrane des globules rouges sénescents. Il phagocyte alors le
globule rouge à éliminer, induisant la formation d’un érythrophagolysosome
dans lequel un complexe enzymatique constitué de cytochrome réductase,
d’héme-oxygénase et de biliverdine réductase, va cataboliser l’hémoglobine. Ce
catabolisme libère du CO, de la bilirubine et du fer. Ce fer recyclé, alors à l’état
ferreux Fe2+, va être soit capté par l’apoferritine intracellulaire pour former de la
ferritine (stock de réserve en fer), soit être exporté par la ferroportine vers le
plasma où il sera oxydé en fer ferrique Fe3+ par la céruléoplasmine, une
ferroxydase cuivre-dépendante, pour être fixé par la transferrine qui le distribue
alors aux tissus qui en ont besoin, essentiellement les précurseurs
érythroblastiques [12].
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3. Régulation de l’homéostasie martiale
Les mécanismes de régulation des mouvements du fer sont restés très
longtemps méconnus. Depuis quelques années, la compréhension des
mécanismes
moléculaires
qui
contrôlent
l’homéostasie
du
fer
a
considérablement progressé grâce au clonage et à la caractérisation d’un grand
nombre de protéines effectrices impliquées dans le métabolisme du fer [5, 13].
L’absorption intestinale est une étape capitale, car la régulation de l’homéostasie
du fer n’est possible qu’à ce niveau [6].
3.1 Régulation de l’absorption intestinale du fer
L’absorption intestinale du fer varie d’une manière inversement
proportionnelle à la quantité de fer stockée et, en revanche, de façon
proportionnelle à l’activité de l’érythropoïèse. À cet égard, Finch [14] a proposé
l’existence de deux régulateurs: un régulateur stock-dépendant qui serait
contrôlé par le contenu en fer de l’organisme et un régulateur érythro-dépendant
régulé par les besoins de l’érythropoïèse. Ces derniers agiraient sur un processus
de contrôle intestinal commun (informeraient les cellules cryptiques) mais de
façon séquentielle et avec des effets quantitatifs différents. Ainsi, le facteur
stock-dépendant permettrait d’augmenter l’absorption intestinale du fer lorsque
les besoins restent limités à 1 ou 2 mg par jour. Son intervention serait
typiquement nécessaire lors des pertes menstruelles. Des besoins plus importants,
de l’ordre de 3 à 4 mg par jour, déclencheraient l’activation du facteur érythrodépendant. Ce serait notamment le cas lors des soustractions sanguines
volontaires (donneurs de sang) ou curatives. Ces deux régulateurs doivent être
représentés par des agents plasmatiques solubles capables de communiquer avec
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
les différents sites impliqués dans l’utilisation, la mobilisation et l’absorption du
fer; sites relativement éloignés les uns des autres [5].
L’absorption du fer alimentaire s’effectue au niveau de la partie proximale
de l’intestin grêle, par les entérocytes matures des villosités duodénales (Fig. 2).
Le fer alimentaire non héminique est réduit par Dcytb puis absorbé au
niveau de la bordure en brosse intestinale, par l’action coordonnée d’une
réductase et du transporteur de fer Nramp2/DMT1. L’absorption du fer
héminique s’effectue par le transporteur apical spécifique HCP1 [15]. Le
catabolisme successif de l’hème par HO-1 libère le fer ferreux, qui peut ainsi
rejoindre le pool de fer non héminique internalisé par Nramp2/DMT1. Le fer est
ensuite soit stocké dans la ferritine (ou l’hémosidérine), soit exporté au pôle
basolatéral de l’entérocyte (par l’action coordonnée de la ferroportine et de
l’héphaestine, voire de la céruléoplasmine) pour rejoindre la circulation
sanguine [16] (Fig. 2).
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 2 : Représentation schématique de l’absorption du fer au niveau du
tube digestif [17]
CYBRD1 : Cytochrome b réductases 1 ; DMT1 : dimetal transporter 1; FPN : ferroportine; HEPH :
Hephaestine; Tf : transferrine ; HO : Hème oxygénase ; CO : monoxyde de carbone ; BVD : biliverdine ;
Ferr : ferritine; HJV : hémojuvéline ; TfR2 : récepteur à la transferrine 2.
3.2 Protéine HFE
Le modèle de programmation des cellules de la crypte. Modulé par HFE, le
contrôle de la pénétration du fer liée à la transferrine en présence de Rtf et de
Rtf2 se ferait au niveau des cellules cryptiques intestinales. Ce contrôle
aboutirait à la programmation de l’expression des gènes impliqués dans
l’absorption du fer non héminique au niveau des entérocytes matures. Au cours
de la maturation des entérocytes, des expressions différentielles de gènes se
produisent (par exemple, HFE et Rtf ne sont plus synthétisés dans les
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
entérocytes matures alors que l’inverse se produit pour DMT1). Pour certaines
protéines telles que Rtf et DMT1, la présence d’IRE sur les gènes codant ces
protéines (soumis donc à une régulation post-transcriptionnelle de ces gènes)
expliquent au moins en partie leur régulation différentielle dans un même
entérocyte [18].
3.3 Hepcidine
Synthétisée par le foie sous forme d’un précurseur de 84 acides aminés,
l’hepcidine est une hormone peptidique de 25 acides aminés, sécrétée dans le
plasma et éliminée dans les urines. Elle possède une structure très particulière,
compacte, conférée par quatre ponts disulfures formés à partir de huit cystéines
conservées dans l’évolution [19].
D’abord identifiée pour son activité antimicrobienne, l’hepcidine s’est
révélée jouer un rôle central dans le métabolisme du fer, en inhibant l’absorption
intestinale du fer alimentaire et le recyclage du fer héminique des macrophages.
L’action de l’hepcidine passe par sa liaison à la ferroportine et par
l’internalisation intralysosomale de l’exporteur, conduisant ainsi à sa
dégradation [20, 21]. L’expression de l’hepcidine est augmentée par un régime
riche en fer et par l’inflammation (chronique ou aiguë) et le gène est au contraire
réprimé par l’hypoxie, la carence en fer et l’anémie (Fig. 3) [19].
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 3 : Schéma illustrant la relation entre la concentration plasmatique en
Hepcidine et la disponibilité en fer [21]
3.4 Le système IRE-IRP
Il existe un système moléculaire, contrôlant la régulation
post-
transcriptionnelle de certains gènes, dont l’activité est directement corrélée à la
charge intracellulaire libre en fer. Ce système fait intervenir une séquence
spécifique de l’ARNm, nommée IRE, sur laquelle se lie une protéine
cytoplasmique, baptisée IRP.
Les éléments, appelés IREs, sont des séquences nucléotidiques particulières
avec des structures secondaires en épingle à cheveux. Elles sont présentes au
niveau des régions 5’ ou 3’ non traduites de certains ARNm. Les IRPs sont, d’où
leur nom, des protéines cytoplasmiques qui vont lier la séquence IRE si la
concentration cellulaire en fer est basse et, au contraire, ne peuvent s’y associer
si la concentration cellulaire est élevée (Fig. 4).
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Une augmentation de la concentration cellulaire en fer a pour conséquence :
 D’une part, de diminuer la quantité d’ARNm du récepteur 1 de la
transferrine ; ces derniers sont, en effet, rapidement détruits par une
ribonucléase (ceci a pour effet de limiter l’entrée du fer dans la cellule).
 D’autre part, d’augmenter la traduction des ARNm de la ferritine,
permettant ainsi de produire suffisamment de protéine pour stocker les
atomes de fer présents en excès et limiter leur toxicité potentielle.
À l’inverse, lorsque la cellule est carencée en fer, les IRPs présentent alors
une forte affinité pour les IREs. Ceci facilite l’entrée du fer en permettant une
expression plus importante du récepteur 1 de la transferrine et une diminution de
la synthèse de ferritine, rendue inutile puisqu’il n’existe pas d’atome de fer en
excès [5].
La force de ce système est qu’il régule le taux de protéines directement liées
au métabolisme du fer, dont le récepteur 1 de la transferrine (entrée du fer), la
ferritine (stockage du fer), la ferroportine (export du fer), DMT1 (absorption de
fer) et l’ALAS (synthèse de l’hème) [23].
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 4 : Représentation schématique des principes de la régulation post
transcriptionnelle par le système IRE/IRP [17]
4. Erythrophagosytose et recyclage du fer héminique
La reconnaissance spécifique d’un globule rouge vieilli par un macrophage
tissulaire est suivie de l’internalisation du globule rouge par phagocytose. La
maturation de l’érythrophagosome permet le recrutement des enzymes
nécessaires à la dégradation des constituants du globule rouge. L’hémoglobine
provenant de l’érythrocyte est dégradée en biliverdine et CO par l’hème
oxygénase, libérant ainsi le fer. Ce fer peut être stocké sous forme de ferritine ou
peut être exportée par l’intermédiaire de la ferroportine dans le milieu extérieur.
Le fer sous forme ferreux est oxydé en forme ferrique par la céruléoplasmine
avant d’être transporté par le récepteur à la transferrine. Ce fer peut de nouveau
servir pour l’érythropoïèse. La ferroportine est régulée par l’hepcidine (Fig. 5).
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Ce processus permet de recycler 25 à 30mg de fer par jour, correspondant
aux besoins en fer nécessaires pour produire environ 200 milliards de nouveaux
érythrocytes/ jour [24].
Figure 5 : Fer et système des phagocytes mononuclées [17]
Clp : céruloplasmine ; HO : hème oxygénase; CO : monoxyde de carbone ; BVD : biliverdine ; FPN :
ferroportine ; Tf : transferrine.
5. Erythropoïèse
L'érythropoïèse est la production continue de globules rouges régulée par la
moelle osseuse permettant de compenser quotidiennement la perte de 1/120ème
de la masse globulaire totale due à l'hémolyse physiologique. 100 à 250
milliards de globules rouges sont ainsi produits chaque jour chez le sujet normal.
En cas de besoins accrus, la production peut être multipliée de façon
considérable, jusqu'à 10 fois [25].
La voie de l’érythropoïèse est un enchaînement de processus associant
divisions cellulaires, apoptose et différenciation. Elle commence avec le
progéniteur engagé dans la lignée myéloïde, dénommé CFU-GEMM. Les
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
premiers stades de la lignée érythroblastique sont les BFU-E précoces, suivis des
BFU-E tardives et des CFU-E, auxquelles succèdent les premières cellules
identifiables morphologiquement sur le frottis médullaire, de l’érythroblaste à
l’érythrocyte. L’EPO stimule l’érythropoïèse à partir du stade de BFU-E tardive.
L’ensemble du processus qui conduit de la BFU-E précoce aux réticulocytes,
puis aux hématies, dure environ 20 jours en situation stable. En délivrant aux
cellules cibles un signal de survie et de prolifération, l’EPO est l’élément clef de
la régulation de l’érythropoïése [26].
B- Perturbations du métabolisme martial
1. Carences
La carence martiale est de loin la cause la plus fréquente d’anémie
microcytaire hypochrome sidéropénique. Selon l’OMS la carence martiale
concerne 20% de la population mondiale.
La
sidéropénie
peut
relever
d’une
insuffisance
d’apport,
d’une
malabsorption digestive ou de pertes excessives, notamment hémorragiques, le
plus souvent répétées et distillantes [27].
2. Surcharges
Les surcharges de l’organisme en fer ou hémochromatoses sont définies par
le dépassement d’une masse de réserve considérée comme normale (de 10 à 15
mg/kg) et sont classiquement divisées en deux catégories [23].
i) Les hémochromatoses primaires sont des maladies héréditaires dans
lesquelles une mutation sur un gène codant pour une protéine effectrice du
métabolisme du fer provoque un trouble de l’absorption ou de la
redistribution du fer. l’exemple le plus représentatif est l’hémochromatose
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
de type 1 causé par une mutation sur le gène de la protéine HFE régulant
l’absorption intestinale du fer [28, 29, 30, 31, 32].
ii)
Les formes secondaires sont dues schématiquement à deux
grands mécanismes [17, 33, 34]:
- La répétition d’apports transfusionnels (1 ml de GR apportant
environ 1 mg de fer) nécessaire dans les situations d’hypoplasie
médullaire (aplasies congénitales ou acquises, IRC réfractaires à
l’érythropoïèse...), de dysérythropoïèse à moelle riche (β-thalassémies
majeurs…).
- L’hyperabsorption digestive secondaire à une érythropoïèse
inefficace et accélérée qui nécessite des apports en fer augmentés.
3. Déficits fonctionnels
En dehors de ce schéma dichotomique de l’état des réserves (carence ou
surcharge), il y a tout un ensemble de situations moins faciles à classer. Ce sont
les situations où l’organisme n’arrive pas à fournir assez de fer aux tissus, donc
essentiellement aux érythroblastes, pour la synthèse de l’hémoglobine malgré
des réserves non épuisées [35].
3.1 Fer et inflammation
Les mécanismes physiopathologiques en cause ne sont encore, à l’heure
actuelle, que partiellement élucidés. Schématiquement, l’anémie inflammatoire
ou anémie des maladies chroniques peut s’expliquer par la combinaison de trois
phénomènes résultant d’une sécrétion d’IL- 1, de TNF-α et d’interféron :
 Une inhibition et une résistance à la sécrétion d’érythropoïétine
responsables d’une érythropoïèse anormale ;
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
 Des anomalies du métabolisme du fer avec une diminution de la
redistribution du fer vers la moelle en raison d’une séquestration
macrophagique et d’une baisse de l’absorption intestinale du fer. On
attribue maintenant ces effets à l’hepcidine.
 Une diminution de la durée de vie des globules rouges [36].
Cette production d’IL-1 stimule également la sécrétion d’apolactoferrine qui,
une fois couplée au fer, empêche l’utilisation de ce dernier pour la synthèse de
l’hème. L’anémie qui en résulte est classiquement modérée, normocytaire
normochrome, voire à terme microcytaire hypochrome.
Du plus, au cours du syndrome inflammatoire, la concentration de la
ferritine augment sans lien avec une augmentation des réserves (protéine
"positive" de l’inflammation) et le catabolisme de la transferrine est accélérée
(protéine "négative" de l’inflammation). Il ya a donc une diminution de la
biodisponibilité du fer pour les érythroblastes, définissant une carence
fonctionnelle contrastant avec ferritinémie élevée et une transferrine sérique
diminuée. Il est donc difficile de mettre en évidence cette carence fonctionnelle
avec les marqueurs classiques du bilan martial.
3.2 Fer et érythropoïèse accélérée
Le terme de déficit fonctionnel a été largement utilisé dans la littérature en
néphrologie en référence aux patients IRC qui reçoivent de l’EPO. En effet, chez
ces patients, l’administration d’une érythropoïétine augmente la production de
globules rouges et donc l’utilisation du fer [37]. Ce dernier peut devenir
insuffisant même si les stocks ne sont pas épuisés. Le bilan martial classique se
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
trouve en défaut, tout comme lors du syndrome inflammatoire, pour évaluer
cette situation [38].
II- LES MARQUEURS BIOLOGIQUES DU METABOLISME
MARTIAL
Nous avons vu que les échanges de fer s’opèrent entre trois compartiments
métaboliques principaux : fonctionnel, de transport et de réserves. A chaque
compartiment correspond des tests d’exploration spécifiques qui relèvent de la
biochimie et de l’hématologie.
A- Lesquels ?
1. Paramètres évaluant le compartiment fonctionnel
L’exploration biologique du fer fonctionnel consiste à évaluer le fer
hémoglobinique. Deux sortes de paramètres étroitement associés doivent être
distinguées, le taux d’Hb et les indices érythrocytaires (VGM, TCMH et IDGR)
[39].
De nouveaux marqueurs se développés et sont candidats à une évaluation
plus spécifique de la carence martiale. Il s’agit du pourcentage de globules
rouges hypochromes et du contenu réticulocytaire en hémoglobine. Ces
paramètres mettent en évidence, non pas une diminution du stock en fer de
l’organisme, mais une baisse de la disponibilité du fer pour les tissus utilisateurs.
2. Paramètres évaluant le compartiment de transport
Pour ce type de fer, l’exploration biologique est focalisée sur les dosages
suivants : le fer sérique, la transferrine, le CST, et le Rs-Tf.
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2.1 Le fer sérique
Chez le sujet normal, le fer circulant sous une autre forme que
l’hémoglobine est presque exclusivement du fer lié à la transferrine (et très peu à
la lactoferrine ou à la ferritine). Par contre à l’état pathologique, on peut trouver
aussi du fer d’origine hémoglobinique (hémolyse), du fer lié à la ferritine en
quantité élevée (nécrose hépatique, surcharge), une forme atypique de fer non lié
à la transferrine (hémochromatose) ou du fer chélaté sous forme de ferrioxamine
[39].
2.2 La transferrine
La transferrine ou sidérophiline est une glycoprotéine assurant le transport
du fer depuis les entérocytes intestinaux jusqu’aux érythroblastes médullaires et
la récupération du fer après destruction des érythrocytes par le système
macrophagique. Il s’agit d’une β globuline synthétisée par le foie et présentant
une très forte affinité pour les ions Fe3+. Chaque molécule possède deux sites de
fixation du fer indépendants, si bien que l’on peut trouver à tout moment dans le
plasma trois formes moléculaires distinctes de transferrine : di ferrique (ayant
fixé le fer sur les deux sites), mono ferrique (n’ayant fixé le fer que sur l’un ou
l’autre des deux sites), apo transferrine (n’ayant pas fixé de fer) (Fig. 6) [39].
