Mini-revue La thérapie photodynamique en hépato-gastroentérologie Vincent Maunoury1,5, Serge Mordon2,5, Géraldine Sergent3, Jean Boyer4,5 1 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Service des Maladies de l’Appareil digestif et de la Nutrition, Hôpital Huriez, CHRU Lille, 59037 Lille Cedex <[email protected]> 2 Inserm IFR 114, CHRU Lille 3 Service de Radiologie digestive et endocrinienne, CHRU Lille 4 Service des Maladies de l’Appareil digestif et de la Nutrition, CHRU Angers 5 Club francophone de thérapie photodynamique (CFTP) La thérapie photodynamique (PDT) consiste à exciter par une lumière monochromatique spécifique, dénuée d’effet thermique, un photosensibilisant retenu électivement par les cellules tumorales afin de déclencher une cascade de réactions cytotoxiques. Le principal photosensibilisant actuellement utilisé en France est le Photofrin® (laboratoire Axcan). En endoscopie digestive, l’excitation lumineuse est réalisée, via une fibre optique, par une lumière laser de longueur d’onde correspondant au pic d’excitation du photosensibilisant. En raison d’une rétention cutanée prolongée du Photofrin®, le patient doit être informé des précautions à prendre pour se protéger de toute lumière vive pendant au moins 3 semaines. En pathologie digestive, les principales indications, après concertation multidisciplinaire, sont les cancers œsophagiens superficiels soit en première intention (Barrett en dysplasie sévère, malades inopérables), soit pour une récidive après radiothérapie, et les cancers inopérables des voies biliaires pour prolonger la survie des patients avec un drainage biliaire palliatif. Mots clés : thérapie phothodynamique, œsophage de Barrett, cholangiocarcinome doi: 10.1684/hpg.2007.0060 L a thérapie photodynamique (photo dynamic therapy : PDT) consiste à sensibiliser électivement une lésion par l’administration d’un photosensibilisant puis à la détruire par une activation lumineuse spécifique du photosensibilisant. C’est une démarche en deux temps : d’abord, 1) l’application ou l’administration d’un photosensibilisant qui s’accumule de manière variable, dans un délai de quelques heures à 3 jours, dans la lésion à traiter ; puis 2) l’éclairage de la lésion par une lumière de faible intensité, sans effet thermique, dont la longueur d’onde est préférentiellement absorbée par le photosensibilisant. L’excitation du photosensibilisant initie alors par transfert d’énergie une cascade de réactions finalement cytotoxiques. Principe de la thérapie photodynamique Tirés à part : V. Maunoury Rappelons d’abord que la lumière véhicule une énergie qui est en relation inverse avec sa longueur d’onde : la lumière bleue (400 à 450 nm) est Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007 157 Mini-revue Etats singulets Photon Substance Oxygène Substance activée Oxygène singulet Mort cellulaire Altérations cellulaires Fluorescence S1 Absorption Niveaux d’énergie S2 Oxygène singulet Etat triplet T1 Radicaux libres S0 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Niveau fondamental 158 Figure 1. Diagramme représentant les niveaux d’énergie d’une molécule et les différentes voies conduisant à l’émission de fluorescence et aux processus de photosensibilisation [1]. Figure 2. Mécanisme de type II prépondérant dans le processus photodynamique [1]. plus énergétique que la lumière rouge (600 à 700 nm). D’autre part, sa pénétration dans les tissus augmente avec la longueur d’onde : le rouge pénètre 3 à 5 fois plus profondément que le bleu. À l’état fondamental (S0), une molécule (ici le photosensibilisant) présente une énergie d’équilibre dite minimale. Soumise à une excitation lumineuse, cette molécule peut être portée à un niveau d’excitation supérieur S1, S2... instable (l’absorption de lumière étant un phénomène très rapide, l’électron promu à un niveau d’énergie supérieure n’a pas le temps de modifier son spin et se retrouve dans une configuration dite singulet S). Mais seuls certains photons, de longueur d’onde définie, sont absorbés : à chaque molécule correspond un spectre d’absorption (ou d’excitation). La molécule excitée possède un excès d’énergie qu’elle va perdre