CHIRURGIE À VISÉE CURATIVE : MYTHE OU RÉALITÉ ? (1) Chirurgie à visée curative: mythe ou réalité ? Jean-Jacques TUECH Chirurgie Digestive Service de CHU Rouen Le taux de récidive néoplasique après chirurgie à visée radicale du cancer du rectum est élevé. Il reste invariablement autour de 50 % depuis 30 ans [1]. Il s'agit dans la moitié des cas de métastases hépatiques et dans l'autre moitié des cas de récidives siégeant dans la cavité abdominale ou le pelvis [2 , 3] ; trente pour cent des décès sont liés à une récidive locorégionale [2]. De telles récidives surviennent habituellement dans les deux premières années suivant l'exérèse du cancer primitif du rectum [1, 4, 5 , 6]. Si la fréquence des récidives locorégionales semble avoir diminué depuis l'utilisation de la radiothérapie préopératoire [7] et le développement de l'exérèse totale du mésorectum [8], leur traitement reste difficile et la survie des malades ayant une récidive locorégionale est inférieure à 3 % à cinq ans en l'absence d'exérèse chirurgicale, la moyenne de survie étant de sept mois [9]. Les récidives locales ou locorégionales survenant après résection antérieure d'un cancer du rectum, constituent un difficile problème à la fois diagnostique et thérapeutique. À la différence des récidives des cancers coliques, leur traitement chirurgical s'accompagne d'une morbidité importante liée à l'envahissement du moignon rectal et des organes de voisinage (uretères, vessie, plexus nerveux, vaisseaux iliaques, sacrum, etc.) Le taux de récidive locale isolée est cependant faible ; 50 % des récidives locorégionales sont accompagnées ;une dissémination de la maladie [10] et les patients pouvant espérer une résection à visée « curative » de leur récidive demeurent peu nombreux. En effet le taux de résection Ro (limites de résection saines) des séries chirurgicales est en moyenne de 30 % [11]. En cas de récidive anastomotique, l'exérèse, essentiellement sous forme d'amputation abdominopérinéale secondaire peut-être curative, même si elle n'intéresse qu'un groupe de patients très sélectionnés [12, 13, 14 ,15). Les différentes études trouvées dans la littérature sont cependant difficiles à analyser, car elles incluent souvent les récidives locales coliques et rectales. Le taux de récidives locales après chirurgie à visée radicale du cancer du rectum semble avoir diminué depuis l'utilisation de la radiothérapie préopératoire [7] et de l'exérèse totale du mésorectum [8 , 14]. En l'absence de traitement, la médiane de survie des patients ayant une récidive locale varie de 3,5 à 13 mois avec un taux de survie à cinq ans de 0 à 4 % (3 ,15]. L'utilisation d'une radiothérapie et/ou d'une chimiothérapie n'a entraîné qu'une amélioration des symptômes, sans modification de la survie [16 , 17]. Pour de nombreux auteurs, l'exérèse chirurgicale des récidives donne la meilleure chance de survie à long terme. Cependant, cette chirurgie difficile n'est pas toujours possible, le taux de résection des récidives locales ou locorégionales variant de 25 à 75 % dans les séries publiées depuis 1980 [1, 4, 5, 18 , 19]. Le taux des résections à visée curative varie de 10 à 75 % [13, 18, 20 , 21]. Il est en moyenne de 30 % et la comparaison rétrospective des deux dernières décades montre qu'il a peu progressé au cours des dix dernières années [4 , 11]. Le taux de résécabilité n'excède pas 20 % lorsqu'il est estimé à partir du suivi prospectif d'une population de cancers primitifs colorectaux qui ont eu une résection curative [22, 23]. En effet, la prévalence des récidives locales isolées est faible : huit fois sur dix elles sont associées à une évolution péritonéale, métastatique ou plurimétastatique [2, 3, 4]. Une étude autopsique a montré que trois fois sur quatre, les malades qui avaient été considérés comme porteurs d'une récidive locale isolée, avaient des lésions disséminées [2]. Les résections palliatives de type R1 et R2, même si elles n'augmentent pas la survie médiane par rapport aux patients non réséqués, contribuent à l'amélioration des symptômes et de la qualité de vie. Quarante pour cent des patients ayant eu une résection palliative sont restés asymptomatiques pendant six mois dans la série de Delpero et al [24]. Par ailleurs, dans la série de Suzuki et al. [25] les associations thérapeutiques ont permis d'augmenter le taux de survie actuarielle chez des patients ayant eu une résection R1 ou R2. Dans la littérature, la mortalité opératoire varie de 0 à 16 % [16, 18, 20 , 26]. Elle est comparable à la mortalité de la chirurgie rectale de première intention [5, 18 , 19]. La morbidité postopératoire oscille entre 20 et 40 % dans la littérature [18 ,21] . Le taux « relativement élevé » de la morbidité est lié à l'envahissement du moignon rectal et des organes de voisinage (uretères, vessie, veines iliaques, etc.) ; il se traduit également par des pertes sanguines plus élevées qu'après résection rectale du cancer primitif. La survie actuarielle à cinq ans observée après résection de la récidive, varie de 10 à 46 % [4, 5, 18, 19]. L'analyse des facteurs pronostiques après résection montre que le caractère curatif de la résection est la première variable prédictive indépendante. L'amélioration des résultats pourrait venir d'une meilleure prise en charge thérapeutique de la tumeur rectale primitive. La radiothérapie préopératoire dans les cancers rectaux T3 –T4 a montré son efficacité pour diminuer la fréquence des récidives locales [7]. De même l'étendue de la résection du mésorectum paraît un facteur déterminant, quelle que soit la technique chirurgicale (amputation ou résection) [8 , 14] ; la fréquence de l'extension « radiaire » souvent mésestimée a été clairement démontrée [8]. Récemment, il a été démontré que les tumeurs du rectum T4 localement avancées ou fixées devaient bénéficier d'une radiochimiothérapie préopératoire afin d'améliorer le taux de résection R0 et le contrôle local [27]. Des résultats allant dans le même sens ont été retrouvés avec l'irradiation peropératoire. Dans l'étude d'Harrison et al. [28], le contrôle local à deux ans était de 63 % avec un taux de survie actuariel sans récidive à deux ans de 47 %. Cependant, cette technique est source d'une morbidité accrue (38 % de complications) et apporte des résultats inférieurs à ceux obtenus avec l'association radiochimiothérapie préopératoire. ● ● ● ● ● ● Quel bilan morphologique ? Chirurgie à visée curative : mythe ou réalité ? (2) Traitement de la récidive loco-régionale après exérèse d’un cancer du rectum : préservation sphinctérienne et amputation abdomino-périnéale Place de la pelvectomie et des résections élargies Place de la radiofréquence (1) Place de la radiofréquence (2) AFC Siège social : 122, rue de Rennes 75006 Paris tél : +33 (0) 1 45 44 96 77