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 6 : Représentation schématique de la transferrine [40]
2.3 Le Rs-Tf
C’est un paramètre d’utilité importante dans l’exploration du statut martial.
Objet de ce travail, nous lui consacrons tout un chapitre pour bien l’étudier en
détail.
2.4 Ferritine érythrocytaire
La ferritine érythrocytaire est un résidu de la ferritine érythroblastique, dont
la concentration est influencée par deux facteurs essentiels :
 La saturation en fer de la transferrine,
 Le niveau de synthèse de l’Hb.
Afin de s’affranchir de l’influence du VGM et de l’hématocrite, la
concentration est rapportée à l’érythrocyte, d’où la nécessité d’une numération
globulaire effectuée le jour du dosage. Les résultats, exprimés en
attogramme/cellule (10-18 g/cellule), sont obtenus après le calcul suivant :
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Ferritine du lysat x Hb du sang total
Ferritine érythrocytaire =
GR du sang total x Hb du lysat
Néanmoins, son dosage demeure peu pratiqué car plus délicat [6].
2.5 Les paramètres calculés
Ils sont représentés par la CTST, le CST, l’index du Rs-Tf.
3. Paramètres évaluant le compartiment des réserves
Ce compartiment contient le fer séquestré sous forme non toxique, ferritine
et hémosidérine, comme cela a été précisé. Seule la ferritine est accessible au
dosage.
3.1 Ferritine sérique
La ferritine est un hétéropolymère constitué de 24 sous-unités formant une
coque, pouvant accueillir en son centre jusqu’à 4 500 atomes de fer (Fig. 7). Ses
sous-unités sont de deux types : la chaîne légère ou L-ferritine (FTL) (ferritin
light chain) qui est la plus impliquée dans le stockage du fer proprement dit, et la
chaîne lourde ou H-ferritine (FTH1) (ferritin heavy chain), qui a une activité
ferroxydase permettant l’intégration du fer dans la ferritine [41]. L’association
de 2 chaines peut donner lieu à 25 formes moléculaires possibles (L24,
L23H1,..., H24) qui constituent la famille des isoferritines et déterminent la
grande hétérogénéité moléculaire de la ferritine [42]. Dans les tissus, dont la
capacité de stockage en fer est élevée comme le foie ou la rate, la ferritine est
surtout constituée de L-ferritine. Outre son rôle cytoplasmique dans le stockage
du fer, la ferritine (50% de réserve soit 15% du fer total) peut être sécrétée, et sa
quantité dans le plasma sera alors le reflet de la charge en fer hépatique, ou se
lier à l’ARN ou l’ADN (Fig. 7) [41].
23
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 7 : Représentation schématique de la structure de la ferritine
[43, 44]
3.2 Ferritine glycosylée
La ferritine sérique est constituée par 60 à 80% de ferritine glycosylée
(provenant d’un phénomène de sécrétion-glycosylation par les monocytesmacrophages) et de ferritine non glycosylée, issue de l’excrétion des cellules
parenchymateuses. La demi-vie de la ferritine glycosylée est plus longue et sa
détermination reflète la lyse tissulaire lors des surcharges en fer ou des
affections malignes.
Le dosage de la ferritine glycosylée trouve son indication dans
l’interprétation
d’une
hyperferritinémie
difficile
à
cerner.
Dans
les
hyperferritinémie d’origine inflammatoire, le pourcentage de glycosylation reste
normal. Plusieurs maladies s’accompagnent d’une augmentation préférentielle
de la ferritine non glycosylée : hépatite aiguë, tumeur, maladie de still.
24
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Le dosage différentiel des ferritines glycosylée et non glycosylée repose sur
l’affinité élective de la ferritine glycosylée pour la concanavaline A [6]. Cette
technique délicate, mise au point par différentes équipes (Worwood, Cazzola)
n’est pratiquée que dans quelques laboratoires spécialisés [45, 46].
3.3 Fer médullaire
Le gold standard pour l’étude des réserves en fer de l’organisme reste la
coloration de Perls au bleu de Prusse sur ponction de moelle osseuse qui met en
évidence l’hémosidérine contenue par les érythroblastes et permet de voir
également le fer macrophagique [47]. Cependant, cette technique de référence
demande un prélèvement invasif et sa lecture est sujette à une grande variabilité
interindividuelle. De plus, elle perd sa valeur après administration parentérale de
fer [48].
B- Aspects analytiques
1. Exploration du compartiment fonctionnel
1.1 Phase pré analytique
Ce dosage requiert un prélèvement sanguin réalisé sur un tube avec EDTA
comme anticoagulant.
1.2 Phase analytique
1.2.1 Taux d’Hb
Il s’agit d’un dosage spectrophotométrique bien standardisé consistant à
transformer l’Hb en cyanméthémoglobine et à lire l’absorbance à 540 nm. Un
standard international est largement utilisé pour la calibration. En fait, cette
mesure est depuis longtemps intégrée dans les automates électroniques de
cytologie.
25
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Le taux d’Hb ne doit pas être interprété isolément, mais en relation avec les
deux indices érythrocytaires ci-dessous [39].
1.2.2 VGM
Il s’agit d’un indice mesuré pendant une courte période au cours de laquelle
les globules rouges en suspension dans un liquide de dilution passent à travers
un orifice et déclenchent une impulsion électronique. Le nombre d’impulsions
enregistrées correspond au nombre de globules rouges et l’amplitude de
l’impulsion permet de mesurer le VGM. Le VGM est aussi donné par les
automates électroniques de cytologie [39].
1.2.3 TCMH
Indice calculé en divisant le taux d’Hb (exprimé en g/l) par le nombre de
globules rouges (exprimé par µl) [39]. La TCMH est aussi donnée par les
automates électroniques de cytologie.
1.2.4 IDGR
Certains automates donnent un indice érythrocytaire appelé IDGR. Un
IDGR augmenté (> 15%) traduit une anisocytose et incite à examiner
attentivement les frottis [39].
1.2.5 Pourcentage de GR hypochromes
De nouveaux modules utilisant la technologie de cytométrie en flux,
permettent d’évaluer le pourcentage de globule rouges circulants dont la teneur
en hémoglobine est faible (CCMH<28 g/dl). Ce paramètre est plus sensible que
la TCMH qui ne s’abaisse que lorsque l’hypochromie concerne un grand
nombre de cellules. Des études ont montré qu’un pourcentage supérieur à 10%
était bien corrélé à la carence martiale [49, 50].
26
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
1.2.6 Contenu réticulocytaire en Hb
Si le pourcentage d’hématies hypochromes permet de détecter un état
d’érythropoïèse inefficace en raison d’un déficit en fer, la méthode idéale pour
effectuer ce dépistage de manière plus précoce, étant donne la longue durée de
vie du globule rouge, serait l’étude des globules rouges nouvellement formé tout
juste relargués dans le sang périphérique par la moelle osseuse : les réticulocytes.
Ces cellules représentent la première forme circulante de globules rouges,
présents dans le sang pour une durée qui n’excède pas 24 heures en moyenne
avant de perdre leurs mitochondries et ribosomes pour devenir des cellules
matures de la lignée rouge. De nouveaux automates permettent l’analyse des
cellules réticulocytaires sans modifier leurs différents indices cellulaires. Il
s’agit d’une technique de cytométrie de flux qui permet d’étudier le volume
réticulocytaire moyen et la concentration en hémoglobine des réticulocytes. A
partir de ces mesures, il est possible de calculer la teneur en hémoglobine de
chaque réticulocyte, celle-ci étant égale au produit du volume cellulaire par la
concentration en hémoglobine au sein de chaque cellule.
Le contenu en hémoglobine des réticulocytes semble être un meilleur indice
que le volume réticulocytaire ou que la concentration cellulaire en hémoglobine,
car il est plus stable [51]. La mesure du contenu en Hb des réticulocytes
disponible sur certain analyseur (Siemens Medical Solution Diagnostics et
Sysmex) constitue un examen spécifique et utilisable en routine. Les valeurs
usuelles s’étendent de 28 à 35 pg/cellule [52, 53].
27
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
1.3 Phase post analytique
 Hb
- Homme
: 13- 17,5 g/dl
- Femme
: 11,5- 16 g/dl
- Femme enceinte
: 10,5-11g/dl
- Enfant (à partir d’un an) : 11,5- 14,5 g/dl
 VGM
80- 100 fl (10-15 l)
 TCMH
27-29 pg/GR
L’intérêt de l’exploration de ces paramètres réside presque exclusivement
dans le diagnostic de l’anémie par carence en fer (anémie hypochrome
ferriprive) où ils sont abaissés (sauf l’IDGR qui est augmenté). Ces résultats
indiquent une diminution de la livraison du fer aux érythroblastes, mais ne
signifient pas obligatoirement qu’il n’existe plus de réserves en fer. A noter que
la TCMH est le premier paramètre à baisser, suivi par le VGM puis par le taux
de l’Hb. Ces paramètres peuvent être aussi de quelque utilité dans l’évaluation
de la réponse à une thérapeutique martiale [39].
En effet, la TCMH est
également le premier marqueur à se corriger en cas de supplémentation en fer.
2. Exploration du compartiment de transport
2.1 Fer sérique
2.1.1 Phase pré analytique
Le prélèvement doit être réalisé sur tube sec (les anticoagulants peuvent
entraîner des interférences), à jeun le matin entre 8h et 10h et toujours à la même
28
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
heure s’il s’agit d’un suivi. Le fer sérique présente en effet d’importantes
variations nycthémérales [39].
2.1.2 Phase analytique
Le fer fait partie des éléments traces et son dosage présent donc deux
difficultés :
i)
Contamination éventuelle (matériel de prélèvement, cupules de
dosage… soulignant l’intérêt de la bonne gestion de la phase pré
analytique),
ii) Détermination précise des faibles concentrations.
La méthode de référence a été décrite par l’ICSH. Elle consiste en une
précipitation des protéines sériques avec relargage du fer de la transferrine par
un agent réducteur. Après centrifugation, le fer ferreux est détecté dans le
surnageant par une technique faisant appel à un chromogène (ferrozine ou férène,
plus sensible). A partir de cette technique, diverses variantes ont été développées,
visant à automatiser, éviter la précipitation des protéines, minimiser les
interférences avec les chromogènes et travailler sur des quantités minimes de
sérum [6].
L’interprétation de la sidérémie est souvent délicate. Le fer sérique suit un
rythme circadien, avec un maximum le matin (entre 8 – 12 H) et un minimum
vers 20 H. Ces variations sont considérablement amoindries en cas de franches
hypo ou hypersidérémies. La sidérémie diminue également au cours des règles.
La prise médicamenteuse de fer ou un repas riche en fer augmente la
concentration post prandiale de fer sérique [6].
29
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2.1.3 Phase post analytique
- Nouveau-né
: 10 à 36 µmol/l
- Nourrisson, enfant : 11 à 23 µmol/l
- Homme
: 10 à 30 µmol/l
- Femme
: 8 à 28 µmol/l [39]
S’il est certain que le dosage de le sidérémie fournit un message aisément
appréhendable pour les patients. Sa variabilité et son défaut de sensibilité en tant
qu’indicateur
d’hémochromatose
ou
de
carence
martiale
limitent
considérablement son intérêt clinique.
L’hyposidérémie s’observe dans deux situations :
i) Les anémies par carence martiale : Au début de l’installation d’une
carence en fer, la sidérémie est maintenue constante
aux dépens de
réserves échangeables. La synthèse de la transferrine augmente dans un
2ème temps. Ce n’est que tardivement que la sidérémie diminue avec
apparition d’une anémie hypochrome,
ii) Les syndromes inflammatoires : Par le jeu des cytokines
inflammatoires, les états inflammatoires induisent la synthèse d’hépcidine
et détournent le fer libre de son utilisation habituelle pour l’érythropoïèse
au profit de sa mise en réserve. Ils agissent sur la synthèse des différentes
protéines liant le fer (la transferrine diminue et la ferritine augmente) [54].
30
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2.2 Transferrine
2.2.1 Phase pré analytique
La transferrine est dosée sur un échantillon de plasma ou sérum obtenu à
partir d’un prélèvement sanguin réalisé respectivement sur tube contenant
l’heparinate de Li comme anticoagulant ou tube sec sans anticoagulant.
2.2.2 Phase analytique
Le dosage préconisé pour la transferrine est un dosage immunochimique
direct par immunoprécipitation en phase liquide (immuno-néphélémétrie,
immuno-turbidimétrie) [39].
2.2.3 Phase post analytique
- Nouveau-né
: 1,6 à 2,8 g/l
- Nourrisson, enfant : 2 à 4 g/l
- Adulte
: 2 à 3,2 g/l [55]
La quantité totale de transferrine présente dans l’organisme est inversement
corrélée avec l’état des réserves en fer. Ainsi, la synthèse de la transferrine
augmente lorsque les réserves diminuent, et ceci bien avant l’apparition de
l’anémie. C’est par ailleurs le degré de saturation en fer de la transferrine
circulante qui conditionne sa fixation sur les récepteurs membranaires des
érythroblastes. Cette fixation est meilleure et la livraison du fer se fait avec plus
d’efficacité lorsque prédominent les formes di ferriques [39].
C’est une protéine négative de l’inflammation.
31
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2.3 Paramètres calculés
La CTST et CST sont deux paramètres calculés suivant les relations :
 CTST = Tf (en µmol/l) x 2
CTST = Tf (g/l) x 25
 CST = fer sérique (µmol/l) / CTST (µmol/l)
2.3.1 Valeurs usuelles
 CTST
Adulte (H et F)
: 60-95 µmol/l
Enfant (1 an – puberté) : 55-100 µmol/l
 CST
Homme
: 20- 40 %
Femme
: 15- 35 %
Enfant (1 an – puberté) : 15- 40 %
2.3.2 Utilité pratique
Le CST (et non la CTST qui est plutôt corrélée avec les réserves, comme
nous le verrons plus loin) est un bon indicateur du transport du fer et de son
alimentation tissulaire. Toute diminution de ce coefficient au dessous de 15%
traduit sans aucun doute une diminution de la livraison du fer à l’érythropoïèse
(ce qui ne signifie pas forcément que l’on se trouve en présence d’une anémie
carentielle, car cela se voit aussi dans les anémies inflammatoires). A l’opposé,
toute augmentation de ce coefficient au-delà de 55% témoigne d’un danger de
32
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
surcharge tissulaire en fer du type hémochromatose. Son emploi reste fréquent
dans le « screening » de l’hémochromatose génétique [39].
3. Exploration du compartiment de réserve : Dosage de la ferritine
sérique
3.1 Phase pré analytique
La ferritine est dosée sur un échantillon de plasma ou de sérum obtenu à
partir d’un prélèvement sanguin réalisé respectivement sur tube contenant
l’heparinate de Li comme anticoagulant ou tube sec sans anticoagulant.
3.2 Phase analytique
Le dosage de la ferritine est réalisé par immunoenzymologie, chimi- ou
électrochimiluminescence, immunonéphélémétrie et immunoturbidimétrie. Les
standards doivent être calibrés par rapport au 2ème étalon international (OMS 80578). Cependant, selon la nature de l’immunogène utilisé (hétérogénéité des
ferritines de foie et de rate), le type d’anticorps (poly ou monoclonal) et la
nature du marqueur ; les résultats peuvent différer d’une technique à l’autre,
particulièrement dans les valeurs élevées. Il est donc recommandé d’assurer le
suivi des patients par le même réactif.
En cas de traitement martial, il est conseillé de doser la ferritine à quelques
jours de distance [6].
33
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.3- Phase post analytique
Tableau I : les valeurs moyennes de la ferritine [55]
Enfant
Homme Femme
0-10 j
10-31 j
1-3 m
3-6 m
6-15 m
50-400
90-600
140-400
40-220
15-100
Ferritine
30-300
20-200
(ng/ml)
j : jour ; m : mois
La ferritine sérique présente, chez l’homme normal, une corrélation étroite
avec le fer des réserves. Toute diminution en deçà des valeurs précédentes
évoque une baisse des réserves en fer et une évolution possible vers l’anémie
hypochrome ferriprive. Le mécanisme est différent dans l’inflammation et
l’infection où, le fer étant transféré directement de l’Hb aux réserves réticulohistiocytaires, la ferritine sérique peut être normale ou même augmentée.
Lorsque les réserves en fer augmentent, la ferritine sérique augmente aussi, mais
cette élévation n’est pas spécifique puisqu’elle est retrouvée dans d’autres
éventualités non liées au métabolisme du fer, telles que la nécrose hépatique et
certaines tumeurs [39].
 L’hypoferritinémie est un indicateur fiable de la carence martiale
(la seule circonstance pathologique où il existe une baisse de la ferritine).
C’est le premier signe biologique et infra clinique de la carence avant la
baisse des constantes érythrocytaires (TCMH et VGM) et le stade ultime
d’anémie microcytaire hypochrome. Lors des traitements supplétifs, les
paramètres érythrocytaires s’élèvent en premier avant la correction de
34
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
l’anémie. L’augmentation de la ferritine qui témoigne de la restauration
des réserves nécessite deux à quatre mois de traitement. Néanmoins, la
carence martiale peut être masquée par l’augmentation de la ferritine lors
d’un syndrome inflammatoire associé. Dans ce cas, l’augmentation du
taux du Rs-Tf présente un grand intérêt diagnostique.