rapidement et spontanément soit sous forme de chaleur, soit en émettant une fluorescence (photodiagnostic), soit enfin en passant par un état intermédiaire dit « triplet » dont le retour à l’état fondamental est beaucoup plus lent que celui de l’état singulet (figure 1). C’est à l’état triplet que la molécule de photosensibilisant va avoir le temps de réagir avec les molécules intracellulaires soit directement par des réactions d’oxydoréduction qui conduisent à des espèces radicalaires toxiques, soit indirectement par transfert d’énergie à l’oxygène amenant celui-ci à un état singulet, espèce oxydante pour les acides aminés, certaines bases nucléiques et, à un moindre degré, les chaînes lipidiques composant les membranes (figure 2). Dans les 2 cas, la présence d’oxygène est essentielle au processus photodynamique ; c’est un handicap pour le traitement des lésions évoluées hypoxiques. Dans le premier cas, le photosensibilisant est dégradé ; dans le 2e, il revient à son état fondamental, disponible pour une nouvelle excitation lumineuse. Le mécanisme du 2e type est habituellement prépondérant. Les photosensibilisants Un photosensibilisant est une molécule non toxique pour l’organisme et dénuée d’activité thérapeutique propre. Il est idéalement caractérisé par : – une fixation ou une rétention élective par les cellules cancéreuses ; – par un (ou parfois plusieurs) pic d’absorption lumineuse. Administré en topique ou par voie générale, sa posologie dépend du poids du malade et non pas des indications. Trois photosensibilisants sont actuellement utilisés en gastroentérologie : le porfimère sodique (Photofrin® ou Photobarr®, Axcan Pharma), le meta-tetra hydroxyphenyl chlorin, mTHPC (Foscan®, Biolitec), et l’acide 5 aminolévulinique, 5-ALA (commercialisé par plusieurs sociétés dont Medac, Dusa, Photocure) qui n’est pas un photosensibilisant mais un précurseur d’un photosensibilisant endogène, la protoporphyrine IX. Dérivé de l’hématoporphyrine (HpD), le Photofrin® est le photosensibilisant le plus anciennement et le plus couramment utilisé. Son spectre d’absorption présente plusieurs pics ; l’absorption est maximale dans le bleu à 400 nm. Cependant, il est en pratique excité à 630 nm en raison d’un compromis entre l’absorption de la molécule et la pénétration tissulaire de la lumière. Il est excité 48 à 72 h après son administration IV (2 mg/kg). Il présente plusieurs inconvénients : un faible coefficient d’absorption dans le rouge, un faible gradient de concentration tumorale/tissu sain et une photosensibilisation cutanée prolongée qui oblige les patients à se protéger de la lumière vive pendant 3 à 6 semaines [2]. Le Foscan® offre l’avantage de pouvoir être excité dans le vert qui pénètre dans les tissus trois fois moins profondément que le rouge, ce qui permet en théorie un traitement plus sûr mais aussi éventuellement trop superficiel. Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Figure 3. Ballon diffuseur de lumière développé par la société Medlight™ (www.medlight.com). Le 5-ALA est métabolisé en excès, pour des raisons mal connues, en protoporphyrine IX dans les cellules tumorales ; administré per os à la posologie de 30 à 60 mg/kg, son accumulation est rapide (4 à 6 h) pour un traitement qui peut être réalisé avec la même longueur d’onde et donc le même laser que pour le Photofrin®. Surtout, sa rétention cutanée est brève (36 à 48 h). Les vecteurs et la dynamique de l’accumulation (ou de la rétention) des photosensibilisants dans les tumeurs avec un gradient de concentration tissu tumoral/tissu sain sont mal connus ; il s’agit d’un processus complexe faisant intervenir le type de la tumeur, sa taille, sa vascularisation et le degré d’infiltration par les macrophages. Il est ainsi très variable et cette variabilité rend compte de la reproductibilité parfois inconstante de la PDT comme de ses effets secondaires (sténose). Ce processus semble dépendant des lipoprotéines de basse densité (LDL) qui sont les principaux transporteurs sanguins des porphyrines et dont les cellules cancéreuses expriment plus de récepteurs spécifiques que les cellules normales. D’autres travaux ont montré le rôle du