Attentes et représentations des patients usagers ou ex

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 UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE Année 2014 N° THESE pour le DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE DES de MEDECINE GENERALE par Adeline LOURDAIS-­‐MARTINEAU Née le 02/10/1985 à Angers (49) Présentée et soutenue publiquement le 15 Mai 2014 Attentes et représentations des patients usagers ou ex-­‐usagers d’opiacés, concernant les médicaments de substitution aux opiacés: Etude qualitative auprès de 12 patients suivis en cabinet de médecine générale, en Loire-­‐Atlantique Président du Jury : Monsieur le Professeur Venisse Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Marchand Membres du Jury: Madame le Professeur Lacaille Monsieur le Docteur Levassor Madame le Maître de Conférence Universitaire le Docteur Vigneau REMERCIEMENTS, A Monsieur le Professeur Venisse de me faire l’honneur de présider ce jury de thèse. A Madame le Professeur Lacaille et à Madame le Maître de Conférence Universitaire le Docteur Vigneau, de l’intérêt porté à ce travail en acceptant de prendre part à ce jury de thèse. A Monsieur le Docteur Levassor d’avoir accepté d’être membre de ce jury, de m’avoir accueillie au sein de l’équipe Oppelia, à la Rose des Vents de Saint-­‐Nazaire et de m’avoir fait part de son expérience professionelle. A Monsieur le Docteur Marchand pour la direction de cette thèse, son investissement, sa disponibilité et ses précieux conseils tout au long de l’élaboration de ce travail. Aux médecins généralistes du Réseau Toxicomanie de la Région Nantaise qui ont accepté de m’ouvrir les portes de leur cabinet et qui m’ont confié certains de leurs patients. Aux 12 patients qui ont participé à ce travail de recherche et qui m’ont fait partager leurs expériences personnelles. A toute ma famille, et en particulier à mes parents, pour avoir cru en moi et pour m’avoir soutenue sans relâche pendant toutes ces années d’études. A mes amis d’externat et d’internat, pour tous les moments partagés ensemble pendant nos études et qui je l’espère, seront encore nombreux. A mes amis d’enfance pour leur amitié, leur présence et leurs encouragements tout au long de ces études. 2 A Aurélien, qui m’accompagne dans cette belle aventure professionnelle, embellit mon quotidien et me fait avancer. A toutes les équipes médicales et paramédicales auprès desquelles j’ai été amenée à travailler toute au long de ma formation. 3 TABLE DES MATIERES LISTE DES ABREVIATIONS I-­‐ INTRODUCTION II-­‐ LA SUBSTITUTION AUX OPIACES EN FRANCE 1. EPIDEMIOLOGIE 2. HISTORIQUE 3. CONSEQUENCES DES TSO : Succès et Limites III-­‐ ETUDE QUALITATIVE : ATTENTES ET REPRESENTATIONS DES PATIENTS USAGERS ET EX-­‐USAGERS D’OPIACES CONCERNANT LES MEDICAMENTS DE SUBSTITUTION AUX OPIACES 1. INTRODUCTION 2. MATERIEL ET METHODE 2.1. Le type d’étude 2.2. L’échantillon 2.2.1. Taille de l’échantillon 2.2.2. Stratégie d’échantillonnage et prise de contact 2.3. Les entretiens 2.3.1. Le type d’entretien 2.3.2. Méthodologie des entretiens 2.4. Recueil de données 2.5. Analyse des données 3. RESULTATS 3.1. Analyse descriptive des conditions de réalisation des entretiens 3.1.1. La localisation 3.1.2. Le contexte 3.1.3. Les personnes présentes 3.1.4. La durée 3.2. Caractéristiques des patients inclus 3.2.1. Données sociodémographiques 3.2.2. Données médicales 3.2.3. Expérience des MSO des patients inclus 4 -­‐ Avec la BHD et/ou la méthadone -­‐ Durée de prescription des MSO 3.3. Analyse transversale multithématique 3.3.1. Modes d’entrée dans la substitution 3.3.1.1. Cadre de la première prise 3.3.1.2. Contexte de la première prise 3.3.2. Attentes et motivations lors de la prescription initiale de MSO 3.3.2.1. Attentes initiales 3.3.2.2. Motivations 3.3.3. Effets des MSO 3.3.3.1. Pour la BHD 3.3.3.2. Pour la méthadone 3.3.4. Usages détournés des MSO 3.3.4.1. Modes de prise 3.3.4.2. Fréquence de prise 3.3.4.3. Effets recherchés 3.3.5. Perception des MSO 3.3.5.1. Par les patients sous BHD 3.3.5.2. Par les patients sous méthadone 3.3.6. Objectifs et finalités à ce jour du MSO 3.3.7. Le MSO idéal 4. DISCUSSION 4.1. A propos de l’étude 4.1.1. Les critères de scientificité 4.1.2. Les biais et limites 4.2. A propos des résultats 4.2.1. Les attentes des patients par rapport aux MSO 4.2.2. Les représentations des MSO par les patients IV-­‐CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES 5 LISTE DES ABREVIATIONS AMM : Autorisation de Mise sur le Marché
BHD : Buprénorphine Haut Dosage
CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie
CAARUD : Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques
pour les Usagers de Drogues
CSAPA : Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie
CSST : Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes
FFA : Fédération Française d’Addictologie
HAS : Haute Autorité de Santé
HVB : Hépatite Virale B
HVC : Hépatite Virale C
INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
IV : Intra -Veineux
MSO : Médicament de Substitution aux Opiacés
OEDT : Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies
OFDT : Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies
PES : Programme d’Echange de Seringue
RDR : Réduction Des Risques
RTRN : Réseau Toxicomanie de la Région Nantaise
SIDA : Syndrome d’Immuno Déficience Acquise
TSO : Traitement de Substitution aux Opiacés
UDIV : Usager de Drogues en Intra-Veineux
VIH : Virus d’Immunodéficience Humaine
6 INTRODUCTION Les Traitements de Substitution aux Opiacés introduits en France depuis le milieu des années 1990, suite à l’épidémie du SIDA chez les usagers de drogues intraveineux (UDIV), font désormais partie intégrante de l’accompagnement médico-­‐social proposé aux patients dépendants aux opiacés (1). En tant que soignants de premier recours, les médecins généralistes sont directement concernés par la substitution aux opiacés et sont souvent sollicités pour la prescription de ces médicaments. En 2009, environ 110 000 usagers étaient vus par mois par des médecins généralistes libéraux. Parmi ces médecins, 90% leur ont prescrit des MSO(2). Ce suivi mettant en scène le savoir scientifique d’un médecin et l’expérience d’un patient est souvent complexe. Il est parfois confronté à des difficultés liées aux différences d’intentionnalités des deux protagonistes par rapport à ce traitement (3). En effet, chacun a ses propres représentations de la substitution qui sont influencées par des déterminations sociales, juridiques, médicales ou philosophiques et qui viennent interférer dans la relation thérapeutique (4). S’interroger sur cette relation médecin – patient qui est en partie construite autour de la prescription d’un MSO, nécessite d’évaluer quels sont les objectifs, les représentations et les difficultés de chacun face à ce traitement qui n’est clairement pas perçu comme un médicament comme les autres (5). La littérature actuelle s’est essentiellement penchée sur l’expérience des soignants avec les TSO mais peu de travaux ont été effectués du côté des patients. Ces études réalisées auprès des soignants ont mis en évidence une disparité dans les accompagnements des usagers de drogues qui restent encore un peu 7 partagés entre deux philosophies : une stratégie de soin de la toxicomanie qui vise un traitement de la dépendance et une stratégie de réduction des risques sanitaires et sociaux qui vise un traitement préventif lié aux usages de drogues (6). Afin de construire une alliance thérapeutique de qualité, il me semble important de se tourner vers les attentes et les représentations des patients sous MSO (7). Notre travail comportera trois parties : Dans un premier temps, nous ferons un état des lieux de la substitution en France en revenant sur l’épidémiologie, l’historique puis les conséquences sanitaires et sociales des TSO. Dans un second temps, notre étude qualitative et ses résultats seront exposés. Puis dans un troisième temps, ces résultats seront mis en perspective avec d’autres travaux réalisés sur le sujet au sein d’une discussion. 8 ETAT DES LIEUX DE LA SUBSTITUTION AUX OPIACES, EN FRANCE 1. EPIDEMIOLOGIE Selon l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT), 500 000 français âgés de 18 à 64 ans ont déjà expérimenté la consommation d’héroïne en 2011 (8). L’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT) définit les « usagers problématiques de drogues » par l’ensemble des usagers consommant leurs produits par voie intraveineuse et/ ou ayant consommé régulièrement des opiacés, de la cocaïne ou des amphétamines durant l’année. Ainsi, on estime la consommation problématique de drogues chez les 15-­‐64 ans en France à 281 000 usagers pour l’année 2011, soit en moyenne 7,5 usagers pour 1 000 habitants de 15 à 64 ans (8). Après une diminution de l’usage de l’héroïne, suite à l’émergence des Traitements de Substitution aux Opiacés (TSO) au milieu des années 1990, ce produit a connu une nouvelle phase de diffusion dans les années 2000 et s’est stabilisé depuis 2010 (9). En France, parmi les 15-­‐35 ans, la part des consommateurs avait quasiment doublé passant de 0,5 à 0,9 % entre 2005 et 2010. Ce phénomène serait en partie lié à la diffusion de l’héroïne vers de nouveaux profils d’usagers notamment au sein des milieux festifs, tel que le mouvement techno. Les opiacés constituent la première cause de demande de traitement en lien avec l’usage de drogue (excepté le cannabis). En 2010, 170 000 personnes ont bénéficié de Médicament de Substitution aux Opiacés (MSO), en ville ou en Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) (8). Ce nombre augmente comme le témoigne la figure représentée ci-­‐dessous. 9 Figure 1 : Estimation du nombre de personnes théoriques recevant un traitement de substitution, 1995-­‐2011. En 2011, d’après les données de vente, 105 000 patients seraient sous BHD et 45 000 sous méthadone. En parallèle, on a observé une augmentation de l’accompagnement des usagers dépendants aux opiacés par les médecins généralistes passant de 34% en 2003 à 50% en 2009 (2). De plus, un changement des pratiques des généralistes a été observé entre 2003 et 2009 avec une augmentation de la prescription de méthadone passant de 26% à 38% et une diminution de la prescription de BHD passant de 85% à 77% (8). Cette évolution des pratiques serait liée à la Conférence de consensus de juin 2004 concernant les traitements de substitution et qui recommande que le choix thérapeutique soit, non pas contraint par le cadre réglementaire et l’offre de soins existante, mais orienté selon les contre-­‐indications et indications préférentielles de chaque molécule pour chaque patient (10). 10 2. HISTORIQUE Les opiacés sont connus depuis l’Antiquité pour leurs propriétés analgésiques et sédatives. Une de leurs caractéristiques majeures est d’induire une forte dépendance physique et psychique. Après la guerre du Viêtnam dans les années 1970, le phénomène d'addiction aux opiacés s'est amplifié aux Etats-­‐Unis pour devenir un problème majeur de santé publique et se répandre progressivement dans les autres pays occidentaux. La pratique de l’injection de l’héroïne en intraveineuse s’est vite répandue (11). En France, la loi n°70-­‐1320 du 31 décembre 1970, relative aux mesures de lutte contre la toxicomanie, a tenté de concilier un objectif de répression et un objectif de prévention secondaire avec ouverture d’une démarche de soins alternative aux sanctions pénales visant le sevrage immédiat et l’abstinence totale. Le toxicomane était alors considéré à la fois comme un délinquant et comme un malade (12). La méthadone est un opioïde analgésique synthétisé depuis 1937 par les allemands Max Bockmühl et Gustav Ehrhart, de la firme I.G. Farben. C’est en 1960 aux Etats-­‐Unis que des études menées par des chercheurs de l’Université Rockfeller de New-­‐York, Dole et Nyswander, ont mis en avant le bénéfice de la méthadone comme traitement de « maintenance » de l’addiction à l’héroïne (13). A la demande des pouvoirs publics français, l’INSERM en 1973 a proposé un cadre expérimental de l’utilisation de la méthadone. Sur le plan national seulement deux établissements, l’hôpital Sainte Anne et l’hôpital Fernand Widal, l’ont mis en œuvre dans des conditions très restreintes ne pouvant accueillir que 20 patients chacun. Ces structures étaient dites de « Haut Seuil » car leur protocole de soins visait une démarche curative et l’abstinence totale. 11 En 1978, aux Etats-­‐Unis, le médecin américain Jasinski a mis en avant les propriétés thérapeutiques de la buprénorphine pour les héroïnomanes. Elle a été introduite sur le marché français en 1987, à « bas dosage », à visée antalgique, sous le nom de Temgesic®. Dans les années 1980, les problèmes de santé publique liés à la pratique d’injection de produits se sont amplifiés avec l'apparition du SIDA et de l’Hépatite C. Ces maladies infectieuses étaient largement transmises par les usagers consommant de l’héroïne par voie veineuse ou à moindre risque par voie nasale. Parallèlement, pour faire face à ce fléau, certains pays tels que les Pays-­‐Bas et la Grande Bretagne ont développé dans les années 1980, une politique publique dite de « Réduction des Risques » (RDR)(14). C’est dans ce contexte que la méthadone a été considérée comme un outil de substitution de premier ordre permettant de limiter la diffusion du SIDA et des Hépatites tout en servant d’amorce pour envisager une réinsertion sanitaire et sociale de ces usagers. La France est longtemps restée centrée sur un débat opposant la lutte contre la toxicomanie associée à la politique du sevrage immédiat et la politique de RDR qui offrait aux usagers les moyens de protéger leur santé durant des périodes de leur vie où ils ne pouvaient ou ne voulaient pas cesser leur consommation (15). C’est dans ce climat de controverse que se sont mises en place quelques mesures phares du plan de RDR : -­‐ Le 13 mai 1987, le décret n°87-­‐328, dit « décret Barzach » a autorisé pour une durée d’un an la mise en vente libre de seringues en pharmacie pour les usagers majeurs. -­‐ En 1988, Médecins du Monde met en place le premier programme d’échange de seringues (PES). 12 En parallèle, certains usagers ne pouvant pas bénéficier des protocoles mis en place au sein des centres méthadone, entrent dans des démarches d’auto-­‐
substitution. Ils utilisent des antalgiques tels que de la buprénorphine bas dosage et de la codéine afin de se substituer, avec pour certains, un encadrement médical par des médecins généralistes. En 1994, Simone Veil, ministre des Affaires Sociales, de la Ville et de la Santé, a mis en place un plan de réduction des risques incluant : la mise en vente en pharmacies de kits avec seringues stériles (ex : Stéribox), des PES et l’ouverture de centres de « bas seuil » appelés « boutiques » qui permettent l’accueil des usagers sans exigence de diminution ou d’arrêt concernant leurs consommations (15). De plus, ce plan intégrait l’autorisation de prescription des MSO à plus grande échelle. La France a été un des derniers pays occidentaux à autoriser la mise sur le marché des MSO. C’est en 1995 que la prescription de méthadone par les Centres agréés Spécialisés de Soins aux Toxicomanes (CSST) a été généralisée. Puis en 1996, la BHD connue sous le nom de Subutex®, a obtenu l’AMM comme MSO et pouvait être prescrite par tous les médecins, étant considérée à « moindre risque » que la méthadone. 13 3. CONSEQUENCES SANITAIRES ET SOCIALES DES TSO Les TSO s’inscrivent dans une prise en charge globale, multidisciplinaire, intégrant un accompagnement médical, social et psychologique des patients consommateurs d’héroïne. Cette stratégie thérapeutique mise en place au milieu des années 1990, s’articule autour de deux MSO : la méthadone et la BHD, qui constituent un moyen de promouvoir la politique de prévention et de RDR. Les informations décrites dans cette partie sont issues de la conférence de consensus des 23 et 24 juin 2004 ayant été réalisée afin de faire un bilan de la substitution en France huit ans après l’AMM des MSO et de déterminer les stratégies thérapeutiques à adopter pour les personnes dépendantes aux opiacés (10). Ce bilan est clairement positif : -­‐
Facilité et amélioration de l’accès au traitement de substitution passant de quelques dizaines à 100 000 personnes substituées. -­‐
Réduction de la mortalité liée aux overdoses par héroïne, divisée par 5 entre 1994 et 2002. -­‐
Réduction de la morbidité par diminution d’infection au VIH et amélioration des issues de grossesse (diminution des naissances prématurées). -­‐
Effondrement des pratiques d’injection IV passant de 70-­‐80% en 1995 à 14-­‐20% en 2003. -­‐
Meilleur accès au traitement de l’HVC. -­‐
Amélioration de la situation sociale (logement, revenus) pour la moitié des patients substitués (16). -­‐
Diminution de la délinquance concernant l’héroïne passant de 17 000 infractions en 1995 à 5000 en 2003. -­‐
Bénéfice en terme de coûts épargnés par la politique de RDR. 14 Cependant, quelques limites ont été relevées : -­‐
Hétérogénéité et inégalité de l’accès aux soins et aux choix des MSO car certaines zones géographiques sont dépourvues de prescripteurs, de pharmaciens ou de CSST. -­‐
Mauvaise utilisation des MSO : prise IV ou nasale de la BHD, surdosage en méthadone, apparition d’un marché parallèle aux MSO (17). -­‐
Maintien ou renforcement de consommations parallèles (18). -­‐
Augmentation de la prévalence de l’HVC -­‐
Persistance d’une souffrance psychologique liée au stigmate de « toxicomane » malgré le traitement. 15 ETUDE QUALITATIVE : ATTENTES ET REPRESENTATIONS DES USAGERS ET EX-­‐USAGERS CONCERNANT LES MSO 1. INTRODUCTION : OBJECTIF ET HYPOTHESE L’objectif principal de mon travail est d’identifier les attentes et les représentations des MSO par les usagers et ex-­‐usagers d’opiacés, afin d’optimiser l’accompagnement de ces patients en médecine générale. Mon hypothèse principale reposant sur les données de la littérature est que les attentes et les représentations des usagers et ex-­‐usagers évoluent en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques, de leurs trajectoires avec le produit et avec la substitution. 2. MATERIEL ET METHODE 2.1. Le type d’étude Mon choix s’est porté vers une étude qualitative afin de pouvoir recueillir le ressenti et le vécu des patients usagers ou ex-­‐usagers. Cette méthode m’a permis non pas de mesurer mais de comprendre leurs comportements et leurs expériences des TSO. 2.2. L’échantillon 2.2.1. Taille de l’échantillon La taille de cet échantillon a été définie par la « saturation des données ». Ainsi, 12 patients usagers ou ex-­‐usagers ont été intégrés dans cette étude. 16 2.2.2. Stratégie d’échantillonnage Les patients sélectionnés ont été recrutés par l’intermédiaire de médecins généralistes faisant partie du Réseau Toxicomanie de la Région Nantaise (RTRN). Ces médecins ont dans un premier temps été sollicités par e-­‐mails puis relancés dans un second temps par appels téléphoniques car très peu s’étaient manifestés. (Seuls 2 entretiens sur 12 ont été réalisés suite à l’envoi d’e-­‐mails). La participation à cette étude était donc proposée par les médecins généralistes à leurs patients qui devaient répondre à différents critères. Critères d’inclusion : -
Patients majeurs sous MSO ( BHD-­‐Subutex® ou méthadone) -
Suivis en cabinet de médecine générale -
Volontaires. Critères d’exclusion : -
Patients sous l’emprise de produits ou d’alcool pouvant altérer la qualité de l’entretien -
Refus de participer à l’étude. Certains patients étaient vus sans rendez-­‐vous, d’autres sur rendez-­‐vous fixés par téléphone avec l’enquêteur (moi-­‐même) et le plus souvent lors d’un renouvellement de MSO, au cabinet des médecins généralistes qui les suivaient. 17 2.3. Les entretiens 2.3.1. Le type d’entretien Les entretiens ont été réalisés sous forme d’entretiens semi-­‐dirigés permettant aux patients de s’exprimer librement et de recueillir leurs propos avec pour ligne directrice le guide d’entretien établi en amont. (ANNEXE 1). 2.3.2. Méthodologie des entretiens Les entretiens ont été réalisés dans un des bureaux du cabinet des médecins généralistes qui les suivaient, excepté pour une patiente où l’entretien a été réalisé à son domicile, à sa demande. Ainsi, 12 entretiens ont été réalisés entre juillet et décembre 2013, dans quatre cabinets de médecins généralistes du RTRN. Un testing du canevas d’entretiens a été réalisé sur les deux premiers entretiens qui ont par la suite été inclus dans l’étude. Ces entretiens ont été réalisés par un seul enquêteur, moi même, dont l’objectif était de favoriser la production d’un discours orienté sur les MSO, au moyen de stratégies d’écoute et de relance. 18 2.4. Recueil des données Les entretiens étaient anonymes afin de garantir la confidentialité des propos des personnes interviewées. Ces entretiens ont été enregistrés sur un double support audio, par l’intermédiaire de deux dictaphones OLYMPUS DP-­‐211. Puis ils étaient retranscrits par écrit via un logiciel de traitement de texte Microsoft Word. 2.5. Analyse des données Chacun des 12 entretiens a reçu une double lecture, par le directeur de cette thèse le Docteur Marchand et par moi-­‐même. Chaque entretien a été analysé de façon descriptive et longitudinale puis intégré dans une analyse transversale multithématique, croisée avec les autres entretiens. 19 3. RESULTATS 3.1. Analyse descriptive des conditions de réalisation des entretiens 3.1.1. Localisation Onze entretiens sur 12 ont été réalisés au cabinet du médecin généraliste qui suivait le patient interviewé. Un entretien a été réalisé au domicile de la patiente, à sa demande. 3.1.2. Contexte 50% des patients interviewés ont été vus sur rendez-­‐vous après appel téléphonique de l’enquêteur. Le plus souvent (83%) ces rendez-­‐vous étaient fixés dans les suites d’une consultation pour un renouvellement de MSO. 50% des patients interviewés ont été vus sans rendez-­‐vous, dans les suites d’une consultation pour un renouvellement de MSO. 3.1.3. Les personnes présentes Onze entretiens sur 12 ont été réalisés en présence uniquement de l’interviewé (le patient) et de l’enquêteur (moi-­‐même). Un entretien a été réalisé en présence, de l’interviewée (la patiente), de sa fille âgée de 10 mois et de l’enquêteur (moi-­‐même). 3.1.4. La durée des entretiens En moyenne, les entretiens ont duré 25 minutes 24 secondes. L’entretien le plus long a duré 51 minutes 30 secondes et le plus court, 11 minutes 23 secondes. 20 3.2. Caractéristiques des patients inclus 3.2.1. Données sociodémographiques Tableau 1 : Principales données sociodémographiques des 12 patients ayant réalisé l’entretien. Total = 12 Sexe (N) (%) M 8 (66,7) F 4 (33,3) Age moyen (années) 38,7 Ages extrêmes (années) 23-­‐70 Situation sociale (N) (%) -­‐ Logement autonome 10 (83,3) -­‐ Sans Domicile Fixe 1 (8,3) -­‐ Vivant chez ses parents 1(8,3) Situation professionnelle (N) (%) -­‐ Ouvrier 3 (25) -­‐ Employé 1 (8,3) -­‐ Cadre/profession libérale 1 (8,3) -­‐ Sans emploi 5 (41,6) -­‐ Retraité 2 (16,7) Etat civil (N) (%) -­‐ Célibataire 4 (33,3) -­‐ Marié(e) ou vivant en concubinage 2 (16,7) -­‐ Séparé(e) ou divorcé(e) 3 (25) -­‐ Veuf (ve) 1 (8,3) -­‐ Absence d’information sur le sujet 2 (16,7) 21 3.2.2. Données médicales Parmi les 12 patients rencontrés, l’accompagnement et la prescription de MSO sont réalisés par : -
Le médecin traitant déclaré à la CPAM pour 10 d’entre eux. -
Un autre médecin généraliste pour 2 d’entre eux. Tableau 2 : Principales données médicales des 12 patients ayant réalisé l’entretien. Total = 12 Antécédents médicaux (N) (%) Infectieux (HIV, HVC, HVB) 1 (8,3) Neuropsychiatrique 3 (25) Cardio-­‐pulmonaire 3 (25) Antécédents chirurgicaux (N) (%) 3 (25) Aucun 5 (41,7) MSO prescrit (N) (%) BHD/ Subutex® 9 (75) Méthadone 3 (25) Médicaments associés (N) (%) Benzodiazépine 3 (25) Neuroleptique 2 (16,7) Antidépresseur 1 (8,3) Antihypertenseur 1 (8,3) Hypocholestérolémiant 1 (8,3) Antiasthmatique 2 (16,7) Aucun 6 (50) 22 3.2.3. Expérience des MSO des patients inclus Tableau 3 : Récapitulatif de la prise de méthadone et/ou de BHD-­‐Subutex® chez les 12 patients ayant réalisé l’entretien. BHD+ BHD -­‐ Méthadone + 8 0 Méthadone -­‐ 4 0 BHD+ : patients ayant déjà pris au moins une fois de la BHD Méthadone + : patients ayant déjà pris au moins une fois de la méthadone BHD+/ Méthadone +: patients ayant déjà pris au moins une fois de la BHD et de la méthadone BHD+/ Méthadone -­‐ : patients ayant déjà pris au moins une fois de la BHD et n’ayant jamais pris de méthadone BHD-­‐ / Méthadone + : patients n’ayant jamais pris de la BHD et ayant pris au moins une fois de la méthadone. Sous MSO depuis > 5ans Sous MSO depuis < 5 ans 33% 67% Figure 2 : Ancienneté moyenne de prescription de MSO chez les 12 patients ayant réalisé l’entretien. 23 3.3. Analyse transversale multithématique 3.3.1. Modes d’entrée dans la substitution 3.3.1.1. Cadre de la première prise On distingue à travers ces entretiens 3 grands types d’entrée dans la substitution : -
Le cabinet médical -
La rue via des dealers -
Le réseau des amis-­‐usagers (les pairs) Très peu des patients interviewés étaient novices de la substitution avant qu’un MSO ne leur soit prescrit. Parmi ces patients, plusieurs déclarent avoir eu recours initialement à la substitution par leur réseau amical : Patient 3 : « je me faisais dépanner de temps en temps par des amis qui étaient en traitement ». Patient 4 : « j’en avais eu par des amis qui en avaient trop ». Patient 5 : « j’ai des potes qui l’avaient en traitement donc on se démerde enfin on s’arrange ». Pour d’autres, le mode d’entrée dans la substitution a été réalisé par des dealers, dans la rue quand il n’y avait pas d’héroïne sur le marché : Patient 7 : « c’était un revendeur d’héroïne et ce soir-­‐là, il n’y en avait pas ». Certains ont débuté un traitement de substitution dans un contexte médical choisi : Patient 8 : « Et puis un jour je me suis décidée à consulter...je lui ai raconté mon histoire...à partir de ce jour-­‐là, il m’a donné du Subutex® ». 24 Patient 9 : « j’en avais marre et euh on m’a proposé un traitement de substitution et puis j’ai adhéré quoi ». Un autre, le Patient 6, a débuté la substitution dans un contexte médical imposé, suite à une incarcération, peut-­‐être dans le cadre de l’injonction de soins : « c’était par la force des choses, un jour on nous a arrêtés et puis tout s’est écroulé quoi...c’est vraiment par la force des choses, c’est pas moi un jour qui me suis dit...je vais demander à un médecin un traitement de substitution ». 3.3.1.2. Contexte de première prise de MSO Les intentionnalités lors de la première prise d’un MSO sont variables : -
Lutter contre les douleurs et éviter le syndrome de manque (auto-­‐
substitution). -
Temporiser avant la prochaine prise d’héroïne. -