 L’hyperferritinémie associée à un taux de fer sérique bas évoquant
un syndrome inflammatoire, la ferritine est une protéine de la phase aiguë
de l’inflammation.
L’hyperferritinémie associée à un taux de fer sérique normal ou
augmenté peut relever d’étiologies diverses :
 Une lyse cellulaire conséquente induisant une hyperferritinémie.
C’est le cas des hépatites aigues où la ferritine peut dépasser 10000 µg/l
mais aussi des hépatites chroniques, des hémolyses, des nécroses
médullaires et myocardiques ainsi que des rhabdomyolyses,
 L’alcoolisme caractérisé par l’hyperferritinémie, un fer sérique
élevé et un CST augmenté.
Les causes rares sont représentées par les hyperthyroïdies, les tumeurs
malignes (carcinome hépatocellulaire, pulmonaire et mammaire), les maladies
hématologiques malignes (LMNH, leucémies, syndrome hyperferritinémiecataracte lié à la présence de mutation dans l’IRE du gène L-ferritine) [54].
C- Etude critique des paramètres classiques du bilan
martial
Pour rappel, nous allons envisager un à un les différents indicateurs
classiques du statut martial en signalant les limites de chacun.
35
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
1. Hémogramme
Le dosage de l’hémoglobine, à la recherche d’une anémie, n’est perturbé
qu’à un stade tardif de la carence et témoigne déjà des réserves effondrées. Il ne
présente donc qu’un faible intérêt dans un bilan systématique de première
intention.
Les autres paramètres érythrocytaires tels que VGM, TCMH bien que
variant plus précocement que l’Hb, restent insuffisants pour le diagnostic
précoce de la carence martiale. De plus une macrocytose d’origine alcoolique
par exemple rend ininterprétable la valeur du VGM.
2. Fer sérique
Trop souvent prescrit en première intention dans le cadre d’un bilan de
dépistage d’une carence martiale, son dosage est en pratique très décevant du
fait de nombreuses variabilités :
 Variabilité individuelle liée d’une part au rythme circadien
(concentration maximale à midi, minimale à minuit, avec une amplitude
de 30 à 40% en moyenne) [39] et d’autre part de l’extrême labilité du pool
sérique circulant [56],
 Variabilité interindividuelle et en fonction du sexe,
 Enfin et surtout, variabilité en fonction de nombreux facteurs de
méprise : hémolyse, nécroses, syndrome inflammatoire.
En résumé, la sidérémie est une investigation qui manque à la fois de
spécificité et de sensibilité pour le dépistage des carences martiales, tout en
conservant un intérêt certain dans celui des surcharges en fer.
36
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
En pratique, le dosage isolé du fer ne se justifie que couplé à celui de la
transferrine afin d’apprécier son coefficient de saturation. Dans l’exploration du
fer, il faut tout faire sauf le fer.
3. Transferrine
Sa détermination immunologique sert à calculer la capacité totale de fixation
puis, couplée à celle du fer sérique, le coefficient de saturation de la transferrine
[57]. Ce dernier étant entaché par les variations de la sidérémie et de la
transferrine elle-même.
Les variations en sont plus précoces que celle de l’Hb (augmentation de la
CTST et diminution du CST en cas de carence). Mais l’interprétation devient
difficile en cas de pathologies associées qui peuvent fausser sa véritable
signification : par exemple dans le cadre d’une carence martiale associée à un
syndrome inflammatoire, la concentration de la transferrine peut être normale,
son augmentation par la carence étant masquée par sa diminution. Ces facteurs
de variations sont essentiellement :
 Un syndrome inflammatoire,
 Une insuffisance hépato-cellulaire,
 Une dénutrition,
 Une hyperandrogénie,
 Les fuites urinaires, gastro-intestinales et cutanées.
A l’inverse, une imprégnation oestrogénique peut élever la transferrine et
faire évoquer une carence en fer qui n’existe pas (Tableau II) [57].
37
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Tableau II : Principaux facteurs de variation de la transferrine [57]
Facteurs de variation
variations observée
Variations pré analytiques et analytiques
Efforts violents
Garrot si pose prolongée
Variations analytiques
/
Variations biologiques
nouveau-né
Age
personnes âgées
Sexe féminin
Grossesse
Médicaments
Contraceptifs oraux
Danazol
L-asparaginase
D-péniccillamine
Variations intra-individuelles
/
Variations pathologiques
Inflammations chronique et aigue
Insuffisance hépato-cellulaire
Dénutrition
Fuites urinaire, gastro-intestinale et cutannée
Hyperandrogénie
38
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
4. Ferritine
Malgré les imperfections méthodologiques de sa détermination, le dosage de
la ferritine sérique constitue un examen biologique primordial dans la carence
martiale. En effet, une hypoferritinémie signe toujours une carence: une ferritine
inférieure à 12 µg/l confirme une déplétion en fer. Par contre, une ferritinémie
normale ou augmentée ne permet pas d’exclure une carence martiale dans un
contexte où existe une cause d’augmentation de la ferritine [58]. Ainsi, avant
d’interpréter un dosage de ferritine, il faut s’assurer de l’absence de syndrome
inflammatoire associé (Tableau III).
Tableau III : Causes d’élévation de la ferritine sérique [58]
Syndrome inflammatoire (Insuffisance rénale)
Hépatopathies
Néoplasies viscérales ou hémopathies malignes
Thalassémie majeure
Ethylisme chronique
Hyperthyroïdie
Cytolyse hépatique
Nécrose tissulaire
Hémolyse
Syndrome d’activation des macrophages
En somme, il apparaît que tous les paramètres cités précédemment ne
semblent pas performants pour le diagnostic d’une carence martiale,
particulièrement
dans certaines situations de méprise (coexistence d’un
39
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
syndrome inflammatoire). Le besoin d’un test plus spécifique et plus précoce se
fait sentir.
C’est dans ce contexte qu’une équipe japonaise, détectant pour la première
fois en 1986, le récepteur soluble de la transferrine dans le sérum de sujets sains,
propose une méthode immuno-radiométrique de dosage et décrit les variations
de cette protéine dans certaines maladies hématologiques [59]. Depuis, de
nombreuses publications concernant le sujet, sont apparues et il semblerait que
le Rs-Tf puisse jouer un rôle prépondérant dans le diagnostic précoce de la
carence martiale. Il est temps de discuter de ce marqueur du bilan martial, certes
non récent à l’échelon international mais tout nouvellement introduit dans la
pratique quotidienne du laboratoire de biochimie de l’HMIMV.
D- Le récepteur soluble de la transferrine
1. Le récepteur de la transferrine (Rtf) : Structure et origine
La plupart des cellules des mammifères expriment à la surface de leurs
membranes des récepteurs pour la transferrine [60, 61]. L’expression la plus
large a lieu sur les cellules nécessitant un apport important et continu en fer [61].
Le Rtf est une protéine très ubiquitaire, présente sur toutes les cellules à
l’exception des érythrocytes matures [62]. Les précurseurs érythroblastiques
portent 2/3 à 4/5 de ces récepteurs.
Le Rtf est une glycoprotéine transmembranaire de structure homodimérique,
de masse moléculaire égale à 190 KDa. Chaque monomère contient 760 acides
aminés répartis en trois domaines (Fig. 8) [62]:
i)
Le domaine cytoplasmique comporte l’extrémité amino-terminale. Il
contient 61 acides aminés. La sérine en position 24 est un site de
phosphorylation. Une séquence peptidique particulière (tyrosine-thréonine40
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
arginine-phénylalanine)
est
considérée
comme
signal
indispensable
à
l’endocytose [63]. L’acylation par l’acide palmitique en position 52 résulte
d’une modification post-traductionnelle. les récepteurs non acylés subissent une
endocytose plus rapide.
ii) Le domaine transmembranaire contient 28 acides aminés à prédominance
hydrophobique. Il fonctionne durant la phase de synthèse comme signal de
translocation à travers le réticulum endoplasmique.
iii) Le domaine carboxyterminal extracellulaire contient 671 acides aminés.
Les deux monomères sont unis par deux ponds disulfure en position 89 et 98. Il
existe trois sites de N-glycosylation en position 251, 317 et 727 et un seul site de
O-glycosylation sur un résidu thréonine en position 104. Chaque molécule de
récepteur peut fixer deux molécules de transferrine, mais le site de liaison est
actuellement inconnu.
Figure 8 : Structure du récepteur de transferrine [64]
Le rôle du Rtf est de lier la transferrine di-ferrique et d’internaliser le fer
transferrinique [61]. L’affinité du récepteur pour son ligand varie avec le
41
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
contenu en fer de la transferrine. En effet, au pH physiologique, l’affinité est
maximale pour la transferrine di-ferrique [65, 66]. Le passage dans le milieu
intracellulaire du fer apporté par la transferrine se fait par un mécanisme
d’endocytose [65]. Le complexe transferrine-Rtf est internalisé par suite de
l’invagination de la membrane cellulaire qui s’organise en puits tapissés d’une
couche de molécules de clathrine. L’invagination aboutit à la formation d’une
vésicule d’endocytose ou endosome dont le pH est acide, le fer est libéré. Une
vésicule reformée ramène vers la membrane cellulaire le complexe
apotansferrine-Rtf où il sera disponible pour un nouveau cycle d’endocytose
(Fig. 9).
Figure 9 : Cycle d’endocytose-recyclage du récepteur de la transferrine [62]
Une deuxième voie métabolique mineure consiste en la production de
nombreuses vésicules par invagination de la membrane de la vésicule
d’endocytose [63, 65]. Cette structure est appelée « endosome multivésiculaire »,
chaque microvésicule portant un récepteur à la surface est appelée « exosome ».
42
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2. Le Rs-Tf
2.1 Synthèse
Les précurseurs médullaires érythroïdes constituent la source principale des
Rs-Tf [62, 63].
Le Rs-Tf résulte du clivage protéolytique à la surface de l’exosome dans la
structure multi vésiculaire. La présence d’une chaîne glycanique en position 104
protège le récepteur de la protéolyse [61]. L’élimination du site de
O-glycosylation sur un résidu thréonine en position 104 augmente la
susceptibilité du récepteur de la transferrine au clivage [61, 67]. Ce clivage
postérieur à l’ancrage du récepteur dans la membrane cellulaire a lieu entre
l’arginine en position 100 et la leucine en position 101 par une sérine protéase
(Fig. 10) [64].
Figure 10 : Production du récepteur soluble de transferrine [64]
2.2 Structure
Le Rs-Tf est une forme tronquée du récepteur membranaire [61, 68] ayant
perdu ses domaines cytoplasmiques et transmembranaires. Il s’agit d’une forme
43
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
monomérique de 85000 daltons portant une seule molécule de transferrine
(Fig. 10) [61, 58]. La concentration des Rs-Tf est proportionnelle à la quantité
totale de récepteurs membranaires [61, 66, 69]. Les récepteurs circulants
représentent 6% de la totalité des récepteurs tissulaires sous forme
essentiellement tronquée [65]. Chez les sujets normaux, il existe moins de 1% de
récepteurs intacts.
2.3 Dosage
2.3.1 Prélèvement
Le dosage peut être réalisé sur sérum ou plasma hépariné de préférence.
D’autres anticoagulants peuvent être utilisés (EDTA, citrate), mais on doit tenir
compte de l’effet de dilution lié à l’anticoagulant.
Les échantillons peuvent être conservés 8 jours à +4°C et 3 semaines à 20°C. Au-delà, les échantillons doivent être congelés à -80°C et n’être
décongelés qu’une seule fois [66].
2.3.2 Méthodes de dosage
La première méthode de dosage mise au point par des japonais [59] était une
méthode immuno-radiométrique (IRMA) utilisant des anticorps monoclonaux
anti-récepteur libre.
En 1987, Huebers [70] utilise une technique ELISA mais avec des anticorps
polyclonaux d’origine placentaire. La même technique ELISA, mais cette fois ci
avec des anticorps monoclonaux a été utilisée en 1989 par Flowers [71].
Depuis, de nombreuses techniques ont été décrites [60, 61, 72]. Elles
diffèrent par :
44
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
 La nature des anticorps, monoclonal ou polyclonal ;
 La nature du standard : récepteur soit libre, soit complexé à la
transferrine ou récepteur tronqué isolé du sérum [73] ;
 Le marquage : I125, sel d’europium, enzyme (phosphatase alcaline
ou peroxydase) ;
 Le signal mesuré : radioactivité, photométrie, fluorescence,
néphélémétrie, luminescence ;
 Le chromogène utilisé pour les techniques photométriques.
Actuellement, les techniques qui dominent le marché en France font appel
principalement à des techniques ELISA en micropuits [74]. L’automatisation
totale est disponible depuis peu sur certains automates d’immunochimie
(néphélémétries) et de chimiluminescence avec comme avantage la stabilité de
la calibration, le dosage au coup par coup, une excellente précision et un rendu
rapide des résultats.
Des adaptations immuno-turbidimétriques [75] sur automates de biochimie
sont également disponibles.
2.3.3 Variations biologiques et Valeurs de références
Variations biologiques
En période néonatale, la concentration du Rs-Tf est étroitement liée à
l’activité érythropoïétique. Chez le nouveau-né, les valeurs de Rs-Tf sont deux
fois plus importantes que celles de l’adulte [76]. Puis la concentration diminue
progressivement de la période néonatale à l’adolescence pour atteindre les
valeurs de l’adulte vers l’âge de 16 ans [77]. Chez le sujet âgé, la concentration
45
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
de Rs-Tf est généralement plus faible [77, 78]. Par ailleurs ; il n’existe pas de
différence liée au sexe.
Des variations durant la grossesse en fonction de l’âge gestationnel ont été
observées. Durant le premier trimestre, les concentrations ne diffèrent pas
significativement des valeurs observées chez les femmes en dehors de toute
grossesse. Les valeurs augmentent pendant le deuxième trimestre pour atteindre
une concentration maximale durant le troisième trimestre [79].
Des différences de concentration sont observées en fonction de la race, les
sujets de race noire ayant des concentrations plus élevées de 10% [73] que les
sujets de race blanche.
Des concentrations plus élevées sont aussi notées pour des individus vivant
à haute altitude par rapport à des sujets vivant au niveau de la mer.
Valeurs de référence
Les valeurs de référence varient de façon importante entre les différentes
trousses. Ceci est lié au choix des calibrants et à l’immunoréactivité des réactifs
utilisés.
La première technique de dosage de Rs-Tf qui utilise des anticorps
monoclonaux donnait des valeurs moyennes de 250 µg/l chez les adultes des
deux sexes.
Une technique ELISA utilisant des anticorps monoclonaux dirigés contre le
Rs-Tf placentaire donnait des valeurs 20 fois plus élevées (moyenne égale à 5,6
mg/l) avec une différence liée au sexe [71]. Une autre technique ELISA
employant des anticorps polyclonaux retrouvait des valeurs similaires [80].
46
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Avec l’apparition de nouveaux tests sur le marché, on observe toujours une
grande disparité quant aux valeurs normales : 0,70-2,80 mg/l [81], 1,3-3 mg/l
[82], 0,83-1,76 mg/l [83]. Il est donc nécessaire d’assurer le suivi d’un patient
avec le même réactif et il devient impératif de développer un standard
international [84].
2.4 Applications cliniques
Le dosage du Rs-Tf revêt une importance indéniable dans des situations où
les paramètres biochimiques classiques de l’exploration du fer sont pris en
défaut.
2.4.1 Rs-Tf et carence en fer
Une élévation du taux du Rs-Tf a été rapportée par plusieurs auteurs [71, 79].
Chez des patients ayant une carence en fer, durant la déplétion des réserves, on
observe une chute de la ferritine. La concentration en Rs-Tf reste constante tant
que les réserves en fer ne sont pas épuisées. L’augmentation des Rs-Tf est
proportionnelle à l’importance du déficit en fer dans les tissus (fer fonctionnel)
et intervient plus précocement que la chute de l’hémoglobine [61].
2.4.2 Rs-Tf et les carences en fer associées à une maladie
chronique
La ferritine ne reflète pas les stocks de fer en présence d’inflammation. Elle
perd sa sensibilité et peut conduire à une sous-estimation du déficit.
Le dosage du Rs-Tf apparaît donc comme un très bon outil, sa concentration
reste normale dans les maladies chroniques et elle augmente lors d’une carence
en fer isolée ou associée à une maladie chronique.
47
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2.4.3 Rs-Tf et érythropoïèse
L'activité érythropoïétique est le déterminant le plus important des valeurs
sériques de Rs-Tf. Les taux diminués de Rs-Tf sont observés en cas d'hypoplasie
érythroïde (Fig. 11), comme celle induite par les transfusions itératives,
l'insuffisance rénale chronique par diminution de production d’EPO, une aplasie
ou hypoplasie médullaire ou après une chimiothérapie intensive [85].
AA : anémie aplasiques,
IRC :
insuffisants
rénaux
chroniques,
Chimio :
chimiothérapie
intensive
Figure 11 : Hypoplasies érythroïdes à Rs-Tf bas [85]
Des taux élevés de Rs-Tf sont observés en cas de stimulation de
l'érythropoïèse (Fig. 12), lors d'une anémie par dysérythropoïèse congénitale,
hémolyse (acquise ou sphérocytose héréditaire, drépanocytose), beta thalassémie
majeure ou intermédiaire, une anémie mégaloblastique ou une polyglobulie
secondaire [85].