récepteur spécifique des LDL dans la capture cellulaire des porphyrines [3]. Une méthode originale consisterait à encapsuler le photosensibilisant dans des vecteurs capables de le transporter sélectivement vers les cellules tumorales [4]. Les liposomes sont le plus couramment utilisés car ils peuvent incorporer en leur sein aussi bien des molécules hydrophiles que des molécules hydrophobes. Les liposomes ne peuvent s’évader du compartiment sanguin, sauf lorsque celui-ci est altéré par un état inflammatoire ou tumoral ; d’autre part, leur structure « étrangère » à l’organisme rend compte de leur destruction par les macrophages. Ce double mécanisme explique leur intérêt potentiel comme vecteur des photosensibilisants. Les sources lumineuses (figure 6) Une lumière d’excitation monochromatique et d’intensité définie est habituellement utilisée pour initier la PDT. Observons néanmoins qu’une lumière blanche couvrant les différents pics d’absorption du photosensibilisant initie aussi une réaction photodynamique. Cela explique la photosensibilité cutanée. Néanmoins, une source de lumière laser est le plus souvent employée car elle est non seulement monochromatique Figure 4. Diffuseur cylindrique à l’extrémité d’une fibre optique développée par la société Osyris™ (www.osyris.com). Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007 159 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Mini-revue Figure 5. Thérapie photodynamique par voie endoscopique rétrograde d’un cholangiocarcinome. Figure 6. Source laser DIOMED pour PDT à 630 nm. mais elle a surtout l’avantage de pouvoir être conduite dans une fibre optique passée dans le canal opérateur d’un endoscope. Une des raisons du renouveau actuel de la PDT tient à la mise à disposition de diodes laser de différentes longueurs d’onde, d’usage plus facile et de coût bien moindre que les lasers à colorant accordables initialement employés. Le plus souvent, les lasers diodes proposés pour la thérapie photodynamique émettent à 630, 635, 652 ou 730 nm. Rappelons que la longueur d’onde de la lumière émise est un paramètre essentiel, dépendant de l’absorption du photosensibilisant mais aussi déterminant de la profondeur de l’action photodynamique : superficielle dans le bleu (400 nm), plus profonde dans le rouge et l’infrarouge (600 à 700 nm). que. Le système de diffusion lumineuse vise à appliquer une dose de lumière optimale, définie par unité de surface lésionnelle. Elle est exprimée en J/cm2 (fluence). Elle dépend des indications. Elle correspond à la puissance (en Watts (W)) délivrée par le laser au niveau du diffuseur (après calibration) multipliée par le temps d’exposition (en secondes (s)), rapportée à la surface illuminée en cm2. Dose de lumière (J/cm2) = puissance (W) × temps de traitement (s)/surface (cm2). En pratique, elle est souvent exprimée en joules/cm de diffuseur ; c’est ainsi que pour une illumination de Les systèmes d’illumination La mise en œuvre de la PDT requiert un applicateur ou un diffuseur de lumière, le plus souvent cylindrique, de longueur variable, situé à l’extrémité d’une fibre optique à usage unique. Ces fibres, en silice (Biolitec™), semi-rigide, pour l’œsophage, ou en plastique (Medlight™), plus souple, montées pour les voies biliaires à l’intérieur d’un cathéter, ne présentent jamais une transmission de 100 % ; par conséquent, l’intensité lumineuse en bout de fibre ou au niveau du diffuseur cylindrique est diminuée par rapport à l’intensité délivrée par la source. C’est la raison pour laquelle la fibre doit être calibrée (sphère de calibration) avant son utilisation afin que l’émission laser compense la perte liée à la transmission par la fibre. Une illumination optimale distribue la lumière de manière homogène au tissu visé ; la sélectivité de la rétention du photosensibilisant est insuffisante pour mettre le tissu sain à l’abri de la réaction photochimi- 160 En résumé • Les indications principales de la thérapie photodynamique par voie endoscopique sont les dysplasies de haut grade sur endobrachyœsophage, les récidives œsophagiennes superficielles après traitement locorégional du cancer de l’œsophage et les cholangiocarcinomes