Quatuor Jerusalem © Félix Broede Musique de chambre Jeudi 10 décembre 2015 à 20h Salle de l’Esplanade Durée : 1h30 + entracte Quatuor Jerusalem ALEXANDER PAVLOVSKY : Premier violon SERGEI BRESLER : Deuxième violon ORI KAM : Alto KYRIL ZLOTNIKOV : Violoncelle — HAYDN Quatuor op. 77 BARTÓK : Quatuor n°6, SZ 114 DVOŘÁK : Quatuor n°12 « Américain », op. 96 2 HAYDN : Quatuor op. 77 En 1799, Haydn entreprit une nouvelle série de six quatuors destinés au prince Lobkowitz, mais n’en acheva que deux, dont les autographes, conservés à Budapest, sont datés l’un et l’autre de cette même année. Son travail sur Les Saisons (jusqu’au début de 1801) l’empêcha de mener à bien les quatre autres. Au début de 1802, il commença un autre quatuor pour obtenir au moins une série de trois ; mais cet ouvrage (op. 103) devait rester inachevé, et, en septembre1802, Haydn accepta une publication séparée des deux de l’op. 77 chez Artaria à Vienne. Le numéro d’op. 77 et l’ordre traditionnel des deux quatuors proviennent de cette édition. À noter qu’au même moment que Haydn écrivait l’op. 77, Beethoven composa ses premiers quatuors, – parus en 1801 avec une dédicace au même mécène, le prince Lobkowitz. Le troisième mouvement de l’op. 77 n°1, bien qu’intitulé Menuetto, est le plus extraordinaire scherzo jamais écrit par Haydn. Le tempo est presto, et il faut absolument s’y tenir. Le discours démarre avec fougue, et, aux mesures 8 et 10, le premier violon se livre à des sauts de deux octaves, et même de deux octaves et demie vers l’aigu. JOSEPH HAYDN (1732-1809) Né à Rohrau (Basse-Autriche), le 31 mars (ou le 1er avril) 1732 ; mort à Vienne, le 31 mai 1809. Il fut d’extraction modeste (son père était charron) et de famille nombreuse (douze enfants, – dont son cadet, Michael, lui-même plus tard compositeur en renom). Il entra dans la carrière musicale grâce à sa voix, en devenant petit chanteur à la cathédrale de Vienne. Mais le premier événement important de sa vie fut la rencontre de l’illustre Porpora, qui lui enseigna sa méthode de chant ainsi que la composition. Vers 1757, Haydn produit ses premiers quatuors à cordes (op. 1 et 2) : ils établissent sa réputation parmi l’aristocratie viennoise. Vers 1758, il est engagé par le comte Morzin. Troisième événement capital : en 1761, Haydn entre au service des princes Eszterhazy à Eisenstadt, puis à Eszterhaza – un « petit Versailles » pourvu de deux théâtres ; il y restera jusqu’en 1790, composant pour Eszterhaza presque tous ses opéras et nombre de ses œuvres symphoniques et de chambre. Pendant l’hiver de 1781-1782, rencontre de 3 Mozart à Viene : une amitié faite d’admiration réciproque liera les deux hommes. En 1791, (année de la mort de Mozart), Haydn, libéré de ses engagements à Eszterhaza, arrive à Londres, qui lui réserve un accueil triomphal : il y compose une série de six symphonies « londoniennes ». Second séjour à Londres en 1794-1795 ; – avec six nouvelles symphonies (n°99 à 104, les dernières) : même triomphe. En 1795, retour définitif à Vienne : Haydn composera encore six messes, des quatuors à cordes, et, surtout, deux grands oratorios, la Création et les Saisons. Il fait, en 1808, son ultime apparition en public pour une exécution de la Création : c’est l’apothéose. Il mourra l’année suivante. Longue et fructueuse carrière que celle de ce musicien d’une grande noblesse d’âme et tout pétri d’humour, – dont l’œuvre abondante aura embrassé à peu près tous les genres. C’est peut-être dans le domaine de la musique de chambre que Haydn expérimenta et affirma le mieux ses conquêtes formelles et expressives, – au point d’abolir l’ancienne tradition viennoise et d’en créer une toute nouvelle dont les héritiers directs seraient Mozart et Beethoven, et – plus lointainement, doit-on s’en étonner ? – un Arnold Schoenberg. Les Quatuors à cordes, en particulier, tiennent dans l’œuvre du musicien, comme dans l’évolution du genre, une place privilégiée : Haydn prit le quatuor à cordes à ses débuts pour le transformer totalement, et l’amener au seuil « sensible » du Romantisme. BARTÓK : Quatuor n°6, SZ 114 Initialement destiné au Quatuor Hongrois, le Sixième Quatuor fut commencé en août 1939 à Saanen, dans la résidence suisse de Paul Sacher (commanditaire, dédicataire et créateur de la musique pour cordes, percussion et célesta), et terminé à Budapest au mois de novembre. Il sera crée par le Quatuor Kolisch le 20 janvier 1941 à New York. Pendant les cinq années qui séparent ce quatuor du précédent, Bartók s’est consacré à plusieurs recueils de chants populaires, a achevé la composition de des Mikrokosmos, et surtout, composé