AHAI : anémie hémolytique
auto-immune,
SH : sphérocytose héréditaire,
THAL : β-thalassémie majeure,
48
HbH : hémoglobinose H,
PG : polyglobulie
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 12 : Hyperplasies érythroïdes à Rs-Tf élevé [85]
Dans l’insuffisance rénale chronique
Chez les insuffisants rénaux traités par l’rHu-EPO [86], le dosage du Rs-Tf
permet de suivre la réponse à l’érythropoïétine et d’évaluer la probabilité de
réponse à la mise en place du traitement [72, 86]. La concentration initiale du
Rs-Tf et sa variation au cours des premières semaines permet de classer les
malades en répondeurs et non répondeurs au traitement.
Une concentration en Rs-Tf augmentée avec une valeur basse de ferritine
(<50 ng/ml) prédit un manque de réponse au traitement, et suggère d’instaurer
au préalable un traitement substitutif par le fer pour reconstituer les stocks. En
revanche, une ferritine normale avec un Rs-Tf bas prédit une bonne réponse [61].
III- INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE TERMINALE
A- Définition
L’insuffisance rénale chronique terminale correspond à une altération des
fonctions d’épuration des déchets du métabolisme cellulaire, du maintien de
l’homéostasie du milieu intérieur et des fonctions endocrines.
49
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Elle se définit par un débit de filtration glomérulaire (DFG) strictement
inférieur à 15 ml/min/1,73 m2. Le plus souvent, elle est synonyme de « mort
rénale » avec la nécessité vitale de recourir à une technique de suppléance de la
fonction rénale. Le recours à la dialyse (hémodialyse ou dialyse péritonéale)
permet de corriger une partie de ces anomalies, notamment l’élimination des
déchets, la transplantation rénale restant la solution thérapeutique idéale. Si
l’IRC terminale est la partie visible de l’iceberg, l’IRC modérée et préterminale
est bien la partie immergée [87, 88, 89].
Les maladies du rein chroniques comprennent cinq stades. Ces stades sont
illustrés dans le tableau ci-dessous (Tableau IV).
Tableau IV : Représente les différents stades de maladie du rein [90]
Stades de maladie du rein
Stade
Débit de filtration
glomérulaire (DFG) en
ml/min/1,73m2
Description
50
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
1
Atteinte rénale avec DFG normal
≥ 90
2
Atteinte rénale et faible diminution du
DFG
60 - 89
3
Diminution modérée du DFG
30 - 59
4
Grave diminution du DFG
15 - 29
5
Insuffisance rénale terminale
< 15
B- Physiopathologie
Le rein est potentiellement exposé à de nombreuses agressions. Bien que le
parenchyme rénal possède des capacités d’adaptation et de régénération
extraordinaires, les maladies rénales chroniques sont capables de détruire
progressivement les structures fonctionnelles du rein. Très diverses et multiples
de par leurs mécanismes physiopathologiques, elles ont une conséquence
fonctionnelle commune : l’IRC.
Parmi les mécanismes physiopathologiques des maladies rénales on cite
[87] :
- Néphropathies glomérulaires
- Néphropathies interstitielles chroniques
- Néphropathies vasculaires
- Néphropathie diabétique
- Polykystose
C- Anémie rénale
51
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
L’anémie est l’une des complications inéluctable de l’IRC. Elle est
responsable de multitude de symptôme particulièrement invalidant pour les
patients (asthénie, mauvaise tolérance à l’effort…..).
1. Définition
L’anémie est définie par une diminution de l’hémoglobine inférieure à un
seuil limite qui varie en fonction de l’âge et du sexe. Ainsi, d’après l’OMS, ce
seuil est fixé à 12 g/dl pour les femmes non enceintes, 10 g/dl pour les femmes
enceintes et 13 g/dl pour les hommes. Une anémie par carence martiale est due à
une déplétion des réserves de l’organisme se traduisant par une microcytose
[91]. Dans la population des IRC hémodialysés, les recommandations de bonne
pratique proposent également une définition de l’anémie dans ce contexte.
Multifactorielle, l’anémie du sujet IRC dialysé relève de mécanisme divers
et varie [92] :
 Une insuffisance de l’érythropoïèse en rapport avec un déficit de
synthèse d’érythropoïétine, une action directe inhibitrice des toxines
urémiques, la fibrose médullaire favorisée par l’hyperparathyroïdie, la
carence en fer et en vitamines (B12 et folates) [93],
 Une diminution de la durée de vie des hématies (membrane
érythrocytaire fragilisée par les toxines urémiques) dont l’importance est
bien moindre,
 Présence d’une inflammation chronique,
 Accumulation du fer dans le système des phagocytes mononuclées :
l’anémie due à la diminution de l’érythropoïèse s’accompagne d’une
52
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
séquestration du fer présent dans les globules rouges dans le système des
phagocytes mononuclées [94],
 Des pertes sanguines augmentées [95, 96],
 Surcharge aluminique.
2. Mécanismes
La figure 13 illustre les principaux mécanismes impliqués dans le
développement de l’anémie chez l’IRC hémodialysé que nous avons cités et
nous nous proposons de détailler ici.
Figure 13 : Représentation schématique de la physiopathologie de
l’anémie du sujet IRC [95]
53
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
TGF-β : transforming growth factor-bêta ; TNF-α : tumor necrosis factor-alpha ; IL-1 : interleukine-1 ;
EPO : érythropoïétine ; BFU-E : burst forming unit-erythroid ; CFU-E : colony forming unit-erythroid ;
NO : oxyde nitrique.
1) Réduction inappropriée de la production d’EPO.
2) Croissance diminuée des précurseurs érythropoïdes.
3) Accumulation du fer dans le système des phagocytes mononuclées.
4) Réduction de la durée de vie des hématies.
2.1 Le déficit en EPO
Le déficit en érythropoïétine a principalement pour origine la réduction de la
masse néphronique. Certaines études suggèrent l’existence d’éléments toxiques.
On peut par exemple mentionner le rôle des cytokines : IL-1 et TNF-α qui
diminuent la production endogène d’EPO. Ces cytokines réduisent aussi la
réponse des précurseurs médullaires à l’action de l’EPO.
2.1.1 Structure
L’érythropoïétine (EPO) naturelle est un glycopeptide dont le poids
moléculaire est de 30 kDa. Elle se compose de 165 acides aminés richement
glycosylés, les sucres représentant 40 % du poids moléculaire (Fig.14). Le taux
sérique d’EPO endogène en situation stable est de 10 à 30 mU/ml. Sa demi-vie
est de 4 à 11 heures [26].
54
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 14 : Chaînes glycosilées de l'érythropoïétine [97]
2.1.2 Métabolisme
Le rein est le principal site de production d’EPO chez l’adulte. Le rein
contribue pour 85 % à la production d’EPO, le foie n’assure qu’une contribution
mineure, et le poumon et la rate jouent un rôle accessoire [98]. Les cellules
fibroblastiques spécialisées qui produisent l’EPO se situent juste au voisinage
des tubes proximaux [99].
Le catabolisme de l’EPO endogène passe par trois voies : d’abord
médullaire, mais aussi hépatique et rénale. Dans la circulation, l’EPO peut être
déglycosylée (surtout désialylée) par des glycosidases et en partie dégradée par
des protéinases. L’EPO désialylée est captée par les hépatocytes, via leur
récepteur pour le galactose, et catabolisée. Une autre partie est filtrée par le
glomérule puis réabsorbée et catabolisée par le tube proximal. Le catabolisme
rénal est aboli au cours de l’insuffisance rénale terminale et chez les sujets
dialysés [26].
En réalité, la plus grande partie de l’EPO endogène est dégradée dans les
cellules cibles elles-mêmes [100].
2.1.3 Actions
L’EPO agit sur les progéniteurs érythroïdes médullaires : BFU-E et CFU-E.
L’EPO agit sur les stades tardifs de leur développement en stimulant leur
prolifération et leur maturation. Cette stimulation se fait en réalité par une
inhibition de l’apoptose [98].
L’action de l’EPO se fait par liaison à des récepteurs de surface présents sur
les BFU-E et surtout sur les CFU-E. Le nombre de récepteurs de l’EPO décroît
55
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
au cours de la différenciation des cellules érythroïdes. Les réticulocytes et les
érythrocytes matures ne contiennent pas de récepteurs de l’EPO [98]. Le
récepteur de l’EPO (EPO-R) est un homodimère transmembranaire comportant
deux sous-unités. Il comporte 508 acides aminés pour un poids moléculaire de
66 à 78 kDa [26].
L’amélioration de la qualité de vie des patients anémiques IRC traités par
l’EPO a été objectivée. Cette molécule à un rôle non seulement sur le plan
neurotrophique mais possède également des propriétés de neuro-protection. On
peut décliner les effets neuro-protecteurs de l’EPO sous différents aspects
complémentaires incluant notamment un effet antagoniste sur le glutamate, une
augmentation d’enzyme antioxydant, un impact sur la production de
neurotransmetteur et une induction de neuroglobine. Dans ce cas l’EPO pourrait
contribuer, à améliorer l’apport de l’oxygène au niveau des cellules nerveuses
[101].
2.2 La baisse de la durée de vie des GR
La durée de vie des globules rouges diminue avec l’aggravation de
l’insuffisance rénale. Elle peut même atteindre un tiers de la valeur normale
[102, 103].
Plusieurs hypothèses sont rapportées pour expliquer cette hémolyse :
 La présence d’anomalies biochimiques intrinsèques des hématies :
Les cellules urémiques semblent plus sensibles au stress mécanique,
osmotique et oxydatif comme en témoigne l’étude de Rosemund et coll
[104]. Mais, les anomalies biochimiques restent à ce jour inconnues.
56
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
 L’existence d’un conflit immunologique : Avant l’ère de l’EPO, les
transfusions à répétition étaient responsables de la stimulation de la
production d’anticorps, ce qui conduisait à un hypersplénisme. Avec
l’abandon des transfusions, ce phénomène est en net recul.
 Pour les patients hémodialysés, la dialyse elle-même.
Des accidents hémolytiques en rapport avec la séance de dialyse sont
décrits. Ils ont pour origine la présence d’éléments contaminants dans l’eau
(zinc, cuivre, nitrates), ou la persistance de chloramine après désinfection [105].
Des cas d’hémolyse mécanique sont imputés à l’écrasement excessif des
tubulures de circulation extracorporelle par les corps de pompe ou au débit
insuffisant de la connexion vasculaire.
2.3 L’hyperparathyroïdie
L’hyperparathyroïdie tertiaire peut être à l’origine d’une fibrose médullaire
et ainsi réduire la masse des progéniteurs de l’érythropoïèse. Le nombre de
cellules sensibles à l’action de l’EPO endogène ou exogène est diminué. C’est
un des mécanismes de résistance à l’EPO [106].
2.4 La surcharge aluminique
Actuellement les traitements par sels d’alumine sont impliqués dans cette
surcharge ; les cas de contamination à l’eau ont quant à eux quasiment disparu.
Un phénomène de compétition entre l’aluminium et le fer a été rapporté tant au
niveau de l’absorption intestinale que du transport plasmatique ou de la liaison
avec la ferritine.
2.5 Les carences vitaminiques
57
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
La malnutrition, fréquente chez les patients insuffisants rénaux chronique,
est à l’origine de carences vitaminiques (vit C, acide folique). On connaît par
exemple l’importance de la vitamine C pour mobiliser le fer à partir des
réserves.
2.6 L’inflammation chronique
35 à 65 % des patients hémodialysés ont des signes biologiques
d’inflammation (CRP élevée). La prévalence serait un peu moindre en
prédialyse [107, 108]. Les facteurs impliqués sont les suivants :
- Le défaut de clairance rénale des cytokines,
- L’accumulation des AGES (advanced glycation end products) [109],
- Des infections occultes.
Pour les patients en hémodialyse, on citera aussi
- Les infections des voies d’abord,
- La
réponse
inflammatoire
au
contact
des
membranes
bioincompatibles,
- La présence d’endotoxines dans le dialysat.
Plusieurs mécanismes sont proposés pour relier l’anémie et les cytokines. Si
la diminution de la production endogène reste à ce jour controversée [110, 111],
certaines auteurs ont pu monter que l’IL-1 et le TNF-α inhibent l’érythropoïèse.
Cela dépendrait surtout de la balance entre les différentes cytokines pro et antiinflammatoire [112, 113].
58
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Les cytokines pourraient aussi contribuer à l’aggravation de saignements
digestifs. L’implication du TNF-α dans la pathogénie des lésions gastriques
induites par les anti-inflammatoires non stéroïdiens a été décrite.
Enfin, les cytokines augmentent la synthèse de la ferritine par une action au
niveau transcriptionnel et diminuent la synthèse de la transferrine. La ferritine
est donc une protéine positive de l’inflammation et la transferrine une protéine
négative de l’inflammation. Ces différents mécanismes sont responsables du
défaut de relargage du fer stocké dans le système des phagocytes mononuclées
grâce à la ferritine.
2.7 La carence martiale
De multiples facteurs favorisent l’apparition d’une carence martiale chez les
IRC dialysés :
 Des pertes sanguines répétées : les pertes digestives souvent
occultes jouent un rôle important de même que celles secondaires à
l’hémodialyse (sang piégé dans les lignes, les aiguilles, le dialyseur après
restitution). On citera aussi les prises de sang fréquentes indispensables
pour le suivi des patients.
 Un défaut d’absorption intestinale imputable à l’IRC. Dans ce
domaine les différents études sont contradictoires ; certaines concluent à
59
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
une absorption normale [114, 115] d’autres montrent qu’elle est
significativement abaissée [116, 117]. Quoi qu’il en soit, le taux de
ferritine élevée en rapport avec l’inflammation chronique empêche le
rétrocontrôle normal qui devrait augmenter l’absorption du fer.
 Un défaut de mobilisation des stocks du fait de l’inflammation
chronique.
 La supplémentation en EPO exogène qui va augmenter les besoins
en fer et diminuer les stocks.
3. Prise en charge thérapeutique
La prise en charge de l’anémie de l’IRC reposait sur une multitude de
mesure plus ou moins efficaces :
- Epuration extrarénale de qualité,
- Réduction au strict minimum des pertes sanguines et des
prélèvements sanguins pour bilans biologiques,
- Supplémentation par du fer par voie parentérale, ainsi que par
l’acide folique et vit B12.
Les néphrectomies étaient évitées et les transfusions réalisées le moins
souvent possible pour éviter de supprimer la production endogène d’EPO. Le
traitement par EPO a révolutionné la prise en charge de l’anémie de l’IRC [118].
3.1 Agents stimulants de l’érythropoïèse
Avant l’ère de l’EPO recombinante, les patients présentaient souvent des
taux d’Hb effondrés contre lesquels le clinicien ne disposait que de transfusions
60
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
érythrocytaires, avec les inévitables complications infectieuses (risque viral) et
les risques d’hémochromatose [119].
A l’état physiologique, la concentration plasmatique d’EPO -de 5 à 25
mUI/ml- est régulée par le taux d’Hb. En dialyse, la moyenne des concentrations
d’EPO chez les patients non traités est de l’ordre de 20 à 300 mUI/ML mais
n’est pas suffisante pour corriger l’anémie. Depuis les premiers essais cliniques
en 1986 et la commercialisation en 1989, la rHu-EPO est devenue le traitement
de référence de l’anémie de l’IRC [120, 121]. Une morbidité globale diminuée,
des capacités physiques améliorées et une qualité de vie augmentée sont les
bénéfices démontrés de l’administration d’EPO, qui permet de corriger les
troubles liés à un défaut d’oxygénation tissulaire [122].
3.1.1 Objectifs du traitement par les ASE
Le traitement de l’anémie de l’IRC vise plusieurs objectifs :
 Diminuer le recours aux transfusions (diminution du risque viral et
d’immunisation anti-HLA),
 Combattre les symptômes de l’anémie et améliorer la qualité de vie
(capacités physiques, intellectuelles, humeur…),
 Diminuer les complications de l’anémie (hypertrophie ventriculaire
gauche, troubles endocriniens…).
Par ailleurs, certaines études semblent mettre en évidence un rôle
néphroprotecteur (ralentissement de la dégradation rénale et effet protecteur
endothélial et vasculaire) mais cet effet n’est prouvé pour l’instant qu’in vitro et
reste controversé [123].
61
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Ce traitement sera à considérer dés que le patient a moins de 11g d’Hb/dl
[123].
3.1.2 Effets secondaires
Une trop grande efficacité des ASE, c’est-à-dire un taux d’Hb trop haut,
expose au risque d’hypertension artérielle et de thrombose. En hémodialyse, ceci
augmente le risque de coagulation des circuits et conduit à une augmentation des
besoins en anticoagulants et du risque hémorragique [123]. Les IRC dialysés
présentent souvent d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire (diabète,
hypertension artérielle…), la prise en charge doit donc être rigoureuse. Tous ces
effets associés au coût important d’une prise en charge thérapeutique par rHuEPO permettent aisément de comprendre qu’il est nécessaire d’optimiser le
traitement par EPO, notamment par le biais d’une supplémentation martiale
adaptée.
