Mini-revue La thérapie photodynamique en hépato

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Mini-revue
La thérapie photodynamique
en hépato-gastroentérologie
Vincent Maunoury1,5, Serge Mordon2,5, Géraldine Sergent3,
Jean Boyer4,5
1
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Service des Maladies de l’Appareil digestif et de la Nutrition, Hôpital Huriez,
CHRU Lille, 59037 Lille Cedex
<[email protected]>
2
Inserm IFR 114, CHRU Lille
3
Service de Radiologie digestive et endocrinienne, CHRU Lille
4
Service des Maladies de l’Appareil digestif et de la Nutrition, CHRU Angers
5
Club francophone de thérapie photodynamique (CFTP)
La thérapie photodynamique (PDT) consiste à exciter par une
lumière monochromatique spécifique, dénuée d’effet thermique, un
photosensibilisant retenu électivement par les cellules tumorales
afin de déclencher une cascade de réactions cytotoxiques. Le
principal photosensibilisant actuellement utilisé en France est le
Photofrin® (laboratoire Axcan). En endoscopie digestive, l’excitation lumineuse est réalisée, via une fibre optique, par une lumière
laser de longueur d’onde correspondant au pic d’excitation du
photosensibilisant. En raison d’une rétention cutanée prolongée du
Photofrin®, le patient doit être informé des précautions à prendre
pour se protéger de toute lumière vive pendant au moins 3 semaines. En pathologie digestive, les principales indications, après
concertation multidisciplinaire, sont les cancers œsophagiens
superficiels soit en première intention (Barrett en dysplasie sévère,
malades inopérables), soit pour une récidive après radiothérapie,
et les cancers inopérables des voies biliaires pour prolonger la
survie des patients avec un drainage biliaire palliatif.
Mots clés : thérapie phothodynamique, œsophage de Barrett, cholangiocarcinome
doi: 10.1684/hpg.2007.0060
L
a thérapie photodynamique (photo dynamic therapy : PDT)
consiste à sensibiliser électivement une lésion par l’administration
d’un photosensibilisant puis à la détruire par une activation lumineuse spécifique du photosensibilisant. C’est une démarche en deux
temps : d’abord, 1) l’application ou l’administration d’un photosensibilisant qui s’accumule de manière variable, dans un délai de quelques
heures à 3 jours, dans la lésion à traiter ; puis 2) l’éclairage de la lésion
par une lumière de faible intensité, sans effet thermique, dont la longueur
d’onde est préférentiellement absorbée par le photosensibilisant. L’excitation du photosensibilisant initie alors par transfert d’énergie une cascade de réactions finalement cytotoxiques.
Principe de la thérapie photodynamique
Tirés à part : V. Maunoury
Rappelons d’abord que la lumière véhicule une énergie qui est en relation
inverse avec sa longueur d’onde : la lumière bleue (400 à 450 nm) est
Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007
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Mini-revue
Etats singulets
Photon
Substance
Oxygène
Substance
activée
Oxygène
singulet
Mort
cellulaire
Altérations
cellulaires
Fluorescence
S1
Absorption
Niveaux d’énergie
S2
Oxygène singulet
Etat triplet T1
Radicaux libres
S0
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Niveau fondamental
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Figure 1. Diagramme représentant les niveaux d’énergie d’une
molécule et les différentes voies conduisant à l’émission de fluorescence et aux processus de photosensibilisation [1].
Figure 2. Mécanisme de type II prépondérant dans le processus
photodynamique [1].
plus énergétique que la lumière rouge (600 à 700 nm).
D’autre part, sa pénétration dans les tissus augmente
avec la longueur d’onde : le rouge pénètre 3 à 5 fois
plus profondément que le bleu.
À l’état fondamental (S0), une molécule (ici le photosensibilisant) présente une énergie d’équilibre dite
minimale. Soumise à une excitation lumineuse, cette
molécule peut être portée à un niveau d’excitation
supérieur S1, S2... instable (l’absorption de lumière
étant un phénomène très rapide, l’électron promu à un
niveau d’énergie supérieure n’a pas le temps de modifier son spin et se retrouve dans une configuration dite
singulet S). Mais seuls certains photons, de longueur
d’onde définie, sont absorbés : à chaque molécule
correspond un spectre d’absorption (ou d’excitation).
La molécule excitée possède un excès d’énergie qu’elle
va perdre rapidement et spontanément soit sous forme
de chaleur, soit en émettant une fluorescence (photodiagnostic), soit enfin en passant par un état intermédiaire dit « triplet » dont le retour à l’état fondamental
est beaucoup plus lent que celui de l’état singulet
(figure 1).