non résécables et/ou non opérables. • En cas de dysplasie de haut grade sur endobrachyœsophage, une destruction de la dysplasie est obtenue dans 90 % des cas et une disparition de l’EBO dans plus de la moitié des cas. • En cas de cancer œsophagien superficiel, une destruction complète est obtenue dans environ 80 % des cas. Les principales indications sont : – les lésions superficielles (T1N0) mal limitées, relativement étendues et planes, mal accessibles à une mucosectomie chez des patients inopérables ; – les lésions persistantes après radiothérapie, récidivantes ou métachrones. • En cas de cholangiocarcinomes non opérables ou non résécables, la démonstration d’un allongement très significatif de la survie dans le groupe traité par PDT ouvre une perspective thérapeutique dans une pathologie fréquente qui en était quasi complètement dépourvue. Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 300 J/cm recommandé pour le traitement du cancer superficiel de l’œsophage par le Photofrin®, avec un diffuseur de 2 cm de long délivrant une puissance de 1 W, la durée d’illumination sera de 600 s (10 minutes). En pratique encore, le traitement d’une lésion néoplasique œsophagienne est volontiers réalisé par une fibre avec un diffuseur cylindrique mais en prenant la précaution de masquer l’hémicirconférence saine, par exemple par l’emploi d’un capuchon de Hood pour extraction de corps étranger recoupé ; par contre, un traitement circonférentiel tel un EBO requiert de manière plus indispensable un ballon centreur et diffuseur de lumière (figure 3). En effet idéalement, la surface traitée est mieux définie par l’utilisation d’un ballon centreur et diffuseur de lumière. Le ballon est un cylindre de diamètre (D) et de longueur (L) définis ; par exemple, si D = 1,8 cm et L = 2 cm, sa surface est de 11 cm2. En reprenant l’exemple ci-dessus, la fluence sera de 1 W X 600 s/11 cm2 = 55 J/cm2. Mais si le ballon est « gonflé » à un diamètre inférieur, par exemple 1,5 cm, sa surface sera de 9 cm2 ; en gardant les mêmes paramètres que ci-dessus, il y aura une surexposition lumineuse de 20 % (67 J/cm2) ; il faudra donc réduire le temps d’exposition à 480 s pour garder la même dose de lumière appliquée aux tissus. Enfin, on note que pour une dose de lumière constante, la puissance et le temps d’illumination peuvent varier. Il semble préférable, pour une meilleure efficacité de la PDT, de diminuer la puissance et d’allonger le temps d’illumination ; cela évite la dégradation trop rapide du photosensibilisant (photobleaching) et l’épuisement brutal des « réserves » du tissu en oxygène. Le malade doit enfin éviter d’exposer sa peau et ses yeux à toute lumière vive pendant une durée variable (un mois pour le Photofrin®), fonction du photosensibilisant, afin d’éviter d’éventuels accidents (brûlures) de phototoxicité cutanée. L’exposition à une lumière de faible intensité (pénombre) est par contre recommandée pour favoriser la dégradation du produit retenu dans la peau. Ces précautions doivent être expliquées au patient avant le traitement ; son information est renforcée par la délivrance d’un « Guide du patient ». La fibre optique diffusante (figure 4) est passée dans le canal opérateur de l’endoscope. Les vidéoendoscopes ne sont pas équipés d’un filtre électronique supprimant le spectre lumineux émis lors du traitement à 630 nm (pour le Photofrin®), d’où un « éblouissement » du CDD ; en pratique, une fois le diffuseur en place, le traitement est réalisé en aveugle, le vidéoendoscope éteint (ce qui, de plus, évite une surexposition lumineuse liée à la lumière de l’endoscope). Il peut être relativement plus pratique, si l’on peut encore en disposer, d’utiliser un fibroscope, avec des lunettes qui supprime la lumière diffusée lors du traitement sur une bande spectrale autour de 630 nm. Aucun traitement associé n’est requis. En l’absence de toxicité cumulative, le traitement peut être renouvelé. Le cas échéant, la réalisation d’une PDT ne constitue nullement une gêne à la mise en œuvre ultérieure d’une radio et/ou chimiothérapie. Clinique, endoscopique et histopathologique, une surveillance est pratiquée au mieux 2 mois