Rechercher l’effet du produit. On distingue les patients qui s’auto-­‐substituaient pour éviter le syndrome de manque: Patient 2 : « Parce que j’étais malade...je n’étais pas bien ». Patient 3 : « j’étais pas bien du tout et j’avais une connaissance qui prenait de la méthadone et qui m’a dépannée ». Patient 5 : « bah quand j’étais en manque ». Patient 12 : « après c’était surtout pour ne pas être malade ». Pour d’autres patients cela permettait de temporiser avant une prochaine prise de produits : Patient 4 : « c’est vraiment pour la dépanne, ah bah y a pas d’héroïne aujourd’hui... j’ai que ça... c’est du dépannage quoi ». Patient 12 : « le Subutex® de rue c’était plutôt dans l’optique de permettre d’attendre euh enfin d’avoir une autre prise quoi... ça permet de temporiser ». 25 Chez certains patients les premières prises de médicaments de substitution étaient destinées à retrouver l’effet de « défonce » provoqué par les drogues : Patient 3 (en parlant de ses premières expériences avec la méthadone) : « Je l’utilisais d’ailleurs plus dans un esprit de défonce que de substitution. Les fois où j’en ai eu c’était plus pour se casser un peu la tête ». Patient 9 : « je recherchais le plaisir que me procuraient les produits ». Ces expériences initiales avec les MSO, en dehors du contexte de prescription, ne sont pas toujours très positives car les dosages sont réalisés de façon hasardeuses et ne sont pas forcément adaptés aux usagers : Patient 4 : « au début tu sais pas trop, tu connais pas les dosages alors ça peut te mettre mal, ça dégoûte, t'es pas bien toute la journée, tu vomis, c'est comme si t'étais malade quoi…tu te dis je vais aller voir le médecin, il saura mieux quel dosage je dois prendre ». 3.3.2. Attentes et motivations lors de la prescription initiale de MSO Les attentes des usagers lors de la prescription d’un MSO sont variées et sont influencées par leurs motivations personnelles et leur environnement. 3.3.2.1. Les attentes initiales -
Limiter la consommation de produits -
Arrêter la consommation de produits -
Demander un accompagnement Parmi les patients qui ont exprimé quelles étaient leurs attentes initiales à la prescription d’un MSO, la notion de limiter la consommation de produits a été mentionnée par un patient indirectement: Patient 2 : « Euh déjà ne plus prendre tout ce qui traînait ». 26 Pour 50% des patients interviewés, l’objectif premier était d’arrêter la consommation d’héroïne : Patient 2 : « pour me stabiliser et aussi arrêter ». Patient 7 : « Euh moi je prenais de l’héroïne et je voulais arrêter ». Patient 8 : « Je ne voulais pas que ce soit un produit qui guide ma vie ». Patient 10 : « Ne plus avoir envie du Skénan® ni de la seringue ». Patient 11 : « Bah pour arrêter l’héroïne ». Patient 12 : « Bah j’ai plus du tout retouché à l’héroïne avec le Subutex®. J’étais décidée, j’étais sûre de moi ». Une patiente avait pour attente une demande d’accompagnement avec un soignant : Patient 8 : « je sentais bien que je ne m’en débarrasserais pas toute seule ». « …de l’aide par rapport aux addictions ». 3.3.2.2. Les motivations Les motivations dépendaient de facteurs personnels mais aussi environnementaux. -­‐ Motivations personnelles : o Améliorer sa qualité de vie, 3 patients l’ont mentionné dans leur entretien : Patient 8 : « ça m’aide à mieux vivre ». Patient 9 : « une tranquillité de vie ». Patient 10 : « j’étais à la rue, j’en avais marre, j’avais besoin d’avoir une vie normale ». o Se décentrer du produit, a été évoqué par un patient : Patient 9 : « Que je ne sois pas obligé de chercher les produits au quotidien ». 27 o Eviter le syndrome de manque, est cité par 3 patients : Patient 4 : « L'attente c'était de me sentir bien ». Patient 5 : « on est contraint, quand on est en manque, c’est comme ça ». Patient 7 (en décrivant des signes de manque) : « je transpirais la nuit… » o L’altération de l’état général est peu mentionnée, seul un patient en parle: Patient 1 : « Et puis il y avait aussi ma santé, le fait que je n’arrivais plus à me shooter, parce que je ne trouvais plus de veines et cetera… ». Un autre patient évoque les problèmes de santé pouvant être liés à la consommation d’héroïne mais ne se sent pas directement concerné : Patient 4 : « Bizarrement, y a pas le rapport à la santé, enfin je sais que c'est pas bon pour la santé et que si je continue l’héroïne je vivrai pas plus que cinquante, soixante ans, j'aurai les dents pourries et voilà. Mais je sais que je ferai pas ça de ma vie donc euh, c'est plus euh...parce que je sais pas, l’héroïne je la prends pas...je me pique pas, je suis pas en surdosage, je suis pas défoncée jusqu'à, toute la journée. Quand j'en prends euh, c'est bête de dire ça, mais c'est raisonnable ». -­‐ Motivations liées à leur environnement : o Les difficultés financières constituent une motivation qui revient fréquemment dans les entretiens, 5 patients les ont évoquées : Patient 1 : « L’argent. J’avais de moins en moins d’argent, j’arrivais moins à dealer donc j’arrivais moins à me procurer mes doses et donc je me suis dit : « il faut que j’arrête » ». Patient 2 : « Et puis euh l’argent aussi ». Patient 4 : « la vraie démarche, c'est une démarche financière ». Patient 10 : « financièrement c’était pas possible ». Patient 11 : « ça demande de l’argent et puis je ne bossais pas ». 28 o Pression familiale ou amicale : certains patients sont entrés dans une démarche de soins et de substitution en étant accompagnés par un proche ou un parent, et d’autres en pensant à leur responsabilité de parent vis à vis de leurs enfants : Patient 1 : « C’est mes parents qui ont pris rendez-­‐vous avec le Triangle ». Patient 2 (en parlant d’un de ses amis qui le dépannait) : « un jour, il y en a un qui m’a dit : « Bah plutôt que de venir me voir pourquoi tu ne vas pas voir directement un médecin pour qu’il te prescrive un traitement ? » ». Patient 4 : « Et ma mère a voulu m'aider, donc elle m'a ramenée chez elle parce que j'avais un appartement, elle m'a reprise chez elle, elle a pris rendez-­‐vous avec monsieur G. Et euh on a commencé un traitement de Subutex® ». Patient 7 : « je sortais avec une fille et elle en avait marre de me voir comme ça…Donc en fait elle m'a emmené au Triangle à Nantes ». Patient 12 : « j’ai reconsommé quelques produits et euh tout de suite après, bah j’ai regretté, j’ai pensé à mes enfants ». o Les difficultés professionnelles ont été évoquées par un patient : Patient 7 : « ...ça n’allait pas du tout, euh au travail non plus, donc c’est tout ça qui m’a fait consulter ». 29 3.3.3. Effets des médicaments de substitution aux opiacés 3.3.3.1. Pour la BHD -­‐ Effets ressentis: Parmi les patients qui ont répondu à cette question du ressenti de la BHD, 5 patients disent que la BHD « met normal », ils ne retrouvaient pas l’effet lié aux produits : Patient 3 : « avec la buprénorphine y a pas vraiment d’effet ». Patient 4 : « ça met normal, euh ça calme et on est normal ». Patient 5 : « ça défonce pas ». Patient 6 : « il n’y a pas de euh, d’état euphorique...ça me fait rien du tout ». Patient 12 : « le Subutex® ça nous met normal ». De plus, ce qui revient régulièrement, pour 4 des patients, c’est que la prise de BHD « retire le manque » : Patient 5 : « ça retire le manque voilà ». Patient 6 : « ça m’évite peut être de ressentir le manque ». Patient 8 (sous-­‐entendu): « si un matin je n’en ai pas...j’ai vraiment le symptôme du manque ». Patient 12 : « j’ai plus de douleurs, y a plus de manque ». Chez certains patients, la BHD va avoir un effet apaisant, anxiolytique : Patient 4 : « euh ça calme ». Patient 8 : « je n’ai plus d’angoisse ». 30 Au contraire, pour un autre patient, la BHD va avoir un effet boostant, stimulant : Patient 7 : « euh pour moi ça me booste, ça va me booster en fait ». « ça me motive pour faire n’importe quoi ». Un autre élément souligné par les patients, c’est que la BHD agit à distance de la prise et a un effet progressif : Patient 2 : « il monte progressivement mais il redescend progressivement aussi quoi ». Patient 5 : « le plus dur c’est le temps que ça fasse effet ». Patient 6 : « l’effet n’est pas immédiat mais beaucoup plus long ». Par ailleurs, une patiente déclare apprécier l’amertume du Subutex®: Patient 8 : « il est très amer mais j’aime bien sentir l’amertume, je sens qu’il est là ». -­‐ Effets secondaires : Le principal effet secondaire décrit par 4 patients est la somnolence : Patient 8 : « moi je constate que ça m’endort », « je m’endors partout ». Patient 10 : « Après le Subutex®, quand j’en prenais, il me faisait un peu dormir ». Patient 11 : « la somnolence au départ quoi, j’avais tendance à piquer du nez ». Patient 12 : « Je suis plus fatiguée », « l’impression d’avoir un coup de barre dans l’après-­‐midi », « j’aurais tendance à piquer du nez ». Pour 2 patients, la BHD aurait entraîné des céphalées mais qui sembleraient liées à l’usage détourné par voie nasale ou IV du médicament car ils n’ont pas cet effet secondaire en sublinguale : Patient 2 : « Bah depuis que je le prends sous la langue ça va mieux. En intra, ouais sur la fin, ça n’allait pas, j’avais souvent des maux de tête, je ne me sentais pas bien. Mais là maintenant, c’est bien ». 31 Patient 7 : « Quand je le sniffe, ça va me faire de l'effet au début mais après je vais avoir mal à la tête, ça arrive j'ai mal à la tête, le nez bouché aussi, je suis souvent enrhumé à cause de ça et quand je le prends par la langue, j'ai pas ces effets-­‐là ». Un patient pense avoir développé des allergies cutanées depuis l’introduction de la BHD : Patient 4 : « Je suis peut être allergique au Subutex® euh en fait j'ai eu des crises d'allergie à Chypre pendant que je prenais du Subutex® et à Nantes avant de partir à Chypre, euh j'avais des grosses plaques, les lèvres qui gonflent ». 3.3.3.2. Pour la méthadone -­‐ Effets ressentis: Parmi les patients qui ont répondu à cette question l’effet apaisant de la méthadone est revenu 2 fois : Patient 6 : « ça m’a apaisé, ça m’a mis bien ». Patient 12 : « on se sent apaisé et presque normal ». Deux patients déclarent que l’effet est proche de celui de l’héroïne : Patient 3 : « C’est aussi plus proche de l’héroïne...au niveau du ressenti ». Patient 12 : « Ça ressemble plus au produit ». Un autre patient déclare que la méthadone lui a laissé un souvenir vaseux : Patient 9 : « c’est un produit qui laisse assez vaseux ». Pour un patient, l’effet de la méthadone est rapide et efficace : Patient 5 : « c’est plus efficace quand même la méthadone...l’effet est plus rapide ». Les patients qui ont eu recours à la méthadone évoquent souvent la galénique. Une patiente interrogée semble avoir apprécié la forme en sirop : 32 Patient 12 : « Quand on l’avale ça réchauffe ». Pour 2 autres, le sirop a laissé un souvenir plutôt négatif : Patient 6 : « mais euh, je sais pas du coup, le fait de boire un sirop, bof ». Patient 10 : « c’était un supplice de boire la métha tous les matins, c’est dégueulasse ». -­‐ Effets secondaires : Le principal effet secondaire décrit par les 3 patients qui sont sous méthadone est la sudation : Patient 1 : « je transpire dès que je fais le moindre effort ». Patient 3 : « Alors je sais qu’avant je n’avais pas du tout mais pas du tout de problème de sudation mais là depuis que j’en prends c’est l’enfer ». Patient 10 : « Bouffées de chaleur, transpiration…depuis 2 ans que je suis à la méthadone, euh non 3 ans, je n’arrivais pas à prendre le tram, le bus, tellement je dégoulinais. L’hiver j’étais en T-­‐Shirt tellement j’avais chaud, non au début c’était très très dur ouais, des grosses bouffées de chaleur ». Un patient décrit de la somnolence lors de l’initiation du traitement, mais probablement dans un contexte de surdosage: Patient 1 : « au début, j’étais complètement surdosé…Je prenais la méthadone comme un produit de défonce et du coup je dormais toute la journée ». 33 3.3.4. Usages détournés des MSO Les usages détournés des MSO concernent essentiellement la BHD qui a l’AMM pour être prise en sublinguale et en une seule fois par jour. Sur les 12 patients interrogés, 10 déclarent avoir déjà « mésusé » avec la BHD. Sur les 3 patients qui sont sous méthadone, tous déclarent avoir débuté un traitement par méthadone après avoir eu recours à un usage détourné de la BHD. Ces usages détournés peuvent être effectués à différents niveaux : -
Mode de prise -
Fréquence des prises -
Effets recherchés 3.3.4.1. Modes de prise o Par voie nasale : 50% des patients qui ont parlé de l’usage détourné, déclarent avoir déjà consommé la BHD par « sniff ». Pour certains, cette expérience a été éphémère et pour d’autres c’est devenu systématique : Patient 3 : « j’avais tendance à prendre le Subutex® en sniff ». Patient 4 : « Je le prends alors euh, les trois cachets du matin, je les prends euh sous la langue et celui du soir, je le prends en trace ». Patient 6 : « Bah au début pareil, je le prenais en sniff…». Patient 7 : « euh en sublinguale mais le plus souvent en sniff ». Patient 10 : « le Sub. en trace ». 34 Patient 12 : « j’ai essayé de sniffer le Subutex®, parce que là j’avais sniffé l’héroïne…Et j’avais entendu autour de moi que les gens le sniffaient ». o Par voie intraveineuse : Deux patients déclarent avoir pris leur BHD par voie intraveineuse pendant plusieurs années : Patient 1 : « je me shootais au Subutex® donc j’ai plus de veines ». Patient 2 : « Là ça fait euh pas longtemps que je le prends sous la langue mais avant je le prenais en injection ». Ces modes de prises sont à l’origine de problèmes sanitaires et physiques néfastes pour le réseau vasculaire de ces patients: Patient 1 (en parlant de son expérience avec la BHD) : « vraiment j’aime pas ça, déjà je me le shootais, je me suis niqué les veines ». Patient 2 (en parlant de son expérience avec la BHD) : « Trop de douleurs, trop de traces aux bras, les veines qui commencent à se boucher… ». L’usage détourné à partir du mode de prise du médicament a été mentionné essentiellement avec la BHD car la galénique de la méthadone limiterait ce mésusage : Patient 1 (en parlant de la méthadone) : « Et je la prends en gélules, c’est beaucoup mieux qu’en fioles, déjà pour les dents, ça abîme moins les dents et puis, elle est inshootable, donc ça c’est bien, impossible à shooter ». 35 3.3.4.2. Fréquence des prises o Répartition de la posologie journalière en plusieurs prises dans une même journée : Quatre patients qui ont de la BHD comme MSO déclarent prendre leur traitement en plusieurs prises dans une même journée, le plus souvent en deux fois : Patient 2 : « en plusieurs fois, en deux fois, 6 le matin et 6 le soir ». Patient 3 : « Mais bon je le prenais comme le produit, comme beaucoup d’autres personnes aussi. Donc on partage en plusieurs fois dans la journée ». Patient 4 : « les 3 cachets du matin, je les prends euh sous la langue et celui du soir, je le prends en trace ». Patient 6 : « là je suis à 5 donc je vais prendre le 4 pour le soir et euh pour quand je travaille, pour la journée j’en prends un, juste le 1 ». Sur les 3 patients qui sont sous méthadone, un patient déclare la prendre en deux fois dans la journée : Patient 10 : « je la prenais en une fois mais ça ne m’allait pas trop. Je me retrouvais complètement malade, donc on a commencé à me la faire prendre en deux fois ». o Cumul de plusieurs prises journalières sur une même journée : Le problème d’observance thérapeutique est souvent marqué lors de l’initialisation du traitement : Patient 1 : « Des fois, c’est un peu difficile. Des fois j’en prends pas pendant deux ou trois jours pour ensuite en prendre fois trois ou fois quatre pendant un jour ». Patient 4 : « quand on sort en ville et que je sais que c'est pour toute la nuit, bah j'en prends deux parce que, pour que ça tienne…et après, le lendemain il m'en manque un et souvent en fin de semaine j'ai une journée entière où il n'y a plus rien ». 36 Patient 7 (en parlant de la gestion de son MSO et de l’observance thérapeutique) : «Au début, on avait ces problèmes-­‐là, j'avais ces problèmes au début mais c'est passé ». Patient 8 : « Oui, oui, le week-­‐end dernier, j’en ai pris un demi de plus le samedi et le dimanche un demi de plus donc ça fait un entier de plus pendant le week-­‐end ». Patient 9 : « Je ne respectais pas trop les doses et bah ça m’est arrivé de venir toutes les semaines faire une nouvelle ordonnance parce que, parce que j’en n’avais plus. Ça a été un peu difficile quoi ». Patient 12 : « La première journée j’ai pris, je vais vous avouer hein, j’ai pris toute la plaquette dans la journée ». 3.3.4.3. Effets recherchés Pour certains patients, le mode de prise du MSO par voie nasale ou intraveineuse a pour objectif de se rappeler le rituel associé au produit : Patient 3 : « Bah en fait très clairement avec la buprénorphine y a pas vraiment d’effet donc euh, on recherche le rituel je pense ». « Et déjà le rituel, la gestuelle, ça fait beaucoup du truc quoi…donc forcément, ça aide un peu ». Patient 7 : « j'ai tellement envie de le sniffer que ouais…c’est le geste et l'effet, même si je me dis que je vais avoir mal à la tête c'est pas grave, je le fais quand même ». Pour d’autres, le mode de prise influence sur l’effet ressenti du MSO : Patient 2 : « Mais après ça ne travaille pas pareil…Euh par injection on le sent plus fort, mais ça dure moins longtemps, ça redescend plus vite ». Patient 4 : « Il est plus rapide et plus fort en trace, après, il dure moins longtemps ». Patient 6 : « en sniff c’est immédiat ». Patient 7 : « Pour moi, ça va faire plus d'effet en sniff, c'est pas pareil, ouais en fait quand je le sniffe, ça va me faire de l'effet au début ». 37 Pour d’autres, l’usage détourné a pour but de retrouver l’effet du produit : Patient 1 : « Des fois j’en prends pas pendant deux ou trois jours pour ensuite en prendre fois trois ou fois quatre pendant un jour, pour être un peu euh, un peu down quoi …Bah un peu de défonce, quand on en prend fois quatre ». Patient 3 : « Donc on partage en plusieurs fois dans la journée pour se rappeler un petit peu la consommation du produit ». Patient 9 : « le plaisir que me procuraient les produits ». Pour certains, il permet de combler un manque : Patient 3 : « On veut se rattacher à ce qui nous manque. Bah ouais c’est ça, on se sent un peu vide donc forcément, on va rechercher ce qui nous manque ». Un patient souligne que cette étape d’usage détourné du MSO a été une transition indispensable pour décrocher du produit : Patient 3 : « Mais par contre je pense que je n’aurais pas réussi à arrêter de la même manière si je n’avais pas eu ce mésusage de la buprénorphine. Je pense que je n’aurais pas réussi à arrêter euh…aussi facilement. Car c’est pas simple et je suis pas sûr que j’y serais arrivé sans passer par cette étape. Ouais parce que ça a été quand même une transition ». 38 3.3.5. Perception des MSO : 3.3.5.1. Par les patients qui sont sous BHD : o Pour la BHD : Les perceptions de ces patients vis à vis de leur médicament sont très variées. Pour certains, c’est quelque chose de positif : Patient 2 (en parlant de sa substitution) : « Bah pour moi c’est positif, pour moi ça se passe bien ». Patient 8 : « c’est tout petit et euh c’est magique », « je n’aurais pas deviné que le Subutex® me sauverait la vie », « le Subutex® c’est mon ami », « j’ai envie de dire Bravo la science », « c’est incroyable ». Pour d’autres, l’image de la BHD est ternie par le mésusage : Patient 5 : « moi, je connais des gens qui se défoncent au Sub quoi…Pour se défoncer il faut taper fort. J’en connais qui se le shootait aussi ». Les patients restent majoritairement ambivalents entre drogue et traitement : Patient 6 : « c’est quand même une famille opiacée, enfin je sais pas, c’est quand même un peu une drogue, enfin la preuve si on l’arrête d’un coup, on va pas bien donc euh…c’est que c’est une drogue…mais bon il faut pas tout mettre dans le même panier…je sais que ça a sauvé beaucoup de personnes et y’avait rien avant ». Patient 7 : « Pour moi, non c’est pas une drogue, bah c’est pas une drogue enfin si, on a remplacé une drogue par une autre…c’est pas une drogue, ça reste un médicament mais euh, je ne suis pas fait pour prendre ça normalement ». Patient 12 (qui dans le même entretien utilise des adjectifs opposés) : « Pour moi, c’est positif…il m’a bien aidé » et un peu plus loin : « j’ai l’impression de prendre ma dose tous les matins…j’en ai une mauvaise image quand même ». 39 Pour d’autres, c’est néfaste pour leur santé : Patient 11 (en parlant de la BHD) : « c’est pas bon, je suis sûr. Je suis sûr que je vais avoir des trucs à un moment donné…Ouais mais je suis sûr qu’à long terme, c’est pas bon ». Patient 12 : « Donc mon corps s’habitue aussi à ce produit-­‐là, j’aime pas trop être euh imprégnée d’un truc, j’ai envie que mon corps soit propre quoi, sans médicament ». Certains ont des difficultés à l’assumer auprès de leur entourage et le dissimulent : Patient 4 : « ma mère est surtout pas au courant et j'ai pas envie ». Patient 11 : « ça reste un truc qu’on cache…on ne le dit pas ». Patient 12 : « …je me cache. Je cache mes médicaments ». « C’est perso et c’est secret ». De plus ces conceptions peuvent être influencées par l’entourage proche : Patient 4 (en parlant de la perception des MSO par ses amis) : « Euh, ils voient ça un peu comme...ils aiment pas savoir que je suis en traitement, mais ils préfèrent savoir que je prends un traitement plutôt que de l’héroïne ». Patient 7 (en parlant de la perception de la BHD par sa mère): « elle voit ça plutôt comme une drogue, elle a regardé des choses et tout ça sur Internet, elle s’est renseignée et elle voit ça comme une drogue, pour elle, c’est vraiment pas bien ». o Pour la méthadone : Parmi les patients qui ont de la BHD en traitement de fond, 5 ont déjà eu recours à la méthadone. 40 Certains l’associent aux gros usagers et aux consommateurs de produits en intraveineux : Patient 4 : « la méthadone je vois ça d’un très mauvais œil, pour moi ce sont les gens qui ont vraiment un gros dosage…des gens qui n’arrivent pas à s’en sortir et qui ont besoin de gros dosages ». Patient 8 : « pour moi la méthadone c’était pour les grands drogués…je pensais que c’était pour les personnes qui se piquaient, qui étaient dé-­‐sociabilisées ». Pour d’autres, essentiellement ceux qui l’ont déjà consommée, c’est positif et elle limite le mésusage : Patient 5 : « Non le mieux, c’est la méthadone. Et puis pour les gens qui se défoncent au Sub ça éviterait qui se défoncent trop la gueule ». Certains patients la perçoivent comme étant plus forte que la BHD : Patient 7 : « Pas de méthadone, je sais que ça doit être un peu plus fort que le Subutex® ». Pour un patient la méthadone est considérée comme « magique » : Patient 12 (en parlant de son expérience avec la méthadone) : « j’ai trouvé ça magique ». Mais elle serait plus « accrocheuse » : Patient 12 (en parlant de son expérience avec la méthadone) : « j’ai l’impression que l’on s’y accroche enfin qu’on devient plus dépendant qu’avec le Subutex® parce que l’effet ressemble plus au produit ». 41 3.3.5.2. Par les patients qui sont sous méthadone : o Pour la BHD : Sur les 3 patients qui ont de la méthadone en traitement de fond, tous ont déjà testé la BHD. Leurs visions sont différentes. Pour un patient c’est une « mauvaise molécule » : -­‐ par ses propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques : Patient 1 : « le Subutex® c’est de la grosse merde, en plus la demi-­‐vie est courte…c’est pas une bonne molécule », « c’est un agoniste partiel des récepteurs mu donc ça pose un problème, on peut pas en prendre avec…l’héroïne ». -­‐ par sa toxicité sur le réseau vasculaire lors d’usage détourné : Patient 1 : « je me shootais au Subutex® donc j’ai plus de veines », « j’aime pas ça, déjà je me le shootais, je me suis niqué les veines ». Pour un autre, c’est positif car ça lui a permis de se stabiliser : Patient 3 (en parlant de la BHD et des TSO): « C’est positif parce qu’aujourd’hui ça me permet d’avoir une vie sociale stable, de pouvoir remplir tous les engagements de la vie courante ». Paradoxalement, pour ce patient, ça a été également une installation dans la dépendance : Patient 3 : « Donc pour moi…c’était un peu me mettre un pied, enfin être davantage dans la dépendance en fait…j’ai eu et j’ai l’impression d’avoir plus de temps de dépendance au médicament de substitution que de pathologie vraiment de consommation ». 42 o Pour la méthadone : Pour certains c’est un médicament très satisfaisant : Patient 1 : « la méthadone pour moi c’est vraiment le traitement idéal » par ses propriétés pharmacocinétiques notamment : « la méthadone elle couvre pendant 48 heures donc c’est beaucoup mieux… ça couvre impeccable ». Pour d’autres c’est positif car ça leur a permis une réinsertion sociale : Patient 10 (en parlant des changements de son quotidien liés à la méthadone) : « je ne suis plus à la rue, je ne fais plus la manche ». Pour un patient, la méthadone est « accrocheuse » : Patient 10 : « la méthadone c’est bien, après je ne sais pas…mais après c’est beaucoup plus difficile de décrocher de la méthadone que du Subutex® ». Pour un autre patient, la méthadone est « un mythe » : Patient 3 : « j’aime quand même moins, la méthadone. Il y a des gens qui se plaignent beaucoup de la buprénorphine parce qu’ils veulent absolument être sous méthadone, mais c’est pas forcément mon cas…La méthadone n’était pas pour moi le médicament miracle même si aujourd’hui dans la rue, tout le monde va vous dire que c’est cent fois mieux que la buprénorphine. Peut-­‐être parce que c’est moins facile à obtenir, donc il y a un genre de mythe ». 43 3.3.6. Objectif et Finalité du MSO à ce jour : Pour la grande majorité des patients rencontrés, la finalité d’un TSO se résume par l’arrêt du médicament de substitution. Pour certains l’arrêt doit être le plus rapide possible alors que pour d’autres la décroissance doit être progressive : Patient 2 : « Bah d’arrêter, de ne plus rien prendre. Je pense que ça doit être ça quand même la finalité, après y en a ils mettent plus ou moins de temps. Mais je crois que, je ne sais pas, mais je crois que c’est long en fait mais bon c’est peut être aussi psychologique, c’est des paliers quoi ». Patient 3 : « Bah moi j’aimerais bien descendre progressivement jusqu’à arrêter. Après le problème c’est que j’arrive pas à me visualiser dans le temps, je ne sais pas combien de temps ça va prendre et j’ai peur que ça me prenne encore pas mal d’années et ça, ça me fait chier quand même ! Si je pouvais claquer des doigts pour ne plus en avoir ça serait bien ». Patient 4 : « Euh mon but c’est d’arrêter et de baisser les doses au plus vite ». « L’idée c’est vraiment d’arrêter ». « Je sais que voilà bah le jour où je serai au plus petit dosage, le but sera d’arrêter d’un coup et là, plus question que je retouche à quoi que ce soit ». Patient 6 : « la finalité, pour que ce soit réussi, il faut l’arrêter ». Patient 7 : « arrêter le plus vite possible et pour moi je suis bien parti ». Patient 9 : « Que ça m’amène à tout arrêter. Tous les gens qui rentrent là-­‐dedans c’est pas pour y rester, c’est plutôt pour essayer d’arrêter un jour. Donc oui, ça serait ça un traitement réussi, qu’on arrive à baisser mes doses comme je fais, pour ne plus rien prendre un jour. Mais ça c’est…enfin c’est long quoi ». Patient 10 : « Bah d’arrêter totalement. Je n’arrête pas de demander à Monsieur B. à ce qu’il le descende mais il ne veut pas aller trop vite. J’aimerais qu’il la descende de 10 par mois mais il trouve que c’est beaucoup, donc on descend de 5 toutes les trois semaines. Mais j’en ai marre ». Patient 11 : « Bah de ne pas en avoir ». 