3.1.3 Résistance à l’EPO
Même s’il est vrai que l’introduction de la rHu-EPO a radicalement changé
le pronostic des patients IRC hémodialysés, la généralisation de son utilisation a
mis à jour un certain pourcentage de situation de résistance à l’EPO exogène
(jusqu’à 10% des patients). Cette résistance est plus souvent relative qu’absolue,
voila pourquoi on parle plutôt de réponse diminuée ("hyporesponsiveness")
[124]. Une résistance doit être suspectée quand le patient n’atteint pas la cible en
hémoglobine alors qu’il reçoit plus 300 UI/kg/semaine de rHu-EPO ou plus de
1,5 µg/kg/semaine de darbépoétine alfa pendant 4 à 6 semaines[123]. La cause
la plus fréquente de résistance à un ASE est la carence en fer. D’autres facteurs
peuvent être responsables de cette baisse de réponse comme un syndrome
inflammatoire persistant (infection, néoplasie…), une hyperparathyroïdie, une
62
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
intoxication aluminique, des carences vitaminiques ou une dialyse insuffisante
[125].
3.2 Supplémentation martiale
Une des causes les plus fréquentes de réponse insuffisante aux ASE est le
déficit en fer. Selon les recommandations européennes, tous les patients IRC
traités par rHu-EPO devraient bénéficier d’une supplémentation en fer [126].
Les besoins sont plus importants en hémodialyse.
3.2.1 Risques du traitement martial intraveineux
Des réactions de type anaphylactique ont été décrites avec le fer dextran
mais sont moins fréquentes avec le Venofer (0,002% de réactions sévères). La
surcharge tissulaire, notamment hépatique, en fer était fréquente avant l’ère de la
rHu-EPO même si les complications à type de cirrhoses étaient exceptionnelles
en l’absence d’autres facteurs de risque. Aujourd’hui, le problème est plutôt
celui de la carence martiale. Le fer libre peut conduire à la formation de
radicaux libres de l’oxygène et induire une peroxydation lipidique qui pourrait
accélérer la maladie athéromateuse. Une augmentation du stress oxydant a été
mise en évidence chez les hémodialysés après injection de 100 mg de Venofer
mais la signification clinique de ces anomalies demeure controversée. Le fer est
un facteur de croissance bactérienne et à haute concentration entraîne une
dysfonction des polynucléaires neutrophiles. Les conséquences cliniques sont
cependant plus complexes à analyser. En effet, si les patients recevant du fer à
forte dose présentent plus d’infections, le traitement martial est peut-être plus un
marqueur de Co-morbidités qu’un véritable facteur de risque d’infections [127].
3.2.2 Suivi
63
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Un monitorage régulier de l’état du métabolisme du fer des patients IRC est
nécessaire. La mesure de la ferritine sérique renseigne sur le stock en fer de
l’organisme, mais ce paramètre est soumis à de nombreuses causes de variation
(inflammation, infection, cytolyse hépatique…). La ferritinémie n’évalue pas la
carence fonctionnelle qui peut être dépistée par d’autres paramètres [123].
4. Recommandations
Différentes recommandations existent pour la définition de l’anémie et son
traitement chez l’IRC hémodialysé ou non. Ces recommandations précisent
également le seuil d’Hb à atteindre sous traitement, ainsi que celui des autres
paramètres du bilan martial (ferritine, CST). Le tableau V résume les objectifs
de certaines recommandations. Selon la dernière version des recommandations
de NKF-KDOQI de 2007, il est recommandé de ne pas dépasser le taux d’Hb à
12 g/dl chez le patient IRC traité par ASE. Ainsi, la fourchette d’Hb comprise
entre 11 et 12 g/dl semblerait être un bon compromis en termes de bénéfice
clinique et de minimisation des risques liés au traitement par ASE [128, 129].
Tableau V: Représente les différents types de recommandation [130]
EBPG 2004
AFSSAPS 2005
Hb < 11,5 F
Hb < 13,5 H ≤ 70
Définition
ans
Hb < 11
de l’anémie
Hb < 12 H > 70
ans
64
KDOQI
2006/2007
ERBP 2008
Hb < 12 F
Hb < 12 F
Hb < 13,5 H
Hb <13,5 H
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Hb > 11
Hb cible
g/dl
Hb : 11-13
Hb
>
14, Hb
>
déconseillée (> 12 (déconseillée
chez IC)
chez IC)
13
·CST (%)
-Valeur seuil : 20
Objectif de -Cible : 30-50
traitement ·Ferritine (ng/ml)
-Valeur seuil : 100
·CST (%)
-Valeur seuil : 20
·Ferritine (ng/ml)
-Valeur seuil :100
-Cible : 200-500
En générale
En générale
11-12, <13
11-12, < 13
·CST (%)
·CST (%)
-Valeur seuil: ≥20 -Valeur
seuil:
≥20
·Ferritine (ng/ml)
·Ferritine(ng/ml)
-Valeur seuil:
100 non HD
-Valeur seuil :
200 HD
100 non HD
200 HD
H : Homme, F : Femme, HD : Hémodialysé, IC : Insuffisance cardiaque
D- Statut martial chez l’hémodialysé
L’exploration du statut martial chez le patient dialysé fait également l’objet
de recommandations européennes et françaises. Leurs objectifs est d’évaluer le
statut martial, de corriger les carences en fer sans entrainer de surcharge et
d’augmenter l’efficacité du traitement par ASE.
L’obtention et le maintien de l’Hb cible chez le patient hémodialysé sont
conditionnés par une disponibilité suffisante en fer. Celle-ci est définie par un
taux de ferritine >100 µg/l et par un CST >20% (ou un % de globules rouges
hypochromes < 10% ou un contenu en Hb des réticulocytes >29 pg/cellule)
[123]. Les règles de bonnes pratiques médicales (EBPG) recommandent une
ferritinémie entre 200 et 500 µg/l et les KDOQI 2007 recommandent un CST
>20% et une ferritinémie >200 µg/l chez les hémodialysés [128, 129].
1. Carence martiale absolue
65
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Selon les recommandations françaises, une carence martiale est objectivée
par un taux de ferritine <100 µg/l et/ou CST < 20 % [123].
2. Déficit fonctionnel
Il est défini par un taux de ferritine >100 µg/l associé à un coefficient de
saturation de la transferrine CST < 20%.
Chez les patients traités par rHu-EPO, l’érythropoïèse, stimulée, nécessite
des apports médullaires en fer importants pour une synthèse correcte de l’Hb. La
vitesse de mobilisation du fer depuis les réserves peut devenir insuffisante et
engendrer la fabrication d’érythrocytes faiblement concentrés en Hb. Il y a
appauvrissement en fer du compartiment fonctionnel. Cette situation est appelée
carence fonctionnelle en fer [131].
Par ailleurs, au cours de l’inflammation, il y a également diminution de la
biodisponibilité du fer au niveau médullaire en raison d’une séquestration
macrophagique. D’autres mécanismes entrent en jeu dans la perturbation de
l’érythropoïèse au cours d’un syndrome inflammatoire comme l’effet inhibiteur
des cytokines sur les précurseurs érythroblastiques [132].
Même si ces deux mécanismes peuvent coexister dans un contexte de déficit
fonctionnel, il ne faut pas les confondre car dans l’inflammation, la ferritine est
artificiellement augmentée alors que dans le déficit fonctionnel, où l’apport en
fer à la moelle n’est pas assez rapide et important pour la synthèse
d’hémoglobine, la ferritine, même si elle reste dans les valeurs normales ou
hautes, voit sa concentration diminuer au cours du temps [119].
66
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
67
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
P a r t i e p r a t i qu e
68
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
IOBJECTIFS
69
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Les marqueurs biologiques classiques du bilan martial, notamment la
ferritine, constituent de piètres indicateurs de déficit fonctionnel en fer chez
l’IRC dialysé. Cependant, ils peuvent être insuffisants pour dépister un éventuel
déficit en fer d’origines diverses (traitement par la rHu-EPO, syndrome
inflammatoire) comme cela a été souligné. La mise en évidence de ce déficit est
d’un intérêt indéniable pour mieux prescrire la supplémentation en fer évitant
ainsi d’inefficace et couteuse dose supplémentaire en rHu-EPO.
Dans le présent travail, menu de façon transversale sur une période d’une
année (février 2008-janvier 2009) à l’HMIMV de rabat, nous avons évalué
l’intérêt d’un nouveau paramètre du bilan martial le Rs-Tf dans une population
IRC hémodialysée. Pour cela nous avons ciblé les objectifs suivants :
Déterminer un intervalle de référence de la concentration en Rs-Tf chez des
sujets en bonne santé (population témoin), conformément aux conditions
techniques du laboratoire de biochimie de l’HMIMV de Rabat,
Etudier la variabilité interindividuelle de cette population témoin en
fonction du sexe et de l’âge,
Valider la concentration de Rs-Tf comme marqueur du statut martial,
Evaluer l’amplitude du Rs-Tf en cas de carence martiale confirmée,
Etudier le rôle du Rs-Tf comme marqueur de déficit fonctionnel en fer,
Etudier l’influence de l’inflammation sur la concentration sérique du
Rs-
Tf,
Enfin, d’analyser la pertinence de ce nouveau marqueur comparativement
aux marqueurs classiques du bilan martial pour le dépistage de la carence
martiale associée à l’inflammation au cours de l’insuffisance rénale chronique.
70
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
II- MATERIELS ET METHODES
71
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
A- Recrutement des sujets
Le recrutement des patients a été fait en deux étapes :

1ère étape : Recrutement de 102 sujets sains, appariés pour l’âge et le
sexe avec les malades inclus, au CEMPN (population témoin),

2ème étape : Recrutement de 82 patients hémodialysés à partir du service
de Néphrologie, Dialyse et Transplantation rénale de l’HMIMV de Rabat
ainsi que d’autres centres privés (population malade).
Pour chacun des sujets inclus, une fiche d’exploitation a été renseignée (voir
annexe I).
B- Critères d’inclusion
Les malades inclus sont tous des patients hémodialysés traités ou non par un
ASE et/ou du fer intraveineux. Les patients victimes d’une hémopathie maligne,
d’un néoplasie, d’une anémie hémolytique, d’un déficit fonctionnel en vit B12 ou
acide folique ont était exclus. Dans ces pathologies, il est établi que le taux de
Rs-Tf augment indépendamment du statut martial. Aucun des patients n’a été
transfusé avant les prélèvements.
A titre de témoins, nous avons retenu des personnes en bonne santé, ne
présentant ni insuffisance rénale chronique, ni anémie, ni syndrome
inflammatoire, ni anomalie du métabolisme martial, tirés au sort dans la
population du personnel navigant et dont les prélèvements ont été adressés au
laboratoire de biochimie et d’hématologie pour bilan de contrôle habituel
d’aptitude.
Nous n’avions pas besoin d’obtenir un consentement éclairé des sujets
inclus puisque toutes les analyses réalisées dans le cadre de ce travail ont été
72
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
effectuées sur des prélèvements faisant partie des bilans requis pour le type
d’exploration demandé.
C- Paramètres étudiés
En plus des paramètres biochimiques classiques du bilan martial (fer sérique,
ferritine, transferrine) dont les limites ont été discutées dans la partie théorique,
nous avons mesuré au laboratoire de biochimie de l’HMIMV la concentration du
Rs-Tf. Nous avons en outre réalisé le dosage d’autres paramètres biochimiques,
notamment la CRP (protéine de l’inflammation à cinétique rapide) et
l’orosomucoïde (protéine à cinétique lente) en vue de confirmer ou d’infirmer la
présence d’un éventuel état inflammatoire chez les patients inclus.
Ont également été étudiés les paramètres hématologiques suivants : le taux
d’Hb, le VGM, la TCMH, et la CCMH dont l’analyse a eu lieu au laboratoire
d’hématologie du même hôpital.
D- Prélèvements sanguins
Les prélèvements sanguins ont été effectués à jeun le matin entre 7h et 9h,
dans des tubes sans anticoagulant (tubes secs) pour les tests biochimiques et
dans des tubes avec anticoagulant EDTA pour les tests hématologiques.
Pour les paramètres biochimiques, le sérum a été décanté après
centrifugation puis congelé à - 80°C en fractions aliquotes dans des cryotubes
jusqu’aux dosages qui étaient effectués de façon différée.
Pour les paramètres hématologiques, les résultats ont été reportés sur la fiche
d’exploitation le jour même de la réception des prélèvements.
73
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
E- Analyses biologiques réalisées
1. Tests biochimiques
Les paramètres biochimiques étudiés, notamment le fer sérique, la ferritine
et la CRP ont été dosés sur un auto-analyseur multiparamétrique de type
Dimension RXL® de la société Dade Behring (Fig.1). La détermination
quantitative du Rs-Tf, de la transferrine et de l’orosomucoïde a été effectuée sur
l’automate BN-Prospec® de la même société (Fig. 2). Les réactifs répertoriés
dans le tableau I ont été utilisés pour les dosages.
Tableau I : Principes analytiques et réactifs utilisés pour le dosage des
paramètres biochimiques
Paramètre biochimique
Méthode de dosage
Réactif
Fabricant
Rs-Tf
Immunonéphélémétrie
N latex réactif Rs-Tf
Dade Behring
Fer sérique
Méthode IRN
Chromophore Ferene ®
Dade Behring
Ferritine
Immunodosage en phase
hétérogène
Flex® FERR
Dade Behring
Transferrine
Immunonéphélométrie
N-Antisérum anti
transferrine humaine
Dade Behring
CRP
Immunodosage
turbidimétrique utilisant
des particules
sensibilisées (PETIA)
Flex® CRP
Dade Behring
Réaction
immunochimique
N-Antisérum
anti Orosomucoïde
humaine
Dade
Behring
Orosomucoïde
74
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 1 : Automate Dimention RXL® de la société Dade Behring
(Laboratoire de Biochimie et de toxicologie, HMIMV)
Figure 2 : Automate BN-Prospec® de la société Dade Behring
(Laboratoire de Biochimie et de toxicologie, HMIMV)
75
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2. Analyses hématologiques
L’hémogramme a été réalisé avec un compteur automatique d’hématologie
de type Beckman® de la société Coulter (Fig. 3).
Figure 3 : Automate Beckman® de la société Coulter
(Laboratoire d’Hématologie, HMIMV)
3. Principes des techniques de dosage, calcul et valeurs usuelles
3.1 Rs-Tf
3.1.1 Principe
Il s’agit d’une technique immunonéphélémétrique. Les particules de
polystyrène
recouvertes
d’anticorps
monoclonaux
anti-Rs-Tf
s’agglutinent lorsqu’elles sont mélangées à un échantillon contenant du
humain
Rs-Tf.
L’intensité de la lumière dispersée par le système est proportionnelle à la
concentration de la protéine recherchée. L’exploitation se fait par rapport à un
standard de concentration connue.
76
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.1.2 Valeurs usuelles
0,76 - 1,76 mg/l.
3.2 Fer sérique
3.2.1 Principe
Il s’agit d’une technique colorimétrique, utilisant le chromophore FERENE ®.
En milieu acide (pH 4,5), le fer lié à la protéine transferrine est libéré en
présence d’un agent réducteur, l’acide ascorbique. Le produit résultant, Fe ++,
forme un complexe bleu avec le 3-(2-pyridyl)-5,6-bis-2-(5-furyl acide
sulfonique)-1,2,4-triazine, sel disodique (FERENE®). L’absorption du complexe,
déterminée à l’aide d’une méthode en point final bichromatique (600, 700 nm),
est proportionnelle à la concentration de fer lié à la transferrine dans le sérum.
Fe+++ - Transferrine
Fe+++ + Transferrine
2 Fe+++ + Acide ascorbique
2 Fe++ + Acide déshydroascorbique + 2H+
Fe++ + 3 Ferene®
Complexe Fe++ - Ferene®3 (λ= 600 nm)
3.2.2 Valeurs usuelles
35 - 150 µg/dl.
3.3 Ferritine
3.3.1 Principe
La méthode ferritine (FERR) sur les systèmes de chimie clinique
Dimension® est un immunodosage enzymatique en une seule étape basée sur le
principe du sandwich.
77
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
L’échantillon est incubé avec des particules de dioxyde de chrome,
recouvertes d’anticorps monoclonaux spécifiques de la ferritine, et un réactif
conjugué (anticorps monoclonaux marqués à la β-galactosidase et spécifiques
d’un second site de fixation de la ferritine) pour former un sandwich
particule/ferritine/conjugué. Le conjugué non lié et l’analyte sont éliminés par
séparation magnétique et lavage.
Le sandwich lié à la β-galactosidase est combiné avec un substrat
chromogénique, le rouge de chlorophénicol β-d-galactopyranoside- (RCPG).
L’hydrolyse du (RCPG) libère un chromophore (RCP). La concentration de
ferritine présente dans l’échantillon du patient est directement proportionnelle au
taux de changement de couleur dû à la formation de RCP, mesuré à 577/700 nm.
CrO2-Ac- Ferritine- F (ab’) 2-β-gal
Ferritine
+
+
CrO2-Ac
CrO2-Ac
+
+
F (ab’) 2-β-galactosidase
F (ab’) 2-β-galactosidase
CrO2-Ac- Ferritine- F (ab’)2-β-gal
+
CrO2-Ac- Ferritine- F(ab’)2-β-gal
Lavage
CrO2-Ac
+
CrO2-Ac
+
(transféré dans une cupule)
F (ab’) 2-β-galactosidase
CrO2-Ac- Ferritine- F (ab’) 2-β-gal
RCPG (n’absorbant pas à 577 nm)
RCP (absorbe à 577 nm)
78
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.3.2 Valeurs usuelles:
Femme: 8 - 252 ng/ml [ng/ml]
Homme: 26-388 ng/ml [ng/ml]
3.4 Transferrine
3.4.1 Principe
Il s’agit d’une technique immunonéphélémétrique. En présence de certains
anticorps spécifiques, les protéines présentes dans les fluides corporels chez
l’homme forment un complexe immun par une réaction immunochimique. Ces
complexes dispersent un faisceau lumineux traversant l’échantillon. L’intensité
de la lumière dispersée est proportionnelle à la concentration de la protéine dans
l’échantillon. Le résultat est évalué par comparaison à un standard de
concentration connue.