C’est à l’état triplet que la molécule de photosensibilisant va avoir le temps de réagir avec les molécules
intracellulaires soit directement par des réactions
d’oxydoréduction qui conduisent à des espèces radicalaires toxiques, soit indirectement par transfert
d’énergie à l’oxygène amenant celui-ci à un état singulet, espèce oxydante pour les acides aminés, certaines
bases nucléiques et, à un moindre degré, les chaînes
lipidiques composant les membranes (figure 2).
Dans les 2 cas, la présence d’oxygène est essentielle
au processus photodynamique ; c’est un handicap
pour le traitement des lésions évoluées hypoxiques.
Dans le premier cas, le photosensibilisant est dégradé ;
dans le 2e, il revient à son état fondamental, disponible
pour une nouvelle excitation lumineuse. Le mécanisme
du 2e type est habituellement prépondérant.
Les photosensibilisants
Un photosensibilisant est une molécule non toxique
pour l’organisme et dénuée d’activité thérapeutique
propre. Il est idéalement caractérisé par :
– une fixation ou une rétention élective par les cellules
cancéreuses ;
– par un (ou parfois plusieurs) pic d’absorption lumineuse.
Administré en topique ou par voie générale, sa posologie dépend du poids du malade et non pas des
indications.
Trois photosensibilisants sont actuellement utilisés en gastroentérologie : le porfimère sodique (Photofrin® ou
Photobarr®, Axcan Pharma), le meta-tetra hydroxyphenyl
chlorin, mTHPC (Foscan®, Biolitec), et l’acide 5 aminolévulinique, 5-ALA (commercialisé par plusieurs sociétés
dont Medac, Dusa, Photocure) qui n’est pas un photosensibilisant mais un précurseur d’un photosensibilisant endogène, la protoporphyrine IX.
Dérivé de l’hématoporphyrine (HpD), le Photofrin® est
le photosensibilisant le plus anciennement et le plus
couramment utilisé. Son spectre d’absorption présente
plusieurs pics ; l’absorption est maximale dans le bleu
à 400 nm. Cependant, il est en pratique excité à
630 nm en raison d’un compromis entre l’absorption
de la molécule et la pénétration tissulaire de la lumière.
Il est excité 48 à 72 h après son administration IV
(2 mg/kg). Il présente plusieurs inconvénients : un faible coefficient d’absorption dans le rouge, un faible
gradient de concentration tumorale/tissu sain et une
photosensibilisation cutanée prolongée qui oblige les
patients à se protéger de la lumière vive pendant 3 à
6 semaines [2].
Le Foscan® offre l’avantage de pouvoir être excité dans
le vert qui pénètre dans les tissus trois fois moins
profondément que le rouge, ce qui permet en théorie
un traitement plus sûr mais aussi éventuellement trop
superficiel.
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Figure 3. Ballon diffuseur de lumière développé par la société Medlight™ (www.medlight.com).
Le 5-ALA est métabolisé en excès, pour des raisons mal
connues, en protoporphyrine IX dans les cellules tumorales ; administré per os à la posologie de 30 à
60 mg/kg, son accumulation est rapide (4 à 6 h) pour
un traitement qui peut être réalisé avec la même longueur d’onde et donc le même laser que pour le
Photofrin®. Surtout, sa rétention cutanée est brève (36
à 48 h).
Les vecteurs et la dynamique de l’accumulation (ou de
la rétention) des photosensibilisants dans les tumeurs
avec un gradient de concentration tissu tumoral/tissu
sain sont mal connus ; il s’agit d’un processus complexe faisant intervenir le type de la tumeur, sa taille, sa
vascularisation et le degré d’infiltration par les macrophages. Il est ainsi très variable et cette variabilité rend
compte de la reproductibilité parfois inconstante de la
PDT comme de ses effets secondaires (sténose). Ce
processus semble dépendant des lipoprotéines de
basse densité (LDL) qui sont les principaux transporteurs sanguins des porphyrines et dont les cellules
cancéreuses expriment plus de récepteurs spécifiques
que les cellules normales. D’autres travaux ont montré
le rôle du récepteur spécifique des LDL dans la capture
cellulaire des porphyrines [3]. Une méthode originale
consisterait à encapsuler le photosensibilisant dans des
vecteurs capables de le transporter sélectivement vers
les cellules tumorales [4]. Les liposomes sont le plus
couramment utilisés car ils peuvent incorporer en leur
sein aussi bien des molécules hydrophiles que des
molécules hydrophobes. Les liposomes ne peuvent
s’évader du compartiment sanguin, sauf lorsque
celui-ci est altéré par un état inflammatoire ou tumoral ;
d’autre part, leur structure « étrangère » à l’organisme
rend compte de leur destruction par les macrophages.