44 Patient 12 : « j’ai envie de m’en débarrasser maintenant ». Pour deux autres patients, la finalité du MSO est d’être stabilisé et de le conserver à vie, ils ne souhaitent ni le diminuer ni l’arrêter : Patient 1 : « Non, moi je garderai ça à vie. Bah je n’ai pas envie de ne plus rien avoir. Là je suis à 60, c’est pas énorme et je ne me vois pas diminuer, je me sens bien comme ça… ». Patient 8 : « Bah pour moi c’est obligatoire… donc si on me dit, tu l’auras jusqu’à ta mort et bien se sera comme ça et puis c’est tout ». Pour un autre patient, le MSO est plutôt pris dans l’optique de mieux gérer ses consommations de produits : Patient 5 (en parlant de l’intérêt du MSO et de la gestion de ses consommations) : « bah je pense pas arrêter complètement mais une fois de temps en temps ça fait du bien voilà… ». 45 3.3.7. Le MSO idéal : Le MSO idéal varie en fonction des patients. Pour certains, la substitution idéale est la méthadone : Patient 1 : « la méthadone pour moi c’est vraiment le traitement idéal ». Patient 4 : « Pourquoi pas une sorte de méthadone mais pas aussi forte ». Patient 5 : « Non le mieux, c’est la méthadone. Et puis pour les gens qui se défoncent au Sub ça éviterait qui se défoncent trop la gueule et puis voilà… ». « Bah pour moi le mieux c’est en sirop…Nan mais c’est vrai, moi je pense comme ça…Au moins les gens ils ne peuvent pas se la shooter… ». Chez quelques patients le MSO idéal est la BHD/ le Subutex® : Patient 8 : « Le Subutex®. Pour moi c’est vraiment du positif ». Pour certains patients, ce serait le Subutex® mais avec un effet boostant : Patient 12 : « la buprénorphine est très bien. Euh ce qui manque à ce médicament je trouve c’est quelque chose qui donne du peps, enfin qui donne un peu la forme, la pêche quoi ». Pour un patient, le médicament idéal serait la morphine: Patient 1 : « Skenan® 200 à volonté. Non je rigole mais ça me conviendrait très bien ». Pour d’autres, la substitution idéale dépend de chaque patient : Patient 10 : « Bah la méthadone c’est bien, après je ne sais pas, j’ai trouvé ça bien la méthadone parce que j’étais au Skénan® mais après c’est beaucoup plus difficile de décrocher de la méthadone que du Subutex®. Et je pense que pour les personnes qui ne sont pas passées par le Skénan® et qui sont qu’à l’héroïne bah je dirais plus Subutex®. Je pense aussi que ça dépend des gens ». 46 Pour un patient, ce serait un MSO que l’on ne peut pas prendre de façon détournée : Patient 4 : « un médicament qui ne se prend pas en trace, ça serait la solution ». « le Subutex® mais d’une autre manière, une poudre mais qui ne peut pas se prendre en trace ». Pour d’autres patients, le MSO idéal s’inclut dans un traitement de courte durée : Patient 3 : « Bah ça serait un traitement qui résout les problèmes physiques, psychologiques et sociaux en même temps. Et surtout rapidement ». Patient 7 : « Bah déjà ce serait un traitement qu'on prend pas à vie, un traitement que ouais, je prendrais pas longtemps et que vraiment, on diminuerait petit à petit mais euh faut pas que ça dure trop longtemps ». Pour un patient, se serait un MSO qui n’induit pas de dépendance physique : Patient 6 : « Bah c’est celui qui vous met bien…que ça s’arrête et qu’il n’y ait pas de manque de ce médicament ». 47 4. DISCUSSION 4.1. A Propos de l’étude 4.1.1. Critères de scientificité La validité interne de l’étude assurant la pertinence et la cohérence de ce travail a été renforcée par la double lecture et l’analyse de chaque entretien par le directeur de cette thèse le Docteur Marchand et moi-­‐même. Cependant ces analyses restent subjectives car elles sont soumises aux interprétations de chacun ce qui constitue une première limite à ce travail. La taille de l’échantillon des patients inclus dans cette étude a été définie par la saturation des données recueillies au cours des entretiens afin que le corpus soit le plus représentatif possible de la population étudiée et ainsi garantir la validité externe de ce travail. Néanmoins, les personnes en traitement de substitution constituent une population très hétérogène, donc même si nous avons essayé de rester le plus représentatif, cette étude ne prétend pas à l’exhaustivité de ses résultats. 4.1.2. Biais et limites Pour évaluer la qualité de ce travail il est nécessaire d’identifier et d’expliquer les différents biais. -­‐ Biais de sélection : -­‐ Biais de recrutement : les patients rencontrés sont suivis uniquement en cabinet de médecine générale ainsi l’étude n’intègre pas les usagers suivis à l’OPPELIA ni dans les autres structures d’accueil. Ceci constitue un premier biais car les profils 48 sont parfois différents selon les structures. De plus, les médecins généralistes ont constitué un second filtre car on peut supposer qu’ils n’ont pas proposé à tous leurs patients sous MSO de participer à l’étude et qu’ils ont ainsi effectué une pré-­‐
sélection consciemment ou non. Par exemple, dans cette étude, tous les patients rencontrés ont une expérience de la substitution supérieure ou égale à 2 ans, ce qui est également à prendre en compte dans l’analyse des résultats. -­‐ Biais de volontariat : on peut sous-­‐entendre que les patients volontaires sont soit des personnes ayant suffisamment de recul sur leur TSO pour pouvoir témoigner sans difficultés soit des personnes ayant des raisons de vouloir rapporter leur expérience (bénéfices, difficultés, échecs…). -­‐ Biais d’information : -­‐ Biais de mémoire : les patients rencontrés sur rendez-­‐vous avaient eu le temps de préparer l’entretien et de se remémorer leur histoire avec les produits et la substitution contrairement aux autres patients. -­‐ Biais liés à l’enquêteur : Les caractéristiques personnelles de l’enquêteur (moi-­‐même) telles que le sexe, l’âge, les traits de personnalité…viennent se confronter à celles de la personne interviewée et ont pu influencer sur le discours de certains patients. Par exemple, le fait d’être une femme a peut-­‐être facilité les patientes rencontrées à se confier plus facilement que si l’enquêteur avait été un homme et vice versa. 49 4.2. A propos des résultats Les entretiens réalisés sont très riches et constituent une précieuse source d’informations. Cette étude a permis de placer les TSO dans des contextes très diversifiés prenant en compte le vécu des patients avec les produits et avec la substitution. Nous avons ainsi pu constater que leurs attentes et leurs perceptions évoluent selon une trajectoire non linéaire, parsemée d’étapes. 4.2.1. Les attentes par rapport aux MSO : Le parcours dans le traitement de substitution est un processus long au cours duquel le patient réajuste ses attentes, ses pratiques et ses projets. Notre étude a mis en évidence que les perspectives des usagers évoluent dans le temps et selon leur environnement. Par ailleurs, on a relevé que certains usagers consomment les MSO de façon détournée. On peut alors supposer que leurs attentes ne sont pas satisfaites dans le cadre de prescription d’AMM, nous avons donc exploré ce phénomène pour essayer de mieux le comprendre. o Evolution dans le temps et dans l’espace : Trois étapes clés de la substitution sont retrouvées dans l’itinéraire des patients rencontrés. On distingue : l’initiation et le mode d’entrée dans la substitution, la première prescription médicale de MSO et l’accompagnement au long cours. Lors des entretiens, différents modes d’entrées dans la substitution ont été recensés : le réseau des amis-­‐usagers (les pairs), le médecin généraliste et la rue par un dealer. Ces données avaient également été mises en avant dans l’étude de Langlois et al. publiée en 2012 (19). Cette étude rapportait que le fait de passer initialement par la rue ou le réseau amical semblait moins contraignant pour les usagers plutôt que de passer par une structure médicale qui leur imposait d’emblée 50 un cadre et un accompagnement régulier. Cette étape semble effectivement nécessaire pour certains usagers, comme le souligne le patient 4 de notre étude qui parle de « transition entre appeler le docteur et arrêter l’héroïne ». Dans la majorité des cas le MSO pris dans cette phase d’initiation est la BHD car elle est plus facilement disponible (20). Lors de cette phase d’introduction différentes intentions et attentes peuvent être recherchées. Même si elle se déroule le plus souvent en dehors d’un contexte de prescription médicale, la prise de MSO est parfois réalisée dans une démarche thérapeutique d’automédication ayant pour but d’éviter le syndrome de manque et les douleurs qui y sont associées : « bah parce que j’étais en manque » (Patient 5), « pour éviter d’être malade » (Patient 4). Cette notion d’ « auto-­‐médication » encore appelée « auto-­‐substitution » est décrite dans l’étude d’Auriacombe et al de 2003 (21). Par ailleurs, dans certaines situations, les MSO sont pris par les usagers pour temporiser avant une prochaine prise de produits : « c’était plutôt dans l’optique de permettre d’attendre euh enfin d’avoir une autre prise quoi... ça permet de temporiser » (Patient 12). Et pour d’autres, ils sont pris dans l’espoir de reproduire l’effet provoqué par l’héroïne: « Je l’utilisais d’ailleurs plus dans un esprit de défonce que de substitution. Les fois où j’en ai eu c’était plus pour se casser un peu la tête » (Patient 3). Cependant, il est important de noter que les propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques des MSO n’induisent ni effet euphorisant ni effet flash. La démarche de consulter pour faire une demande de TSO auprès d’un médecin survient suite à une période plus ou moins longue, faisant souvent suite à un état de crise où pour la première fois, la situation de l’usager est vécue comme insoutenable (22). Le soulagement des tensions émotionnelles, la pression sociale, la dégradation de l’état de santé ou la survenue d’événements de vie sont parfois des facteurs précipitants à la demande de traitement de substitution (23). Les attentes exprimées à cette étape par les patients rencontrés étaient variées mais ce qui revenait le plus fréquemment était une demande d’accompagnement personnalisé 51 et un soutien médicamenteux pour arrêter la prise de produits. Il est important de souligner que même si les attentes convergeaient souvent vers une même demande, les motivations de chacun étaient très différentes. Pour certains, elles étaient personnelles telles que améliorer ses conditions de vie, se décentrer du produit et pour d’autres, elles dépendaient de facteurs environnementaux tels que des difficultés financières, des pressions de l’entourage personnel et/ou professionnel. Il est intéressant de noter que l’altération de l’état général ou l’atteinte à l’intégrité physique liée à l’usage des drogues ont très peu été mentionnées par les patients rencontrés. Ceci relèverait-­‐il d’une certaine forme de déni par rapport à la nocivité des produits consommés? Les patients interrogés ont tous une expérience avec la substitution supérieure à 2 ans et la plupart sont accompagnés dans cette démarche par un médecin généraliste, depuis plus de 5 ans. (cf figure 2). L’addiction est considérée comme une affection chronique et les MSO sont intégrés dans un accompagnement au long cours. La durée du traitement est un thème qui est revenu très fréquemment dans les entretiens, c’est un élément important qui selon les usagers conditionne la réussite de leur traitement. Pour la grande majorité, la finalité du traitement serait d’arrêter leur MSO et souvent le plus rapidement possible: « Euh mon but c’est d’arrêter et de baisser les doses au plus vite » (Patient 4). Pour d’autres, l’arrêt est envisagé mais il doit être réalisé très progressivement voire très lentement: « Bah moi j’aimerais bien descendre progressivement jusqu’à arrêter » (Patient 3), la peur de ne plus rien « avoir » est source d’angoisse pour certains. Pour une minorité, le MSO est indispensable car il leur apporte une stabilité et son interruption leur paraît inenvisageable: « Non, moi je garderai ça à vie. Bah je n’ai pas envie de ne plus rien avoir…je ne me vois pas diminuer, je me sens bien comme ça »(Patient1). Cette étape d’accompagnement au long cours est complexe et fait émerger de nouveaux obstacles auxquels sont confrontés les patients. En effet, pour ceux qui souhaitent arrêter et qui sont en difficulté pour réduire les posologies prescrites, 52 cela est parfois vécu comme un échec et c’est le sentiment d’une dépendance au MSO qui prend le dessus (23) : « j’ai l’impression d’avoir plus de temps de dépendance au médicament de substitution que de pathologie vraiment de consommation » (Patient 3). De plus, dans cette prise en charge parfois longue, un décalage entre soignants et patients peut apparaître. En effet, les soignants voient dans la réussite de la maintenance et l’amélioration de l’état général du patient la preuve d’un traitement efficace qui encourage sa poursuite. Parallèlement, les patients trouvent le temps long et remettent en cause la pertinence du MSO (19) : « Je n’arrête pas de demander à Monsieur B. à ce qu’il le descende mais il ne veut pas aller trop vite. J’aimerais qu’il la descende de 10 par mois mais il trouve que c’est beaucoup, donc on descend de 5 toutes les trois semaines. Mais j’en ai marre » (Patient 10). o Pratiques de consommation du MSO : Les MSO ont l’AMM pour être pris par voie orale (pour la méthadone) ou sublinguale (pour la BHD-­‐Subutex®) et en une seule prise journalière (10). Il est important de noter que la relation dose-­‐effet est primordiale pour les usagers ou ex-­‐usagers de drogues (23). Ainsi, les MSO sont parfois consommés par certains patients de façon détournée à différents niveaux : soit lors de la prise (IV ou nasale) et/ou soit lors de la fréquence des prises (bi ou pluri journalières, cumul des posologies prescrites). La galénique de la méthadone (sirop, gélule) limite son détournement par voie nasale ou intraveineuse contrairement à la BHD (comprimé). Par ailleurs, le côté « normalisant » de la BHD souligné à plusieurs reprises dans les entretiens : « ça met normal » (patient 4), “ ça me fait rien du tout ” (Patient 6), « le Subutex® ça nous met normal » (Patient 12)… peut être considéré comme non satisfaisant par certains patients qui seraient en recherche de sensations et de 53 façon hypothétique pourrait expliquer en partie le recours aux usages détournés de la BHD (23). Plusieurs citations recueillies lors des entretiens renforcent cette hypothèse. Ainsi, certains patients disent avoir recours à l’usage détourné pour : -
Se rappeler les sensations liées aux produits: « le plaisir que me procuraient les produits » (Patient 9). -
Combler un manque: «on veut se rattacher à ce qui nous manque…on se sent un peu vide donc forcément, on va rechercher ce qui nous manque » (Patient 3). -
Accélérer l’effet ressenti du traitement: « En sniff c’est immédiat » (Patient 6). -
se rappeler un rituel lié au mode de consommation de l’héroïne: « Bah en fait très clairement avec la buprénorphine y a pas vraiment d’effet donc euh, on recherche le rituel je pense » (Patient 3). Il me semble important de souligner que cet usage détourné est exprimé au passé dans plusieurs entretiens et qu’il est parfois vécu par certains patients comme une étape indispensable à l’arrêt des consommations d’héroïne : « je pense que je n’aurais pas réussi à arrêter de la même manière si je n’avais pas eu ce mésusage de la buprénorphine. Je pense que je n’aurais pas réussi à arrêter euh…aussi facilement. Car c’est pas simple et je suis pas sûr que j’y serais arrivé sans passer par cette étape. Ouais parce que ça a été quand même une transition » (Patient 3). Cette situation nous montre qu’il ne faut donc pas vouloir réprimer à tout prix l’usage détourné des MSO et qu’il est important de respecter la trajectoire de chaque usager. Cependant, il doit être systématiquement recherché et exploré par les soignants afin d’être pris en compte et d’adapter l’accompagnement de ces patients. 54 4.2.2. Les représentations des MSO par les patients L’image des TSO s’appuie sur une série d’ambiguïtés affectant les MSO : sont-­‐
ils des médicaments ou des drogues légales ? Pour la très grande majorité des patients, les MSO sont bien identifiés comme des médicaments (19). Plusieurs études vont dans ce sens dont celles de AIDES en 2001, où la plupart des participants ont une vision positive du traitement puisque près de 70 % d’entre eux considèrent la substitution comme un traitement et/ou un moyen de s’en sortir (16). Cependant, les conceptions des MSO varient selon les expériences personnelles de chaque patient, leur ressenti et elles sont aussi influencées par leur environnement qui constitue un reflet des représentations sociales et culturelles. Ainsi les perceptions peuvent varier d’un moment à l’autre sur le parcours de chaque usager. o Effets ressentis des MSO : Notre étude a mis en évidence que les effets ressentis varient en fonction du MSO prescrit et du patient qui le reçoit, mais ils sont globalement positifs pour les deux médicaments. Pour la BHD, l’effet normalisant a été décrit à plusieurs reprises dans notre enquête et avait déjà été exposé dans le rapport de Guichard et al.(23). Par ailleurs, la BHD est reconnue par les patients pour ses propriétés thérapeutiques à visée : -
anxiolytique : « je n’ai plus d’angoisse » (Patient 8). -
antalgique (par action sur le syndrome de sevrage) : « ça retire le manque» (Patient 5). -
progressive : « il monte progressivement mais il redescend progressivement aussi ». (Patient 2) 55 -
stimulante : « moi ça me booste, ça va me booster en faite » (Patient 7). L’effet indésirable le plus prépondérant pour ce médicament est la somnolence. En effet de nombreux patients ont exprimé une asthénie suite à l’introduction de BHD : « moi je constate que ça m’endort », « je m’endors partout » (Patient 8). La méthadone est décrite par ses propriétés thérapeutiques: -
apaisante : « on se sent apaisé et presque normal » (Patient 12). -
sa rapidité et son efficacité : « c’est plus efficace quand même la méthadone...l’effet est plus rapide » (Patient 5). Cependant, la méthadone est perçue par plusieurs patients comme étant proche de l’effet ressenti par l’héroïne : « C’est aussi plus proche de l’héroïne...au niveau du ressenti » (Patient 3). Cette remarque montre toute la complexité et l’ambiguïté face aux MSO. Cette description avait également été rapportée dans le rapport de Langlois et al.(19). Par ailleurs, la sudation est l’effet secondaire le plus marquant et invalidant selon les patients rencontrés : « Bouffées de chaleur, transpiration…depuis deux ans que je suis à la méthadone, euh non trois ans, je n’arrivais pas à prendre le tram, le bus, tellement je dégoulinais. L’hiver j’étais en T-­‐Shirt tellement j’avais chaud, non au début c’était très très dur ouais, des grosses bouffées de chaleur » (Patient 10). o Expérience avec les MSO : Les expériences personnelles de chaque patient influencent sur leur perception des MSO. Ainsi, les patients substitués par la BHD n’ont pas les mêmes représentations que les patients substitués par la méthadone. Sur les 12 patients rencontrés, 8 ont déjà expérimenté les deux médicaments (cf Tableau 3). 56 Pour les patients qui sont sous BHD : Dans notre enquête, la BHD est décrite le plus souvent de façon positive parfois même avec une dimension magique : « c’est tout petit et euh c’est magique », « je n’aurais pas deviné que le Subutex® me sauverait la vie », « le Subutex® c’est mon ami », « j’ai envie de dire Bravo la science », « c’est incroyable » (Patient 8). Cette admiration peut paraître suspecte car l’affection à ce médicament peut laisser présager un transfert de dépendance du produit vers le médicament. En effet, pour certains, la BHD serait au contraire néfaste pour leur santé et serait à l’origine d’une dépendance physique et psychique plus forte que l’héroïne. Pour d’autres patients, ça a été un piège, le fait que la BHD soit détournée et puisse être consommée par voie nasale, il existe un maintien de la dépendance au rituel ce qui renforce cette idée de piège suscitant l’incompréhension de certains usagers : « ça se prend en trace donc je trouve ça fou parce que c'est aussi le geste donc euh le fait de prendre du Sub en trace finalement on n'arrête pas vraiment le processus quoi…peut être qu'ils ont fait exprès pour que les gens prennent du Subutex® » (Patient 4). Cette dimension avait déjà été décrite dans le rapport de Guichard et al. en 2006 (23). Pour d’autres, la perception de la BHD est entachée par l’usage détourné et assimiler à un moyen de défonce : « moi, je connais des gens qui se défoncent au Sub quoi » (Patient 5). Cette représentation est congruente à différentes publications sur le sujet dont le rapport de Costes et al. de 2010 (24). Mais le plus souvent, les représentations de la BHD par les usagers restent ambivalentes au sein d’un même discours : -
« c’est quand même une famille opiacée, enfin je sais pas, c’est quand même un peu une drogue, enfin la preuve si on l’arrête d’un coup, on va pas bien donc euh…c’est que c’est une drogue…mais bon il faut pas tout mettre dans le même 57 panier…je sais que ça a sauvé beaucoup de personnes et y’avait rien avant » (Patient 6). -
« Pour moi, non c’est pas une drogue, bah c’est pas une drogue enfin si, on a remplacé une drogue par une autre…c’est pas une drogue, ça reste un médicament mais euh, je ne suis pas fait pour prendre ça normalement » (Patient 7). Sur les 9 patients qui sont sous BHD, 5 ont déjà expérimenté la méthadone. Pour ceux-­‐là, la méthadone est considérée comme satisfaisante car plus efficace que la BHD et limitant le mésusage. Pour les autres, qui n’ont jamais consommé de méthadone, la représentation est négative car elle est rattachée aux « usagers de drogues IV » et aux « gros consommateurs ». Pour les patients qui sont sous méthadone : Parmi les 3 patients sous méthadone, tous ont déjà expérimenté la BHD. Pour certains, la BHD véhicule une image négative, elle symbolise une mauvaise molécule et un mésusage responsable de conséquences sanitaires redoutables telles que la dégradation du réseau vasculaire et la formation d’abcès. Pour un autre, la BHD a été une entrée dans la substitution et dans la dépendance,
ce phénomène n’est pas isolé, il a été décrit dans la littérature dès 2001, et conceptualisé
par Escots et Fahet (2004) dans le cadre d'une étude spécifique de TREND (18) : « pour
moi, enfin je le vois un peu comme ça, c’était un peu me mettre un pied, enfin être
davantage dans la dépendance en fait » (Patient 3 en parlant de son initiation à la BHD). Pour la méthadone, ils sont dans l’ensemble satisfaits car elle ne peut pas être détournée et elle est rapidement efficace. En effet, 2 de ces patients sur 3 ont eu 58 recours à la méthadone suite à un usage détourné de la BHD ce qui a conduit leur médecin prescripteur à changer de MSO. Cependant, elle serait plus accrocheuse et plus proche de l’héroïne donc plus difficile à arrêter: « la méthadone c’est bien, après je ne sais pas…c’est beaucoup plus difficile de décrocher de la méthadone que du Subutex® » (Patient 10). La méthadone jouit souvent d’une image thérapeutique plus forte que la BHD du fait de sa dispensation plus réglementée (19). Dans notre étude un patient s’est exprimé à ce sujet mais il ne semble pas pour autant partager cet avis : « j’aime quand même moins, la méthadone. Il y’a des gens qui se plaignent beaucoup de la buprénorphine parce qu’ils veulent absolument être sous méthadone, mais c’est pas forcément mon cas…La méthadone n’était pas pour moi le médicament miracle même si aujourd’hui dans la rue, tout le monde va vous dire que c’est cent fois mieux que la buprénorphine. Peut-­‐être parce que c’est moins facile à obtenir, donc il y a un genre de mythe » (Patient 3). Malgré les bénéfices réels apportés, les perceptions à l’égard des MSO sont loin d’être uniformisées et restent donc partagées au sein de notre étude. o Image de leur traitement par rapport à leur environnement L’image de soi est un élément central dans la problématique identitaire qui se joue lors de la mise en place d’une substitution : « ex-­‐toxico », « junkie », « patient », « malade ». Cette image est souvent influencée par les représentations sociales et culturelles (23). Dans cette étude nous avons donc exploré les représentations des MSO par les usagers mais également celles de leur entourage, à travers leurs regards. 59 En effet, bien que les MSO soient délivrés sous prescription médicale, ils ne sont pas considérés comme des médicaments ordinaires aussi bien par les soignants que par la population générale. En effet, certains patients expriment avoir rencontré des difficultés d’accès au traitement par certains médecins qui refusaient la prescription : « j’ai eu un peu de mal à trouver un médecin parce qu’ils sont pas tous très à l’aise avec ça. Et en fait beaucoup disent carrément : « Non, je n’en prescris pas » ou « Je prends pas en charge ce type de pathologie » (Patient 3). De plus, certains patients vont consulter un autre médecin que leur médecin traitant déclaré car ils ne souhaitent pas que ce dernier soit informé de leur dépendance aux opiacés : « J’ai pas franchement envie d’en parler avec lui, parce que je vais le voir dans l’esprit du médecin de famille, les enfants vont le voir donc non. Ça a été mon médecin quand je suis arrivée à Nantes donc ça m’embête un peu » (Patient 12). Cette volonté de dissimuler le TSO témoigne d’une certaine difficulté d’acceptation du traitement mais aussi d’une crainte d’être jugée. Au sein de notre étude, très peu de patients parlent ouvertement de leur traitement à leur entourage. Beaucoup considèrent que leur traitement de substitution les rattache à leur image de toxicomane et ont peur du jugement : « si on dit à quelqu’un qu’on est suivi pour des problèmes de toxicomanie, on a forcément l’étiquette de toxicomane » (Patient 3). Ainsi, la plupart des patients ont du mal à s’extraire du stigmate de « toxicomane » et préfèrent cacher leur traitement à leur entourage : « je me cache. Je cache mes médicaments, je ne veux pas que les enfants ou quelqu’un de ma famille qui viendrait, tombent dessus. C’est perso et c’est secret…Ouais, c’est tabou, c’est compliqué » (Patient 12). La représentation négative de la substitution par l’entourage est souvent liée à une peur et une inquiétude liées à la méconnaissance du sujet mais aussi à l’association du patient à l’image dénigrante du toxicomane : « il faut savoir 60 l’expliquer aux gens parce que si ils ne savent pas ce que c’est bah ça fait peut faire peur… Après est-­‐ce que ça veut dire être rattaché à toute la symbolique du toxicomane stéréotypé? Pas forcément mais c’est présent quand même » (Patient 3). De plus, le maintien d’une dépendance physique aux MSO est parfois perçu par l’entourage comme un transfert d’une dépendance vers une autre, assimilant le médicament à une drogue : « elle voit ça plutôt comme une drogue, elle a regardé des choses et tout ça, surtout sur Internet, elle s'est renseignée et elle voit ça comme une drogue, pour elle c'est vraiment pas bien » (Patient 7 en parlant de la représentation de la BHD par sa mère). Cependant, même si ça reste une minorité il est important de souligner que pour certaines personnes de l’entourage auxquelles les patients se sont confiés, les MSO sont vus comme des moyens de s’en sortir et sont bien acceptés : « je me disais elle va peut-­‐être pas comprendre et en fait si elle a très bien compris » (Patient 6 en parlant de sa compagne), « ils sont contents de me voir comme ça plutôt que dans ma mauvaise période…c’est passé comme une lettre à la poste » (Patient 12). Le paradoxe du traitement réside dans le fait qu’il aide à la fois les individus à s’émanciper de leur passé de toxicomane, à se détacher du produit, à se reconstruire mais c’est aussi ce qui les rattache à ce passé parfois vécu comme discréditant aux regards d’autrui (22). 