3.4.2 Valeurs usuelles
2 - 3,6 g/l.
3.5 CRP
3.5.1 Principe
La méthode RCRP est une technique d’immunodosage turbidimétrique,
utilisant des particules sensibilisées (PETIA). La présence de CRP dans
l’échantillon provoque l’agrégation des particules de latex recouvertes
d’anticorps anti-CRP (AcPR). L’augmentation de turbidité due à l’agrégation est
proportionnelle à la concentration de CRP. Celle-ci est déterminée au moyen
d’une fonction mathématique.
Complexe (λ = 340 nm)
CRP + AcPR
79
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.5.2 Valeurs usuelles
≤ 3mg/l.
3.6 Orosomucoïde
3.6.1 Principe
C’est
un
dosage
immunonéphélémétrique.
Dans
une
réaction
immunochimique, les protéines contenues dans le sérum humain forment avec
les anticorps spécifiques des complexes immuns sur lesquels est envoyée une
lumière. L’intensité de la lumière dispersée est fonction de la concentration dans
l’échantillon de la protéine recherchée. L’exploitation se fait par rapport à un
standard de concentration connue.
3.6.2 Valeurs usuelles
0,5 - 1,2 g/l.
3.7 Paramètres calculés et valeurs usuelles
Les paramètres calculés CST, log [ferritine], index du Rs-Tf sont déterminés
selon les relations ci-dessous :
 CTST (mg/l)
= Transferrine (g/l) x 1,4 [Labo. de biochimie, HMIMV]
 CTST (µmol/l) = Transferrine (g/l) x 25 [4]
 CST
(%)
= Fer sérique (µg/dl) x 0,72 / Transferrine (g/l) [Labo. de
biochimie, HMIMV]
 CST (%)
= Fer sérique (µmol/l) / CTST (µmol/l) [4]
 Index du Rs-Tf = Rs-Tf /log (ferritine) [4]
80
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Valeurs usuelles
 CTST
 CTST
 CST
: 2.5 – 4.5 mg/l [4]
: 45 – 80 µmol/l [4]
: 15 - 35 % (F) / 20 - 40 % (H) [4]
 Index des Rs-Tf : 0,28 - 1,22 [4]
F- Analyses statistiques et expression des résultats
Les résultats ont été saisis à l’aide du logiciel Excel version 2007. L’analyse
statistique a été effectuée avec le logiciel SPSS 10. Les variables qualitatives ont
été exprimées en pourcentage (%) et celles quantitatives en moyenne ± écarttype.
Les comparaisons de ces dernières ont été réalisées par le test ANOVA. Les
modèles non paramétriques de Rho de Spearman et le test paramétrique de
Pearson ont été utilisés pour l’étude des corrélations.
Par ailleurs, le pouvoir de discrimination du Rs-Tf par rapport aux autres
marqueurs classiques pour le diagnostic de la carence martiale a été étudié par
l’établissement de la courbe ROC pour chaque paramètre étudié.
La signification statistique a été retenue pour une valeur de p < 0,05.
81
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
III- RESULTATS
82
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
A- Description de la population étudiée
1. Répartition des sujets inclus
Au cours de la période d’étude, 184 sujets ont été inclus (malades : n=82,
témoins : n=102).
Sur la base des résultats des paramètres biologiques du bilan martial, nous
avons subdivisé la population malade en 4 groupes :
i) Le groupe 1 compte 28 patients ayant une carence martiale absolue
définie par une baisse de la concentration de ferritinémie < 100 ng/ml et/ou
CST < 20% [123].
Dans ce groupe, la concentration du Rs-Tf était retrouvée augmentée (2,09±
0,66 mg/l).
ii) Le groupe 2 inclut 47 malades présentant un syndrome inflammatoire
attesté par une augmentation du taux des marqueurs de l’inflammation (CRP >
10 mg/l et/ou Orosomucoïde > 1,2 g/l).
Dans ce groupe, la ferritinémie était retrouvée élevée (420 ± 54 ng/ml)
associée à un taux sérique de Rs-Tf de 1,83 ± 0,09 mg/l.
iii) Le groupe 3 comprend 20 sujets présentant un déficit fonctionnel défini
par une baisse du taux de CST au dessous de 20 % et une
ferritinémie >
100 ng/ml.
Dans ce groupe, la CRP était retrouvée élevée (29,38 ± 8,77 mg/l) associée à
un taux sérique de Rs-Tf augmenté (2,24 ± 0,32 mg/l).
iv) Le groupe 4 se compose de 26 sujets traités par l’association EPO+fer IV,
présentant un taux d’Hb en dessous de la cible (11-12 g/dl), en dépit d’une
83
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
dose administrée d’EPO supérieure à 300 UI/kg/semaine pendant plus de 6
semaines.
Dans ce groupe, la concentration du Rs-Tf était de 1,84 ± 0,25 mg/l.
2. Caractéristiques démographiques de la population étudiée
Les sujets témoins (n = 102) étaient répartis en 48 Femmes et 54 Hommes.
Ils avaient un âge compris entre 18 et 70 ans, avec une moyenne de 46,5 ± 16,25
ans (Tableau II).
La population malade incluait 43 sujets de sexe masculin et 39 de sexe
féminin, soit respectivement 52 % et 48 % (ratio de 0,92 en faveur des
hommes). L’âge moyen des patients inclus était de 48,40 ± 15,37 ans avec des
extrêmes de 15 et 74 ans.
Les patients inclus été traités ou non par un ASE et/ou de fer administré par
voie intraveineux. Les sujets traités étaient inégaux par rapport au traitement
reçu. En effet 26 patients (30%) recevaient un traitement associant Epoétine-β et
fer intraveineux, 29 patients (35%) seulement de l’Epoétine- β et enfin deux
(2,4%) recevaient uniquement du fer. Vingt et cinq patients de la cohorte étudiée
(30%) ne recevaient aucun traitement. Les doses moyennes hebdomadaires de
l’ASE étaient de 5793 UI/kg/semaine quand c’est le seul traitement et de 4384
UI/kg/semaine quand le fer y est associé. Les doses de fer intraveineux
s’échelonnaient de 100-200 mg/semaine.
84
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Tableau II : Répartition des sujets inclus selon l’âge et le sexe
Sexe
Age (ans)
M
F
Moyenne ± Ecart-type
minimum
maximum
Malades (n = 82)
n = 43
n = 39
48,40 ± 15,37
15
74
Témoins (n = 102)
n = 54
n = 48
46,50 ± 16,25
18
70
3. Caractéristiques biologiques de la population étudiée
Les caractéristiques biologiques de la population étudiée sont résumées dans
le tableau III.
Tableau III : Caractéristiques biologiques des patients hémodialysés inclus
Moyenne ±
Min
Max
Erreur standard
Valeurs de
Référence
Ferritine (ng/ml)
372,67 ± 34,26
19
1617
8-388
Rs-Tf (mg/l)
1,66 ± 0,09
0,35
6,76
0,76 - 1,76
CST (%)
35,62 ± 2,92
2,60
157
20-40
Rs-Tf/log [ferritine]
0,71 ± 0,04
0,12
2,29
0,28 - 1,22
CRP (mg/l)
15,10 ± 3,30
0,3
200
0,5-3
Orosomucoïde (g/l)
1,27 ± 0,05
1
3
0,5-1,2
Hb (g/dl)
10,36 ± 0,24
4,7
15,1
11-12
85
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.1 Taux d’Hb
Il faut souligner que n=37 patients soit 45% avaient un taux d’Hb entre 1113 g/dl. Trente et un patients parmi eux recevaient un traitement : 17 associant
EPO et fer, 12 à base d’EPO seule et 2 à base de fer seul, les 6 restants n’étaient
pas traités.
Un taux d’Hb en dessous de 11 g/dl été retrouvé chez 45 patients soit 55%.
Vingt six parmi eux étaient traités par l’association EPO et fer (n=9) ou par EPO
seul (n=17) : c’est la catégorie de patients qui n’a pas atteint la cible
recommandée sous traitement. En revanche, les 19 autres n’avaient aucun
traitement.
Dans notre travail, est conformément aux recommandations KDOQI
définissant l’anémie par un taux d’Hb en dessous de 12 g/dl chez la femme et en
dessous de 13 g/dl chez l’homme, nous avons relevé n=70 soit 85% de patients
anémiques.
La prise en charge thérapeutique de l’anémie n’est recommandée qu’en
dessous d’une valeur seuil de 11 g/dl pour atteindre une cible de 11 à 12 g/dl
chez les gens soumis sous ASE. Une supplémentation par le fer est requise
lorsque le taux de ferritine est en dessous de 200 ng/ml comme l’exige les
recommandations internationales [128, 129].
3.2 Fer sérique
Il n’a pas été analysé car la plupart des auteurs considèrent qu’il ne présente
pas d’intérêts pour le diagnostic de la carence martiale. Il est sujet de
nombreuses variations quotidiennes individuelles, et sa diminution peut être le
fait non seulement d’une carence en fer mais aussi d’une inflammation.
86
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.3 Transferrine
L’augmentation de la transferrine constitue un marqueur de la carence
martiale mais sa sensibilité est habituellement faible inférieur à 50%. Nous
n’allons pas l’étudier dans ce travail, on a préféré son coefficient : le CST.
Selon les recommandations françaises, un déficit en fer est défini par un
CST < 20% et une ferritinémie >100 ng/ml (critères choisis dans la présente
étude, car les seuls disponibles), ou une teneur réticulocytaire en Hb < 29
pg/cellule, ou encore un % de globules rouges hypochromes > 10% [123].
La fiabilité du coefficient de saturation est remise en cause dans les études
réalisées chez les patients normorénaux. Les critiques portent à la fois sur le
dosage de fer sérique et celui de la transferrine et des problèmes qu’ils posent et
que nous avons déjà cité.
3.4 Ferritine
Dans notre étude la valeur moyenne de la ferritine est de 372,67 ng/ml. Son
interprétation est rendue difficile par les nombreux facteurs qui l’influencent
particulièrement le syndrome inflammatoire attesté ici par une valeur de CRP de
15 mg/l et d’orosomucoïde de 1,2 g/l. Cela remède en cause la fiabilité de ce
paramètre.
3.5 Rs-Tf
La valeur moyenne retrouvée dans cette étude est de 1,66 mg/l.
4. Répartition des patients hémodialysés selon l’étiologie
La répartition des hémodialysés selon l’étiologie de l’IRC est illustrée par la
figure 4.
87
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
D’après les résultats obtenus, nous constatons qu’en dehors des
néphropathies d’étiologie indéterminée qui représentent prés de 27% (n=22), la
néphropathie diabétique prédomine dans la population étudiée (n=18, 22%),
suivie par la néphropathie vasculaire (n =15, 18%), la néphropathie glomérulaire
(n=13, 16%), la néphropathie interstitielle chronique (n=4, 4%) et la Polykystose
rénale (n=3, 3%).
N.D : Néphropathie Diabétique
N.G : Néphropathie Glomérulaire
P.K : Polykystose
N.V : Néphropathie Vasculaire
N.I.C : Néphropathie Interstitielle
Chronique
N.I : Néphropathie Indéterminée
Figure 4 : Répartition des hémodialysés selon l’étiologie de l’IRC
B- Aspects biologiques
1. Détermination d’un intervalle descriptif de la concentration en
Rs-Tf
L’étude statistique de la population témoin nous a permis de déterminer un
intervalle descriptif de la concentration en Rs-Tf selon les conditions techniques
du laboratoire de biochimie de l’HMIMV à Rabat.
88
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Les valeurs du taux sérique du Rs-Tf obtenues oscillaient entre 0,59 et 2,40
mg/l avec une valeur moyenne de 1,31 ± 0,185 mg/l d’où un intervalle descriptif
de 0,94 – 1,68 mg/l.
2. Etude de la variabilité interindividuelle de la concentration du RsTf en fonction du sexe et de l’âge
Nous avons étudié les variations de la concentration du Rs-Tf dans le groupe
témoin en fonction du sexe et de l’âge.
2.1 Variation de la concentration du Rs-Tf en fonction du sexe
Les résultats obtenus trouvent une moyenne de 1,32 ± 0,39 mg/l chez les
hommes et de 1,30 ± 0,37 mg/l chez le sexe féminin avec respectivement un
minimum de 0,60 et 0,66 mg/l et un maximum de 2,40 et 2,11 mg/l. La figure 5
schématise la représentation de la variation du Rs-Tf sérique en fonction du sexe
et illustre l’absence de cette variation.
Figure 5 : Représentation de la variation de la concentration du Rs-Tf en
fonction du sexe
89
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
2.2 Résultat de la variation du taux sérique du Rs-Tf selon l’âge
La corrélation entre la concentration sérique en Rs-Tf et l’âge est retrouvée
significative (p= 0,019) et négative (r= -0,29) selon l’analyse statistique de
Spearman (Fig. 6). Cela signifie qu’avec l’âge on note une diminution du
Rs-
Tf.
70
AGE (ans)
60
50
40
30
20
Rcarrée = 0,0854
,6
,8
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8
2,0
RSTF(mg/l)
Figure 6 : Représentation de la variation de la concentration en Rs-Tf en
fonction de l’âge
3. Validation du Rs-Tf comme marqueur du statut martial
3.1 Corrélation du Rs-Tf avec les autres paramètres classiques du
bilan martial dans la population témoin
Dans une population témoin (n=102), nous avons effectué la corrélation du
Rs-Tf avec les paramètres du bilan martial (Tableau IV).
90
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Tableau IV: Corrélation entre le Rs-Tf et les autres paramètres du bilan
martial dans la population témoin : Résultats du « r » et du « p »
Récepteur Soluble de la Transferrine
Paramètres biologiques
r
P
CST (%)
-0,295
0,019
Ferritine (ng/ml)
0,115
0,271
Fer sérique (µg/dl)
-0,249
0,047
Transferrine (g/l)
0,227
0,029
Index du Rs-Tf
0,723
0,0001
Dans la population témoin, la corrélation du Rs-Tf, étudiée par le test non
paramétrique de Rho de Spearman, est retrouvée :
 Significative (p < 0,05) et faiblement positive avec la Tsf
(r = 0,227), mais très nette avec l’index du Rs-Tf (r = 0,723).
 Significative (p < 0,05) mais faiblement négative avec le fer sérique
(r = - 0,249), et le CST (r = - 0,295).
 Non significative (p > 0,05) avec la ferritine.
91
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
3.2 Corrélation du Rs-Tf avec les autres paramètres classiques du
bilan martial dans la population malade
Afin de vérifier que la concentration sérique du Rs-Tf constitue un bon
marqueur du statut martial chez les patients hémodialysés, nous avons déterminé
si ce paramètre était corrélé aux marqueurs classiques du bilan martial, à savoir
le CST, la ferritine, le fer sérique, la Tsf et l’index du Rs-Tf (Tableau V, Figure
7).
Dans notre travail, si on considère un seuil de ferritine à 100 ng/ml et d’un
seuil de Rs-Tf à 1,76 mg/l, l’index ou rapport Rs-Tf/Log [ferritine] est évalué à
0,88.
Tableau V : Corrélation entre le Rs-Tf et les autres paramètres du bilan
martial dans la population malade : Résultats du « r » et du « p »
Récepteur Soluble de la Transferrine
Paramètres biologiques
r
P
CST (%)
-0,28
0,001
Ferritine (ng/ml)
-0,15
0,03
Fer sérique (µg/dl)
-0,18
0,01
Transferrine (g/l)
0,19
0,01
Index du Rs-Tf
0,8
0,001
92
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
La corrélation du Rs-Tf avec les paramètres classiques du bilan martial, est
retrouvée (test non paramétrique de Rho de Spearman) :
 Significative (p < 0,05) et négative avec le CST (r = - 0,28), la
ferritine (r = - 0,15) et le fer sérique (r = - 0,18).
 Significative (p < 0,05) et positive avec la Tsf (r = 0,19) et l’index
du Rs-Tf (r = 0,8).
Figure 7 : Corrélations entre le Rs-Tf et respectivement, le CST, la ferritine
et l’Index du Rs-Tf
93
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
4. Validation du Rs-Tf comme marqueur de carence martiale absolue
Pour valider le Rs-Tf comme marqueur de la carence martiale absolue, nous
avons divisé la cohorte en deux groupes ("carencé" et "non carencé") selon les
critéres de l’AFSSAPS initialement précisés et
comparé les concentartions
moyennes du Rs-Tf (Tableau VI) dans les deux groupes : "carencé" (n= 28) et
"non carencé" (n= 54).
Ensuite nous avons comparé les concentrations moyennes des différents
paramètres du bilan martial (Rs-Tf, Ferritine, CST, Index du Rs-Tf) obtenues
dans les deux groupes.
Les résultats statistiques obtenus sont rapportés dans le tableau VII.