Ce double mécanisme explique leur intérêt potentiel
comme vecteur des photosensibilisants.
Les sources lumineuses (figure 6)
Une lumière d’excitation monochromatique et d’intensité définie est habituellement utilisée pour initier la
PDT. Observons néanmoins qu’une lumière blanche
couvrant les différents pics d’absorption du photosensibilisant initie aussi une réaction photodynamique.
Cela explique la photosensibilité cutanée. Néanmoins,
une source de lumière laser est le plus souvent
employée car elle est non seulement monochromatique
Figure 4. Diffuseur cylindrique à l’extrémité d’une fibre optique développée par la société Osyris™ (www.osyris.com).
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Figure 5. Thérapie photodynamique par voie endoscopique rétrograde d’un cholangiocarcinome.
Figure 6. Source laser DIOMED pour PDT à 630 nm.
mais elle a surtout l’avantage de pouvoir être conduite
dans une fibre optique passée dans le canal opérateur
d’un endoscope.
Une des raisons du renouveau actuel de la PDT tient à la
mise à disposition de diodes laser de différentes longueurs d’onde, d’usage plus facile et de coût bien
moindre que les lasers à colorant accordables initialement employés. Le plus souvent, les lasers diodes proposés pour la thérapie photodynamique émettent à
630, 635, 652 ou 730 nm. Rappelons que la longueur
d’onde de la lumière émise est un paramètre essentiel,
dépendant de l’absorption du photosensibilisant mais
aussi déterminant de la profondeur de l’action photodynamique : superficielle dans le bleu (400 nm), plus
profonde dans le rouge et l’infrarouge (600 à 700 nm).
que. Le système de diffusion lumineuse vise à appliquer
une dose de lumière optimale, définie par unité de
surface lésionnelle. Elle est exprimée en J/cm2
(fluence). Elle dépend des indications. Elle correspond
à la puissance (en Watts (W)) délivrée par le laser au
niveau du diffuseur (après calibration) multipliée par le
temps d’exposition (en secondes (s)), rapportée à la
surface illuminée en cm2.
Dose de lumière (J/cm2) = puissance (W) × temps de
traitement (s)/surface (cm2).
En pratique, elle est souvent exprimée en joules/cm de
diffuseur ; c’est ainsi que pour une illumination de
Les systèmes d’illumination
La mise en œuvre de la PDT requiert un applicateur ou
un diffuseur de lumière, le plus souvent cylindrique, de
longueur variable, situé à l’extrémité d’une fibre optique à usage unique. Ces fibres, en silice (Biolitec™),
semi-rigide, pour l’œsophage, ou en plastique (Medlight™), plus souple, montées pour les voies biliaires à
l’intérieur d’un cathéter, ne présentent jamais une transmission de 100 % ; par conséquent, l’intensité lumineuse en bout de fibre ou au niveau du diffuseur
cylindrique est diminuée par rapport à l’intensité délivrée par la source. C’est la raison pour laquelle la fibre
doit être calibrée (sphère de calibration) avant son
utilisation afin que l’émission laser compense la perte
liée à la transmission par la fibre.
Une illumination optimale distribue la lumière de
manière homogène au tissu visé ; la sélectivité de la
rétention du photosensibilisant est insuffisante pour
mettre le tissu sain à l’abri de la réaction photochimi-
160
En résumé
• Les indications principales de la thérapie photodynamique par
voie endoscopique sont les dysplasies de haut grade sur endobrachyœsophage, les récidives œsophagiennes superficielles
après traitement locorégional du cancer de l’œsophage et les
cholangiocarcinomes non résécables et/ou non opérables.
• En cas de dysplasie de haut grade sur endobrachyœsophage,
une destruction de la dysplasie est obtenue dans 90 % des cas et
une disparition de l’EBO dans plus de la moitié des cas.
• En cas de cancer œsophagien superficiel, une destruction
complète est obtenue dans environ 80 % des cas. Les principales
indications sont :
– les lésions superficielles (T1N0) mal limitées, relativement
étendues et planes, mal accessibles à une mucosectomie chez
des patients inopérables ;
– les lésions persistantes après radiothérapie, récidivantes ou
métachrones.