après le traitement d’une lésion œsophagienne, puis tous les 6 mois pendant 2 ans, puis ensuite adaptée aux risques de récidive ou associés de la pathologie traitée. Indications Les applications en hépato-gastroentérologie Matériel et méthode L’information préalable du malade au cours d’une consultation particulière est essentielle au bon déroulement du traitement. Bien qu’indolore, le traitement est au mieux réalisé sous anesthésie générale. Les suites sont habituellement simples en dehors de quelques douleurs relevant d’un traitement antalgique simple. L’alimentation normale peut être reprise sans délai ; il est rare que l’intensité de la réaction nécrotique nécessite une détersion endoscopique. Toute réaction d’intensité ou de durée inhabituelle nécessite un bilan hospitalier pour éliminer une perforation de survenue différée. À un peu plus long terme, la survenue d’une sténose est une complication non exceptionnelle habituellement soulagée par des dilatations prudentes parfois itératives. Elles résultent, au terme d’un bilan préthérapeutique, d’une discussion en Unité de concertation pluridisciplinaire en oncologie. Il faut distinguer les indications de l’AMM des photosensibilisants et celles en cours d’évaluation. Ce sont respectivement : – les dysplasies de haut grade sur endobrachyœsophage et les récidives œsophagiennes superficielles après traitement locorégional du cancer de l’œsophage ; – les cancers œsophagiens superficiels non accessibles à une autre thérapeutique et les cholangiocarcinomes non résécables et/ou non opérables. Résultats • Les dysplasies de haut grade (DHG) sur endobrachyœsophage (EBO) Le risque de dégénérescence proche de 50 % à 5 ans des dysplasies de haut grade sur endobrachyœsophage justifie une prise en charge thérapeutique agres- Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007 161 Mini-revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. sive qui vise à supprimer la dégénérescence présumée superficielle (échoendoscopie) et à détruire la métaplasie intestinale spécialisée pour permettre son remplacement par une muqueuse malpighienne, réparation favorisée par l’association d’un traitement prolongé et renforcé par un inhibiteur de la pompe à protons. Chez des patients volontiers âgés, fragiles et surtout asymptomatiques, la mise en œuvre d’un traitement endoscopique est une alternative séduisante à une œsophagectomie. La PDT peut être préférée à une mucosectomie soit très large, circonférentielle, encore peu pratiquée, soit souvent incomplète lorsque la lésion dysplasique est mal limitée, et qui laisse en plus persister le risque de lésions synchrones méconnues ou métachrones au sein de l’EBO restant [5]. La PDT offre l’avantage théorique d’un traitement global et homogène qui peut-être réalisée en une séance. L’expérience d’Overhold fait autorité : chez 100 malades avec une dysplasie de haut grade dont 13 ADK traités par PDT (Photofrin®), une destruction de la DHG a été obtenue dans 91 % des cas et de l’EBO dans 43 % des cas [6]. Ces résultats ont été confirmés par une étude multicentrique internationale montrant, 2 ans après le diagnostic d’une dysplasie sévère, une évolution dans 13 % des cas vers un ADK dans le groupe traité par PDT (et Oméprazole) versus 28 % dans le groupe simplement surveillé et traité par Oméprazole® (p < 0,05). La persistance de reliquats superficiels d’EBO, sous forme d’îlots ou de languettes, peut ensuite être éradiquée par une électrocoagulation par plasma argon. Plus ennuyeux est le risque de persistance d’îlots glandulaires sous épithéliaux ; il semble moins important qu’après électrocoagulation ; il justifie le maintien d’une surveillance endoscopique. Récemment, Pech et al ont rapporté les résultats à long terme (3 ans) de la thérapie photodynamique par le 5-ALA, administré per os avec une illumination dans l’infrarouge, de 66 cas d’EBO soit en dysplasie sévère soit avec un carcinome intramuqueux. Si une destruction complète de la lésion visée a été obtenue dans quasiment tous les cas, une récidive a été observée au cours du suivi dans 20 à 30 % des cas sans obérer cependant la survie actuarielle à 5 ans [7]. Encore plus récemment, la même équipe allemande a confirmé l’intérêt d’une approche endoscopique pragmatique de l’œsophage de Barrett en dysplasie sévère, soit par mucosectomie lorsque la lésion dysplasique était bien identifiable, soit par PDT (5-ALA) lorsqu’elle ne l’était pas, traitements éventuellement combinés et dans quelques cas complétés par une électrocoagulation. Une récidive ou une lésion néoplasique métachrone est survenue dans 17 % des cas à 36 mois, retraitée avec succès de la même manière [8]. Cependant, les résultats publiés de la PDT par ALA dans cette indication restent contradictoires [9]. 