deux de ses plus grands chefs d’œuvre avec la Musique pour cordes, percussion et célesta (Sz. 106, 1936) et la Sonate pour deux pianos et percussion (Sz. 110, 1937). Chargé de désespoir, le Quatuor n°6 diffère fondamentalement des précédents dans la forme globale qui, si elle conserve de la forme concentrique, est organisée en quatre mouvements aux tempos progressivement ralentis : comme guidé par une autre forme « en arche » coiffant l’ensemble des six quatuors, Bartók, qui ignorait qu’il s’agissait de son dernier quatuor, adopte dans le Sixième la démarche exactement inverse du Premier. De plus, une idée thématique réapparait en guise d’introduction à chaque mouvement sous l’aspect d’un Mesto (« triste »). Cette « ritournelle » qui prend une allure de leitmotiv de plus en plus obsédant, connait à chaque fois une présentation différente, étant donnée successivement par l’alto solo, 4 par le violoncelle soutenu par un contrechant en trémolos avant la Marcia, par tout le Quatuor avant la Burletta, jusqu’à irriguer entièrement le quatrième mouvement. BÉLA BARTÓK (1881-1945) Ayant commencé l'étude du piano avec sa mère, le jeune Bartók continue à travailler l'instrument ainsi que l'harmonie avec László Erkel. À partir de 1899, il est élève d'István Thomán à l'Académie royale de Budapest pour le piano et de János Koessler pour la composition. Très impressionné par Brahms, puis, par les poèmes symphoniques de Richard Strauss, il écrit Kossuth, marqué par le courant nationaliste hongrois. C'est en découvrant l'œuvre de Debussy qu'il se détache rapidement de Strauss. Nommé en 1907 professeur de piano à l'Académie de Musique de Budapest, il partage sa vie entre l'étude de la musique populaire et la composition. Peu avant la Première Guerre mondiale, il donne ses premières œuvres importantes avec des pièces pour piano (Allegro barbaro), son Premier Quatuor et le Château de Barbe-Bleue. La période 1920-1940 voit naître une floraison de chefsd'œuvre, tant dans le domaine symphonique (Musique pour cordes, percussion et célesta) que dans les domaines pianistiques (En plein air, Sonate, etc.) et de la musique de chambre (Quatuor n°3 à 6, Sonate pour deux pianos et percussion). Sa situation devient de plus en plus difficile en Hongrie où la montée du nazisme le contraint à s'expatrier aux États-Unis, où il travaille à l'Université Columbia. — DVOŘÁK : Quatuor n°12 « Américain », op. 96 La partition de chambre la plus célèbre du compositeur tchèque fut écrite en seize jours (du 8 au 23 juin 1893) à Spilville, petite cité de l’Iowa. Le responsable de la chorale de l’église St. Wenceslas, la paroisse du lieu, n’était autre que le père de Josef Kovarik, un jeune violoniste tchèque que Dvorak avait emmené avec lui à titre de secrétaire et d’assistant. Grâce à ce séjour auprès d’immigrants tchèques, le compositeur put retrouver ses racines bohêmes et découvrir la musique des noirs en prière comme leurs chants de fête ou de deuil. Le Quatuor fut composé conjointement au Quintette à cordes des B 180 (v. plus loin), et présente quelques points communs avec la 9e symphonie (« du nouveau monde »). 5 Cette partition porte le qualificatif d’américain ou de nègre. Les éléments « américains » sont, par exemple, l’utilisation de la gamme pentatonique dans les gammes mineures, de l’intervalle de septième à la place de la sensible, de rythmes pointés ou syncopés où, cette fois, la tradition tchèque rejoint celle des noirs. Le séjour à Spilville ajoute deux traits particuliers : l’imitation que réalise le premier violon, au début du Scherzo, de l’intonation du tanager rouge (oiseau damné, rouge mais aux ailes noires !) de la famille des fauvettes, et, à la fin du Vivace, le bref passage en forme de choral certainement lié à une expérience du compositeur à l’orgue de la paroisse St. Wenceslas. ANTONIN LEOPOLD DVOŘÁK (1841-1904) Né le 8 septembre 1841, à Nelahozeves (Bohême) ; mort le 1er mai 1904, à Prague. Fils d’un boucher-aubergiste, Antonin vient néanmoins à Prague à seize ans pour recevoir un solide enseignement classique où Mozart, Schubert, et surtout Beethoven servent de références. Il apprend le piano, puis le violon. Il est engagé en 1862 comme altiste remplaçant du Théâtre provisoire où il découvre, sous la baguette de Smetana interprétant ses propres opéras, l’existence d’une musique nationale tchèque. Contrairement à ce dernier, il ne milite pas contre la domination autrichienne des Habsbourg, mais devient patriote à sa manière en utilisant le patrimoine populaire paysan de sa Bohême natale. Organiste de Saint-Aldebert à Prague en 1973, il devient