• En cas de cholangiocarcinomes non opérables ou non résécables, la démonstration d’un allongement très significatif de la
survie dans le groupe traité par PDT ouvre une perspective
thérapeutique dans une pathologie fréquente qui en était quasi
complètement dépourvue.
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300 J/cm recommandé pour le traitement du cancer
superficiel de l’œsophage par le Photofrin®, avec un
diffuseur de 2 cm de long délivrant une puissance de
1 W, la durée d’illumination sera de 600 s (10 minutes). En pratique encore, le traitement d’une lésion
néoplasique œsophagienne est volontiers réalisé par
une fibre avec un diffuseur cylindrique mais en prenant
la précaution de masquer l’hémicirconférence saine,
par exemple par l’emploi d’un capuchon de Hood pour
extraction de corps étranger recoupé ; par contre, un
traitement circonférentiel tel un EBO requiert de
manière plus indispensable un ballon centreur et diffuseur de lumière (figure 3).
En effet idéalement, la surface traitée est mieux définie
par l’utilisation d’un ballon centreur et diffuseur de
lumière. Le ballon est un cylindre de diamètre (D) et de
longueur (L) définis ; par exemple, si D = 1,8 cm et
L = 2 cm, sa surface est de 11 cm2. En reprenant
l’exemple ci-dessus, la fluence sera de 1 W X
600 s/11 cm2 = 55 J/cm2. Mais si le ballon est
« gonflé » à un diamètre inférieur, par exemple
1,5 cm, sa surface sera de 9 cm2 ; en gardant les
mêmes paramètres que ci-dessus, il y aura une surexposition lumineuse de 20 % (67 J/cm2) ; il faudra donc
réduire le temps d’exposition à 480 s pour garder la
même dose de lumière appliquée aux tissus.
Enfin, on note que pour une dose de lumière constante,
la puissance et le temps d’illumination peuvent varier. Il
semble préférable, pour une meilleure efficacité de la
PDT, de diminuer la puissance et d’allonger le temps
d’illumination ; cela évite la dégradation trop rapide
du photosensibilisant (photobleaching) et l’épuisement
brutal des « réserves » du tissu en oxygène.
Le malade doit enfin éviter d’exposer sa peau et ses
yeux à toute lumière vive pendant une durée variable
(un mois pour le Photofrin®), fonction du photosensibilisant, afin d’éviter d’éventuels accidents (brûlures) de
phototoxicité cutanée. L’exposition à une lumière de
faible intensité (pénombre) est par contre recommandée pour favoriser la dégradation du produit retenu
dans la peau. Ces précautions doivent être expliquées
au patient avant le traitement ; son information est
renforcée par la délivrance d’un « Guide du patient ».
La fibre optique diffusante (figure 4) est passée dans le
canal opérateur de l’endoscope. Les vidéoendoscopes
ne sont pas équipés d’un filtre électronique supprimant
le spectre lumineux émis lors du traitement à 630 nm
(pour le Photofrin®), d’où un « éblouissement » du
CDD ; en pratique, une fois le diffuseur en place, le
traitement est réalisé en aveugle, le vidéoendoscope
éteint (ce qui, de plus, évite une surexposition lumineuse liée à la lumière de l’endoscope). Il peut être
relativement plus pratique, si l’on peut encore en disposer, d’utiliser un fibroscope, avec des lunettes qui
supprime la lumière diffusée lors du traitement sur une
bande spectrale autour de 630 nm.
Aucun traitement associé n’est requis. En l’absence de
toxicité cumulative, le traitement peut être renouvelé. Le
cas échéant, la réalisation d’une PDT ne constitue
nullement une gêne à la mise en œuvre ultérieure d’une
radio et/ou chimiothérapie.
Clinique, endoscopique et histopathologique, une surveillance est pratiquée au mieux 2 mois après le traitement d’une lésion œsophagienne, puis tous les 6 mois
pendant 2 ans, puis ensuite adaptée aux risques de
récidive ou associés de la pathologie traitée.
Indications
Les applications
en hépato-gastroentérologie
Matériel et méthode
L’information préalable du malade au cours d’une
consultation particulière est essentielle au bon déroulement du traitement. Bien qu’indolore, le traitement est
au mieux réalisé sous anesthésie générale. Les suites
sont habituellement simples en dehors de quelques
douleurs relevant d’un traitement antalgique simple.