162 • Les cancers œsophagiens superficiels Les résultats obtenus dans cette indication, qui mélangent des traitements réalisés, presque toujours avec le Photofrin®, parfois avec le Foscan®, pour des récidives œsophagiennes superficielles après radiothérapie selon l’AMM et ceux réalisés d’emblée pour des cancers superficiels non accessibles à une autre thérapeutique, ont été rapportés essentiellement par des équipes françaises [10-14]. Une destruction complète est obtenue dans environ 80 % des cas, sans différence entre épidermoïde et adénocarcinome. Le caractère profond et parfois transmural de la nécrose obtenue et la très relative rétention sélective du Photofrin® par la tumeur rendent compte de la survenue de complications, exceptionnellement des perforations dans l’arbre bronchique, plus fréquemment des sténoses notamment chez des patients traités après une radiothérapie. À l’heure actuelle, ce traitement peut être proposé : – pour des lésions mal limitées, relativement étendues et planes, mal accessibles à une mucosectomie, présumées superficielles (T1N0) au terme d’une exploration échoendoscopique au mieux réalisée avec une minisonde de haute fréquence ; on sait en effet que l’envahissement de la sous-muqueuse entraîne un risque d’extension ganglionnaire qui peut atteindre 20 % ; – en rattrapage après radiothérapie d’une lésion persistante, récidivante ou métachrone. Les patients aux antécédents de cancers des voies aéro-digestives qui ont un dépistage endoscopique systématique sont l’exemple d’une population volontiers susceptible de bénéficier d’une PDT. L’extension des indications de la PDT pour tous les cancers superficiels de l’œsophage ne relevant pas d’une mucosectomie passe encore, à notre sens, par une définition pré-thérapeutique plus sûre des cancers sans risque d’extension lymphatique, c’est-à-dire ne franchissant pas la musculaire muqueuse, et la mise en œuvre de systèmes d’illumination permettant une dosimétrie fiable. Ces conditions nous paraissent des préalables à une comparaison prospective randomisée avec la radiothérapie endoluminale (brachythérapie) et l’œsophagectomie. • Les cholangiocarcinomes et les cancers du pancréas non opérables ou non résécables C’est encore le cas de la majorité de ces cancers, notamment des cholangiocarcinomes qui intéressent le hile hépatique dans 70 % des cas (Klatskin II-IV), d’évolution essentiellement locorégionale et de sombre pronostic à court terme après le diagnostic en l’absence de traitement à visée curatrice ; ils relèvent le plus souvent d’un drainage biliaire palliatif réalisé par voie endoscopique rétrograde ou transhépatique (figure 5), dont l’efficacité conditionne la durée de la survie. Par ces voies d’abord, une PDT peut être réalisée avant la mise Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. en place d’une endoprothèse. Les résultats obtenus dans une étude randomisée par Ortner et al en 2003 comparant la PDT (Photofrin®) + endoprothèse versus drainage simple pour le traitement de cholangiocarcinomes inopérables ont fait l’effet d’un coup de tonnerre qui rend compte pour une grande part de l’effervescence actuelle autour de la PDT [15]. La démonstration d’un allongement très significatif de la survie dans le groupe traité par PDT (493 j versus 98 j, p < 0,01) ouvre en effet une perspective thérapeutique dans une indication fréquente qui en était quasi complètement dépourvue. La seule réserve tenait à une survie particulièrement médiocre dans le groupe non traité, laissant supposer un drainage inefficace. L’étude de Cheon a cependant confirmé ces résultats en montrant une amélioration de la survie dans le groupe traité versus un groupe non traité dont la survie était plus en accord avec les résultats d’un drainage biliaire efficace (558 j versus 288 j, p < 0,02) [16]. Par contre, le traitement par PDT des cancers du pancréas via l’implantation transcutanée de fibres optiques, est encore en cours d’évaluation ; la faisabilité et l’intérêt potentiel d’une telle prise en charge ont été rapportés par Bown avec le Foscan® [17]. 