un protégé de Brahms qui le recommande à son éditeur Simrock de Berlin ; Dvořák aborde toutes les formes de la musique, symphonies, opéras, cantates, piano. Il subit d’abord l’influence de Liszt et de Wagner, – tant dans ses premières symphonies que dans ses quatuors à cordes (n°1 à 6). Afin d’endiguer sa verve mélodique inépuisable, il s’astreint à suivre les modèles classiques par l’emploi de la forme sonate, en musiques symphonique et de chambre. Les références techniques à Brahms, mélodiques à Mozart et Schubert, sont fréquentes dans sa période d’intense assimilation (du Quintette à cordes en sol mineur au 9e quatuor). Vient alors la période slave, marquée d’abord par son émancipation symphonique (6e et 7e Symphonies), mais, également en musique de chambre, par l’utilisation de mélodies et danses tchèques comme la dumka (méditation élégiaque comportant un refrain de franche gaieté), le furiant (qui étonne par sa métrique binaire se superposant à un pas ternaire), enfin la skoćkná (ou « sauteuse »). La stylisation de ces formes paysannes authentiques 6 adaptées à un discours à l’intense romantisme débouche sur toute une série de chefs-d’œuvre pour cordes, parfois avec piano, – sans équivalents, même chez Schumann ou Brahms qui ont servi de modèles. La dernière période, liée à un séjour de trois ans aux Etats-Unis, voit la musique de Dvořák s’émanciper complètement du moule classique pour atteindre une facilité d’expression sans partage qui fait le prix du Trio avec piano en fa mineur, dense et ramassé, du Quatuor avec piano en mi bémol, de la guirlande de dumky (pluriel de dumka) que forme le Trio B 166, du célébrissime Quatuor « américain » (avec son irrésistible Lento), du 13e Quatuor en sol (dont l’Adagio conjugue la finesse slave et la densité du dernier Beethoven). Le compositeur tchèque fut un sage, un homme en paix avec lui-même, dont la musique reflète l’optimisme et la bonté profonde. Semblables qualités sont presque uniques dans le répertoire romantique, – naturellement sombre et agité. Cette absence d’angoisse ou d’anxiété n’ôte rien à la splendeur et à la richesse des matériaux mélodiques utilisés. Compositeur prolifique, Dvořák est arrivé, à sa maturité, à créer spontanément un langage musical beau, charmeur, hautement élaboré, volontairement non révolutionnaire, mettant en valeur les voix instrumentales choisies (où l’alto est fréquemment le truchement du compositeur). © Félix Broede Quatuor Jerusalem Fondé en 1993, le Quatuor Jerusalem a commencé sa formation à Jérusalem sous la direction du violoniste Avi Abramovitch. De 1999 à 2001, le quatuor est soutenu par la BBC (BBC New Generation Artists) et en 2003, il bénéficie du premier Borletti-Buitoni Trust Award. Le Quatuor Jerusalem est invité dans les plus grandes salles de concerts du monde y compris aux États-Unis où il est de plus en plus présent. Il se produit en concert avec Alexander Melnikov, Lawrence Power ou Sharon Kam. Enregistrée chez harmonia mundi, la discographie du quatuor a été distinguée par de nombreux prix internationaux. Son interprétation de La Jeune Fille et la Mort de Schubert a été distinguée par un Diapason d'or de l'année 2008 et un ECHO Klassik en 2009, tandis que le dernier enregistrement paru, consacré aux Quintette et Quatuor avec piano de Schumann a été distingué par le BBC Music Magazine, Scherzo et Télérama. Le Quatuor Jerusalem remercie chaleureusement Daniel Barenboim pour le prêt généreux à Kyril Zlotnikov du violoncelle “Sergio Perresson” ayant appartenu à Jacqueline du Pré. 7 Bientôt à l’Arsenal Jeudi 17 déc. 2015 à 20h BACH / PASSION / JOHANNES Laurent Chétouane Solistenensemble Kaleidoskop Dimanche 10 jan. 2016 à 12h30 Le Brunch Les Dîners Insolites du Patrimoine Baroque / Danse Samedi 9 jan. 2016 à 20h Jimi’s back Nguyên Lê Jazz Dimanche 10 jan. 2016 à 11h30 Autour des Variations Goldberg de Bach III Anne-Catherine Bucher (Clavecin) Café baroque | Une journée autour… du clavecin Dimanche 10 jan. 2016 à 14h30 À propos des Variations Goldberg, histoire d’un chef-d’œuvre Par Gilles Cantagrel Rencontre Lichtschalter © Édition totale éclipse Dimanche 10 jan. 2016 à 16h Suites dansées Christophe Rousset & Alban Richard Danse + Baroque | Une Journée autour… du clavecin Toute la saison sur www.arsenal-metz.fr, et sur les réseaux sociaux Arsenal Metz en Scènes Direction Générale : Jean-François Ramon Déléguée Artistique : Michèle Paradon 3 avenue Ney F-57000 Metz Bill. : +33 (0)3 87 74 16 16 Adm. : +33 (0)3 87 39 92 00 8 + Exposition Jusqu’au 31 jan. 2016 éclipse partielle Photographies et livres Nathalie Wolff & Matthias Bumiller