61 CONCLUSION La spécificité de cette étude a été de réaliser une enquête auprès des patients substitués usagers ou ex-­‐usagers d’opiacés prenant en compte des profils très différents ayant chacun leur histoire avec les produits et avec les TSO. Cette étude a permis de mettre en évidence que les trajectoires de chaque patients sont très diversifiées et parsemées d’étapes. Les attentes et les représentations des MSO évoluent au fil du temps en fonction de l’environnement, des états psychique mais aussi physique de ces patients. C’est cette évolution et cette dynamique permanente qu’il est important d’évaluer et de prendre en compte. En effet, les TSO sont intégrés dans un accompagnement le plus souvent uniformisé qui n’intègre pas toujours le cheminement thérapeutique et l’expérience des patients rencontrés. La notion de respect du cheminement thérapeutique des patients est un élément propre aux accompagnements médicaux des pathologies chroniques rencontrées en médecine générale (25). Cependant la particularité de cet accompagnement réside dans son traitement, qui bien que prescrit et encadré médicalement, n’est toujours pas perçu comme un médicament ordinaire. En effet, notre travail va dans le sens des précédentes études sur ce sujet. Les représentations des MSO par les patients substitués restent ambivalentes, même si pour la plupart des patients rencontrés ils sont considérés comme un traitement leur ayant permis de se décentrer des produits et d’améliorer leurs conditions de vie. Cependant le paradoxe du traitement réside dans le fait que ce médicament qui leur apporte des bénéfices certains, les rattache à leur passé parfois vécu négativement. 62 Il est donc important que la singularité du patient substitué soit prise en compte tout au long de cet accompagnement afin de construire une alliance thérapeutique de qualité et de trouver un équilibre entre le savoir du médecin et l’expérience du patient. Enfin, pour compléter ce travail, il aurait pu être intéressant de faire une étude croisée, avec les médecins généralistes qui suivent ces patients pour confronter leurs points de vue sur ces accompagnements. 63 BIBLIOGRAPHIE 1. Reynaud M, Bailly D, Venisse J-­‐L, Congrès international sur les addictions. Médecine et addictions: peut-­‐on intervenir de façon précoce et efficace? Paris: Masson; 2005. 2. Gautier Ar, Berra N. Baromètre santé médecins généralistes 2009. St-­‐Denis Inpes Coll Baromètres Santé. 2011. 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ouvertes.fr/halshs-­‐00783799/ 20. Gaudillière B. Les représentations de la méthadone et de la buprénorphine haut dosage chez les patients toxicomanes: du médicament à la relation thérapeutique [Thèse d’exercice]. [France]: Université Pierre et Marie Curie (Paris). UFR de médecine Pierre et Marie Curie; 2007. 21. Auriacombe M, Fatseas M, Franques-­‐Rénéric P, Daulouède J-­‐P. Thérapeutique de substitution dans les addictions. 2003 Juin;(N°12):1327–34. 22. Milhet M. Les traitements de substitution vus par les patients : quelle trajectoire pour quelle sortie ? Psychotropes. 2007 Feb 7;Vol. 12(3):55–69. 23. Guichard A, Lert F, Brodeur J-­‐M, Richard L. Rapports des usagers au Subutex® : de la reconquête de l’autonomie à la spirale de l’échec. Sci Soc Santé. 2006;24(4):5–43. 24. OFDT, Les usages de drogues illicites en France depuis 1999. Available from: http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxjcq2.pdf 25. Ventrou Ph., Une pratique de TSO en médecine générale et libérale. Le Flyer. 2009 Sept. ; N°37. 65 ANNEXES ANNEXE 1 : GUIDE D’ENTRETIEN I-­‐ MODE DE VIE / PRESENTATION (fin d'entretien) 1-­‐ Sexe 2-­‐ Age 3-­‐ Seul(e)/ En couple. 4-­‐ Enfant(s) 5-­‐ Logement 6-­‐ Profession 7-­‐ Revenus 8-­‐ Antécédents/ Traitements associés (psychotropes/ neuroleptiques) II-­‐ HISTOIRE DE LA TOXICOMANIE : 1-­‐ Quel(s) produit(s) ? 2-­‐ Age de début de la dépendance à l'héroïne/morphine 3-­‐ Mode(s) de prise de l'héroïne : sniff/ IV/ inhaler III-­‐ CONSOMMATIONS ACTUELLES : 1-­‐ Produits consommés (dont OH et tabac) 2-­‐ Mode de consommation : voie d'administration/contexte de prise 3-­‐ Fréquence IV-­‐ TRAITEMENT DE SUBSTITUTION 1-­‐ Médicament de substitution prescrit : BHD/ Subutex®/ méthadone. 2-­‐ Initiation/ le médecin prescripteur est-­‐il votre médecin traitant ? Oui ? Non ? Pourquoi ? 3-­‐ Pourquoi ce MSO : vous l'avez demandé/ on vous l'a proposé/ On vous l'a imposé ( si oui, quel médicament auriez-­‐vous souhaitez ?) 4-­‐ Consommation antérieure de ce MSO sans prescription 5-­‐ Posologie : respect de la prescription/ + ou – que ce qui est prescrit. 6-­‐ Nombre et Mode de prises 7-­‐ Effets secondaires (transpiration/troubles digestifs/ modification de l'appétit/asthénie/troubles de poids/ anxiété, sauts d'humeur/ Difficultés RS/ Autres). 8-­‐ Relation avec la pharmacie. 66 V-­‐ PERCEPTION DU MSO : 1-­‐ Que vous évoque la BHD ? La Méthadone ? Le MSO ? 2-­‐ Comment et par qui en avez-­‐vous entendu parler la 1ère fois ? 3-­‐ Qu'est-­‐ce qui vous a conduit à consulter pour demander un MSO ? 4-­‐ Quelles étaient vos attentes en demandant ce MSO ? 5-­‐ Ont-­‐elles été satisfaite(s) ? Oui ? Non ? Pourquoi ? 6-­‐ Depuis que vous êtes en substitution, y a-­‐t-­‐il eu des changements dans votre vie? Si oui, de quels types ? Social ? Médical ? Administratif ? Professionnel ? Familial ? 7-­‐ Avez-­‐vous l'impression de mieux/ moins contrôler vos consommations ? 8-­‐ Considération du MSO : un traitement/ un moyen de s'en sortir/ une drogue comme une autre/ une drogue pire qu'une autre/ un produit que vous ne pouvez pas arrêter/ un piège/ un moyen de vous faire rentrer dans le système, de vous contrôler/ autre. 9-­‐ Finalités du MSO : Arrêter d'en prendre le plus rapidement possible/ Améliorer votre situation générale avant l'arrêt de ce traitement. 10-­‐ Perception de l'entourage // MSO VI-­‐ MSO idéal : 1-­‐Quels critères ? 67 ANNEXE 2 : LES ENTRETIENS Patient 1 : « Etant donné que c’est la première fois que l’on se rencontre est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter s’il vous plaît ? Alors je m’appelle Emmanuel., j’ai 35 ans, ça fait euh plus de quinze ans que je suis dans la toxicomanie. J’ai commencé par le cannabis ensuite j’ai pris de la cocaïne, du LSD, des champis, de la… J’ai tout pris quoi, de l’ecstasy, de l’héroïne, tout. Je prenais environ trois à quatre grammes d’héroïne par semaine. D’accord. Et euh ensuite, bah j’ai été visiteur médical donc j’ai diminué ma consommation. J’ai pris du Subutex®, j’étais à 16 milligrammes par jour, ensuite, je suis descendu progressivement jusqu’à 8 milligrammes. D’accord. Et euh… il y a dix ans environ, euh non, même un peu moins, je suis arrivé au Triangle et c’est là qu’ils m’ont proposé un traitement méthadone et je trouve que la différence est impressionnante. Déjà, je me shootais au Subutex® donc j’ai plus de veines. D’accord parce que l’héroïne vous la consommiez… Je la shootais aussi ouais, donc euh, le Subutex® c’est de la grosse merde, en plus la demi-­‐
vie elle est courte alors que la méthadone elle couvre pendant 48 heures donc c’est beaucoup mieux. En plus le Subutex®, c’est un agoniste partiel des récepteurs mu donc ça pose un problème, on peut pas en prendre avec euh…l’héroïne…alors que la méthadone il n’y a pas de problème. Mmh. Donc moi je trouve que c’est vraiment mieux la méthadone. Je trouve inadmissible qu’elle ne soit pas délivrée par les généralistes, comme le Subutex®, et qu’il faille passer par un…Triangle ou la prison ou par un centre psychiatrique donc voilà. Et quand vous avez été au Triangle il y a 10 ans, c’était dans quelles circonstances? Bah, je continuais de prendre de l’héroïne avec mon Subutex®. Du coup ils m’ont mis sous méthadone. Et comment s’est passé le relais en médecine générale ? En fait, j’ai commencé à 120 de méthadone, j’ai diminué progressivement jusqu’à 60. Je suis resté plusieurs années là-­‐bas, au Triangle, et au départ je passais tous les jours, après une fois tous les trois jours…Et puis au bout de trois, quatre ans, j’ai demandé un relais ville. D’accord. Donc maintenant, je suis suivi par le Docteur M. qui me donne ma méthadone pour quatorze jours. D’accord. Et je la prends en gélules, c’est beaucoup mieux qu’en fioles, déjà pour les dents, ça abîme moins les dents et puis, elle est inshootable, donc ça c’est bien, impossible à shooter. C’est vous qui avez demandé à passer sous la forme gélule ? Non, ils me l’ont proposée mais c’est dommage qu’il n’y ait pas de gélules de 60. Donc je prends 40 plus 20. Et comment vous la prenez ? En une fois le matin et ça couvre impeccable. Le seul problème c’est juste que si je suis amené à avoir une grosse douleur et à avoir besoin de morphine ça me fera moins d’effet. 68 Est-­‐ce que vous avez l’impression que la méthadone vous a permis de mieux contrôler vos consommations ? Ouais, je ne prends plus d’héroïne, je prends que de la cocaïne de temps en temps, mais ça a été progressif. Et concernant vos autres consommations de produits, vous consommez à quelle fréquence, à peu près ? Une fois tous les deux mois. Avez-­‐vous déjà ressenti des effets indésirables liés à la méthadone ? Non mais par contre, d’après le Docteur M., ça me provoquerait une dys… pardon excusez-­‐
moi, une dysautonomie, vous connaissez ? Oui. Apparemment c’est un dysfonctionnement du système nerveux autonome donc je transpire dès que je fais le moindre effort. Et il pense que c’est à cause de la méthadone. Effectivement, ça fait partie des effets indésirables qui peuvent être rencontrés chez certains patients qui sont sous méthadone. Et sinon, le Subutex®, vous a été prescrit pendant combien de temps ? Cinq ans, et euh vraiment j’aime pas ça, déjà je me le shootais, je me suis niqué les veines, et puis en plus, c’est pas une bonne molécule quoi. Et qu’est-­‐ce qui vous a poussé il y a quinze ans à demander un traitement de substitution ? L’argent. J’avais de moins en moins d’argent, j’arrivais moins à dealer donc j’arrivais moins à me procurer mes doses et donc je me suis dit : « il faut que j’arrête ». D’accord. Et puis il y avait aussi ma santé, le fait que je n’arrivais plus à me shooter, parce que je ne trouvais plus de veines et cetera… Ok. Et aujourd’hui comment se passe la gestion de votre traitement ? Vous arrivez à respecter les 60 milligrammes prescrits ? Des fois, c’est un peu difficile. Des fois j’en prends pas pendant deux ou trois jours pour ensuite en prendre fois trois ou fois quatre pendant un jour, pour être un peu euh, un peu down quoi. Parce que vous recherchez quoi dans ces moments-­‐là ? Bah un peu de défonce, quand on en prend fois quatre, un petit peu ouais. Et alors comment ça se passe les jours où vous n’en n’avez pas ? Bien. Vous ne ressentez pas de signes de manque ? Ça couvre deux jours je crois, c’est combien la demi-­‐vie ? Il y a quelques variations en fonction des patients mais c’est en moyenne 25 heures. Et le Subutex® c’est quatre heures, non ? 69 Effectivement, c’est en moyenne quatre heures. Et sinon, avec la pharmacie, ça se passe comment ? Alors avec la pharmacie, je leur donne deux ordonnances pour un mois, il me garde la deuxième ordonnance et donc je passe une fois tous les quinze jours pour avoir ma méthadone. D’accord, donc si je comprends bien, vous avez votre traitement qui est prescrit pour un mois, délivré en deux fois ? Oui, donc je viens voir le Docteur M. tous les mois parce que sinon je serais tout le temps revenu. Ok et comment se passe l’accompagnement avec le Docteur M. ? Ça se passe très bien. Par contre j’ai été inscrit à un truc au Triangle, comment ça s’appelle déjà…Bref l’intérêt c’était d’être dans un réseau, mais je ne sais pas à quoi ça sert parce que je n’en ai jamais entendu parler et je vois pas trop de bénéfice quoi. Est-­‐ce que c’était en lien avec le relais-­‐ville de la prescription de méthadone ? Bah je ne sais pas mais en tous cas ça n’a pas été facile parce qu’il a fallu que je vende des arguments, il a fallu que je fasse une lettre et tout…Ah non, c’est pas facile de passer en relais-­‐ville, c’est dommage ça aussi…Et puis, au Triangle, le fait de passer tous les jours, ah là là, en plus ils font des analyses et tout… C’est vraiment contraignant. Moi je connais un copain qui bosse dans les espaces verts en Bretagne, et il y va tous les jours au Triangle, il prend 180 milligrammes et euh…en plus il travaille et il doit y aller tous les jours, c’est euh…nul quoi. Ça demande une certaine organisation, oui. Et vous, vous avez une activité professionnelle ? J’étais visiteur médical avant mais j’ai arrêté à cause de tout ça, ça doit faire dix ans. D’accord, et comment ça se passe avec votre entourage ? Il y a des personnes qui sont au courant que vous prenez un médicament de substitution ? Bah, j’ai perdu tous mes amis à cause du… de la drogue, tous mes anciens amis donc euh…donc voilà. Si j’ai bien compris, vous avez une amie, elle en pense quoi de votre traitement ? Bah avec ma copine on s’est rencontré au Triangle, elle a pris du Subutex®, ensuite, elle a pris de la méthadone, ensuite on l’a remise sous Subutex® parce qu’elle s’est fait virer du Triangle et là, elle a arrêté le Subutex® entièrement. Ok. Elle ne prend plus rien. Et le fait, qu’elle ne prenne plus rien, est-­‐ce que ça a une incidence sur votre prise de traitement ? Bah oui, moi j’essaie de prendre mon traitement plus régulièrement pour éviter les surdosages, enfin…certains jours quoi. Et pour vous, quelle serait la finalité de votre traitement ? Comment est-­‐ce que vous envisagez les jours, les mois, les années à venir ? Non, moi je garderai ça à vie. 70 Qu’est-­‐ce qui vous fait dire ça ? Bah je n’ai pas envie de ne plus rien avoir. Là je suis à 60, c’est pas énorme et je ne me vois pas diminuer, je me sens bien comme ça…Mais ce qui m’embête c’est si je dois subir une opération, enfin si je dois recevoir de la morphine, ça m’embête parce que à part la morphine en cas de douleur bah il n’y a pas grand-­‐chose. Il y a d’autres traitements antalgiques, avec différents paliers en fonction des douleurs vous savez. Mais vous avez des soucis de santé ? Je vous sens inquiet, vous avez une intervention de programmée ? Non, non, rien à voir. J’étais asthmatique, on m’a retiré un calcul de la vésicule biliaire, une lithiase. Mmh. Mais sinon non. Ok, et est-­‐ce que vous prenez d’autres traitements que la méthadone ? Oui, j’ai des anxiolytiques. Ah oui et c’est quoi comme anxiolytiques ? Des antipsychotiques, euh 40 milligrammes de Valium® par jour. D’accord. De l’Effexor®, deux comprimés de 75 par jour, et du Loxapac® 200 milligrammes par jour et voilà. Je vois que vous avez des psychotropes, vous avez un suivi par un psychiatre en parallèle ? Non, j’en ai marre des psychiatres, j’en ai trop vu. Et bien au moins ça a le mérite d’être clair. Sourire. J’en avais trop marre. Bon, et donc pour vous quel serait le médicament de substitution idéal ? La morphine. Rires. La morphine ? Ouais avoir du Skenan® 200 à volonté. Non je rigole mais ça me conviendrait très bien. Et pourquoi le Skenan® ? Vous en avez déjà reçu ? Ouais, en intraveineuse, c’est bon le Skénan®. Et vous en consommez régulièrement? J’en ai consommé quelques fois, à l’occasion, mais de toute façon j’arrive plus à me shooter, je n’ai plus de veine. Donc je les prends en trace mais à cause de la méthadone, ça ne me fait plus d’effet. Bah les récepteurs sont saturés donc euh…Mais non, la méthadone pour moi c’est vraiment le traitement idéal. Et en France, il devrait accélérer ça. Au Canada, aux Etats-­‐Unis, ils prescrivent ça sans problème et là, en France c’est lamentable quoi. Bref, j’espère que votre thèse va aller dans ce sens-­‐là en tous cas. J’en prends note. Bon, est-­‐ce qu’il y a d’autres choses que vous voulez mentionner par rapport au traitement de substitution ? Bah, il faudrait encourager la forme gélule, parce qu’elles sont inshootables. En fiole aussi d’ailleurs. Mais bon, il y’en a qui se débrouillent, ils la mettent au frigo, ils font un bidouillage, ils récupèrent un tout petit peu de…et puis ils se l’envoient mais bon. Non mais encourager la forme gélule, c’est moins imposant déjà, c’est moins gros et puis c’est plus pratique. 71 Bon et bien je vous remercie d’avoir pris du temps pour l’entretien. J’ai juste une dernière petite question, Est-­‐ce qu’il y a eu des répercussions dans votre vie, suite à l’introduction du MSO ? Oui, au début, parce que j’étais complètement surdosé. Je prenais la méthadone comme un produit de défonce et du coup je dormais toute la journée, donc j’ai perdu pas mal de relations professionnelles, amicales… Et donc ça a posé des problèmes au départ, avant que je me stabilise à 60 milligrammes où là maintenant je n’en prends plus pour me défoncer, j’en prends juste pour éviter d’être en manque. Et donc maintenant que vous êtes stabilisé est-­‐ce que vous avez quelques activités, des occupations ? Bah oui, parce que je n’ y pense plus. En plus, je sais que si j’achète 1 gramme, je sais que ça ne me fera pas d’effet, ou moins d’effet donc ce n’est pas intéressant. Et sinon, vous disiez que le traitement avait eu des répercussions sur vos relations amicales, professionnelles mais comment ça se passe avec vos proches, votre famille ? Au niveau familial ça a tout cassé. C’est mes parents qui ont pris rendez-­‐vous avec le Triangle. Bah ils m’ont découvert avec une shooteuse dans le bras, tout en sueur, le T-­‐shirt tout mouillé, j’avais du mal à respirer, je respirais comme ça. Démonstration simulant une crise d’asthme. Et donc ils ont eu peur. Christelle, ma copine, elle a arrêté parce qu’elle a fait un coma. Elle avait arrêté la méthadone après s’être fait virer du Triangle, elle s’est sevrée et un jour elle m’avait repris 60 milligrammes. Elle était mal alors j’ai appelé les urgences, ils lui ont fait une piqûre de Naloxone® et puis elle est tombée dans le coma. Mais ça a été un électrochoc pour elle parce que, du coup elle a voulu arrêter et puis elle a réussi, elle ne prend plus rien. Mais moi je ne me vois pas sans rien. Ce qui serait bien c’est que la délivrance soit plus longue que quatorze jours. Je comprends mais j’aimerais bien. Après pour vous c’est déjà ce qui se produit plus ou moins, non ? Ouais, mais pas pour la pharmacie. Mais bon quand je vais à Auchan, je passe devant donc c’est pas trop grave. Ok, bon et bien merci, je vous propose d’en rester là pour aujourd’hui. 72 Patient 2 : « Alors vu que c’est la première fois que l’on se rencontre est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Alors je m’appelle François, j’ai 34 ans, euh là je retravaille depuis deux ans, j’ai fait huit ans de rue avant, là ça fait quatre ans que je suis en appartement et depuis deux ans je retravaille, puis voilà. Donc là ça fait combien de temps que vous êtes suivi au cabinet ? Cinq ans. Cinq ans, d’accord. Et donc vous êtes venu ici initialement dans le cadre de la substitution ? Au départ oui et maintenant c’est aussi mon médecin généraliste. Quel est le traitement de substitution qui vous est prescrit ? Euh c’est de la buprénorphine. Et vous êtes à quelle posologie ? Bah là j’ai 12. D’accord et il y a eu des changements de posologie ? Bah j’ai démarré à 12, mais avant j’étais autre part et j’étais à 16. D’accord, et alors comment vous aviez entendu parler de la substitution initialement ? Euh bah dehors… Mmh. Et vous aviez déjà eu recours à la buprénorphine avant que l’on vous en prescrive ? Ouais, ouais. Et c’était dans quelle circonstance ? Bah c’était parce que j’étais malade, je n’étais pas bien. Mmh. Et donc il y avait une addiction aux opiacés ? Qu’est-­‐ce que vous consommiez ? De la came, du speed, un peu de tout. Il y a vraiment eu une période avec un peu de tout, tous les jours euh, tout le temps. D’accord et le Subutex® c’est vous qui l’avez demandé ou c’est un médecin qui a fait le choix de ce traitement ? Bah dehors c’était un choix de ma part et après on m’a proposé de rester à ça. Mmh et ce choix vous convient ? Oui je pense. Vous avez déjà eu de la méthadone ? Non, jamais. Mmh, Vous consommiez comment les drogues que vous preniez ? Bah au début c’était tout léger et après c’était différent. 73 C’est à dire ? Qu’est-­‐ce qui était différent ? Bah au début, c’était quelques fois dans la journée et à la fin c’était quatre ou cinq grammes par jour. D’accord. Je la prenais en intra, au début nasal et euh après, au fil du temps, en intraveineuse. Mmh, et donc là, comment ça se passe pour la délivrance du traitement ? Je viens tous les mois. Tous les mois d’accord. Et comment se passe la prise du traitement ? Comment vous procédez ? Là ça fait euh pas longtemps que je le prends sous la langue mais avant je le prenais en injection. D’accord et qu’est-­‐ce qui vous a conduit à le prendre en sublingual? Trop de douleurs, trop de traces aux bras, les veines qui commencent à se boucher… Mais après ça ne travaille pas pareil. C’est à dire ? Euh par injection on le sent plus fort, mais ça dure moins longtemps, ça redescend plus vite. Et euh en l’avalant il monte progressivement mais il redescend progressivement aussi quoi. Ok. Et donc là ça fait combien de temps que vous le prenez en sublinguale ? Ça fait un mois et demi. Et vous êtes satisfait ? Oui. Et vous le prenez en une seule fois ? Non, en plusieurs fois, en deux fois, 6 le matin et 6 le soir. D’accord. Et à la pharmacie vous allez chercher votre prescription à quelle fréquence ? Tous les mois, je vais le chercher en bas et je le prends pour un mois. Comment ça se passe avec la pharmacie ? Bien, pas de souci particulier. Et concernant le traitement avez-­‐vous déjà ressenti des effets indésirables ? Bah depuis que je le prends sous la langue ça va mieux. En intra, ouais sur la fin, ça n’allait pas, j’avais souvent des maux de tête, je ne me sentais pas bien. Mais là maintenant, c’est bien. Mmh. Et donc quelles étaient vos attentes lorsque vous avez fait la démarche de demander un traitement de substitution ? Euh déjà ne plus prendre tout ce qui traînait et puis que je sois stabilisé et puis euh l’argent aussi. Rires. Mais plus pour me stabiliser et aussi arrêter. 74 D’accord. Et donc là, est-­‐ce que vous avez toujours des consommations de produits en parallèle du traitement? Non, depuis que je suis arrivé ici, ça fait cinq ou six ans, euh je n’ai plus rien pris. Vous êtes originaire du coin ? Non, pendant huit, dix ans j’ai traîné partout, sinon je viens d’Alsace. D’accord. Et pour vous quels seraient les critères pour qu’une substitution soit réussie ? La durée peut-­‐être, je ne sais pas, je ne sais pas du tout. Mmh. Et pour vous quelle serait la finalité du traitement ? Bah d’arrêter, de ne plus rien prendre. Je pense que ça doit être ça quand même la finalité, après y en a ils mettent plus ou moins de temps. Mais je crois que, je ne sais pas, mais je crois que c’est long en fait mais bon c’est peut être aussi psychologique, c’est des paliers quoi. Oui effectivement, c’est progressif. Et est-­‐ce que vous prenez d’autres traitements ? Non. Avez-­‐vous des soucis de santé particuliers ? Non pas spécialement non. Ok. Vous avez un peu d’entourage euh de la famille, des amis ? Non, plus ces derniers temps, j’ai des amis mais plus de famille. Mmh et vos amis, les personnes qui vous entourent sont au courant de votre substitution ? La plupart ouais, pas tout le monde. Et d’après vous qu’est-­‐ce qu’ils pensent de votre traitement ? Bah après ça dépend des gens, les gens les plus proches de toute façon voilà, ils nous prennent comme on est, mais bon les avis extérieurs c’est pas pareil. Mmh. Vous travaillez ? Ouais. Vous faites quoi comme boulot ? Bah je suis employé dans un chantier traiteur. D’accord. Est-­‐ce que vous consommez alcool, tabac ? Tabac, Cannabis. Ok, à quelle fréquence ? Tous les jours, mais j’ai pas envie d’arrêter pour l’instant, un jour peut être ça viendra mais pas tout de suite. Ok, est-­‐ce que la mise en place du traitement de substitution a entraîné des modifications dans votre quotidien ? Ouais euh, je perdais souvent beaucoup de poids avec les injections et depuis plusieurs mois j’essaie de reprendre, ça va un peu mieux. Ça me stabilise, je ne perds plus, je prends 75 un petit peu… Mais c’est vrai que des fois je perdais dix, quinze kilos d’un coup, ouais j’avais des grosses variantes de poids. Globalement, est-­‐ce que les attentes que vous pouviez avoir à l’initialisation du traitement sont atteintes ? Bah pour moi c’est positif, pour moi ça se passe bien. Et par rapport à l’accompagnement fait par les médecins généralistes est-­‐ce que vous pensez que c’est facile d’aborder le sujet ? Bah au début pas trop mais après ça va. Et donc là vous êtes venu à ce cabinet par hasard ou on vous avait conseillé ? C’est par le Triangle, parce qu’au début je l’achetais dehors, mais je dépensais trop de sous dans les autres produits. Alors après j’ai voulu me tourner vers un médecin et donc j’ai d’abord été au Triangle et au Triangle on m’a envoyé ici. Et donc l’initiation a été faite au Triangle ? Bah non, parce que avant je voyais un médecin dans une autre ville. Mais non, ils m’ont tout de suite donné les coordonnées du cabinet, ça a été hyper rapide, je suis resté deux ou trois heures et ils m’ont trouvé un médecin tout de suite. Ok. Souhaitez-­‐vous rajouter quelque chose ? Non bah c’est bon. 76 Patient 3 : « Alors vu que c’est la première fois que l’on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Ok, bon bah je m’appelle Léonard, j’ai 28 ans euh bah j’habite à Nantes et je consomme euh depuis sept ou huit ans. J’ai dû commencer vers 20 ans, euh 19 ans par là. Et euh j’ai consommé un traitement de substitution vers 21-­‐22 ou 22-­‐23, je sais plus… Mmh. Et donc là le Docteur B. vous suit depuis 2009 c’est bien ça ? Donc le traitement avait été initié par qui au début ? Euh le Docteur P., à Nantes aussi. C’était votre médecin traitant ? Euh non, c’était un des médecins qui étaient spécialisés en addictologie. Il travaillait par moment au Triangle aussi. Et qui est-­‐ce qui vous avait transmis ses coordonnées ? Le Triangle ? Euh non. Bah c’était par des gens qui étaient dans le réseau. Donc du coup j’ai commencé parce que des gens que je connaissais y allaient, donc je suis allé le voir aussi. D’accord. Et en fait j’ai dû arrêter d’y aller parce que j’ai déménagé sur la Roche-­‐sur-­‐Yon, en Vendée. Et là, j’ai eu un peu de mal à trouver un médecin parce qu’ils sont pas tous très à l’aise avec ça. Et en fait beaucoup disent carrément : « Non, je n’en prescris pas » ou « Je prends pas en charge ce type de pathologie ». Bon après j’en ai trouvé un quand même, pas du tout spécialisé en addictologie, mais bon… Même le centre d’addictologie de la Roche-­‐sur-­‐Yon, parce qu’on m’avait conseillé d’y aller, n’avait même pas de listes de médecins pour prescrire le traitement…Et en plus, ils ne font pas de prescriptions là-­‐bas. Donc du coup, j’en ai trouvé un au hasard. Ok. Et ensuite, c’est en revenant sur Nantes que j’ai été suivi par le Docteur B. D’accord, ok. Et qu’est-­‐ce qui vous a poussé à faire la démarche de demander un médicament de substitution ? Bah en fait, j’avais repris des études, j’avais essayé d’arrêter au moment de reprendre les études. Ça n’a pas duré très longtemps et donc j’ai repris, j’ai commencé à rater pas mal de cours. C’était un peu compliqué et euh j’avais jamais… Enfin, je faisais pas trop d’effort non plus, je me procurais pas trop de substitution sur le marché noir, donc je me faisais dépanner de temps en temps par des amis qui étaient en traitement mais qui étaient toujours encore un petit peu dedans quand même. Mmh. Et puis un jour, il y en a un qui m’a dit : « Bah plutôt que de venir me voir pourquoi tu ne vas pas voir directement un médecin pour qu’il te prescrive un traitement ? ». Donc pour moi, enfin je le vois un peu comme ça, c’était un peu me mettre un pied, enfin être davantage dans la dépendance en fait. Ah oui ? Ouais, parce que je… Et avec le recul je garde un peu cette idée-­‐là. C’est à dire ? Pouvez-­‐vous m’expliquer ? En fait, j’ai eu et j’ai l’impression d’avoir plus de temps de dépendance au médicament de substitution que de pathologie vraiment de consommation. 