L’alimentation normale peut être reprise sans délai ; il
est rare que l’intensité de la réaction nécrotique nécessite une détersion endoscopique. Toute réaction
d’intensité ou de durée inhabituelle nécessite un bilan
hospitalier pour éliminer une perforation de survenue
différée. À un peu plus long terme, la survenue d’une
sténose est une complication non exceptionnelle habituellement soulagée par des dilatations prudentes parfois itératives.
Elles résultent, au terme d’un bilan préthérapeutique,
d’une discussion en Unité de concertation pluridisciplinaire en oncologie. Il faut distinguer les indications de
l’AMM des photosensibilisants et celles en cours d’évaluation. Ce sont respectivement :
– les dysplasies de haut grade sur endobrachyœsophage et les récidives œsophagiennes superficielles
après traitement locorégional du cancer de l’œsophage ;
– les cancers œsophagiens superficiels non accessibles à une autre thérapeutique et les cholangiocarcinomes non résécables et/ou non opérables.
Résultats
• Les dysplasies de haut grade (DHG) sur
endobrachyœsophage (EBO)
Le risque de dégénérescence proche de 50 % à 5 ans
des dysplasies de haut grade sur endobrachyœsophage justifie une prise en charge thérapeutique agres-
Hépato-Gastro, vol. 14, n°2, mars-avril 2007
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Mini-revue
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sive qui vise à supprimer la dégénérescence présumée
superficielle (échoendoscopie) et à détruire la métaplasie intestinale spécialisée pour permettre son remplacement par une muqueuse malpighienne, réparation
favorisée par l’association d’un traitement prolongé et
renforcé par un inhibiteur de la pompe à protons. Chez
des patients volontiers âgés, fragiles et surtout asymptomatiques, la mise en œuvre d’un traitement endoscopique est une alternative séduisante à une œsophagectomie. La PDT peut être préférée à une mucosectomie
soit très large, circonférentielle, encore peu pratiquée,
soit souvent incomplète lorsque la lésion dysplasique
est mal limitée, et qui laisse en plus persister le risque
de lésions synchrones méconnues ou métachrones au
sein de l’EBO restant [5]. La PDT offre l’avantage
théorique d’un traitement global et homogène qui
peut-être réalisée en une séance. L’expérience d’Overhold fait autorité : chez 100 malades avec une dysplasie de haut grade dont 13 ADK traités par PDT
(Photofrin®), une destruction de la DHG a été obtenue
dans 91 % des cas et de l’EBO dans 43 % des cas [6].
Ces résultats ont été confirmés par une étude multicentrique internationale montrant, 2 ans après le diagnostic d’une dysplasie sévère, une évolution dans 13 %
des cas vers un ADK dans le groupe traité par PDT (et
Oméprazole) versus 28 % dans le groupe simplement
surveillé et traité par Oméprazole® (p < 0,05). La
persistance de reliquats superficiels d’EBO, sous forme
d’îlots ou de languettes, peut ensuite être éradiquée
par une électrocoagulation par plasma argon. Plus
ennuyeux est le risque de persistance d’îlots glandulaires sous épithéliaux ; il semble moins important
qu’après électrocoagulation ; il justifie le maintien
d’une surveillance endoscopique. Récemment, Pech et
al ont rapporté les résultats à long terme (3 ans) de la
thérapie photodynamique par le 5-ALA, administré per
os avec une illumination dans l’infrarouge, de 66 cas
d’EBO soit en dysplasie sévère soit avec un carcinome
intramuqueux. Si une destruction complète de la lésion
visée a été obtenue dans quasiment tous les cas, une
récidive a été observée au cours du suivi dans 20 à
30 % des cas sans obérer cependant la survie actuarielle à 5 ans [7]. Encore plus récemment, la même
équipe allemande a confirmé l’intérêt d’une approche
endoscopique pragmatique de l’œsophage de Barrett
en dysplasie sévère, soit par mucosectomie lorsque la
lésion dysplasique était bien identifiable, soit par PDT
(5-ALA) lorsqu’elle ne l’était pas, traitements éventuellement combinés et dans quelques cas complétés par
une électrocoagulation. Une récidive ou une lésion
néoplasique métachrone est survenue dans 17 % des
cas à 36 mois, retraitée avec succès de la même
manière [8]. Cependant, les résultats publiés de la PDT
par ALA dans cette indication restent contradictoires [9].