Tableau VI : Comparaison de la concentration moyenne en Rs-Tf entre le
groupe carencé en fer et le groupe non carencé
Rs-Tf (mg/l)
Groupe
Moyenne
Intervalle de confiance à 95 %
Ecarttype
Borne inférieure
Borne
supérieure
Min
Max
carencé
2,09
0,66
1,82
2,67
0,87
6,76
non carencé
1,35
0,43
1,23
1,47
0,35
2,26
Non résultats montrent que la concentration moyenne du Rs-Tf du groupe
"carencé" est significativement (p < 0,05) plus élevée que celle du groupe "non
carencé" avec un intervalle de confiance à 95% compris entre 1,82 et 2,67 mg/l
dans le groupe carencé (Fig. 8).
94
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 8 : Comparaison de la concentration moyenne en Rs-Tf entre le
groupe carencés et le groupe non carencés en fer
Tableau VII : Comparaison des paramètres biologiques du bilan martial entre
le groupe CM+ et le groupe CMParamètres
CM+ (n=28/34.9%)
CM- (n= 54/65.9%)
P
Rs-Tf (mg/l)
2,09± 0,66
1,35 ± 0,43
0,0001
Ferritine (ng/ml)
245,9 ± 234,9
438,4 ± 325,8
0.007
CST (%)
20,6 ± 1,5
43,15 ± 27,8
0,0001
Index du Rs-Tf
1,6±0,5
0,53±0,18
0,0001
biologiques
CM+ : présence de carence martiale ; CM- : absence de carence martiale
95
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Pour la ferritine, en raison de la large distribution des résultats, ces derniers
peuvent être exprimés en médiane en précisant les limites inférieure et
supérieure :
 Ferritine : Médiane = 299,5ng/ml, [19 – 1617]
Les résultats des différents paramètres du bilan martial entre les deux
groupes se révèlent nettement significatifs (p = 0,0001) pour le Rs-Tf, le CST et
l’Index, significatifs mais à moindre degrés pour la ferritine (p = 0,007).
5. Validation du Rs-Tf comme marqueur du déficit fonctionnel
Les critéres de déficit fonctionnel en fer appliqués dans cette étude sont ceux
proposés par AFSSAPS, comme cela a été souligné (ferritinémie > 100 ng/ml et
CST< 20 %). Nous avons divisé la cohorte étudiée en deux groupes, "déficit
fonctionnel" (n=20) et "absence de déficit fonctionnel" (n= 58). Ensuite nous
avons comparé les concentrations moyennes des différents paramètres du bilan
martial (Rs-Tf, Ferritine, CST, Index du Rs-Tf) obtenues dans les deux groupes.
Les résultats statistiques obtenus sont rapportés dans le tableau VIII.
96
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Tableau VIII : Comparaison des paramètres biologiques du bilan martial entre
le groupe déficit fonctionnel et le groupe absence de déficit fonctionnel
Paramètres
déficit fonctionnel
Absence de déficit
biologiques
(n=20)
fonctionnel (n= 58)
Rs-Tf (mg/l)
2,24 ± 0,32
1,56 ± 0,07
0,0001
Ferritine (ng/ml)
372 ± 56,76
379,86 ± 49,46
0,59
CST (%)
15,26 ± 1,23
39,89 ± 3,90
0,0001
Index du Rs-Tf
0,91 ± 0,11
0,66 ± 0,04
0,001
P
La comparaison des résultats des paramétres du bilan martial (CST,
ferritinémie et l’index du Rs-Tf) entre le groupe "déficit fonctionnel" et le
groupe "absence de déficit fonctionnel" nous a permis de constater que dans le
groupe "déficit fonctionnel":
 Le taux du Rs-Tf est très significativement (p=0.0001) plus augmenté
comme l’illustre bien la figure 9,
 L’index du Rs-Tf est significativement (p=0.001) plus élevé,
 Alors que le CST est très significativement (p=0.0001) plus bas.
Quant à la ferritinémie, sa valeur ne semble pas varier de façon significative
(p>0,05) entre les deux groupes.
97
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 9 : Comparaison de Rs-Tf, CST, ferritinémie, et l’index entre le groupe
déficit fonctionnel et le groupe absence de déficit fonctionnel
98
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
6. Influence de l’inflammation
6.1 Etude de l’influence de l’inflammation chez les hémodialysés
Nous avons, là aussi subdivisé la population étudiée (n=82) en deux groupes
selon l’existence ou non d’un syndrome inflammatoire (CRP >10 mg/l et/ou
Orosomucoïde >1,2 g/l). Nous avons ensuite comparé les moyens des
paramètres suivants : Rs-Tf, Ferritine, CST et Index du Rs-Tf (Tableau IX).
Tableau IX : Comparaison des paramètres biologiques du bilan martial
entre le groupe syndrome inflammatoire+ et le groupe syndrome
inflammatoire Paramètres
Syndrome
Absence de syndrome
biologiques
inflammatoire (n=47)
inflammatoire (n= 35)
Rs-Tf (mg/l)
1,83 ± 0,09
1,48 ± 0,17
0,10
Ferritine (ng/ml)
420 ± 53,55
305 ± 31,92
0,04
CST (%)
26 ± 2,22
47 ± 5,50
0,001
Index du Rs-Tf
0,80 ± 0,05
0,62 ± 0,06
0,06
P
Les résultats de cette étude comparative montrent que la concentration
sérique du Rs-Tf ainsi que l’index ne sont pas significativement modifiés par
l’inflammation. En revanche, la ferritinémie se trouve augmentée de façon peu
significative (p=0,04) et le CST diminue significativement (p= 0,001) en cas
d’inflammation associée.
99
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
6.2 Part de l’inflammation dans le déficit fonctionnel
Nous avons :
déterminé le pourcentage de sujets présentant un syndrome inflammatoire
parmi ceux ayant un déficit fonctionnel,
comparé les concentrations moyennes de CRP et d’orosomucoïde entre
le groupe "déficit fonctionnel" et le groupe "absence de déficit fonctionnel"
(Tableau X).
Tableau X : Comparaison des paramètres de l’inflammation entre le
groupe déficit fonctionnel et le groupe absence de déficit fonctionnel
Paramètres
biologiques
déficit fonctionnel
Absence de déficit
fonctionnel
P
CRP (mg/l)
29,38 ± 8,77
11,70 ± 4,67
0,049
Orosomucoïde (g/l)
1,53 ± 0,12
1,19 ± 0,05
0,003
Parmi les 20 sujets présentant un déficit fonctionnel, 15 avaient un
syndrome inflammatoire associé.
La comparaison des paramètres de l’inflammation (CRP, Orosomucoïde)
entre les deux groupes montre une augmentation faiblement significative
(p=0,049) de la CRP, mais fortement significative (p=0,003) de l’orosomucoïde
dans le groupe "déficit fonctionnel" (Fig. 10).
100
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 10 : Comparaison de CRP et Orosomucoïde entre le groupe déficit
fonctionnel et le groupe absence de déficit fonctionnel
7. Evaluation du Rs-Tf dans le groupe 4
Sur la base des critères préalablement définis, la population étudiée était
scindée en deux groupes :
 Groupe A, n= 29 : Cible en Hb atteinte,
 Groupe B, n= 26 : Cible en Hb non atteinte.
Nous avons effectué une comparaison des concentrations moyennes de RsTf, CST, Ferritine et l’index du Rs-Tf entre les deux groupes 1 et 2 (Tableau
XI).
101
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Tableau XI : Comparaison de la concentration moyenne en Rs-Tf entre le
groupe A et le groupe B
Paramètres
Groupe A
Groupe B
P
Rs-Tf (mg/l)
1,48 ± 0,09
1,84 ± 0,25
0,23
CST (%)
44,96 ± 6,04
28,48 ± 3,07
0,12
Ferritine (ng/ml)
363,28 ± 51,02
369,88 ± 58,23
0,65
Index du Rs-Tf
0,78 ± 0,09
0,61 ± 0,04
0,19
biologiques
Tous les pramètres ne différent pas significativement (p >0.05) entre les
deux groupes.
8. Etude de la pertinence du Rs-Tf par rapport aux paramètres
classiques du bilan martial dans le diagnostic de la carence
martiale au cours de l’IRC
8.1 Les courbes ROC des paramètres analysés
Afin d’étudier la pertinence du Rs-Tf comparativement aux autres
paramètres biochimiques classiques, nous avons réalisé les courbes ROC et
comparé les ASC et le « p » pour chacun des paramètres analysés (Tableaux XII,
Figure 11).
Ces courbes ROC ont été établis dans le groupe de patients associant un
syndrome inflammatoire à la carence martiale par rapport au groupe présentant
un syndrome inflammatoire isolé.
102
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Les résultats obtenus montrent des valeurs de l’ASC significativement
(p < 0,05) plus élevées des paramètres suivant : le Rs-Tf, ferritine, Tsf, CST et
index du Rs-Tf. Il est clair, d’après ces résultats, que le Rs-Tf se révèle le plus
pertinent et le plus discriminant pour distinguer une carence martiale dans un
contexte de méprise tel est le cas de l’IRC au stade d’hémodialyse. En effet,
l’ASC de ce paramètre atteint la valeur 0,811 avec un p =10-4. Dans cette
indication, la valeur seuil du Rs-Tf de 1,67 mg/l présente une sensibilité de 70%
alliée à une spécificité de 66,67%, alors que pour l’index, une valeur de 0,84
montre une sensibilité de 70% mais une spécificité plus élevée puisqu’elle est de
96,30%.
Tableau XII : Les aires sous la courbe (ASC) des paramètres classiques du bilan
martial
Paramètres biologiques
p
ASC
Index du Rs-Tf
0,0001
0,870
Rs-Tf (mg/l)
0,0001
0,811
Ferritine (ng/ml)
0,0001
0,804
CST (%)
0,0002
0,765
Transferrine (g/l)
0,011
0,704
Fer sérique (µg/dl)
0,139
0,621
103
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Figure 11 : Les courbes ROC pour les paramètres biologiques mesurés
104
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
8.2 Sensibilité, spécificité, VS, VP+ du Rs-Tf comparativement
aux CST, Ferritine, et Index
Afin d’étudier la performance du Rs-Tf comparativement aux autres
paramètres biochimiques, nous avons déterminé la sensibilité, spécificité, VS et
VPP de chaque paramètre. Les résultats statistiques obtenus sont résumés dans
le tableau XIII.
Tableau XIII : Spécificité, Sensibilité, Valeur Seuil, Valeur Prédictive Positive
des paramètres étudiés : Rs-Tf, CST, ferritine, et Index dans le groupe
"carencé"
Paramètres
VS
Sensibilité %
Spécificité %
VPP
Index
0,84
70
96,30
93,3
Rs-Tf (mg/l)
2,1
55
96,30
91,7
CST (%)
19,45
73,68
92
87,5
Ferritine (ng/ml)
193
65
92,59
86,7
V.S : Valeur seuil ; VPP : Valeur prédictive positive
 Pour une valeur seuil de 2,1 mg/l, le Rs-Tf aurait permis de détecter
15 "carencés" sur 28 (55% de sensibilité) et d’exclure 52 "non carencés"
sur 54 (96,30% de spécificité). Sa valeur prédictive positive est de 91,7%.
 Pour une valeur seuil de 19,45 %, le CST a permis de détecter 19
"carencés" sur 28 (73,68% sensibilité), et d’éviter 49 "non carencés" sur
54 (92% spécificité). Sa valeur prédictive positive est de 87,5%.
105
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
 Pour une valeur seuil de 193 ng/ml, la Ferritinémie a permis de
détecter 18 "carencés" sur 28 (65% sensibilité), et d’éviter 49 "non
carencés" sur 54 (92,59% spécificité). Sa valeur prédictive positive est de
86,7%.
 Pour une valeur seuil de 0,84, l’Index a permis de détecter 19
"carencés" sur 28 (70% sensibilité), et d’éviter 51 "non carencés" sur 54
(96,3% spécificité). Sa valeur prédictive positive est de 93,3%.
106
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
IV- DISCUSSION
107
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
A- Description de la population étudiée
1. Caractéristiques démographiques
La prédominance masculine objectivée dans notre étude est retrouvée dans
d’autres travaux [87]. Dans l’étude EPIREL (EPidémiologie de l’Insuffisance
REnale chronique terminale en Lorraine) [133] le sexe ration est de deux
hommes pour une femme quant à l’âge nous constatons, malgré la petitesse de
notre échantillon, une fréquence élevée chez les personnes âgées plus de 55 ans
dont la majorité avec un âge au dessus de 55 ans. Le vieillissement de la
population et l’augmentation de la fréquence de diabète dans cette tranche d’âge
sont l’explication principale de ces résultats également rapportés dans la
littérature.
2. Caractéristiques biologiques : Taux d’Hb
Dans la présente cohorte, l’anémie définie selon les critères des
recommandations internationales initialement précisés [134] représente 55%.
Selon les recommandations de bonne pratique un taux d’Hb minimum de
11g/dl est en effet préconisé chez l’IRC dialysé ou non. Or, les études réalisées
entre 1996-2003 montrent que seulement 35% à 55 % des patients atteignent cet
objectif [135], 45 % dans notre étude.
Lors d’une étude rétrospective portant sur 403 patients suivis à l’Hôpital
Necker [136], 9% des patients ayant un DFG supérieur à 30 ml/min et 59% des
patients ayant un DFG inférieur à 15 ml/min avaient une concentration en
hémoglobine inférieure à 11 g/dl. Les deux facteurs significativement associés
au degré de l’anémie étaient la valeur du DFG estimé et le sexe [136].
108
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
L’anémie constitue en effet un problème majeur chez les patients
hémodialysés du fait de ces conséquences multiples, notamment des altérations
hémodynamiques et de l’asthénie qu’elle entraine. Cette complication altère
gravement la qualité de vie des patients urémiques. Son exploration doit être
débutée dès le stade d’anémie modérée. Son traitement par les ASE sera à
considérer dés que le patient a moins de 11 g/dl.
Les principales causes de l’anémie d’origine urémique sont la production
insuffisante de l’EPO en réponse à l’anémie et une résistance à l’action de
l’EPO, celle-ci est due à la carence martiale et aux inhibiteurs de l’EPO dont les
principaux sont les cytokines pro-inflammatoires. De nombreux facteurs
contribuent à l’anémie des dialysés : les uns sont liés à l’état urémique luimême, les autres à la technique de l’hémodialyse. Sa prise en charge comprend
la correction de la carence martiale, le traitement par l’EPO et cela n’est possible
qu’après l’élimination des facteurs de résistance à l’EPO.
Les études d’interventions et les recommandations internationales actuelles
[128, 129] montrent qu’il n’y a pas de bénéfice à obtenir un taux d’Hb supérieur
à 12 g/dl sur le plan de la survie, de l’hypertrophie ventriculaire gauche et de la
qualité de vie [89,134].
3. Etiologies de l’IRC
La proportion importante de l’IRC d’étiologie indéterminée (27%) retrouvée
dans la présente étude, est également mentionnée dans la littérature [133, 137].
Elle se justifie en partie par le fait que la majorité des patients sont vus à un
stade avancé de la maladie, ce qui rend difficile le diagnostic étiologique. Ceci
est en accord avec la remarque de Jean Hamburger qui écrivait « les maladies
rénales sont des entités de définition précaire, mouvante, souvent arbitrairement
109
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
découpées selon les hasards historiques et non selon les exigences de la méthode
scientifique » [138]. Cette remarque reste en partie juste, puisqu’il persiste des
imprécisions nosologiques dans la description des maladies rénales. Certaines
d’entre elles sont parfaitement décrites : néphropathie diabétique, vasculaire, etc.
d’autres restent cependant d’origine totalement indéterminée, en particulier du
fait des incertitudes physiopathologiques [87].
La néphropathie diabétique est l’étiologie prédominante (22% des cas) dans
notre série, comme dans la littérature. En effet sans être toujours directement
responsable de l’IRC, le diabète est avant tout une maladie qui lui est associée,
responsable de complications vasculaires.
Aujourd’hui, aux États-Unis, les patients qui entrent en dialyse ont un
diabète de type 2 dans plus de 50 % des cas, plus de 30 % dans certaines régions
d’Europe. La mortalité des diabétiques avec protéinurie importante et/ou
insuffisance rénale est très élevée avant comme après le démarrage de la
suppléance [139, 140, 141].
B- Aspects biologiques
1. Valeurs du Rs-Tf dans la population saine
1.1 Valeur de référence
Ce travail nous a permis de proposer, chez des sujets sains, un intervalle
descriptif des concentrations du Rs-Tf compris entre 0,94 et 1,68 mg/l, plus
étroit que celui proposé par le fabricant : 0,76 – 1,76 mg/l. Ce résultat se
rapproche de celui retrouvé par Gaillard et ses collaborateurs [142] qui ont
proposé un intervalle compris entre 0,94 et 1,44 mg/l.
110
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
D’autres auteurs ont trouvés des intervalles différents situés entre 0,70-2,80
mg/l [81], 1,30-3,00 mg/l [75], 0,83-1,76 mg/l [83]. La variabilité de ces
résultats est inhérente à l’utilisation de techniques de dosage répondant à des
principes différents ainsi qu’à l’absence d’un standard international [62]. Ceci
rend les valeurs de références non transposables d’une trousse de réactif à une
autre et implique d’assurer le suivi d’un patient par la même technique et même
réactif. Il est évidemment très souhaitable qu’un standard international soit
rapidement proposé.