77 Et quelles étaient vos consommations ? De l’héroïne surtout. Vous en consommiez à quelle fréquence ? Bah quotidienne, j‘étais à peu près à 1 gramme par jour sur une période. Au début, 1 gramme me faisait deux ou trois jours et puis après ça a rapidement été 1 gramme par jour. Bon après, ça représente tout de suite une somme importante. Et puis bah ça partait relativement vite. Souvent je faisais pratiquement autant en chien qu’avec du produit donc ça devenait assez difficilement gérable avec les études, avec la vie en couple et tout ça quoi. C’était pas évident donc finalement c’est aussi pour ça que j’ai entrepris quand même une démarche de soins. Mais bon, ça a mis du temps à se mettre en place. Mais bon, aujourd’hui je ne consomme plus depuis pas mal d’années, mais bon ça m’a pris quand même pas mal de temps quoi. Parce que en fait, j’ai eu des moments, avant de voir le Docteur B., donc en 2009, j’ai eu une période où j’avais bien arrêté. Et puis quand je suis revenu sur Nantes, j’étais sans emploi, avec un peu des moments de doutes, et ça m’a repenché vers le produit et puis j’ai revu des personnes qui étaient dedans, tout ça…donc ça ne m’a pas trop aidé. Ça a duré un petit peu avant de voir le Docteur B. et puis un petit peu après. En tout, j’ai eu au moins deux ou trois ans en étant jamais fixé. Et là ça doit faire au moins trois ans que j’ai plus touché à rien. D’accord, et donc comment est-­‐ce que vous considérez votre substitution ? Euh le traitement dans son ensemble ? Oui, comment est-­‐ce que vous considérez votre traitement ? Ouais c’est positif. C’est positif parce qu’aujourd’hui ça me permet d’avoir une vie sociale stable, de pouvoir remplir tous les engagements de la vie courante quoi. Mais par contre, je me sens quand même accroché à la substitution, et aussi à l’étiquette de toxicomane. Et ça, ça ne part pas facilement. Bah même aux yeux des autres, c’est vrai que dans mon entourage, il n’ y a pas beaucoup de gens qui le savent. Quand vous parlez de votre entourage, votre famille… Non, ma famille…Enfin je pense que mes parents ont des doutes, ils m’ont déjà lancé des petits piques là-­‐dessus pour me faire comprendre qu’ils savaient un peu de quoi il en retournait, mais on n’en a jamais vraiment discuté. Donc euh…Enfin de toute façon, c’est vrai que pour les gens qui sont au courant, si par exemple on dit à quelqu’un qu’on est suivi pour des problèmes de toxicomanie, on a forcément l’étiquette de toxicomane. C’est ce que vous vous percevez ? Ouais, bah on est, enfin je pense, moi je me considère comme toxicomane à partir du moment où je me soigne pour ça. Enfin ça reste une pathologie que j’ai quoi. Après, est-­‐ce que ça veut dire être rattaché à toute la symbolique du toxicomane stéréotypé ? Pas forcément, mais c’est présent quand même. Les gens de votre entourage proche avec lesquels vous avez pu parler de votre traitement de substitution, à votre avis, comment ils l’ont perçu ? Souvent ils ont été un peu surpris. Parce que c’est vrai qu’il y a eu tout un moment où je traînais un peu plus dans la rue, bref j’étais moins casé qu’aujourd’hui. Et c’est vrai que j’avais un entourage, enfin quand on baigne là-­‐dedans c’est euh, c’est pas si surprenant quand quelqu’un dit qu’il est toxicomane. Après quand on commence à rentrer dans des 78 cercles moins marginaux et plus normaux on va dire, ça surprend un peu plus. Mais après, il y a des gens qui sont surpris mais aussi curieux. Après j’ai pas non plus rencontré trop de jugements de valeur, ça va encore. Mais il faut savoir l’expliquer aux gens parce que si ils ne savent pas ce que c’est bah ça fait peut faire peur. Là, vous avez quel traitement de substitution? Euh méthadone depuis mai parce que j’avais tendance à prendre le Subutex® en sniff, comme l’héro. Bah au moins je ne me suis jamais mis au shoot donc c’était au moins ça. Mais par contre je pense que je n’aurais pas réussi à arrêter de la même manière si je n’avais pas eu ce mésusage de la buprénorphine. Je pense que je n’aurais pas réussi à arrêter euh…aussi facilement. Car c’est pas simple et je suis pas sûr que j’y serais arrivé sans passer par cette étape. Ouais parce que ça a été quand même une transition. Au début, on sait que le traitement doit être pris une fois par jour, en sublinguale, enfin voilà quoi. Mais bon je le prenais comme le produit, comme beaucoup d’autres personnes aussi. Donc on partage en plusieurs fois dans la journée pour se rappeler un petit peu la consommation du produit. Et quel effet vous recherchiez dans ces moments-­‐là ? Bah en fait très clairement avec la buprénorphine y a pas vraiment d’effet donc euh, on recherche le rituel je pense. On veut se rattacher à ce qui nous manque. Bah ouais c’est ça, on se sent un peu vide donc forcément, on va rechercher ce qu’il nous manque. Et déjà le rituel, la gestuelle, ça fait beaucoup du truc quoi…donc forcément, ça aide un peu. Et vous étiez à quelle posologie de buprénorphine ? Alors j’ai dû commencer à 6 milligrammes par jour, mais avec le mésusage j’étais pas du tout bien dosé. Donc j’en achetais en plus dans la rue et en fait j’étais rapidement aux alentours de 10 quoi, entre 8 et 10. Et puis avec les différentes rechutes tout ça, il a fallu pour me stabiliser être à 13. Je suis donc resté à 13 un moment puis ensuite à 12 pendant plusieurs années et j’ai jamais osé descendre après, parce que j’avais ma routine à 12 et ça m’allait bien. Ça me permettait de gérer ma vie, mon quotidien. Mmh, d’accord. Mais je ne me sentais pas de descendre. Donc du coup c’est là que j’ai fait une initialisation au Triangle pour la méthadone. D’accord, et donc là vous êtes à quelle posologie de méthadone ? 100 milligrammes. 100milligrammes ok, et comment se déroule la prise du traitement? En une fois. Au début j’ai eu, enfin je sais pas comment dire… J’avais l’impression que ça ne me tenait pas au corps suffisamment. Peut-­‐être que le dosage n’était pas adapté, j’étais à des dosages plus bas. Alors le matin ça n’allait pas, le soir ça n’allait pas non plus, donc pour moi ça a été rude quand même. Bah psychologiquement surtout. Ça a commencé à aller mieux quand les dosages ont été adaptés et puis maintenant bah avec les 100 milligrammes et bien je les prends le matin et puis je pense à autre chose et ça va. Est-­‐ce que vous avez ressenti des effets indésirables qui pourraient être liés à la prise du traitement ? De la méthadone? Oui. Alors je sais qu’avant je n’avais pas du tout mais pas du tout de problème de sudation mais là depuis que j’en prends c’est l’enfer. 79 Effectivement ça fait partie des effets qui peuvent être ressentis par certains patients. Bah ça paraît pas si important mais ça c’est vrai qu’en fait, c’est super désagréable. Et pour vous quelle serait la finalité du traitement de substitution ? Bah moi j’aimerais bien descendre progressivement jusqu’à arrêter. Après le problème c’est que j’arrive pas à me visualiser dans le temps, je ne sais pas combien de temps ça va prendre et j’ai peur que ça me prenne encore pas mal d’années et ça, ça me fait chier quand même ! Si je pouvais claquer des doigts pour ne plus en avoir ça serait bien. Mmh. Tout à l’heure vous disiez que ça vous avait permis de retrouver une vie sociale, vous travaillez ? Oui, je travaille. Et vous faites quoi comme travail ? Je suis conducteur de travaux dans l’industrie, je fais des machines industrielles dans une entreprise. Donc ça va. Mais je me sens, euh avec mes collègues et tout ça, je me dis si jamais ils étaient au courant d’un truc concernant ma pathologie…bah eux par contre, ils ne comprendraient pas. Ouais parce que c’est pas du tout, c’est des gens, je sais pas comment vous dire…Avant que je reprenne mes études je faisais des petits boulots, j’ai bossé quelques années dans la restauration à faire la plonge et tout ça…et j’ai croisé pas mal de personnes qui étaient dépendantes, mais j’ai appris après que c’était un des secteurs d’activités où il y avait le plus de consommations…Sans doute par les horaires, vivre la nuit, faire beaucoup d’heures avec des salaires un peu de misère… Donc c’était pas si exceptionnel on va dire de consommer des drogues et même d’être dépendant à l’héroïne. Vous consommiez d’autres produits que l’héroïne ? Au début j’ai commencé par consommer pas mal de produits différents, pour faire la fête hein. Et puis c’est vrai qu’il y a eu une période où je vivais à la rue donc euh forcément les gens qu’on côtoie c’est pas mal autour de ça donc quand on passe du temps dans les squats et que les gens se droguent bah forcément on banalise et puis on va rapidement consommer aussi. Et puis je faisais pas mal la teuf où il y avait pas mal de drogues donc forcément j’ai consommé plusieurs drogues différentes. Mais à partir du moment où j’ai commencé à consommer de l’héroïne et bien je prenais plus que ça. Même si ça m’empêchait pas, de temps en temps, de prendre d’autres drogues : un peu de cocaïne mais pas trop, après tout ce qui était drogues de synthèse tout ça, c’était pas trop mon truc mais rapidement c’est devenu que l’héroïne. D’accord, et donc tout à l’heure en consultation avec le Docteur B., vous parliez de la bière, vous avez une consommation quotidienne d’alcool ? Non pas trop. Après j’ai eu des périodes de ma vie où je consommais plus d’alcool que maintenant mais j’ai tendance à compenser un petit peu quand j’ai des changements de rythme. Par exemple, quand j’ai arrêté la came et que je suis passé au Subutex®, bah là j’ai eu un moment où j’ai pas mal consommé d’alcool pour compenser. Je consommais plus du tout d’alcool quand j’étais équilibré sous buprénorphine. Et là, quand je suis passé à la méthadone, toujours avec le passage du cap un peu difficile, bah je me suis remis à boire. Bon ça reste raisonnable, je ne bois pas tous les jours et je bois en petite quantité mais je sens que je bois pas forcément dans un bon esprit. 80 C’est-­‐à-­‐dire ? Je vais chercher quelque chose, je vais chercher un peu d’ivresse. Je sais que c’est pas boire que pour le plaisir de boire un verre, donc c’est pas très positif. Petits rires. Après, je sais que c’est un passage et je m’efforce de ne pas me rajouter des difficultés à mes problèmes actuels, donc j’essaie de ne pas trop pencher de ce côté-­‐là quoi. Mmh. Et par rapport à votre traitement, comment ça se passe avec la pharmacie ? Est-­‐ce que vous êtes satisfait de la relation avec votre pharmacien ? Franchement je suis dans une bonne pharmacie, c’est pas la plus proche de chez moi mais je suis resté là-­‐bas. En fait, je me suis retrouvé dans cette pharmacie parce qu’au début c’est là où j’allais, donc je me rappelais du nom pour le mettre sur la prescription et finalement je suis resté là-­‐bas parce que ça se passe très bien. Y a juste une personne dans la pharmacie qui euh, je sais pas pourquoi, elle doit se dire que je suis pharmacodépendant et donc ça veut dire qu’il faut me cadrer ou je sais pas mais bon elle a pu être un peu désagréable notamment sur des changements de dosages… Mais en plus c’est même pas la pharmacienne, c’est une préparatrice. Mais bon, elle essaie sans doute de se donner un peu de pouvoir, enfin rien de bien méchant. Bon, et pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal ? Sourire. Dans le meilleur des cas, dans le meilleur des mondes ? Oui, quel serait le traitement idéal selon vous ? Bah ça serait un traitement qui résout les problèmes physiques, psychologiques et sociaux en même temps. Et surtout rapidement. Rires. Et quand je vous parle du Subutex® ou de la méthadone, qu’est-­‐ce que ça vous évoque ? Bah j’aime quand même moins, la méthadone. Il y’a des gens qui se plaignent beaucoup de la buprénorphine parce qu’ils veulent absolument être sous méthadone, mais c’est pas forcément mon cas. Le Docteur B., m’en a parlé longtemps avant que je franchisse le cap. La méthadone n’était pas pour moi le médicament miracle même si aujourd’hui dans la rue, tout le monde va vous dire que c’est cent fois mieux que la buprénorphine. Peut-­‐être parce que c’est moins facile à obtenir, donc il y a un genre de mythe, mais c’est vrai que c’est aussi plus proche de l’héroïne. A quel niveau ? Au niveau du ressenti. Même si moi je ne l’ai jamais vraiment senti comme ça. Et vous aviez déjà consommé de la méthadone avant qu’elle vous soit prescrite ? Oui, mais moins, beaucoup moins que le Sub. Je l’utilisais d’ailleurs plus dans un esprit de défonce que de substitution. Les fois où j’en ai eu c’était plus pour se casser un peu la tête .Rires. Et sinon par rapport à l’accompagnement qui vous est proposé en médecine générale, ça se passe comment ? Moi je pense qu’il n’y a rien à redire sur la prise en charge du Docteur B. Il est impliqué, il est de bon conseil, enfin pour moi, je pense pas qu’il puisse y’avoir mieux en terme de médecin, mais c’est mon avis personnel. 81 Et du coup, il est également votre médecin traitant ? Au début non, mais après au bout de deux prescriptions c’était ce qu’il y avait de plus simple. Je viens ici tous les quinze jours donc c’est plus simple. Avez-­‐vous des soucis de santé ? Non, non. Vous n’avez pas d’autres traitements de fond ? Non non, ça va. Il m’a proposé quand ça n’allait pas trop un petit traitement d’appoint genre des benzo, des choses comme ça, mais vraiment j’ai pas envie. Je préfère prendre mon mal en patience, attendre que ça aille mieux plutôt que de commencer un autre traitement. Ça fait déjà des années que j’en ai un donc si c’est pour en rajouter un autre par-­‐dessus, c’est pas la peine. Bon et bien merci, je pense que vous avez évoqué pas mal de points, souhaitez-­‐vous rajouter des éléments par rapport à la substitution ? Euh non, je pense que c’est tout. Bon et bien je vous remercie. 82 Patient 4 : « Étant donné que c'est la première fois que l'on se rencontre, est ce que vous voulez bien vous présenter s'il vous plaît ? Ouais, donc je suis graphiste, embauchée à Carquefou pour la télévision connectée et à côté, je suis auto-­‐entrepreneur en graphisme depuis 2009. J'habite à Nantes, j'ai toujours été nantaise, j'ai voyagé un petit peu quand même, j'ai habité 1 an et demi à Chypre, euh et je suis célibataire, c'est pas un problème et voilà. Ça fait combien de temps que Monsieur G vous suit ? Oh là, ça fait euh 5 ou 6 ans. Bah en fait, il y a eu un premier suivi, justement par rapport à mon voyage à Chypre où j'étais tombée dans l’héroïne avec un petit copain, et donc c'est le premier médecin que j'ai vu et qui m'avait bien suivie, j'avais 22 ans, et euh il m'a bien suivie. Je suis partie à Chypre, il a continué à me suivre même à Chypre, d'ailleurs je crois que c'était pas trop réglementaire. Vous êtes allée plusieurs fois en voyage à Chypre si je comprends bien? Euh en fait, j'ai gagné un concours avec mon école, il fallait dessiner un logo, voilà, avec deux copines, on a gagné le concours et un voyage à Chypre, on est parties dix jours et après au retour, euh le BTS était terminé, moi j'étais tombée dans l’héroïne avec mon petit copain et euh financièrement j'y arrivais plus du tout j'ai craqué, je l'ai dit à ma mère et tout ça. Et ma mère a voulu m'aider, donc elle m'a ramenée chez elle parce que j'avais un appartement, elle m'a reprise chez elle, elle a pris rendez-­‐vous avec monsieur G. Et euh on a commencé un traitement de Subutex® et euh moi je savais que le seul moyen de vraiment arrêter c'était un peu de tout quitter et vu que j'avais adoré Chypre et que je faisais pas grand-­‐chose de ma vie parce que les études étaient finies et tout ça euh j'ai pris un aller simple pour Chypre et je suis partie tout en ayant monsieur G. qui m'envoyait par la poste le Subutex®, voilà, je crois que c'était pas autorisé mais on le faisait car j'étais sur la fin et je voulais vraiment partir donc on a continué pendant quatre, cinq mois. Et il réduisait à chaque fois et euh ça a fonctionné et au bout d'un an et demi à Chypre, je suis revenue en France après un accident de scooter et vol de scooter, enfin il y a eu plein de choses qui font que ça a un peu dégénéré, et mon grand-­‐père était malade en France donc je suis rentrée et euh et euh...Et donc après j'ai repris mon petit chemin en France et quatre ans après, je suis retombée dedans et là je sais pas pourquoi, il y a un an et demi à peu près et donc je suis retournée voir le Docteur G. , directement cette fois-­‐ci, j'ai pas attendu d'être trop dedans et de me mettre dedans financièrement et donc là, on a recommencé un traitement, il m'a dit « c'est pas grave, c'est juste une petite rechute » et voilà. C'était déjà votre médecin traitant avant qu'il vous prescrive le Subutex® ? Non, je le connaissais pas du tout. Et maintenant c'est devenu votre médecin traitant? Oui parce que je me suis dit qu'il connaissait bien ma vie et puis à chaque fois que je vais le voir, c'est à dire une fois par mois, j'en profite dès que j'ai un souci pour faire le point, pour lui parler de mes petits problèmes, c'est lui qui me met mon implant et puis voilà, et puis je le trouve sympa. C'est pas le genre de médecin à donner des médicaments à tout va, pour tout et n'importe quoi. L'autre fois, je suis arrivée, j'étais en fin de grippe euh j'ai juste demandé un arrêt parce que j'en pouvais plus, j'étais fatiguée, mais derrière il m'a donné un médicament, genre un Doliprane® ou quelque chose comme ça, mais il m'a dit on arrive 83 sur la fin, ça sert à rien de prendre des médicaments pour rien et là, je suis vraiment d'accord avec lui. Bien, donc pour résumer, depuis un an et demi vous avez repris un traitement de substitution, le Subutex® ? mmh. Mais avez-­‐vous déjà eu d’autres traitements de substitution prescrits, tel que de la méthadone par exemple ? Non, j'en ai déjà pris de la méthadone mais pas par un médecin, j'en ai pris une fois, c'était avant de rencontrer monsieur G., pour la première fois, quand j'avais 22 ans, c'était en attendant le rendez-­‐vous parce que je crois qu'il y avait genre dix jours d'attente et euh j'étais pas bien du tout et j'avais une connaissance qui prenait de la méthadone et qui m'a dépannée mais j'ai pas aimé du tout, c'est très fort et euh mais bon c'était très bien en attendant mais voilà...Mais sinon toujours sous Subutex® et là, buprénorphine, le générique. Donc là, vous êtes sous buprénorphine? buprénorphine ouais ouais. Et ça vous fait quel effet? Euh ça, si c'est trop dosé ça met un peu dans les vapes un peu comme l'équivalent du Valium®, des choses comme ça, ça coupe l’appétit... mais si c'est bien dosé, ça met normal euh ça calme et on est normal. Parce que si on n'en a pas, en état de manque, on a des transpirations, c'est comme si on était en train de courir constamment un cent mètres et que le corps, les muscles sont contractés tout le temps et ça tire les jambes, les mollets, on est fatigué, on n'arrête pas de bailler toutes les trois secondes et vu que j'ai beaucoup de boulot je peux absolument pas gérer. Je me dis toujours que si j'avais une semaine de vacances pendant laquelle je ne partirais pas en vacances, je pense que je m'enfermerais chez moi à essayer de rien prendre, quitte à être mal un bon coup et arrêter le Subutex®. Parce que le Subutex® finalement, enfin la buprénorphine, c'est aussi, même moi je le perçois un peu comme ça, et il y a beaucoup de gens, parce que je connais d'autres gens qui prennent du Subutex®, euh ça va un peu remplacer l’héroïne. Euh moi mon but c'est d'arrêter et de baisser les doses au plus vite pour pas non plus être esclave du Subutex®. C'est à dire, que si j'en ai pas, je ne peux pas gérer ma journée derrière, parce que je suis pas bien et voilà. Là vous êtes à quelle posologie de buprénorphine? Là, je suis plus à beaucoup, je suis à quatre comprimés de 0,4. D’accord, et votre traitement a été initié à combien? J'ai commencé à, j'sais plus 3 milligrammes ou 4, c'est pas des grosses doses, je connais des gens qui en prennent 8 ou même 12, moi je pourrais pas, c'est trop fort. Et vous arrivez à respecter les prescriptions? Euh, en fait je pense que je suis un peu impatiente sur l'idée d’arrêter et euh toute seule j'essaie. Par exemple, j'ai des très grosses journées, je me lève à 7 heures, je travaille toute la journée jusqu'à 19 heures et après, souvent le soir il faut que je retravaille pour mon auto entreprise et puis le week-­‐end on se lève plus tard et on se couche plus tard, on rentre des fois à 5 ou 6 heures du matin et donc en fait mes journées ne font pas 10-­‐12 heures, en général je ne me couche pas avant 2 heures du matin et voilà donc ce que je fais, c'est que j'en prends trois le matin vers 10 heures et ça me dure, l'effet est plus petit qu' à quatre 84 cachets, mais ça me dure jusqu'à 18-­‐19 heures, et vers 19 heures je sens la fatigue qui revient, je sens que ça me tire les jambes et aussi les bras, c'est tout contracté et vu que je sais qu'après je dois repartir pour d'autres boulots, jusqu'à minuit ou une heure, là, je reprends un cachet, le quatrième. Et euh, c'est pour ça que des fois vu que je sais que je suis sur une dose petite, je suis pas en surdosage, un truc qui pourrait me faire sentir bien jusqu'à minuit quoi je suis en dessous de ce qui me faudrait mais je fais exprès, je fais le forcing le but c'est de réduire et d’arrêter quoi. Mmh, et concernant le mode de prise, comment prenez-­‐vous votre traitement? Je le prends alors euh, les trois cachets du matin, je les prends euh sous la langue et celui du soir, je le prends en trace. Ok et le fait que vous le preniez par voie nasale c’est en lien avec le mode de prise de l’héroïne? Euh, vous la consommiez comment ? En trace, je me suis jamais piquée et ça me fait peur, j'aime pas les piqûres. Mais d'ailleurs, je me suis toujours dit, parce qu'il y a plein de médicaments qui se prennent pas en trace, ça détruit les poumons ou je sais pas... donc pourquoi ils ont fait que le Subutex® puisse se prendre en trace. Bah normalement non. Rires. Bah oui, mais l'effet s'en ressent, il est plus fort. Donc si je comprends bien, vous avez l'impression que l'effet est différent selon le mode de prise de la BHD? Il est plus rapide et plus fort en trace, après, il dure moins longtemps mais ça se prend en trace donc je trouve ça fou parce que c'est aussi le geste donc euh le fait de prendre du Sub en trace finalement on n'arrête pas vraiment le processus quoi. Et euh voilà. Donc je me suis dit pourquoi pas faire un médicament qui se prend pas en trace, ça serait la solution, déjà les gens prendraient plus l'habitude de prendre le médicament sous la langue et déjà c'est un frein ou alors peut être qu'ils ont fait exprès pour que les gens prennent du Subutex® et ne retombent pas dans l’héroïne. Et pourquoi la prise du matin vous la prenez en sublinguale et le soir en trace ? Parce que le matin il y a trois cachets et ça fait une trop grosse trace et je ne veux pas mettre tout ça dans mon nez donc voilà. Et parce que j'essaie aussi, le but c'est d’arrêter donc voilà. Celui du soir, c'est vraiment pour le geste, c'est comme quelqu'un qui rentre le soir, et qui prend une bière, c'est la petite détente et voilà. Donc euh, l'effet n'a rien à voir comparé à l’héroïne mais euh, je sais pas, c'est bizarre, c'est l'habitude. Consommez-­‐vous d'autres produits en parallèle? Euh oui, mais pas toute seule ou pas régulièrement, c'est plus en soirée, des choses qui tournent régulièrement, il y a de la cocaïne. Mais j'en achète pas parce que je trouve ça très cher pour l'effet que ça fait et j'aime pas l'effet très boostant, je suis plutôt en recherche d'effet plus calmant et euh oui, il y a beaucoup de cocaïne qui tourne en trace, j'en ai déjà fumé aussi, y a des... mais ça fait longtemps, deux ou trois ans que j'ai pas touché à ça il y avait de la LMD, des choses comme ça mais euh voilà. Depuis que vous avez votre traitement de substitution, continuez-­‐vous à consommer ? Bah comme je l'ai dit tout à l'heure euh il m'est arrivé le fait d'avoir quatre cachets à 85 prendre et que des fois, par exemple le week-­‐end, quand j'en ai pris trois le matin et qu'il arrive 20 heures et qu'on sort en ville et que je sais que c'est pour toute la nuit, bah j'en prends deux parce que, pour que ça tienne. Après c'est peut-­‐être dans ma tête, si ça se trouve si je n'en prenais qu'un ça irait très bien mais bon, donc j'en prends deux et après, le lendemain il m'en manque un et souvent en fin de semaine j'ai une journée entière où il n'y a plus rien. Alors comment vous faites? Et bah donc je vais acheter 1 gramme d’héroïne et ça me fait une journée. Donc vraiment c'est pas facile parce que je, ce serait la facilité d'augmenter la bupré et de plus acheter de l’héroïne du tout mais mon but n'est pas de ré-­‐augmenter, mon but c'est de baisser. Donc je suis un peu dans le cercle vicieux de, j'en ai pas assez donc je rachète de l'héro, mais je me suis toujours dit que le jour où la buprénorphine c'est fini ça veut dire que vraiment je suis à une dose minimum, ça veut dire que j'ai plus de manque, et j'irai pas racheter de l'héro, c'est mon but. Après on verra si ça marche ou pas mais euh. En gros je m'autorise à racheter un peu d’héroïne quand j'ai pas de Subutex® et parce que je prends du Subutex®. Et je sais que là, je suis retombée dedans et je sais comment, et j'ai vu comment, et je recommencerai pas quoi. Alors d'après vous, comment êtes-­‐vous retombée dedans? J'ai revu des personnes que j'avais dit que je reverrais plus et euh on m'a proposé une trace et on, tout le monde le dit et on le dit toujours, faut jamais y retoucher et même pas une trace parce que une trace puis après une deuxième, parce qu'on dit que ça peut pas faire de mal, parce que la semaine s'est très bien passée, on a pas ressenti de manque donc le week-­‐