2. Bellnier DA, Dougherty TJ. A preliminary pharmacokinetic study of intravenous Photofrin in patients. J Clin Laser Med Surg 1996 ; 14 : 311-4. 3. Jori G, Beltramini M, Reddi E, Salvato B, Pagnan A, Ziron L, et al. Evidence for a major role of plasma lipoproteins as hematoporphyrin carriers in vivo. Cancer Lett 1984 ; 24 : 291-7. 4. Oku N, Saito N, Namba Y, Tsukada H, Dolphin D, Okada S. Application of long-circulating liposomes to cancer photodynamic therapy. Biol Pharm Bull 1997 ; 20 : 670-3. 5. Barr H, Stone N, Rembacken B. Endoscopic therapy for Barrett’s oesophagus. Gut 2005 ; 54 : 875-84. 6. Overholt BF, Panjehpour M, Haydek J-M. Photodynamic therapy for Barrett’s esophagus : follow-up in 100 patients. Gastrointest Endosc 1999 ; 49 : 1-7. 7. Pech O, Gossner L, May A, Rabenstein T, Vieth M, Stolte M, et al. Long-term results of photodynamic therapy with 5-aminolevulinic acid for superficial Barrett’s cancer and high-grade intraepithelial neoplasia. Gastrointest Endosc 2005 ; 62 : 24-30. 8. Behrens A, May A, Gossner L, Gunter E, Pech O, Vieth M, et al. Curative treatment for high-grade intraepithelial neoplasia in Barrett’s esophagus. Endoscopy 2005 ; 37 : 999-1005. 9. Peters F, Kara M, Rosmolen W, Aalders M, Ten Kate F, Krishnadath K, et al. Poor results of 5-aminolevulinic acid-photodynamic therapy for residual high-grade dysplasia and early cancer in barrett esophagus after endoscopic resection. Endoscopy 2005 ; 37 : 418-24. 10. Hochain P, Ducrotte P, Paillot B, Touchais JY, Thorel JM, Petit A, et al. Photodynamic therapy by coloring laser. Can it represent a therapeutic alternative for small epidermoid cancers of the esophagus? Gastroenterol Clin Biol 1992 ; 16 : 552-7. 11. Sibille A, Lambert R, Souquet JC, Sabben G, Descos F. Long-term survival after photodynamic therapy for esophageal cancer. Gastroenterology 1995 ; 108 : 337-44. Conclusion La thérapie photodynamique est un concept thérapeutique ancien qui bénéficie d’un regain d’intérêt lié au développement des lasers à diodes et à la démonstration de son efficacité pour le traitement de 2 situations pathologiques majeures en hépatogastroentérologie : la dysplasie de haut grade sur endobrachyœsophage et le cholangiocarcinome. Ces progrès ne doivent pas occulter les inconnues qui persistent quant au déroulement de la réaction photochimique et aux paramètres qui la régissent. Le photosensibilisant idéal reste à trouver. Enfin, le clinicien doit être au fait des modalités d’une illumination optimale. 12. Savary JF, Grosjean P, Monnier P, Fontolliet C, Wagnieres G, Braichotte D, et al. Photodynamic therapy of early squamous cell carcinomas of the esophagus : a review of 31 cases. Endoscopy 1998 ; 30 : 58-65. 13. Maunoury V, Mordon S, Bulois P, Mirabel X, Hecquet B, Mariette C. Photodynamic therapy for early esophageal cancer. Digestive and Liver Disease 2005 ; 37 : 491-5. 14. Etienne J, Dorme N, Bourg-Heckly G, Raimbert P, Flejou JF. Photodynamic therapy with green light and m-tetrahydroxyphenyl chlorin for intramucosal adenocarcinoma and high-grade dysplasia in Barrett’s esophagus. Gastrointest Endosc 2004 ; 59 : 880-9. 15. Ortner ME, Caca K, Berr F, Liebetruth J, Mansmann U, Huster D, et al. Successful photodynamic therapy for nonresectable cholangiocarcinoma : a randomized prospective study. Gastroenterology 2003 ; 125 : 1355-63. Références 16. Cheon YK, Cho YD, Baek SH, Cha SW, Moon JH, Kim YS, et al. Comparison of survival of advanced hilar cholangiocarcinoma after biliary drainage alone versus photodynamic therapy with external drainage. Korean J Gastroenterol 2004 ; 44 : 280-7. 1. 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