162
• Les cancers œsophagiens superficiels
Les résultats obtenus dans cette indication, qui mélangent des traitements réalisés, presque toujours avec le
Photofrin®, parfois avec le Foscan®, pour des récidives
œsophagiennes superficielles après radiothérapie
selon l’AMM et ceux réalisés d’emblée pour des cancers superficiels non accessibles à une autre thérapeutique, ont été rapportés essentiellement par des équipes françaises [10-14]. Une destruction complète est
obtenue dans environ 80 % des cas, sans différence
entre épidermoïde et adénocarcinome. Le caractère
profond et parfois transmural de la nécrose obtenue et
la très relative rétention sélective du Photofrin® par la
tumeur rendent compte de la survenue de complications, exceptionnellement des perforations dans l’arbre
bronchique, plus fréquemment des sténoses notamment
chez des patients traités après une radiothérapie. À
l’heure actuelle, ce traitement peut être proposé :
– pour des lésions mal limitées, relativement étendues
et planes, mal accessibles à une mucosectomie, présumées superficielles (T1N0) au terme d’une exploration
échoendoscopique au mieux réalisée avec une minisonde de haute fréquence ; on sait en effet que l’envahissement de la sous-muqueuse entraîne un risque
d’extension ganglionnaire qui peut atteindre 20 % ;
– en rattrapage après radiothérapie d’une lésion
persistante, récidivante ou métachrone. Les patients
aux antécédents de cancers des voies aéro-digestives
qui ont un dépistage endoscopique systématique sont
l’exemple d’une population volontiers susceptible de
bénéficier d’une PDT.
L’extension des indications de la PDT pour tous les
cancers superficiels de l’œsophage ne relevant pas
d’une mucosectomie passe encore, à notre sens, par
une définition pré-thérapeutique plus sûre des cancers
sans risque d’extension lymphatique, c’est-à-dire ne
franchissant pas la musculaire muqueuse, et la mise en
œuvre de systèmes d’illumination permettant une dosimétrie fiable. Ces conditions nous paraissent des préalables à une comparaison prospective randomisée
avec la radiothérapie endoluminale (brachythérapie)
et l’œsophagectomie.
• Les cholangiocarcinomes et les cancers du
pancréas non opérables ou non résécables
C’est encore le cas de la majorité de ces cancers,
notamment des cholangiocarcinomes qui intéressent le
hile hépatique dans 70 % des cas (Klatskin II-IV), d’évolution essentiellement locorégionale et de sombre pronostic à court terme après le diagnostic en l’absence de
traitement à visée curatrice ; ils relèvent le plus souvent
d’un drainage biliaire palliatif réalisé par voie endoscopique rétrograde ou transhépatique (figure 5), dont
l’efficacité conditionne la durée de la survie. Par ces
voies d’abord, une PDT peut être réalisée avant la mise
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en place d’une endoprothèse. Les résultats obtenus
dans une étude randomisée par Ortner et al en 2003
comparant la PDT (Photofrin®) + endoprothèse versus
drainage simple pour le traitement de cholangiocarcinomes inopérables ont fait l’effet d’un coup de tonnerre
qui rend compte pour une grande part de l’effervescence actuelle autour de la PDT [15]. La démonstration
d’un allongement très significatif de la survie dans le
groupe traité par PDT (493 j versus 98 j, p < 0,01)
ouvre en effet une perspective thérapeutique dans une
indication fréquente qui en était quasi complètement
dépourvue. La seule réserve tenait à une survie particulièrement médiocre dans le groupe non traité, laissant supposer un drainage inefficace. L’étude de
Cheon a cependant confirmé ces résultats en montrant
une amélioration de la survie dans le groupe traité
versus un groupe non traité dont la survie était plus en
accord avec les résultats d’un drainage biliaire efficace
(558 j versus 288 j, p < 0,02) [16]. Par contre, le
traitement par PDT des cancers du pancréas via
l’implantation transcutanée de fibres optiques, est
encore en cours d’évaluation ; la faisabilité et l’intérêt
potentiel d’une telle prise en charge ont été rapportés
par Bown avec le Foscan® [17].
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Conclusion
La thérapie photodynamique est un concept thérapeutique ancien qui bénéficie d’un regain d’intérêt lié au
développement des lasers à diodes et à la démonstration de son efficacité pour le traitement de 2 situations
pathologiques majeures en hépatogastroentérologie :
la dysplasie de haut grade sur endobrachyœsophage
et le cholangiocarcinome. Ces progrès ne doivent pas
occulter les inconnues qui persistent quant au déroulement de la réaction photochimique et aux paramètres
qui la régissent. Le photosensibilisant idéal reste à
trouver. Enfin, le clinicien doit être au fait des modalités
d’une illumination optimale.
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