end d'après on en reprend une autre et ça, ça dure peut-­‐être un mois, on nous en paye et puis au bout d'un moment, on se dit on m'en a payé il va peut-­‐être falloir que j'en paye aux autres. Parce qu'il y a un côté comme ça, convivial où on s'en paye et cetera... Et puis, le problème c'est quand tu achètes même 1 gramme, t'en payes et le lendemain il t'en reste une trace et donc c'est le fait d'en prendre deux jours de suite après qui va pas du tout. C'est l'habitude de l'effet qui fait que après, on est en manque et voilà, donc voilà je sais que voilà bah le jour où je serai au plus petit dosage le but sera d'arrêter d'un coup et là, il est plus question que je retouche à quoi que ce soit. Parce que je me connais, je sais que je suis faible là-­‐dessus, c'est ma faiblesse, c'est mon petit plaisir, il y a des gens qui sont alcooliques, ou y a des gens qui voilà euh, moi c'est ça et j'aime bien l'effet et ça m'empêche pas de travailler, ça m’empêche pas d’être sociable, donc c'est pas bon parce que le seul défaut que ça peut faire, c'est que ça m’abîme la peau. Par exemple, si j'ai un petit bouton je vais cicatriser moins vite, des choses comme ça mais sinon ça n'a aucun effet trop négatif sur ma vie, euh si, ça fatigue aussi parce qu'on dort moins. Donc le but c'est d’arrêter et peut être que je me mets un peu trop la pression là dernièrement parce que ça fait un peu beaucoup avec le travail. Mais j'ai des grands projets de voyage et je me dis que je peux pas partir avec un traitement quoi, c'est pas possible, y a plein de pays qui n'en délivrent pas et euh j'ai pas envie, j'en ai marre d'être euh sur cette idée de, je prends un traitement et tout ça... Et ayant vécu entre mes 22 ans où le traitement était fini, et là où j'ai recommencé, j'ai quand même vécu quatre, cinq ans sans et la vie était super donc plus vite j’arrêterai et mieux ce sera. Ok, bon et concernant vos consommations associées, est-­‐ce que euh vous fumez ? ou buvez de l'alcool? Euh je fume des cigarettes, je consomme un peu d'alcool le week-­‐end, en soirée mais pas 86 toute seule le soir. J'ai, à Chypre quand j'ai arrêté en fait, c'est Monsieur G. qui avait fait un peu le forcing pour réduire les doses quand j'étais à Chypre donc j'avais pas vraiment le choix parce qu'il me les envoyait par la poste, enfin, c'est ma mère qui me les envoyait. Et en fait, le jour où je l'ai eu au téléphone et qu'il m'a dit « ça y' est, je ne vous en envoie plus, c'est bon on arrête » parce que j'étais en dosage trop petit, c'était la panique parce que je me suis dit « voilà ça ne va pas aller du tout ». Et c'était peut-­‐être dans ma tête mais c'était aussi un peu physique, j'étais pas bien du tout. Donc je suis allée voir un docteur sur place, je lui ai expliqué mon histoire et il m'a donnée du Valium®. Et euh, d'ailleurs, c'est fort le Valium®, j'avais jamais goûté à ça avant. A ce moment, je travaillais en réception dans un hôtel et je suis tombée un peu dans l'alcool parce que j'ai cherché quelque chose qui pouvait palier cette sensation, qui enlèverait cette sensation d'avoir les muscles qui chauffent, euh mal aux jambes, les transpirations et tout et l'alcool ça calme un peu, ça détend et euh j'ai failli tomber là-­‐dedans mais aujourd'hui je me reverrais pas faire ça quoi. Ça a duré peut être une semaine, le matin je prenais euh dix centilitres euh je sais pas combien ça fait de vodka, que je coupais avec de l'eau et je buvais ça cul sec, le matin, pour avoir cette sensation un peu pompette et je partais en scooter pour aller au boulot. Mais au jour d'aujourd'hui je ferais jamais quelque chose comme ça, c'était euh...Et je prenais mon Valium® et euh j'ai été viré de mon boulot de l’hôtel, ils m'ont dit, « M. vous ne pouvez pas arriver en sentant l'alcool comme ça » euh...J'ai fait « non », c'était horrible et le Valium® était tellement fort que ça m'a dégoûtée mais c'était parfait parce que ça a pallié pile le moment où j'avais des crampes et tout ça quoi, donc je les ai pas senties et en même temps le Valium® ça m'a dégoûtée et donc j'ai jeté la plaquette et quand j'ai arrêté le Valium® tout allait bien. Donc en fait je me suis dit que c'était le bon truc pour arrêter finalement le Subutex®. Et le Valium® c'est trop fort donc ça dégoûte et en fait ça c'était très bien passé comme ça. Mais il y a eu un petit côté difficile pendant dix jours mais après il y avait plus rien. Donc voilà... Et votre entourage, vous parliez toute à l'heure de votre maman notamment, ils sont au courant? Bah ma mère, le jour où je lui ai appris ça, elle était en larmes, elle était dépitée parce que elle s'en doutait pas et parce que j'étais euh la première de ma classe euh tout se passait bien quoi et euh donc elle a eu très peur. Elle m'a fait quitter mon appart', elle m'a reprise chez elle, elle m'a enfermée dans ma chambre et elle a même , enfin je lui dis chapeau, parce que c'était juste avant le passage du BTS ou quelque chose comme ça et elle a, euh, elle voyait que j'étais en manque et on attendait le rendez-­‐vous avec Docteur G. et tout, elle a quand même été jusqu'à me donner cinquante euros pour que j'aille en acheter pour que j'aille passer mon BTS et tout ça quoi...Et euh, elle s'est bien occupée de moi. J'ai deux frères et ils ont bien compris aussi. Bref tout le monde a été très cool et euh voilà ça s'est bien passé. Après le traitement bah j'allais le chercher et voilà quoi... Mais la famille a joué... Vous vous êtes sentie soutenue ? Ouais ouais vraiment, y a pas eu de rejet, y a pas eu de honte, y a pas eu de quoi que ce soit, c'était plus de la peur...pleurs. Et euh, de mon côté, de la honte plus, et euh ma mère a appelé mon petit copain avec qui j'étais tombée dedans, celui qui m'avait fait goûter à ça la première fois... Parce qu'on habitait en campagne à cette époque-­‐là et euh c'est vrai que le soir à la campagne quand on est jeune y a pas grand-­‐chose à faire et euh donc on traînait aux toilettes publiques, machin et puis le week-­‐end on partait en teufs, des petits technivals minuscules, et là il y a plein de drogues qui traînent et la première fois que j'ai goûté à ça, c'était dans un camion, et on m'a proposé, mais c'est vrai qu'avant j'avais pris des lignes de 87 cocaïne avant, des petits trucs ou des petits tazs et euh là, on me fait une ligne et je dis « c'est quoi ? » Mais là on ne me dit pas que c'est de l’héroïne, on me dit c'est de la Rabla. Et le nom c'est pas moche, de la Rabla, je me dis tiens c'est quoi et tout et donc je prends et j'ai jamais eu un effet comme ça de toute ma vie, ça m'a scotchée à ma chaise et je comprenais pas ce qui m'arrivait. Et c'est trois jours après que j'ai compris que c'était de l’héroïne. Et je me suis fait peur moi-­‐même quoi. L'effet avait été tellement bon que euh de temps en temps, bah ça a commencé comme ça, que une fois par semaine le week-­‐end, je les voyais et ils me disaient « aller M., une petite trace », ils m'en faisaient une toute petite mais ça me faisait un effet énorme. Et puis un jour, je m'en rappellerai toujours, ils m'ont dit, M., va peut-­‐être falloir que t'en paies à ton tour maintenant. Et voilà, c'est parti de ça et puis...Y a des gens comme mon ex-­‐petit copain, lui il en prenait que le week-­‐end, la semaine il bossait ça allait très bien. Moi, je dois être dans les extrêmes je sais pas, dès que je suis tombée dedans il m'en fallait tous les jours et euh j'ai fini par mentir à mon petit copain en lui faisant croire que j'étais malade, en fait je restais chez moi, toute seule, à regarder la télé et tout. A cette époque-­‐là, ça me faisait un mauvais effet, c'est à dire que je me renfermais, peut être parce que j'étais plus jeune, je sais pas, je me renfermais énormément, j'étais dans mon truc et il m'en fallait et je cherchais la défonce, l'idée d'être dans un monde. Et puis je dessinais beaucoup donc ça me renfermait un peu et euh... Alors qu'aujourd'hui, quand je suis retombée dedans il y a un an, bah déjà je suis pas tombée dedans longtemps parce que vu que j'ai eu peur d'être trop dedans, au bout de deux mois j'ai appelé Docteur G. donc euh...Et ça m'a pas euh, en même temps j'en prenais pas tant que ça, j'en prenais euh le soir, une trace le midi, une trace le soir, le gramme il me durait quatre, cinq jours. Mais euh, je vais bosser, je sors en soirée, ça allait quoi. Et là votre famille est informée que vous reprenez un traitement de substitution? Non, là c'est moi qui ai repris contact avec Docteur G., ma mère est surtout pas au courant et j'ai pas envie parce que je me dis que si j'ai réussi à arrêter une première fois, je suis capable d'arrêter une deuxième fois et d'aller jusqu'au bout du traitement et j'ai pas envie de l'embêter avec ça. Elle a eu assez de soucis comme ça... Quand j'emploie le terme de méthadone, Subutex® qu'est – ce que ça vous évoque ? Alors la méthadone je vois ça d'un très mauvais œil, pour moi ce sont les gens qui ont vraiment un gros dosage, enfin les gens que je connais, parce que je suis entourée de toute sorte de gens, aussi bien je connais des gens qui sont en fac de médecine que des zonards qui sont dans la rue avec leurs chiens, euh et les gens qui pour moi prennent de la méthadone sont des gens qui n'arrivent pas à s'en sortir et qui ont besoin de gros dosages, de grosses choses et qui...à côté de prendre de la méthadone dans la journée, ils vont plus tard le soir fumer de la cocaïne, prendre des traces d’héroïne et tout. Là, j'ai un ami qui en deux mois s'est transformé, je l'ai pas reconnu et j'en ai pleuré, enfin bon je pleure tout le temps...Mais j'ai eu très peur parce qu'il est tombé dedans, dans l’héroïne en se piquant et moi je pense que si tu te piques c'est fichu quoi. Parce que déjà c'est très dur de s'en sortir quand tu le prends juste en trace. C'est pour ça que je me suis jamais piquée parce que on le voit dans les films et tout ça, les gens finissent à la rue, ils meurent du SIDA et voilà quoi, c'est hyper dangereux. Et euh...ça me fait peur le geste. Déjà j'aime pas les piqûres de base après je dis pas que...j'aimerais savoir ce que ça fait pour l'effet, si c'est vachement mieux ou pas. Mais j'ai pas besoin de ça, j'ai d'autres choses dans ma vie qui me donnent beaucoup de plaisir et puis le but, voilà je veux arrêter. Je suis plus dans l'optique comme à 22, 23 ans où l'objectif c'était de tout essayer, toutes les drogues et euh le but c'est de trouver un peu qu'est ce qui fait du bien. Là je suis, enfin ma vie va très bien et je sais les enjeux que c'est 88 de tomber vraiment dedans et j'ai vraiment pas envie d'essayer. Toute à l'heure vous évoquiez une peur de vous mettre en difficulté financière ? Oui, parce que quand j'ai été étudiante, je me suis mise en difficulté. Je travaillais le soir dans un bar pour me payer mes fournitures scolaires parce que j'étais dans une école d'art, ça coûtait cher. Euh mon père me donnait 300 euros pour l'appartement enfin un petit studio et ma mère me donnait 150 euros d'argent de poche et en travaillant dans le bar je me faisais 500 euros par mois et euh bah à 50 euros le gramme même 60 des fois, que le gramme peut te durer une journée voire une journée et demie maximum, bah je sais pas combien ça te fait par mois mais c'est énorme et euh...La banque m'avait donné une Mastercard, le truc sans blocage, sans rien et donc je retirais, retirais et en l'espace de deux mois j'étais, enfin j'ai toujours été et je suis toujours un peu, dans le négatif parce que j'aime bien dépenser et voilà. Mais je suis passée de moins 200 à moins 1000 et la banque a appelé ma mère en disant votre fille est à moins 1000 euros, qu'est-­‐ce qui se passe ? J'ai même menti à mes oncles et tantes, ça je m'en voudrais toujours, je les ai remboursés après, je leur ai menti, je les ai appelés une fois parce que je voyais que j'étais à moins 1000 sur mon compte et qu'il me fallait de l'argent parce qu'il fallait que j'aille en acheter et j'ai appelé ma tante et mon oncle, je leur ai dit que j'avais besoin d'argent pour les fournitures scolaires et qu'il me fallait 200 euros pour les deux prochains mois mais qu'il ne fallait pas en parler à maman, parce que ma mère elle a pas trop de sous, et je disais je vais vous rembourser vous inquiétez pas et en fait j'ai été acheter de l’héroïne avec ça. Je les ai remboursés après coup, quand tout le monde a su que j'étais tombée dans l’héroïne. Parce que la famille entière l'a su parce que c'est des choses qui peuvent arriver à tout le monde et donc voilà et euh je les ai remboursés mais j'avais honte et puis voilà. Et donc financièrement, c'est le gouffre quoi. Et puis au moment où on en achète, on y pense plus à ça, au fait qu'il faut faire attention, qu'on est à découvert, mais l'envie est beaucoup plus forte donc on s'en fiche quoi. Après j'ai fait la manche une fois, mais je l'ai pas vraiment faite, j'étais avec des gens qui faisaient la manche avec leurs chiens dans le centre-­‐ville de Nantes et euh, j'étais assise à côté d'eux, on a discuté pendant dix minutes, un quart d'heure et j'ai reçu une pièce de 50 centimes mais j'étais pas très à l'aise. Je connaissais des gens avec des chiens qui font la manche tous les jours et ils arrivent à avoir dans les 60 euros par jour et ils s'achètent leur gramme en fin de journée et voilà. Mais je me voyais pas finir comme ça. C'est pas mon but dans la vie. Concernant la relation que vous pouvez avoir avec votre pharmacien quand vous allez chercher votre Subutex®, comment ça se passe? Euh, alors, dans toutes les pharmacies que j'ai été ils sont très sympas, sauf il y a un an quand j'ai repris contact avec Docteur G., j’habitais à Saint-­‐Herblain et il y avait une pharmacie juste à côté de chez moi et j'avais été me renseigner avant d'aller voir Monsieur G., voir s'ils délivraient du Subutex® car je sais que c'est pas le cas de toutes les pharmacies, et je leur demande ça à l'accueil et ils m'ont envoyée bouler, mais genre non, on vend pas de ça ici, on veut pas de gens comme ça chez nous, genre un peu le rejet quoi. Donc j'étais un peu dégoûtée. T'es pharmacien t'es censé rendre un service et aider les gens, c'est pas une boutique quoi. Donc après j'ai vu monsieur G. et il m'a donné les coordonnées d'une pharmacie encore plus proche de chez moi au final et ça se passe très bien. Y' en a même qui des fois discutent avec moi parce que les pharmaciens ils aiment bien discuter que ce soit avec la petite vieille ou autre. Et je pense que j'ai pas trop une tête de zonarde ou de teuffeuse ou quoi et je pense que quand j'explique aux gens, que je leur raconte ma vie quoi...pleurs...les gens comprennent bien le truc, désolée je fais que de 89 pleurer. Voilà donc avec les pharmaciens ça se passe très bien et j'ai jamais eu d'accrochage avec eux. Pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal ? Euh, ce serait le Subutex® mais d'une autre manière, une poudre mais qui peut pas se prendre en trace. Pourquoi pas une sorte de méthadone mais pas aussi forte peut être. Parce que le peu que je connais c'est très fort donc voilà. Après euh, le Subutex® est très bien, j'aime bien l'effet et on ne le ressent pas, on a l'impression d'être normal, c'est pas quelque chose qui te casse ou qui voilà quoi. L'idée de cachets qu'ont des dosages comme ça, je trouve ça bien. Avez-­‐vous déjà ressenti des effets néfastes liés au Subutex® ? Je suis peut être allergique au Subutex® euh en fait j'ai eu des crises d'allergie à Chypre pendant que je prenais du Subutex® et à Nantes avant de partir à Chypre, euh j'avais des grosses plaques, les lèvres qui gonflent. Mais bon, je pense que je suis allergique aux noisettes parce que ça se produit aussi quand je mange du Nutella et aussi des fruits de mer mais c'est toujours arrivé, ces moments-­‐là, quand j'étais dans l'héro ou sous Subutex® mais je pense que mon corps combat peut être un peu moins bien les choses. Parce que quand j'ai tout arrêté à Chypre, pendant les quatre années où après je suis revenue sur Nantes, j'avais aucune allergie. Et là, tout est revenu il y a un an quand j'ai recommencé à en prendre. Et donc là c'est pour ça qu'en plus du Subutex® j'ai un traitement par Aerius® une fois par jour ou tous les deux jours, j'essaie d'espacer parce qu'avant j'étais sous cetirizine et du jour au lendemain ça n'a plus fait effet. Je prenais un cachet et je gonflais quand même donc c'est grave quoi. Je gonfle aux lèvres, aux yeux, sur le front et ça commence au-­‐dessus des fesses et aussi j'ai des boutons sur les genoux, les avants bras, un peu partout quoi. Quelle était votre attente en prenant du Subutex® lorsque vous avez fait la démarche la première fois? La démarche euh, la vraie démarche, c'est une démarche financière, euh parce que j'ai pas beaucoup d'argent et je ne veux pas le dépenser dans l’héroïne parce que ça coûte trop cher et c'est un gouffre financier et donc voilà. L'attente c'était de me sentir bien sans avoir à payer et euh aujourd'hui, maintenant que j'ai le Subutex®, le but c'est de diminuer au maximum parce que je veux me détacher de tout ça quoi. D'abord c'est financier pour arrêter de gaspiller l'argent dans l'héro, même si j'adore l'effet mais je sais que c'est pas bon pour moi en rapport à mes finances. Bizarrement, y a pas le rapport à la santé, enfin je sais que c'est pas bon pour la santé et que si je continue l’héroïne je vivrai pas plus que cinquante, soixante ans, j'aurai les dents pourries et voilà. Mais je sais que je ferai pas ça de ma vie donc euh, c'est plus euh...parce que je sais pas, l’héroïne je la prends pas...je me pique pas, je suis pas en surdosage, je suis pas défoncée jusqu'à, toute la journée. Quand j'en prends euh, c'est bête de dire ça, mais c'est raisonnable donc euh...j'en prends pas pour me défoncer, c'est juste pour être bien, pour avoir cette sensation de...la sensation que ça fait c'est comme si, comme quand on vient de finir de faire l'amour, qu'on est tout détendu, un peu sonné, qu'on est à l'aise, qu'on se sent bien et bah ça donne ça tout le temps et l'effet quand on prend une trace d’héroïne, ça dure deux, trois heures. Y en a, ils en prennent toutes les demi-­‐heures mais ça sert à rien, je vois pas l’intérêt parce que l'effet dure longtemps. Et euh donc c'est agréable pourquoi se...c'est compliqué de se dire pourquoi se priver d'un truc comme ça qui est tellement agréable. Et voilà, donc vraiment le problème c'est les finances, c'est que ça coûte très cher. 90 Est-­‐ce que la prise du Subutex® a répondu à vos attentes initiales? Oui, le Subutex®, quand le dosage est un peu trop fort, je vous disais, l'effet est à peu près comme celui de l’héroïne. Euh donc au début c'est..., souvent au début quand on va chez le médecin, il nous donne un dosage un peu plus fort et euh , il y a un truc que je devrais peut être pas dire, les personnes qui disent euh, c'est souvent des personnes qui veulent pas trop arrêter, qui recherchent un peu tout ça, qui consomment de l’héroïne, des médicaments et puis plein de choses, ils vont voir les médecins et souvent les médecins ils disent vous prenez combien de grammes par jour, et si le gars en prend 1à 2 grammes par jour il va dire 3 ou 4 comme ça le médecin va mettre un dosage plus élevé et après il peut en revendre. Et du coup vous pensez quoi du Subutex® de rue ? Est-­‐ce que avant d'avoir eu recours à une prescription vous en aviez déjà consommé dans la rue? Oui, j'en avais eu par des amis qui en avaient trop ou voilà, ça s'achète, et ça m'a dépannée à des moments où fallait que j'aille bosser et j'étais pas bien et euh, c'est le passage entre la décision, bah en fait c'est le fait de goûter un peu le Subutex® et de se rendre compte que c'est pas si mal et que ça permet d'économiser et tout ça quoi. Donc c'est vraiment le passage entre appeler le docteur et arrêter l’héroïne. Comment s'est passée votre première prise de Subutex® ? Bah après les gens qui t'en donnent c'est pas des gens qui prennent des dosages comme moi, du 0,4 milligrammes, ils prennent du 8 milligrammes donc au début tu sais pas trop, tu connais pas les dosages alors ça peut te mettre mal, ça dégoûte, t'es pas bien toute la journée, tu vomis, c'est comme si t'étais malade quoi. Et puis ça passe au bout d'un jour ou deux parce que l'effet était très fort. Donc tu te dis je vais aller voir le médecin, il saura mieux quel dosage je dois prendre et puis les connaissances ils dépannent mais ils en donnent pas régulièrement. C'est vraiment pour la dépanne, ah bah t'es pas bien, y a pas d’héroïne aujourd'hui, bah je te donne un comprimé, j'ai que ça...C'est du dépannage quoi. Et dans votre entourage proche les gens consomment également ? Euh, j'avais, quand j'étais avec mon petit copain, des gens autour de moi qui consommaient tous et donc j'étais vraiment dans un mauvais environnement. Puis j'ai quitté mon petit copain et je suis allée à Chypre, quand je suis revenue, mon frère qui a deux ans de plus que moi, on a toujours traîné ensemble, plus ou moins, jusqu'à ce que je rencontre mon petit copain, et mon frère il m'a reprise un peu sous son aile, il m'a dit « viens, tu vas traîner avec nous maintenant » et euh, c'est des gens que je connaissais déjà de par le passé et avec qui j'avais passé une partie de mon adolescence. Et en fait, c'est des gens, ça arrive, des fois en soirée, qu'il y' en ait un qui a acheté un gramme avec un gramme de coke ou des choses comme ça, mais ils sont pas dedans comme moi, je suis un peu la seule dans le groupe à être tombée là-­‐dedans. Et vous arrivez à parler facilement avec eux de votre substitution ? Oui on en parle, après des fois j'avoue, je leur mens un peu. Euh souvent, je leur dis, c'est cool, j'ai encore diminué ce mois-­‐ci alors que c'est pas vrai, c'est pour pas qu'ils s'inquiètent et puis euh, je me dis moi-­‐même que si je leur dis que j'ai baissé, je vais baisser le mois prochain, souvent ça se passe pas mais j'essaie de m'auto-­‐persuader que les choses vont se tasser et voilà. Et euh, mais non ils sont gentils, ils s'inquiètent pour moi. 91 Et d'après vous comment voient-­‐ils le Subutex® ? Euh, ils voient ça un peu comme...ils aiment pas savoir que je suis en traitement, mais ils préfèrent savoir que je prends un traitement plutôt que de l’héroïne. Même eux, qui prennent de la cocaïne hyper souvent le week-­‐end, eux ils sont très cocaïne et tout ça, moi j'aime pas ça. Et euh, oui, ils préfèrent que j’aie un traitement et ils ont hâte comme moi que je finisse. Euh, ils ont toujours peur, ils me demandent souvent « t'es sûre, t'es pas retombée dedans » et tout. Ils ont peur parce qu'ils m'ont vue euh quand j'avais 20 ans, 22 ans, ils m'ont vue vraiment bien descendre et me renfermer et tout ça. Et quand je leur ai dit il y a un an que j'étais retombée dedans, ils ont eu trop peur quoi. Et euh, c'est leur réaction qui a fait que j'ai pris rendez-­‐vous chez Docteur.G, je me suis dit merde, il faut pas que je fasse deux fois la même erreur et euh... Pour vous quelle serait la finalité du traitement? D’arrêter de prendre du Subutex®. Je pensais que ça allait durer huit mois le traitement. J'avais compté, j'étais à 4 milligrammes, tous les mois on baisse de 0,4 ou 0,2 et je me disais en même pas un an c'est fini. Mais je sais qu'un traitement c'est long, je le sais mais c'est juste que là, ça fait cinq, six mois que je stagne parce que je suis vraiment entre le dosage qui sert plus à rien et le dosage qui sert à quelque chose. Et là, je voulais baisser mais le médecin m'a dit non, elle m'a encouragée à diminuer toute seule de mon côté d'en prendre trois au lieu de quatre et de refaire le point le mois prochain. Donc je vais essayer de faire ça, à la limite c'est encore plus compliqué parce que d'en avoir quatre sous les yeux et de se dire j'en prends que trois c'est compliqué. Mais je me dis que si j'y arrive tant mieux. La pharmacie vous délivre votre traitement à quelle fréquence ? Une fois par semaine, parce que j'ai eu justement des fois ou par exemple si je pars en vacances ou quoi ou si je peux pas être là en début de semaine, des fois ça m'arrive de dire qu'il me donne pour deux semaines d'un coup, et là, j'arrivais pas à gérer souvent il me manquait deux jours donc, semaine par semaine, c'est bien. Donc euh voilà l'idée c'est vraiment d'arrêter et de, ça m’énerve, je m’énerve moi-­‐même au quotidien de me dire que ça fait au moins six mois que j'aurais déjà pu en finir avec ça. Après il ne faut peut-­‐être pas vouloir arrêter trop vite et accepter de poursuivre le traitement encore quelques temps surtout si vous traversez une période professionnelle assez chargée. En fait dans un sens, sur une période de un mois où je prends mon Subutex® il y a peut-­‐
