Effets indésirables des inhibiteurs de la pompe à proton Pr Laurent ALRIC Service de Médecine Interne-Pôle Digestif CHU PURPAN 05.61.77.95.51 L’utilisation en France des inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) ne cesse d’augmenter et ce type de molécule est l’une des plus prescrite avec des indications qui pour certaines sont bien codifiées alors que d’autres sont plus discutables. Dans ce contexte de prescription massive d’un médicament réputé avoir une excellente tolérance, le médecin doit légitimement savoir dépister un certain nombre d’effets secondaires. Certains effets secondaires inattendus sont réels alors que d’autres sont beaucoup plus hypothétiques. Il a été longtemps suspecté un risque des IPP comme étant associé à une augmentation du risque de cancer colo rectal. Une large étude américaine ayant porté sur plus de 457 000 personnes a montré qu’il ne s’agissait pas d’un lien statistique et qu’il n’y a donc pas d’association entre l’utilisation d’un IPP et la survenue d’un cancer colo rectal. Par contre, il est maintenant bien identifié que l’utilisation d’un IPP peut être associée à un certain nombre d’anomalies biologiques. En particulier, la prescription au long cours surtout à fortes doses peut être responsable d’une hypomagnésémie avec parfois des complications neurologiques graves comme des tremblements ou des épisodes convulsifs. De même, la survenue d’une hyponatrémie est rare mais elle peut être associée à une néphrite interstitielle qui reste exceptionnelle puisque seulement 64 cas ont été rapportés. L’utilisation au long cours d’un IPP est parfois à l’origine d’une carence en vitamine B12 et cela est particulièrement observé chez les patients âgés qui utilisent ce type de médicament de manière régulière et prolongée. L’achlorydrie induite par les IPP peut gêner l’absorption du fer alimentaire et donc être à l’origine d’une carence martiale inexpliquée. De manière plus étonnante, il a été mis en évidence un risque de fracture du col du fémur ostéoporotique lié à l’utilisation des IPP et plusieurs méta-analyses l’ont démontré avec une augmentation du risque relatif de 1,9 à 4,7. Ce risque augmente d’ailleurs avec la dose et la durée d’utilisation. Il est maintenant également bien admis que la prise au long cours d’IPP augmente de manière très significative le risque de pneumopathie avec des odds ratios de 2,1 à 3,8 mais également le risque de récidive après un 1er épisode. Sur le plan infectieux, l’utilisation d’IPP augmente également de manière très significative le risque de colite à clostridium difficile et cela de manière indépendante à la prise ou non d’antibiotiques. Pour ce qui est des interactions médicamenteuses, il s’agit d’un problème réel et cela est lié à l’augmentation du pH et à des inhibitions enzymatiques qui peuvent modifier la concentration d’autres médicaments. Cela est vrai pour certains anti rétroviraux ou des dérivés imidazolés. Il a également été rapporté l’augmentation de la concentration de certains médicaments coprescrits comme la digoxine ou la nifédipine ou le méthotrexate à forte dose. La démonstration la plus intéressante de la nécessaire réflexion à avoir avant la prescription d’un IPP est venue des expériences récentes sur le volontaire sain. Ainsi, si on donne à un patient n’ayant aucun symptôme particulier un IPP que l’on arrête ensuite brutalement, on voit apparaître de manière très significative chez ce sujet sain des symptômes de pyrosis qui amènent à réintroduire au long cours le traitement par IPP. Ainsi un éditorial récent d’une revue américaine titré « il existe une évidence que les IPP induisent les symptômes qu’ils sont sensés traiter ».Pour les patients qui prennent au long cours le traitement par IPP pour un pyrosis, le sevrage est souvent difficile à obtenir et très souvent il faut essayer d’espacer les prises ou de diminuer les doses avant de pouvoir arriver à les sevrer de ce traitement. Les IPP restent un excellent médicament avec un bon rapport bénéfice/risque/tolérance mais il faut connaître un certain nombre d’effets secondaires liés à ce type de traitement et essayer de le prescrire à bon escient.