1.2 Variabilité interindividuelle en fonction de l’âge et du sexe
L’étude de la variabilité interindividuelle selon l’âge et le sexe du taux
sérique du Rs-Tf dans notre population témoin objective une corrélation
significative et négative avec l’âge et une indépendance par rapport au sexe.
Ces résultats s’accordent totalement avec ceux d’autres études [61, 73, 77,
79, 146, 143]. En effet, en ce qui concerne la variabilité selon l’âge, la
concentration du Rs-Tf est à la naissance environ le double de celle de l’adulte,
puis elle diminue à partir de 3 ans. Chez le sujet âgé, la concentration du Rs-Tf
est généralement plus faible [55, 61, 84, 78].
2. Validation du Rs-Tf comme marqueur du statut martial
Dans la population témoin, la corrélation du Rs-Tf est retrouvée
significative (p < 0,05) :
- Négative avec le CST (r = - 0,295) et le fer sérique (r = - 0,249),
- Positive avec la transferrine (r = 0,227) et l’index du Rs-Tf (r = 0,723).
Alors que la corrélation du Rs-Tf avec la ferritine est retrouvée non
significative (p= 0,271).
111
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Ces résultats semblent différents de ceux trouvés dans d’autres études
notamment celle de Vernet et coll [83, 144]. Ces derniers, en dosant les mêmes
paramètres chez des sujets sains, n’ont trouvés de corrélation significative du
Rs-Tf qu’avec le CST. Cette divergence des résultats serait probablement liée à
la différence dans les habitudes alimentaires, le niveau socio-économique des
populations étudiées...
Dans la population malade, la corrélation significative (p < 0,05) du
Rs-Tf avec les paramètres du statut martial est retrouvée :
- Négative avec CST (r= -0,28), fer sérique (r= -0,18) ainsi qu’avec la ferritine
(r= -0,15),
-
Positive avec l’index du Rs-Tf (r = 0,8).
Nos résultats sont cohérents avec les mécanismes de régulation du récepteur
soluble de la transferrine. En effet, le Rs-Tf est directement proportionnel à la
quantité totale de l’organisme en récepteur de la transferrine membranaire [66,
69] qui dépend d’une part, de la concentration intracellulaire du fer
(principalement érythroblastique) déterminant la densité membranaire en Rtf et
d’autre part, de la quantité d’érythroblastes liée à l’activité médullaire [145].
Nos résultats sont aussi en accord avec ceux de Tarng et Huang qui ont
montrés dans une étude multicentrique basée sur une grande population de
patients hémodialysés traités, une corrélation négative entre le Rs-Tf et le CST
(r= -0,27, p < 0,05) ainsi qu’avec la ferritine (r= -0,29, p < 0,01) [146]. De
même, les résultats de Lorenzo, qui a étudié le Rs-Tf et les paramètres du fer
chez des patients hémodialysés traités par rHu-EPO, a objectivé une corrélation
négative du Rs-Tf avec le CST et la ferritine [147].
112
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
En effet le Rs-Tf satisfait à plusieurs critères physiopathologiques qui
expliquent son intérêt dans le diagnostic des cas d’interprétation difficile du
bilan martial [64, 73, 148, 149]:
- Valeurs normales indépendantes de l’âge et du sexe ;
- Concentrations indépendantes de l’inflammation ;
- Concentration indépendante du statut hormonal (thyroïde, estrogènes) ;
- Concentrations directement proportionnelles et spécifiques du nombre
de récepteurs membranaires.
Prises ensemble, ces qualités confèrent aux dosages du récepteur soluble une
spécificité élevée et une grande simplicité d’interprétation.
Ces résultats, impliquent de préciser dans quelles conditions nous pouvons
évaluer le statut martial par la concentration sérique du Rs-Tf, chez les patients
hémodialysés.
3. Validation du Rs-Tf comme marqueur de carence martiale absolue
Dans notre étude, nous avons défini la carence martiale d’après les critères
des recommandations de l’AFSSAPS, à savoir une ferritinémie < 100 ng/ml
et/ou CST< 20 % chez les patients hémodialysés.
La comparaison des concentrations moyennes du Rs-Tf entre les deux
groupes "carencé" et "non carencé" a montré une nette élévation significative
(p= 10-4) dans le groupe carencé, ce qui suggère que le Rs-Tf constitue un très
bon marqueur de carence martiale. Ces résultats sont en accord avec les résultats
de Tarng et Huang qui ont aussi montré dans leur population d’hémodialysés
sous rHu-EPO, que la concentartion sérique du Rs-Tf était significativement
plus élevée chez les patients carencés [146]. Fernandez-Rodriguez et coll, qui
113
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
ont utilisés la coloration de Perls comme critère de carence martiale, ont montré
que, dans leur population de dialysées, le Rs-Tf était significativement plus
élevé chez les patients carencés. En revanche, pour eux, la ferritinémie était un
meilleur marqueur de la carence martiale. Mais leur étude avait exclu les
patients présentant un syndrome inflammatoire et donc les situations où la
ferritinémie manque de spécificité [150].
En effet, le nombre de récepteurs circulants est normalement conditionné
par la taille du secteur médullaire érythroïde, diminué dans les hypoplasies et
augmenté dans les hyperplasies. La carence en fer s'accompagne d'une
augmentation des Rs-Tf par mise en jeu du mécanisme régulateur posttranscriptionnel consécutif à la diminution du contenu intracellulaire en fer [62].
La concentration en Rs-Tf reste constante tant que les réserves en fer ne sont
pas épuisées. Son augmentation est proportionnelle à l’importance du déficit en
fer dans les tissus (fer fonctionnel) et intervient plus précocement que la chute
de l’Hb [61].
Pour établir le degré de carence en fer nécessaire pour induire une
augmentation des Rs-Tf, Skikne et Coll ont soumis des sujets sains et
volontaires à des saignées répétées [145]. Ils ont observés une chute rapide de la
ferritine sérique durant la phase de déplétion des réserves, contrastant avec la
stabilité des Rs-Tf. Lorsque la ferritinémie atteint une valeur subnormale, la
concentration des Rs-Tf augmente. Cette augmentation se poursuit tout au cours
des saignées alors que la ferritine sérique reste constante et effondrée ; elle signe
la carence tissulaire en fer fonctionnel [66] : c'est le stade de l'érythropoïèse
carencée en fer. Elle intervient plus précocement que les modifications du
114
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
volume globulaire moyen, de l'indice de distribution des érythrocytes, de la
protoporphyrine érythrocytaire [78].
Par ailleurs, deux études réalisés chez des patients hémodialysés révèlent
l’utilité du Rs-Tf pour classer les patients en répondeurs et non répondeurs avec
une sensibilité de 92% selon le taux de Rs-Tf avant traitement et le pourcentage
augmente en une à deux semaines [149, 151].
Quant au rapport Rs-Tf/Log [ferritine], il est retrouvé significativement plus
augmenté en cas de carence martiale, résultat concordant avec celui de Matsuda
et Coll [152]. Pounonen estime que ce rapport augmente encore l’efficacité
diagnostique du Rs-Tf, cet indicateur tire l’avantage de deux phénomènes qui
sont l’augmentation du Rs-Tf et la diminution de la ferritine [149].
Notre étude a confirmée les données de la littérature qui valident le Rs-Tf et
l’index comme marqueurs de carence en fer, y compris dans la population
particulière des IRC dialysés traités par rHu-EPO et fer intraveineux.
4. Evaluation du Rs-Tf comme marqueur de déficit fonctionnel en fer
Dans la prise en charge de l’anémie du patient IRC hémodialysé, la
correction d’une carence martiale absolue est nécessaire pour maintenir un taux
d’hémoglobine satisfaisant. Cependant, des stocks suffisants n’empêchent pas
l’apparition d’un déficit fonctionnel, dû à une accélération de l’érythropoïèse
augmentant les besoins en fer sous rHu-EPO ou à une séquestration
macrophagique en cas d’inflammation. La difficulté en pratique clinique est
d’identifier ce déficit fonctionnel.
Dans notre étude, nous avons utilisé, la ferritinémie et le CST comme
critères définissant le déficit fonctionnel pour évaluer le Rs-Tf dans le diagnostic
115
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
de cet état. En effet, les recommandations internationales hiérarchisent les
paramètres du bilan martial et reconnaissent la ferritinémie comme marqueur de
carence martiale absolue. Le CST est, quant à lui, un marqueur de carence
fonctionnelle, comme le pourcentage des GR hypochromes et la teneur
réticulocytaire en Hb [123].
La comparaison des concentrations moyennes montre que le groupe "déficit
fonctionnel" a des taux de Rs-Tf significativement (p= 10-4) plus élevés que le
groupe "absence de déficit fonctionnel". Le CST est aussi significativement
diminué en cas de déficit fonctionnel. La ferritine est, en revanche, un mauvais
marqueur du déficit fonctionnel, sa concentration sérique ne présentant pas de
différence significative entre les deux groupes. Le rapport Rs-Tf/log [ferritine],
qui selon la littérature n’apporte pas d’éléments supplémentaires [142], semble
en revanche significativement élevé en cas de déficit fonctionnel.
En somme, nos résultats suggèrent, comme d’autres études [149, 153], que
le Rs-Tf et le CST représentent les meilleurs marqueurs du déficit fonctionnel,
même si certains auteurs ont mis en évidence un manque de sensibilité et de
spécifité de ce dernier [123].
5. Influence de l’inflammation sur les paramètres biologiques étudiés
Dans notre étude, nous avons choisi un seuil de CRP à 10 mg/l et
d’orosomucoïde à 1,2 g/l pour définir les sujets présentant ou non un syndrome
inflammatoire. Les deux groupes ainsi définis ne présentent pas de différence
significative en ce qui concerne le taux d’hémoglobine. La ferritinémie tend à
être significativement plus élevée dans le groupe avec syndrome inflammatoire
(p=0,06), alors que le CST est significativement diminuée dans le même groupe.
Le Rs-Tf, quant à lui, ne présente pas de différence significative.
116
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Ces résultats soulignent l’influence de l’inflammation sur les paramètres
traditionnels du bilan martial. En revanche, l’absence de variation du Rs-Tf
confirme l’indépendance de sa régulation vis-à-vis de l’inflammation. Cette
indépendance de la concentration du Rs-Tf par un état inflammatoire a été
confirmée dans la littérature par plusieurs auteurs [82, 148, 154].
Par ailleurs la comparaison des paramètres de l’inflammation à savoir la
CRP et l’orosomucoïde entre le groupe "déficit fonctionnel" et le groupe
"absence de déficit fonctionnel", montre une élévation significative de ces
paramètres dans le groupe "déficit fonctionnel" soulignant l’importance que peut
avoir
l’inflammation
dans
le
développement
du
déficit
fonctionnel.
L’inflammation associée à un déficit fonctionnel dans notre population peut être
justifiée par la diversité des étiologies de l’insuffisance rénale chronique à savoir
le diabète compliqué, la polykystose, ….
6. Evaluation du Rs-Tf dans le groupe 4
L’introduction
en
pratique
clinique
de
l’érythropoïétine
humaine
recombinante (rHu-EPO) représente depuis plus de dix ans un progrès majeur
pour l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints d’IRC avancée qu’ils
soient ou non traités par une méthode de dialyse de suppléance. Des travaux
récents ont par ailleurs montré que la correction de l’anémie obtenue par la rHuEPO a mis des situations de résistance à l’EPO [86, 146, 155, 156, 157, 158].
Dans notre étude, nous n’avons pas pu porter le diagnostic de cet état de
résistance à l’EPO. En effet, nous ne disposons pas de tous les critères qui les
définissent, particulièrement le suivi biologique durant la période de traitement
et surtout la preuve de l’absence des nombreux autres facteurs aboutissant à
cette résistance déjà évoquée dans la partie théorique et qui requièrent une
117
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
démarche diagnostique laborieuse pour les éliminer. C’est pour cela qu’on s’est
contenté du critère : cible Hb atteinte ou non sous forte doses d’EPO. On a
voulu évaluer la variation des paramètres du bilan martial selon ce critère.
D’après les résultats de la présente étude, nous avons constaté que tous les
paramètres ne différaient pas significativement entre les 2 groupes étudiés.
Plusieurs études se sont intéressées à ce problème de résistance à l’EPO et
ont utilisé le rapport dose de EPO/Taux d’Hb, un rapport élevé montrant une
sensibilité moins grande. Ces études ont montrés une corrélation positive et très
significative du Rs-Tf avec ce rapport [159, 160, 161].
La cause la plus répandue d’une réponse incomplète à l’érythropoïétine est
le déficit fonctionnel en fer qui est très fréquent dans l’IRC, en particulier au
stade de l’hémodialyse, en raison notamment de la spoliation sanguine, des
pertes de sang dans le circuit de dialyse et des pertes digestives [162].
7. Etude de la pertinence du Rs-Tf par rapport aux paramètres
classiques du bilan martial dans le diagnostic de la carence
martiale au cours de l’IRC
Les résultats de cette étude, complétant ceux déjà présentés ci-dessus,
attestent de la pertinence inégalable de ce nouveau paramètre du bilan martial et
surtout de l’index dans le diagnostic de la carence en fer en cas d’association à
un syndrome inflammatoire, comme dans le contexte de l’IRC au stade
d’hémodialyse.
Dans notre étude, si l’on fixait le seuil à 2,1 mg/l, le Rs-Tf a une sensibilité
de 55% et une spécificité plus élevée de 96,30%, avec une valeur prédictive
positive de 91,7%. Alors que pour une valeur seuil de 0,84, l’index a une
118
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
sensibilité nettement meilleure de 70% et une spécificité équivalente de 96,30%,
avec une valeur prédictive positive plus élevée de 93,3%.
En somme, l’utilisation de l’index a permit d’améliorer la sensibilité du
dosage de Rs-Tf de 15%, sans en altérer sa spécificité. Ce résultat est similaire à
celui rapporté par d’autres travaux [52, 163, 164].
Le Rs-Tf apparaît donc comme un bon outil d’exploration du statut martial
car non influencé par l’existence de facteurs de méprise. D’ailleurs, de
nombreux auteurs s’accordent pour reconnaître les qualités de ce marqueur et sa
place dans des situations de diagnostic difficile [165, 166, 167], aussi bien chez
les sujets normorénaux qu’en cas d’IRC au stade d’hémodialyse.
119
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
LIMITES
120
Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Les principales limites de la présente étude sont le nombre peu important de
patients, ainsi que l’hétérogénéité des groupes définie quant au traitement
instauré. Par ailleurs, nous n’avons pas pu définir les valeurs usuelles du Rs-Tf,
dans cette population d’hémodialysée, même si l’on doit garder à l’esprit
l’absence de standard international.
On aurait dû étudier, si l’on disposait de la mesure de contenu
réticulocytaire en hémoglobine (CHr) proposé par les recommandations
européennes [126] comme marqueur de déficit fonctionnel, étudier la corrélation
du Rs-Tf avec ce marqueur qui définit le déficit fonctionnel.
Par ailleurs, nous aurons souhaité évaluer l’intérêt du Rs-Tf dans l’étude de
la résistance au traitement par l’EPO et ce, en raison de la difficulté de porter le
diagnostic de cet état eu égard de la complexité de l’enquête étiologique
permettant d’écarter les autres facteurs de non réponse au traitement par l’EPO.
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
CONCLUSION
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Le diagnostic de la carence martiale reste problématique chez les
hémodialysés. Les paramètres habituellement utilisés pour évaluer le statut en
fer tel que la ferritine, le coefficient de saturation de la transferrine sont souvent
pris en défaut. Ce phénomène s’explique le plus souvent par l’existence d’un
syndrome inflammatoire.
Arrivé plus récemment en biologie clinique, le Rs-Tf semble satisfaire à
plusieurs critères qui lui permettent d’occuper une place centrale dans
l’exploration du métabolisme du fer, particulièrement dans des situations de
méprise où la carence martiale se trouve associée à un état inflammatoire
comme c’est le cas chez l’IRC hémodialysé.
Notre étude, qui a évalué le Rs-Tf chez la population des hémodialysés, a
confirmé les données de la littérature et a montré que ce paramètre était un bon
marqueur de carence martiale absolue et de déficit fonctionnel en fer dans ce
contexte. Etant donné la double régulation du Rs-Tf, il reste néanmoins à
déterminer dans quelles conditions ce paramètre peut être utilisé comme
marqueur de carence martiale surtout chez les patients sous rHu-EPO. Il
convient aussi de définir des valeurs usuelles chez le patient IRC dialysé en
gardant à l’esprit l’absence de standard international.
Seul un essai randomisé comparant le suivi du statut martial selon la
concentration sérique du Rs-Tf et selon le CST permet de démontrer la
supériorité de l’un ou l’autre, même si la littérature nous prouve que le bilan
martial doit comprendre plusieurs paramètres et qu’aucun ne semble suffisant à
lui seul, de par la multitude des situations cliniques. En effet, les effectifs des
études réalisés chez l’hémodialysé sont souvent faibles, incluant des populations
hétérogènes utilisant des critères divers pour le diagnostic de la carence martiale.
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Récepteur soluble de la transferrine : Intérêt chez l’hémodialysé chronique
Viendra-t-il le jour où nous verrons ce nouveau marqueur intégré parmi les
autres marqueurs biologiques relatifs à la prise en charge de l’hémodialysé et
proposé par les recommandations internationales.
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