être deux fois où je vais racheter de l’héroïne, parce que un dimanche j'en ai plus parce que j'en ai trop pris la veille et donc ça fait 2 grammes par mois que j'achète et ces 2 grammes ça fait 100 euros et je me dis que c'est de l'argent que je pourrais mettre de côté et cetera. Et donc, je me mets un peu la pression pour arrêter parce que c'est comme ça que je pourrais mettre de l'argent de côté et faire mes projets et voilà. En fait, j'ai des envies de bouger avant de me poser sur Nantes, d'avoir une famille, des enfants et tout ça...J'ai des projets de reportages photos d'humanitaire, d'écologie et ça me tient vraiment à cœur. Et euh, j'ai déjà 1000 euros de côté, chose qui m'était jamais arrivée dans la vie donc je suis contente. Mais là depuis deux, trois mois j'arrive plus à mettre de côté, il y a eu les impôts et voilà, je me dis s'il y avait pas ces fichus grammes que j'achète à droite, à gauche, j'arriverais à mettre de côté. C'est pour ça, plus vite je finirai le Subutex®, plus vite j'aurai arrêté l’héroïne. Parce que je me suis dit que quand j'aurai arrêté le Sub, plus jamais j'en rachèterai parce que le but c'est de plus y toucher donc voilà, il faut que ça aille vite parce que sinon c'est un bouffe tune quoi. Et mes projets ça fait plus de deux ans que j'en parle, c'est juste avant de tomber dans l’héroïne et je pense que c'est venu de là aussi c'est parce 92 que j'avais des projets de voyage et que j'avais pas l'argent donc j'étais pas bien, du coup j'étais frustrée et je suis retombée dedans en mode bah tant que je suis à Nantes, il faut que je trouve quelque chose qui me fasse sentir bien et voilà. Mais je sais que ça va venir. Ce projet, vous le partagez avec quelqu'un ? Une association ? Non, non, seule. Je suis assez solitaire. Et puis je suis assez touche à tout, graphisme, je fais de la photo, de la vidéo et euh j'aime bien voyager seule parce qu'on fait pas les mêmes rencontres. Après si à ce moment-­‐là, j'ai un petit copain, que je suis amoureuse et qu'il veut partir avec moi, je dis pas non. Mais euh voilà, pour l'instant je suis bien seule. Avant de finir l'entretien pouvez-­‐vous me dire si vous avez des soucis de santé, des antécédents médicaux? Euh, j'ai eu il y a pas longtemps un papillomavirus et j'ai eu très peur mais c'est parti, là on a fait un contrôle et c'est parti, mais je suis très sensible au niveau vaginal, j'ai souvent des infections urinaires. Mais non, j'ai pas de souci de santé hormis l'allergie pour laquelle j'ai l' Aerius®. On a fait le test avec Monsieur G, de l’hépatite C et il y a rien donc euh...tout va bien. Et puis je suis un peu hypocondriaque donc tous les six mois je vais faire des check-­‐up donc voilà... C'est bon ? Oui merci, Oh là là j'ai pas arrêté de pleurer. En tous cas, je vous remercie d'avoir accepté que l'on se rencontre. Ah oui, j'ai oublié un point important, j'ai un gros manque de confiance en moi et je suis très perfectionniste. Et aussi, il m'arrive de faire de la boulimie, voire anorexie et l'héro est un très bon coupe faim d'où la facilité à tomber dedans pour aider à maigrir, enfin voilà. Cette fois c'est tout ». 93 Patient 5 : « Donc vu que c’est la première fois que l’on se rencontre est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter s’il vous plaît ? Ouais bah c’est Bernard et j’ai 43 ans. D’accord, et donc ça fait combien de temps que vous êtes suivi par le Dr M.? Ouh là là ! Ah je sais plus, oui ça fait quand même pas mal de temps ouais, mais j’ai galéré avant quoi. C’est à dire? Bah pour pouvoir avoir les produits, pour pouvoir avoir un traitement, j’ai galéré beaucoup oui. D’accord, qu’est-­‐ce qui a été compliqué alors ? Dites-­‐moi. Bah de trouver un médecin qui accepte euh…Ouais ouais ça a été dur. De vous faire prescrire un traitement de substitution? Oui oui voilà. Vous êtes allé au Triangle peut-­‐être, non? Non, le Triangle non, j’ai eu des rendez-­‐vous mais à chaque fois bah… Non, ça a été très galère, d’accord, non non, ils m’ont fait galérer. Et ça fait combien de temps que vous avez un traitement de substitution? Ah c’est une bonne question, sourire, ça doit faire 5 ans, faudrait demander à Doc. D’accord, et donc là, il vous prescrit quoi comme traitement de substitution, du Subutex® ? Oui oui, de la buprénorphine. Et vous êtes à quelle posologie? 14 milligrammes là. D’accord, et vous avez commencé à combien? Au début à 12, mais j’ai augmenté là, sourire. Ah oui et pourquoi? Bah depuis 1 an, je tapais trop. D’accord, et vous avez commencé vers quel âge vos consommations? Héroïne, cocaïne, ça fait euh…A 20 ans j’ai commencé à me défoncer. Ah oui, ça fait longtemps. Et il y a peut-­‐être eu des périodes où vous consommiez moins? Euh oui, rires, bah généralement quand j’arrête c’est que je suis en prison, rires. 94 Et en prison comment ça se passe? Vous avez un traitement de substitution qui vous est prescrit à votre arrivée? Oui, oui, exactement. Et aujourd’hui, quelle est votre situation? Vous travaillez? Euh non, non, j’ai pas d’emploi, j’ai pas d’appartement, j’ai rien. Donc vous vivez dans des foyers? Ouh là là non, j’ai arrêté les foyers, j’ai tout arrêté. Non, là je vis chez un pote heureusement… Bah oui parce que là il va commencer à faire froid dehors… Ouais, ouais. Et donc là, vous me dites que vous êtes à 14 milligrammes de buprénorphine par jour et est-­‐ce que, à côté de votre traitement, vous avez toujours des consommations de produits? Euh non, je ne mélange pas les deux. D’accord. Là-­‐dessus non, je mélange pas les deux, mais je me suis calmé, l’alcool tout ça… C’est à dire? Comment évaluez-­‐vous vos consommations? Oh deux, trois bières par jour, voilà quoi… Mais pas tous les jours non plus. D’accord, ok, et donc concernant votre traitement, comment prenez-­‐vous votre buprénorphine? Sous la langue. Mmh, et l’héroïne vous la consommiez comment? En sniff, toujours, j’aime pas les piqûres, d’accord, quand je vois une seringue, je suis tout blanc, rires. Bon, et comment ça se passe avec la pharmacie? Oh bien, bien, je vais à côté, là. Donc ils vous connaissent? Ouais, impeccable. Et à quelle fréquence vous allez chercher votre traitement? Tous les mois? Toutes les semaines? Oui, toutes les semaines. Et est-­‐ce que vous arrivez à respecter les posologies? Ouais, ouais. A moins que je sois vraiment mal quoi… Et vous le prenez en combien de fois? Je le prends en une fois, le matin. Je prends mon café et après je prends mon médicament et puis voilà quoi… D’accord, et donc comment est-­‐ce que vous avez entendu parler la première fois du traitement de substitution? Ah bah je connaissais du monde et avant ils soignaient les gens au Skenan®. 95 Mmh et donc vous avez reçu du Skenan® à un moment donné? Oui, oui j’ai eu une période cachetons. C’est à dire? Quand vous dites une période cachetons c’était quoi? Oui oui, ah bah c’était fou… Enfin c’était il y a très longtemps ouais. Bah quand j’ai commencé à sniffer et tout ça…à l’âge de 20 ans quoi. Et qui est-­‐ce qui vous a proposé de la buprénorphine la première fois? La buprénorphine ? Bah personne quoi, quand j’étais en manque, j’ai galéré quoi. Bah c’est une copine qui habite à côté qui venait ici et qui m’a donné l’adresse d’ici quoi, sinon j’achetais dans la rue mais ça coûtait cher… Et donc qu’est-­‐ce qui vous a poussé à prendre un traitement de substitution prescrit? Ah bah j’étais contraint, quand on est en manque, c’est comme ça, rires. Mmh, donc si je comprends bien, si vous pouviez financièrement, euh, vous continueriez peut-­‐
être à acheter de l’héroïne? Oui enfin non. Là il faut que je me calme, depuis un mois que je suis sorti, j’ai fait fort, sourire. Ah oui? C’est à dire? Ah bah là ça fait un mois que je suis sorti et j’ai dû taper au moins, euh, pas loin de 100 grammes…rires. On calcule pas mais oui, parce que avec ma consommation, plus les potes qui payent des traces…rires. Bon, et du coup est-­‐ce que vous êtes satisfait de votre traitement de substitution, par la buprénorphine? Oui bah, euh, le plus dur c’est le temps que ça fasse effet quoi, il faut attendre 24 heures avant que ça fasse bien effet quoi. D’accord, et maintenant que le traitement est en place, vous trouvez que vous êtes bien équilibré ? Oui, ça va. Oh peut être pas encore, vous voyez (s’essuie le front avec sa main) mais ça ira mieux demain. Oui, parce que là, vous avez des sueurs. Ah oui oui, là j’ai chaud. Oui, je vois ça… Et vous dormez bien? Oui oui ça va. Bah Doc., il me connaît, je ne dors pas beaucoup, c’est l’habitude. Vous n’avez jamais été un gros dormeur? Non, non, on se couche à 2-­‐3 heures du matin et à 7 heures je suis debout moi, rires. Et alors comment s’organise votre journée? Et bah, quand je me lève, je prends mon petit café, mon traitement et après je vais faire mes trucs tranquilles. Je m’occupe des chiens tout ça quoi. 96 Ok, et vous êtes entouré un peu? Par la famille? Les amis? La famille non. Y’a juste mon grand frère que je vois une fois de temps en temps. Sinon y’a que les potes que je vois. Oh non mais même quand je squatte je suis tout seul. Ouais ouais, je préfère être tout seul. Vous êtes un solitaire si je comprends bien? Voilà ouais, sourire. J’ai mon squat, même si mon pote il peut plus me prendre, j’ai mon squat et là, je suis peinard. Ok, et concernant la substitution, avez-­‐vous déjà eu recours à la méthadone? Oui, oui, parce que quand on est en manque aussi quoi… Et c’était par quel recours? Dans la rue peut être? Oui voilà, et puis j’ai des potes qui l’avaient en traitement donc on se démerde enfin on s’arrange. Et est-­‐ce que vous ressentez une différence entre l’effet de la buprénorphine et de la méthadone? Bah c’est plus efficace quand même la méthadone. Ah oui, vous trouvez que la méthadone est plus efficace? Ah ouais. D’accord, et d’après vous en quoi elle est plus efficace ? Bah voilà, l’effet est plus rapide. Alors que le Subutex® il faut attendre au moins 24 heures pour que ça fasse quand même de l’effet. Et donc là, c’est vous qui avez demandé le Subutex®? Mais est-­‐ce que ça vous convient? Si vous aviez le choix entre les deux, lequel serait le mieux adapté selon vous? Euh j’aurais préféré de la méthadone. J’ai été au Triangle et deux fois j’ai eu deux rendez-­‐
vous mais à chaque fois ils ont jamais pu me prendre donc les rendez-­‐vous étaient reportés et puis j’ai fini par me barrer et puis voilà quoi… Donc vous avez eu recours au Subutex® si je comprends bien, car c’était plus facile d’accès? Ouais, c’est des gens qui m’ont dit de venir ici. Et alors, êtes-­‐vous satisfait de l’accompagnement qui vous est proposé par le Docteur M. ? Ah oui, il est cool, ça se passe nickel. Et est-­‐ce que c’est votre médecin généraliste ou vous le voyez uniquement pour votre traitement de substitution? Oui, c’est aussi mon médecin maintenant. D’accord, donc s’il y a besoin il vous suit pour d’éventuels soucis de santé? Ouais. 97 Et vous avez des problèmes de santé particuliers? Nan, nan je suis pas malade, j’ai juste été opéré quand j’étais petit des yeux, des amygdales, des petites choses quoi…je suis un solide, sourire. D’accord, par contre quand je suis malade, je suis malade, y’a pas de milieu, c’est soit tout l’un soit tout l’autre. Et pour revenir au traitement de substitution, avez-­‐vous déjà ressenti des effets secondaires qui pourraient être liés au Subutex®? Oui ce qui peut m’arriver c’est de faire des crises d’épilepsie. Ah oui, mais vous pensez que c’est en lien avec la buprénorphine? Ouais ouais, quand ça fait longtemps que j’en ai pas pris et que je reprends d’un coup comme ça, ça peut… Parce que ça vous est déjà arrivé à plusieurs reprises? Ouais ouais j’en ai fait, avec l’alcool fort et tout, donc j’ai arrêté l’alcool fort, j’ai été obligé, pareil avec les produits, les stupéfiants forts, l’ecsta tout ça quoi…Ah oui, j’ai goûté à pas mal de trucs, mais bon, rires. Et là du coup vous avez réussi à arrêter progressivement ces consommations? Oui, l’alcool fort, j’ai tout arrêté d’un coup. C’est fait, c’est bon. Et ça fait combien de temps que vous avez arrêté? Ouh là là, ça fait des années, cinq ans peut-­‐être. Ok, et sinon, tout à l’heure vous me disiez que vous aviez été incarcéré, et du coup est-­‐ce que vous trouvez que les conditions de réintroduction du traitement de substitution se sont bien passées? Oui, ça a été fait automatiquement mais ils ont été cons. Parce que quand je me suis fait arrêter, ils m’ont emmené à la maison d’arrêt, ils ont appelé SOS médecin, alors que j’en avais dans le sac, je venais d’aller chercher mon traitement à la pharmacie, c’était un mercredi, mais ils ont pas voulu que je prenne ce que j’avais dans mon sac donc ils ont appelé SOS médecin. Mmh, comment dépenser de l’argent pour rien… Et sinon, comment voyez-­‐vous le traitement de substitution? Oui bah je pense pas arrêter complètement mais une fois de temps en temps ça fait du bien voilà… Et est-­‐ce que ça vous aide à mieux contrôler vos consommations? Ah bah oui, parce que là, j’avais abusé, depuis un mois, elle est bien fêtée la sortie…rires. Et pour vous, quel est votre objectif concernant votre traitement de substitution? Bah de diminuer mais pas trop vite non plus. Mais Doc., il le sait… Et pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal? La méthadone. Pour vous ce serait la méthadone? Parce que moi, je connais des gens qui se défoncent au Sub quoi… C’est pas, personnellement, ça ne me défonce pas, ça retire le manque, voilà mais ça défonce pas. Pour se défoncer il faut taper fort. J’en connais qui se le shootait aussi… Non le mieux, c’est la méthadone. Et puis pour les gens qui se défoncent au Sub ça éviterait qui se défoncent trop la gueule et puis voilà… 98 Et concernant la forme de la méthadone vous en pensez quoi? Liquide ouais c’est bien, et les gélules? Bah pour moi le mieux c’est en sirop…Nan mais c’est vrai, moi je pense comme ça…Au moins les gens ils ne peuvent pas se la shooter… Bon, est-­‐ce que vous voulez rajouter quelque chose? Nan, nan. Vous pensez qu’on a fait le tour? Oui c’est bon. Et bien écoutez je vous remercie d’avoir pris un peu de votre temps pour cet entretien. Oh bah de rien, j’espère que ça va marcher… » 99 Patient 6 : « Alors, vu que c’est la première fois que l’on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Alors mon nom c’est Fabien, euh j’ai euh , je suis né euh en année 76 et puis bah voilà quoi… D’accord, ok, et donc là, ça fait combien de temps que Docteur M. vous suit pour la substitution ? Euh bah, monsieur M., mmh enfin les trois... Oui, vous êtes suivi par les différents médecins du cabinet ? Ouais, les trois ouais, euh là ça fait un moment maintenant euh…exactement je pourrais pas dire, mais on va dire une dizaine d’années… D’accord et donc là vous êtes sous quel traitement de substitution ? Euh bah buprénorphine. D’accord, bah c’est le générique quoi et je suis euh à 5 milligrammes. D’accord, et vous avez commencé à quelle posologie ? Euh, pas 16 mais ouais peut-­‐être ouais euh 8, 10, ou 12, je sais plus. D’accord, ok donc on peut noter une décroissance progressive. Ouais ouais bah ouais bah ça m’est arrivé d’avoir des pics à 7 mais c’était pas ici… C’est à dire ? Parce qu’il y a eu des voilà quoi… Donc ce traitement a été instauré dans le cadre d’une dépendance à l’héroïne ? Ouais. Et est-­‐ce que là aujourd’hui il y a toujours des consommations de produits ? Au début oui, ouais, je prenais euh, je prenais les deux, enfin, je prenais pas les deux, je gardais la bup’ euh, à l’époque c’était vraiment que le Subutex®, ok, bah je le gardais en réserve quoi, c’était vraiment…, je m’en servais vraiment pour m’empêcher de…moi j’ai jamais eu dans ma tête, genre le Subutex® pour me…enfin je sais qu’il y en a vraiment qui le prennent comme une drogue mmh et vous vous voyez ça comment ? Moi l’idée, c’était de pas être mal, à l’époque c’était surtout ça… mmh, Je savais que par exemple si euh dans ce monde-­‐là, l’héroïne, enfin moi encore c’était différent parce que euh j’en avais toujours parce que c’était gratuit mais euh…ça pouvait quand même arriver qu’il y ait des petites périodes de galère où il n’y avait rien et je savais que j’avais ça, 100 mmh, jamais j’ai mélangé les deux ou jamais j’ai pris Subutex® plus héroïne pour être encore plus euh…surtout que je sais que c’est pas fait pour. Et en plus, moi l’héroïne je me la suis jamais injectée donc euh… ok, donc vous la consommiez comment ? Je euh, juste en sniff. Par voie nasale, d’accord. Donc je sais que ça aussi ça joue parce que une fois que ceux qui sont passés à l’héroïne en intraveineuse bah euh c’est sûr que le Subutex® va plus leur faire grand-­‐chose au niveau du calmer le manque donc euh ils vont se dire euh…ils vont se dire autant se l’injecter direct mais bon après le résultat c’est pas très très joli… Et euh, le Subutex® ou plutôt la buprénorphine vous la prenez comment ? Bah au début pareil, je le prenais en sniff, et euh au fur et à mesure euh… parce que j’ai su que, enfin j’ai vu que, parce qu’on peut nous le dire mais ne pas le croire, que euh si c’est vrai sous la langue, peut être que l’effet n’est pas immédiat mais beaucoup plus long et euh en sniff c’est immédiat mais ça… ça dure moins longtemps ? Ouais, c’est ça et puis bah vu que c’est la meilleure façon de le prendre bah tant mieux. Ok, et vous le prenez en combien de fois ? Ca dépend…par exemple là je suis à 5 donc je vais prendre le 4 pour le soir et euh pour quand je travaille, pour la journée je prends un, juste le 1. D’accord, ok… Bah je sais que c’est pas comme ça mais bon pour l’instant c’est euh, enfin ça dépend, ça dépend… Et donc là vous venez voir Monsieur M. à quelle fréquence pour votre prescription ? Bah là, on est reparti à sept parce que à un moment de temps, quand même quand j’y pense, à un moment de temps j’étais quand même à 0,8 ou 1,2 je sais plus enfin c’était vraiment le seuil psychologique, parce qu’on se dit que plus rien du tout d’un coup ça va être euh, ça va être chaud mais en fait nan, j’étais proche, j’étais vraiment proche…et puis bah pendant les cinq dernières années j’étais avec une femme et euh…ouais, ça s’est pas très bien passé donc du coup euh…je me suis re-­‐réfugié un peu dans euh…toutes ces conneries et euh…mais bon, c’était euh, ça va mieux maintenant…c’est pas si vieux que ça encore mais bon…j’avance, c’est ça qu’est bien ici, ils sont au courant de la situation donc au moins on peut parler… Oui, vous êtes satisfait de l’accompagnement qui vous est proposé au cabinet ? Ouais, bah oui, j’ai vu d’autres médecins, on est jugé direct euh, toxicomane, enfin bref… Donc là au cabinet vous êtes suivi également pour vos problèmes de santé généraux ? Ouais parce que je vous dis, je suis pas du coin moi, j’avais un médecin traitant, un médecin un peu à l’ancienne parce qu’il nous disait toujours qu’il nous lâcherait pas, que son métier 101 c’était toute sa vie et puis, du jour au lendemain il a arrêté mais il a dû lui arriver quelque chose parce qu’il nous avait dit qu’il nous lâcherait jamais…et puis on l’a jamais revu…Et donc il y avait une autre médecin là-­‐bas et elle, j’ai vu tout de suite euh, « non, non moi je prescris pas ça » alors que je sais, enfin je sais, il me semble que si, tous les médecins peuvent le prescrire, Bien sûr, vous avez raison, enfin mais bon j’ai pas voulu, voilà quoi, je préfère une bonne relation et venir un peu plus loin quoi… Et du coup, on vous avait donné les coordonnées du cabinet, comment ça s’est passé ? Ouais, ouais, je suis venu ici et ça s’est bien passé dès le début, et depuis je suis resté ici. Ok, bon, et vous, comment vous voyez le traitement de substitution ? Bah pour l’instant, à mon avis, c’est ce qu’il y a de mieux, parce que à mon avis il n’y a que ça en substitution, après euh…à mon avis pour que ça marche, il faut vraiment, vraiment être bien, autour que tout aille bien aussi, parce que c’est un truc qui se diminue petit à petit et là, ouais, ça peut marcher…mais c’est pareil, à un moment, il faut se sortir de ça aussi, il y a pas de euh, d’état euphorique ou de…ça me fait rien du tout, ça m’évite peut être juste de ressentir le manque, ouais, je pense que c’est ça…mais après, c’est sûr qu’il faut réussir à s’en détacher parce que, je dis ça mais j’en ai toujours donc euh…c’est quand même que… Parce que vous, si je comprends bien, l’objectif serait d’arrêter ? Ah oui, ouais, ouais parce que ça l’héroïne pour le coup, c’est vraiment arrêté, ça fait même un moment… donc c’est ça que je me dis, ça fait un moment que c’est arrêté donc comment ça se fait que ça j’arrive pas…Alors oui, à un moment c’était presque mais c’est là, c’est pour ça que je dis, il faut vraiment que tout aille bien autour parce que… Et pour vous, un traitement réussi est forcément un traitement qu’on arrête un jour ? Ah bah non, la finalité, pour que ce soit réussi, il faut l’arrêter, à bah oui, ça c’est sûr…c’est quand même une famille opiacée, enfin je sais pas, c’est quand même un peu une drogue, enfin la preuve, si on l’arrête d’un coup, on va pas bien donc euh…c’est que c’est une drogue. Mais elle se gère bien plus, bien mieux que l’héroïne ça c’est clair… Et à l’origine qu’est-­‐ce qui vous a conduit à demander un traitement de substitution, quelles étaient vos attentes ? Bah tout mon monde, je vous dis, l’héroïne c’était gratuit pour moi donc euh… Bah justement, si vous aviez un accès « facile » à l’héroïne pourquoi demander un traitement de substitution ? Bah, c’était surtout par la force des choses, un jour, on nous a arrêtés et puis tout s’est écroulé quoi, on s’est retrouvés en prison et puis c’est de là en fait que tout est parti… C’est donc en prison que le traitement a été initialisé et puis à votre sortie vous avez poursuivi le traitement en fait, si je comprends bien… Ouais, ouais, et puis en plus celle qu’on avait elle était vraiment très très forte et nan, c’est vraiment par la force des choses, c’est pas moi un jour qui me suis dit…je vais demander à 102 un médecin un traitement de substitution…ouais non, c’est vraiment par la force des choses… Et donc là, aujourd’hui, est-­‐ce que votre entourage a connaissance de votre traitement de substitution ? et si oui, comment ils le perçoivent ? Ils ont pendant longtemps, parce que c’est pareil, à un moment de temps, il y a eu une mauvaise passe là-­‐dessus, sur le Subutex®, par rapport à quelques cas spécifiques…mais bon ça été vite généralisé…donc du coup, les gens qui connaissent pas ils y croient et ils te voient et c’est tout juste si t’es pas dans la même catégorie que l’héroïne. Donc si je comprends bien, vous avez l’impression que l’image du Subutex® est plutôt négative ? Pour certains ouais…parce qu’ils entendent trafic de Subutex ® donc euh oui, je suis pas complètement débile lourd, je sais qu’il y a du trafic de Subutex® mais bon il faut pas tout mettre dans le même panier…je sais aussi que ça a sauvé beaucoup de personnes et y avait rien avant… Et votre première prise de Subutex®, c’était sous prescription médicale ? Euh non, la première fois, c’était par quelqu’un, mais par contre niveau dosage et tout j’y connaissais rien…pour moi, c’était un cachet…et je me rappellerai toujours parce que j’avais vomi, vomi… donc ça c’était pas très bien passé, la posologie n’était sans doute pas adaptée… comme l’héroïne, bizarrement l’héroïne c’était pareil, mais comme la plupart de ceux qui ont commencé, la première expérience ça n’a rien avoir avec la cocaïne, non il y a rien de…on vomit, on n’est pas bien, mais bon. Et vous avez commencé vers quel âge à peu près vos consommations ? Mmh, je sais plus, la vingtaine… Et il y avait d’autres produits qui étaient consommés en parallèle ? Moi j’ai commencé un peu tout tard, enfin bref, euh mais par contre d’un coup, euh…cigarettes, shit, héro, cocaïne…mais bon à la base c’était vraiment à l’occasion. Et là, aujourd’hui, vous avez toujours quelques consommations ? Non parce que c’est euh…l’entourage, l’entourage voilà euh…, c’est carrément un autre entourage qui s’était construit autour de moi. Et là, pendant ces cinq ans, bah justement avec la femme avec qui j’étais, bah elle était au courant, sans connaître, et euh justement en plus, il y avait un écart d’âge avec moi, je me disais elle va peut-­‐être pas comprendre et en fait si, elle a très bien compris, là-­‐dessus ça allait…enfin des fois y avait des petites réflexions quand même…mais je pense que c’était plus pour être méchante qu’une vérité enfin voilà… mmh, et sinon, au niveau professionnel, vous disiez tout à l’heure que vous travaillez, vous faites quoi comme boulot ? Ouais, je bosse juste 26 heures par semaine, je suis en peinture là. Mais en même temps, je passe des diplômes pour être plus dirigé vers magasinier ou un truc comme ça… Donc il y a pas mal de projets en tête. 103 Ouais, ouais, bah par rapport à avant ça n’a rien à voir, heureusement…mais quand même des fois je me dis,…l’autre fois, il y a quelques semaines, j’ai demandé la première date où je suis arrivé ici pour euh, je sais pas comme ça, parce que j’y pensais, et euh quand même je me dis, quel temps perdu…ça fait vraiment du temps perdu…mais bon, c’est comme ça !... mmh, et pour revenir au traitement, vous me dites que vous venez tous les 7 jours au cabinet et avec la pharmacie ça se passe comment ? Bah j’y vais toutes les semaines et puis ça se passe bien, plus ils nous voient et plus ça se passe bien nan et puis là, c’est une bonne pharmacie… Ok, parfait, euh sinon, la Méthadone vous en pensez quoi ? Vous en avez déjà consommée ? Euh oui, juste comme ça, une fois… Et alors quels effets ça a eu sur vous ? Ca m’a apaisé, ça m’a mis bien…mais euh, je sais pas du coup, le fait de boire un sirop, bof, mais non, j’ai essayé qu’une fois…peut être deux maximum, mais non, je crois qu’une fois…mais pas la même expérience que le Subutex® pour la première fois par contre, peut-­‐
être aussi parce que j’étais plus imprégné par l’héroïne ou le Subutex® , Mmh, non, ça m’avait mis bien quoi…mais j’ai jamais demandé à en avoir. Et pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal ? Le traitement idéal, bah celui qui vous met bien, vous fait penser à autre chose, mais qui vous permet de continuer à…par exemple si vous travaillez, vous travaillez, pour ceux, dans les potes qui sont encore dans le milieu et qui sont en galère, bah qui les mettent bien tout seul, chez eux, sans avoir l’idée qu’il leur faut de l’héroïne et tout…et puis bah bien sûr, si vraiment ils pourraient le faire mais euh peut être que ça aussi c’est un gros business, enfin, j’en sais rien mais après que ça s’arrête et qu’il y ait pas de manque de ce médicament qui vous a mis bien, qui vous a permis de…passer, faire une transition…Ouais, et d’oublier l’héroïne, de vous dire bah finalement j’en ai pas besoin, je suis bien… Parce que vous trouvez que c’est trop long le temps de traitement ? Bah ouais, mais après ça dépend des personnes…mais euh ouais, dans le médicament idéal, ça serait ça ouais, d’être bien mais après tout ça, ça n’a rien à voir avec l’héroïne, c’est la vie, c’est tout le monde, qui voudrait être bien, on a tous des problèmes de couple, de boulot…mais heureusement tout le monde ne prend pas de l’héroïne au moindre problème…c’est peut être une question de faiblesse, plutôt d’entourage à mon avis…mais ça c’est mon opinion. Ok, juste pour finir, est-­‐ce que vous avez des antécédents médicaux, ou des soucis de santé particuliers ? Euh non. Et est-­‐ce que en plus de la buprénorphine vous avez d’autres traitements ? bromazepam. 104 D’accord, mais sans doute là aussi il y a eu…mais ça c’est pareil, quand ça va pas, on en prend plus, mais bon, c’est pas la solution… Mmh, bon et bien merci, je ne vais pas vous retenir plus longtemps ». 105 Patient 7 : « Étant donné que c'est la première fois que l'on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Euh oui, moi je m'appelle Steven, euh Steven D., D. c'est mon nom de famille, donc ce que je fais dans la vie, je suis mécanicien, euh j'ai 24 ans. Euh j'ai un traitement à la buprénorphine -­‐ Subutex® depuis euh... que je dise pas de bêtise, ça va faire quatre ou cinq ans. Vous avez toujours été suivi par le Docteur B. ? Euh non, au début c'est le Docteur G. qui m’a suivi au Pellerin, et puis le Docteur B. l’a remplacée et depuis je l'ai toujours suivie. D'accord, et le Docteur G dont vous parliez c'était votre médecin généraliste ? Euh traitant à la base, oui. Et donc le Docteur B. vous suit uniquement pour votre traitement de substitution ou elle est devenue votre médecin traitant aussi ? Non elle me suit pour tout, c'est mon médecin traitant maintenant. D'accord, et, qu'est-­‐ce qui vous a conduit il y a quatre ans à demander un traitement de substitution ? Euh moi je prenais de l’héroïne et je voulais arrêter. Et puis je sortais avec une fille et elle en avait marre de me voir comme ça, moi j'en avais marre aussi. Donc en fait elle m'a emmené au Triangle à Nantes, j'ai vu un psychologue et puis on a parlé de ça. Euh je pensais que c'était eux qui me prescrivaient le Subutex® là-­‐bas, mais non, donc j'ai dû voir un médecin pour ça, donc ouais c'est grâce à elle que j'ai arrêté. D'accord, et à cette période de votre vie, consommiez-­‐vous d'autres produits ? Euh non, peut-­‐être un peu de cocaïne mais c'est tout et beaucoup d’héroïne. D'accord, et comment la consommiez-­‐vous ? Euh, je la sniffais. Quand vous dites beaucoup d’héroïne, pouvez-­‐vous être plus précis, c'était quelle dose selon vous ? Euh 1 gramme par jour. Et qu'est-­‐ce que cette consommation d’héroïne entraînait chez vous ? Qu'est-­‐ce que vous recherchiez? Euh, qu'est-­‐ce que je recherchais... euh bah moi, c'est l'effet de l’héroïne, au début je pensais pas que j'allais devenir accro et au bout de deux ou trois prises après il m'en fallait tous les week-­‐ends puis après c'était tous les jours. Et euh qu'est-­‐ce que je recherchais, je sais pas j'étais euh accro à l’héroïne, j'avais besoin d'en prendre le matin et à n'importe quel autre moment de la journée. Et quand j'en prenais pas je me sentais mal, j'avais un syndrome de manque. Et ce syndrome se manifestait comment ? J'avais mal au ventre et euh la nuit ça n'allait pas aussi. 106 Alors qu'est-­‐ce qui se passait quand vous dites que ça n'allait pas? Euh, je transpirais la nuit, avec ma copine ça n'allait pas du tout, euh au travail non plus...donc c'est tout ça qui m'a fait consulter. Et donc là aujourd'hui vous êtes sous Subutex® ? Euh non, buprénorphine. Et vous aviez été sous Subutex® avant? Oui, j'ai commencé par le Subutex® et après je suis passé à la buprénorphine. D'accord, et est-­‐ce que vous avez ressenti une différence entre ces deux traitements ? Euh oui, pour moi ça n'a pas le même goût, c'est la même chose, c'est juste le comprimé, euh enfin ce qui entoure, ça a pas la même forme, le même aspect mais c'est exactement la même chose. L'effet ressenti est le même ? Ouais. Pouvez-­‐vous me dire justement quel est cet effet sur vous? Euh ouais, donc moi je le prends le matin, ça m'arrive de le sniffer et euh pour moi ça me booste, ça va me booster en fait. Ça m'apporte un...ouais. Et les jours où vous ne le prenez pas comment ça se passe ? Je suis pas bien, ouais, pareil la même chose, j'ai mal au ventre, j'ai pas faim, j'ai envie de rien et euh...ça me motive pour faire n'importe quoi. Donc là, vous me dites que vous le prenez le matin, mais est-­‐ce que ça vous arrive de répartir votre traitement sur la journée ? Non, je le prends que le matin, en une fois. Toute à l'heure vous disiez que vous le preniez surtout par voie nasale, est-­‐ce que vous le prenez autrement ? Euh, en sublinguale mais plus souvent en sniff. Est-­‐ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi? Pour moi, ça va faire plus d'effet en sniff, c'est pas pareil, ouais en fait quand je le sniffe, ça va me faire de l'effet au début mais après je vais avoir mal à la tête, ça arrive j'ai mal à la tête, le nez bouché aussi, je suis souvent enrhumé à cause de ça et quand je le prends par la langue, j'ai pas ces effets-­‐là. J'ai pas ce mal de tête, j'ai pas... Alors du coup pourquoi vous ne le prenez pas sous la langue si vous n'avez pas ces inconvénients ? Je peux pas vous dire pourquoi, parce que j'ai tellement envie de le sniffer que ouais. C'est le geste peut être que vous recherchez ? Le geste et l'effet, même si je me dis que je vais avoir mal à la tête c'est pas grave, je le fais quand même. 107 Et vous arrivez à respecter la posologie de votre traitement ? Il n y a pas des jours où vous en prenez plus ou moins ? Au début, on avait ces problèmes-­‐là, j'avais ces problèmes au début mais c'est passé. Et là, vous êtes à quelle posologie en ce moment ? Euh, j'ai commencé à 8 milligrammes et là je suis à 3 milligrammes. C'est plutôt positif, et comment se passe la décroissance, la diminution du traitement ? Très bien, ça se passe vraiment bien. D'accord, et est-­‐ce que vous pouvez me dire si la prise du traitement a entraîné des changements dans votre quotidien ? Euh ouais, pour moi je suis mieux dans ma tête, je me sens mieux, euh le travail ça va mieux, avec ma famille ça va mieux. Vous me parlez de votre famille, vous avez des frères et sœurs ? Oui, j'ai un frère, j'ai un petit frère et une petite sœur Vous êtes l’aîné ? Oui, et j'ai euh une mère et un beau père. Voilà. D'accord, et ils sont au courant que vous prenez un traitement par Subutex® ? Oui, toute ma famille est au courant de ce que j'ai fait, de ce que je prends. A votre avis, qu'est-­‐ce qu'ils pensent de votre traitement ? Au début, je pense que ma mère s'en rendait compte, elle voyait que j'étais pas euh…, j'avais les yeux à l'envers, j'étais pas dans mon état normal et on en a parlé, en fait un jour, je lui ai dit ce que je faisais et prenais, elle est tombée de haut et euh... et euh... après j'ai commencé à me faire soigner et depuis je vais mieux. Et par rapport au traitement, comment votre mère le considère ? Euh elle voit ça plutôt comme une drogue, elle a regardé des choses et tout ça, surtout sur Internet, elle s'est renseignée et elle voit ça comme une drogue, pour elle c'est vraiment pas bien. Et vous qu'est-­‐ce que vous en pensez ? Pour moi non, c'est pas une drogue, bah c'est pas une drogue enfin si, on a remplacé une drogue par une autre, c'est pas une drogue, ça reste un médicament mais euh...je suis pas fait pour prendre ça normalement. Donc comment vous voyez les choses ? J'espère arrêter le plus vite possible et pour moi, je suis bien parti. D'accord, et sinon, à côté du traitement est-­‐ce que vous consommez des produits ? Du tout du tout, au début j'étais tenté de racheter de l'héro mais après, là ça va faire un moment, je sais même plus quel goût et quel effet ça a. Ça fait un moment que j'en ai pas pris. 108 Et avant que le Subutex® vous soit prescrit, est-­‐ce que vous l'aviez déjà essayé? Euh, ouais si ça m'est arrivé une fois qu'on m'en donne, enfin qu'une personne m'en donne. Euh ouais, c'était un consommateur d’héroïne et ce soir-­‐là, euh même, c'était un revendeur d’héroïne et euh, ce soir-­‐là il en avait pas et euh ouais, il nous a donné un médicament et ça m'avait fait du bien... D'accord, et par rapport à vos consommations aujourd'hui, vous en êtes où? J'ai tout arrêté. Ok est-­‐ce que vous fumez ? Consommez de l'alcool ? Euh ouais, je fume et l'alcool euh non, pas plus que ça. Alors ça veut dire quoi « pas plus que ça »? Si j'ai une soirée, un anniversaire ou n'importe quoi, je vais prendre un verre pour trinquer mais sans plus. D'accord, et quel genre d'alcool vous buvez ? Euh moi, c'est plutôt alcool fort, c'est whisky et euh...mais de toute façon l'alcool avec mes médicaments ça le fait pas trop, je suis euh, je sais que non, tout, de prendre l'alcool et des médicaments ça va pas du tout quoi, faut pas que je prenne plus de deux ou trois verres. Ok et concernant le tabac quelle est votre consommation ? Euh, bah un paquet ça me fait deux jours. Et depuis, l'arrêt de l’héroïne est ce que vous avez l'impression que votre consommation de tabac a augmenté ? Du tout, du tout, c'est pareil. D'accord, ok euh, donc toujours par rapport au traitement de substitution, euh, quand je vous parle de Méthadone, Subutex® -­‐ buprenorphine, qu'est-­‐ce que ça vous évoque ? Rien du tout, pour moi euh, même l'entretien qu'on a maintenant, pour moi je suis hyper bien, je suis quelqu'un de normal, je suis pas un drogué euh peut être que vous vous voyez ça d'un mauvais œil ou je sais pas... Je vous rassure, je ne suis pas du tout dans le jugement, Ouais bon bah c'est cool, non mais pour moi, ça m'évoque rien, c'est des médicaments comme les autres. Ok, et concernant le Subutex®, c'est vous qui l'avez demandé ou on vous l'a prescrit directement ? C'est à dire ? En gros, est-­‐ce que vous auriez souhaité un autre traitement de substitution ? Euh ouais, plus tard j'aimerais bien, pour changer, Pour changer ? Et vous pensez à quoi en disant ça ? Je sais pas, pas de méthadone, je sais que ça doit être un peu plus fort que le Subutex®. 109 Vous en avez déjà consommé ? Non, jamais mais j'aimerais bien changer, j'ai peur que mon corps s'habitue au Subutex®. D'accord, donc c'est plus une peur de l'accoutumance, vous avez peur que votre corps s’habitue au traitement ? Ouais, exactement. Ok, et est-­‐ce que vous avez déjà pu ressentir des effets indésirables liés au traitement ? Non, du tout, je le tolère super bien mais le seul problème, c'est quand je le sniffe, la nuit j'ai mal à la tête et le matin c'est pareil quand je me lève, j'ai très mal à la tête. Mais quand je le prends sous la langue j'ai pas du tout mal. Ok, et sinon le Docteur B. vous suit pour des soucis de santé particuliers ? Euh non. Vous n'avez pas d'antécédents médicaux? chirurgicaux ? Non aucun. Vous n'êtes pas suivi par d'autres médecins ? Euh non, moi j'ai juste vu un psychologue au début parce qu'il fallait que je passe par là quand j'ai été au Triangle pour me renseigner mais non je ne vois personne d'autre que le Docteur B. Et vous êtes satisfait de l'accompagnement concernant votre substitution ? Euh ouais, Docteur B., c'est la seule personne avec qui je peux vraiment en parler. Pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal? Bah déjà ce serait un traitement qu'on prend pas à vie, un traitement que ouais, je prendrais pas longtemps et que vraiment, on diminuerait petit à petit mais euh faut pas que ça dure trop longtemps. Là vous trouvez que votre décroissance est trop longue ? Pour moi ouais, ça fait quatre ans mais j'ai l'impression que ouais ça fait au moins sept ans je sais pas. Ça fait tellement longtemps que je sais plus quand est-­‐ce que j'ai commencé à en prendre. Mais ouais pour moi c'est long. Après, c'est ce que vous disiez, c'est bien d'y aller progressivement et de prendre le temps nécessaire à la décroissance. Et sinon, avec la pharmacie comment ça se passe ? Bah très bien. Ok, et Vous allez chercher votre traitement à quelle fréquence ? Euh toutes les semaines, je préfère. Ah oui, pourquoi ? Euh, je sais pas, je préfère. Bon, très bien. Avant de clôturer l'entretien est ce que vous voulez ajouter quelque chose ? Euh non. 110 Et bien merci, merci d'avoir accepté cet entretien ». 111 Patient 8 : « Donc déjà pour démarrer, vu que c’est la première fois que l’on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter s’il vous plaît ? Oui, bon, alors euh, je m’appelle Michelle, euh… J’ai 70 ans depuis le mois d’Avril. Je sais pas si c’est le fait de mes faiblesses euh… qui se sont traduites par des addictions, qui font que euh aujourd’hui je suis toute seule. J’en suis bien malheureuse hein, en tous cas, ça me donne une émotion de vous dire ça... Et euh j’ai deux garçons, ok, qui ont 39 et 40, d’accord, celui qui a 40, il est marié, il vit en Suisse et il a trois enfants. D’accord. Et mon second est colonel, sourire, il n’est pas marié lui, mmh, il est sur Paris pour le moment, alors voilà. Sinon j’étais, enfin j’ai pas travaillé mais euh j’étais éducatrice quand j’étais célibataire, d’accord, je me suis mariée à 28 ans et euh j’ai arrêté de travailler. Et puis j’ai été mariée pendant 23-­‐24 ans, mmh. Mais maintenant pour être éducatrice, enfin en 1994 quand je me suis séparée, pour être éducatrice il fallait des diplômes euh presque de psychologue hein, donc j’ai pas pu reprendre. Alors, quand je me suis retrouvée seule bah il a bien fallu travailler, donc j’ai fait une formation, j’ai eu une opportunité, qui s’est présentée à moi, que j’ai vite saisie, de faire une formation d’auxiliaire de vie auprès des personnes âgées, et ça m’a beaucoup, beaucoup plu. Voilà et puis bah je suis à la retraite depuis l’âge de 63 ans. Alors par contre, je me suis vite rendue compte euh, je dirais aux alentours de 25 ans, que j’avais souvent un mal être, un malaise. Par exemple je faisais du scoutisme, et je pouvais pleurer une journée entière. Je vous parle du scoutisme parce que j’ai un repère dans un champ avec des petites jeannettes, j’étais pas là pour pleurer, donc euh il y avait quelque chose qui n’allait pas. Après, il faut dire qu’on était huit et on a perdu notre père quand on était jeune. D’accord, vous êtes située comment dans votre fratrie ? Moi je suis la cinquième, la cinquième d’accord, donc euh j’avais un mal être mais je ne mettais pas le doigt dessus, et la psychologie ça n’existait pas vraiment dans les années euh, je suis née en 43, allez dans les années 55-­‐60, ni même le manque de père, on n’en parlait pas tant que ça hein, c’est pas comme maintenant. Il y avait un gros manque c’est certain. Et puis en gros, on était laissé à nous même, on a fait ce qu’on voulait, on a roulé notre mère tant qu’on a pu, tous les huit. Je crois que tous les établissements privés de Nantes, on les a tous faits, à nous huit. Ah oui, d’accord. Rires. Mais bon, il y a des bons souvenirs et puis des moins bons parce qu’on a besoin d’être cadré quand même, et je me rendais compte que euh, quand j’avais ce mal être là, si par exemple il y avait… Bah chez mes parents, il n’y avait pas d’alcool, et j’ai jamais su pourquoi, c’était tabou, il n’ y avait pas d’explication. Et quand je buvais par exemple un plein verre de cidre, c’était pas épouvantable un verre de cidre, mais un seul verre de cidre me rendait bien, j’étais complètement désinhibée, et je me suis vite rendue compte qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas hein… Là, j’avais entre 20 et 25 ans, et je trouvais que mes…, comment dire, je trouvais un bien être et puis euh, plus de facilité. Enfin c’est ça être désinhibée hein. Et puis euh j’ai rencontré, un monsieur, qui était mon patron, qui avait quinze ans de plus que moi, et qui lui aimait bien les alcools, les bons alcools, les bons vins, les bons apéritifs et tout ça, mais jamais seul. Et il m’a un peu entraînée là-­‐dedans. Je ne veux pas dire qu’il est responsable, parce que j’ai pas le droit de dire ça. Mais il ne se rendait pas compte, que les apéritifs, du bon vin à table, et tout ça… Pour moi, il n’en fallait pas. Mais même aujourd’hui, euh il vous dirait que je fais des histoires, que c’est une invention, que ça vient de moi. De toute façon je ne dirais jamais 112 que c’est les autres, jamais, j’avais ce profil-­‐là, c’est tout. Mais, après je n’ai jamais aimé les alcools forts, ce que j’ai beaucoup consommé et aimé, c’est la bière. Dans quel contexte aviez-­‐vous ces consommations ? Bah au début de façon festive puis ensuite seule. En plus, c’était dans l’interdit donc c’était transgresser alors vous voyez c’était encore mieux. Et euh, parce que quand je buvais avec des amis, mon mari ou en bonne compagnie, c’était quand même de la transgression pour moi, je savais que c’était de l’interdit et c’était encore meilleur. Et puis, mon mari m’a beaucoup délaissée parce qu’il avait une passion, le tir à la carabine, donc j’étais toujours toute seule, surtout quand les garçons sont partis de la maison. Et donc j’étais toute seule, car sa passion était plus forte que son couple quoi, alors bon, je me précipitais sur la bière. Alors des fois, j’aurais bu n’importe quoi pour fuir, pour fuir cette angoisse, cette grosse angoisse de solitude et surtout de chose qu’on aurait pu faire ensemble. Donc pour pas souffrir, euh je regardais d’abord ce qu’il y avait dans l’appartement, en général du vin, mais j’ai jamais aimé le vin, même les bons vins… Alors je me servais un apéritif, et puis après c’était deux apéritifs, après c’était trois apéritifs… Puis j’ai fini par lui dire, parce que j’ai pas de mal à parler de mes problèmes, mais il ne comprenait pas. Et puis ça s’est installé comme ça. Dès qu’il partait et bien j’y pensais. J’allais m’acheter des bières, c’était pas cher, et c’était pas hyper-­‐alcoolisé à tomber par terre. Ca ne se vendait pas à l’unité donc je prenais mes quatre bières, comme ça d’affilée, et j’étais bien. Et depuis quand est-­‐ce que vous êtes suivie par le Docteur B ? Alors euh oui, parce que je suis longue peut être. Alors un jour, je suis allée chez un médecin pour des douleurs, mmh, et il m’a donné de l’Efferalgan-­‐codéiné®, d’accord, et j’ai trouvé ça super. Alors je suis retournée à la pharmacie, et puis oui, ça se délivrait sans ordonnance, et ça remplaçait largement l’alcool. Donc je me suis dit « Chic, je vais pouvoir me débarrasser de l’alcool avec cette codéine ». Mais seulement j’étais rendue à des grosses proportions. Je faisais toutes les pharmacies de Nantes hein. J’avais honte. J’allais aussi à l’extérieur de Nantes, enfin euh…Et puis un jour, je me suis décidée à consulter. Je ne sais pas par contre comment j’ai eu les coordonnées du Docteur B., ça fait deux ans à peu près qu’il me suit. Donc si je comprends bien, le Docteur B. n’était pas votre médecin traitant initialement ? Non, non, j’ai su qu’il s’intéressait aux addictions, et puis j’avais entendu dire que c’était un médecin humaniste. C’est vrai, on le voit tout de suite qu’il aime les gens. Je suis sûre que même si il a des jeunes qui ont des gros problèmes de euh…, comment ça s’appelle déjà, avec des drogues fortes… Les opiacés ? L’héroïne ? Oui c’est ça, avec l’héroïne, il peut ne pas les faire payer, c’est tout à fait ce style de médecin. Et puis euh, quand je lui ai raconté ce que je viens de vous dire, il m’a dit que je l’intéressais. Il m’avait dit, je me souviens de l’expression, il m’avait dit « Vous êtes un livre ouvert de la personne qui a le parcours de la dépendance ». Alors, à partir de ce jour-­‐là, il m’a donné du Subutex®. Vous connaissez ? Oui. Sourire. C’est un peu le sujet de notre rencontre. C’est un des médicaments de substitution sur lequel je fais ma thèse. Ah oui, c’est vrai, vous vous intéressez à la substitution… Ah bah c’est bien, et pour vous dire, ça a été radical le Subutex®, dès le premier jour, je ne pensais même plus à la codéine, et j’avais bien dix ans de codéine derrière moi quand même, hein. 113 Et vous consommiez quelle quantité de codéine par jour ? Bah je ne saurais pas vous dire les grammes, mais j’en prenais trois boites par jour. C’était des grosses quantités. Et donc j’imagine que vous la consommiez en plusieurs fois dans la journée ? Ah oui, oui, en plusieurs fois. Dès que je sentais que ça n’allait pas, que j’avais ce mal être, avec des tremblements, l’envie de vomir et tout ça… Hop, je n’attendais pas que ça s’installe. J’ai vu des dimanches où j’allais au commissariat pour qu’on m’ouvre une pharmacie. Ah oui, il fallait que je m’organise bien pour ne pas avoir de manque. Et puis euh, je sentais bien que je ne m’en débarrasserais pas toute seule. C’était trop fort, et puis trop ancré dans moi hein. Et le Docteur B., bah il a été fabuleux, ça c’est vrai, c’est un super médecin, parce qu’il m’a tout de suite comprise, j’ai pas eu besoin de lui parler pendant deux heures… Et puis euh, il m’a donné le médicament qui me convenait, le Subutex®. Et donc vous avez démarré à quelle posologie ? Alors oui, je peux vous dire, euh j’ai démarré avec du 4 milligrammes, et puis je suis passée au bout de six mois à 6 milligrammes. D’accord, et d’après vous qu’est-­‐ce qui a conduit le Docteur B. à augmenter la posologie ? Parce que c’était pas encore euh, oui, j’étais encore très angoissée. Et est-­‐ce que vous aviez encore des consommations de codéine en parallèle ? Ah non, non, pas du tout, ça a été radical : de l’alcool à la codéine, ça a été fini pour l’alcool et de la codéine au Subutex®, ça a été fini pour la codéine. D’accord. Et voilà, donc je suis en ce moment à 6 milligrammes. Mais seulement, j’ai fait des petites tricheries là… C’est à dire ? Bah le week-­‐end dernier, je déteste les week-­‐ends, et on a eu, c’est une parenthèse qui a son importance, mais on a eu six décès en euh un an et demi. Mmh, ça n’a pas dû être simple, vous avez traversé une période difficile si je comprends bien. Oui, j’ai perdu une jeune sœur, un jeune frère, euh mes proches amies, dont une amie du scoutisme et euh bah c’est vrai que émotionnellement, oui, j’ai eu des moments durs à traverser. Et je pense que sans béquille je ne m’en serais pas tirée toute seule mais bon… De toute façon même s’il n’y avait pas eu les décès, je crois que euh, je ne peux pas me passer du Subutex®. Il est dans ma table de nuit, et quand je me réveille, c’est le premier geste que je fais. Donc la veille au soir, la pharmacienne elle me connaît bien, la veille au soir il me faut au moins un Subutex® pour que le lendemain matin, dès le réveil, je ne m’interroge pas, je ne me pose pas de question, je le prends, et ça va bien. Tout à l’heure, quand vous parliez des petites tricheries, qu’est-­‐ce qui s’est passé ? Vous aviez augmenté vous-­‐même votre traitement ? Oui, oui, le week-­‐end dernier, j’en ai pris un demi de plus le samedi et le dimanche un demi de plus donc ça fait un entier de plus pendant le week-­‐end. Mais le Docteur B., il a une telle, je ne sais pas comment dire, il est euh, il est bienveillant vis à vis de ses patients donc je sais que euh, il ne va pas me dire que c’est bien hein, mais on ne va pas passer une demi-­‐heure là-­‐dessus. Donc euh là il fait en sorte d’augmenter un petit peu les doses pour récupérer et donc c’est à peu près équilibré. Si je ne fais pas de bêtises, c’est équilibré. Ok, et donc vous le prenez le matin, en une fois ? Oui, sous la langue, ça va plus vite, je connais les astuces, rires. Et pour la journée c’est bon, là je suis bien. Mais le Docteur B., évidemment, tant mieux pour lui, il connaît très bien le 114 problème des addictions et il me dit que je peux tenir trois jours avec mon organisme, mais c’est pas vrai. Alors qu’est-­‐ce qui se passe au niveau de votre organisme si vous ne prenez pas votre traitement tous les jours ? Bah je ne veux pas avoir raison à tout prix, je ne veux pas vous tenir tête, mais je vous assure que si un matin je n’en n’ai pas, c’est pas arrivé beaucoup, j’ai un manque, j’ai vraiment le symptôme du manque. Et alors qu’est-­‐ce qui se passe dans ces moments-­‐là ? Je tremble, je crois que je traverserais une pièce en feu, pour obtenir mon petit comprimé qui est gros comme trois puces. C’est incroyable hein, moi je ne connais pas la médecine, je ne sais pas ce qui se passe mais c’est tout petit, et euh c’est magique quoi. Et donc tout à l’heure, vous parliez de la pharmacienne, donc comment se passe la relation avec la pharmacie ? Vous y allez à quelle fréquence ? Bah il me faut une prescription hein. Oui, bien sûr, et donc vous allez voir Monsieur B, une fois par mois ? Non, toutes les semaines pour le moment. Il me donne pour la semaine, mais je crois que ça va durer longtemps parce que avec ce que j’ai fait le week-­‐end dernier, j’ai triché quand même. Et donc là, il me donne une prescription de deux jours en deux jours. D’accord. Donc je suis allée à la pharmacie hier soir, et j’ai eu pour ce matin et demain matin. D’accord, et avec la pharmacie, ça se passe comment ? Bah j’ai fait deux pharmacies, la première on me regardait de haut, je me suis même engueulée avec une préparatrice. Faut voir la façon dont elle me considérait, j’ai même été très désagréable, j’ai fini par lui dire « mais on est dans une poissonnerie ou une pharmacie ? » rires. Qu’est-­‐ce qui s’est passé ? Et bien la préparatrice, parce que la pharmacienne n’aurait sans doute pas fait ça, mais elle me laissait de côté, elle servait les autres comme si j’étais de la basse clientèle. Si j’avais été plus jeune, je pense que je l’aurais mieux vécu. Mais là, je me disais bon sang, qu’est-­‐ce que j’ai fait de ma vie ? J’en suis là quoi hein, c’est vrai quoi, mon amour propre en a pris un coup hein. Vous avez eu du mal à accepter votre traitement ? Oui, enfin ça dépendait de la personne que j’avais en face de moi hein. C’est pour ça que le Docteur B. il est épatant. On ne se sent pas jugé, c’est un monsieur qui écoute bien. Et vous aviez déjà entendu parler du Subutex® avant qu’il vous soit prescrit ? Non, pas du tout. J’avais entendu, comme j’ai fait du bénévolat à Médecins du Monde, euh j’avais entendu parler de la méthadone. D’accord. Parce que là, il y avait des médecins à la retraite qui allaient assurer au bus, mais bon c’était il y a 20 ans. D’accord et donc là, depuis que vous êtes sous Subutex®, vous vous sentez comment ? C’est ma béquille. D’accord. Et alors comment, quelles représentations vous avez du Subutex® ? Bah je sais pas, moi je ne saurais pas dire ce que c’est comme molécule, mais pour moi, c’est une béquille indispensable. Mon cerveau euh, bah il fait le tri lui, il sait quoi en faire. Et euh 115 c’est sûr que euh, je n’aurais pas deviné que le Subutex® me sauverait la vie hein. Mais je ne peux que constater que c’est le bon médicament qui me permet de vivre à peu près normalement. Sinon que, et ça le Docteur B. ne veut pas le reconnaître, mais pourtant c’est vrai, ça m’endort. Ah oui, vous avez l’impression que ça vous rend somnolente? Oui, je ne peux pas conduire à l’extérieur de Nantes, c’est à ce point-­‐là quand même. Parce que je peux dormir à un feu rouge hein. Ah oui, effectivement ça peut être dangereux pour vous mais aussi pour les autres. C’est grave hein. Alors euh là j’ai rendez-­‐vous avec le Docteur H, elle est spécialisée dans le sommeil. Parce que là, si vous n’étiez pas là, je m’endormirais. Et pourtant je fais une sieste, mais ça ne suffit pas. Là, mon cerveau est en éveil parce qu’on parle, mais sinon je m’endors partout. Et ces symptômes d’après vous sont en lien avec l’introduction du Subutex® ? Moi je trouve que ça correspond bien hein…Moi je constate que ça m’endort. Enfin voilà. Bon, et pour vous, quelle serait la finalité du traitement de substitution ? Bah ça m’embête bien, parce que je me dis que j’ai peut-­‐être dix ans à vivre, hein, à 80 ans, je serai une pauvre, enfin une vieille dame quoi donc je l’aurais peut-­‐être jusqu’au bout… Mmh, et qu’est-­‐ce qui vous a fait réagir, qu’est-­‐ce qui vous a poussé à consulter il y a deux ans ? Et bien je ne voulais pas que ce soit un produit qui guide ma vie. D’accord. Je trouvais que c’était une atteinte à ma liberté. Enfin, vous me direz, j’en fais pas grand-­‐chose de ma liberté mais ça n’empêche que je savais que je pouvais faire des choses euh dangereuses quoi hein, euh…J’aurais été capable de rentrer chez quelqu’un que je ne connaissais pas… Mais ça c’est sûr, j’en ai fait des conneries…Si ça me vient des anecdotes, je vous dirai. Et, pour vous, qu’est-­‐ce qu’un traitement de substitution réussi ? Bah euh, c’est s’en débarrasser. Pour vous, ce serait de ne plus avoir de médicament au long cours si je comprends bien ? Ah oui, parce que cet été par exemple, j’ai voulu partir, enfin, je suis partie, euh… J’ai fait une cure à Eugénie-­‐les-­‐Bains, je voulais maigrir, j’ai pas perdu un gramme, j’ai dépensé beaucoup d’argent et j’ai pas perdu un gramme, parce que dans cette cure, le chef fonctionne aux calories mais comme moi je mange très peu et bien je mangeais encore moins donc je risquais pas de maigrir… Et donc qu’est-­‐ce qui s’est passé par rapport à votre traitement ? Et bien j’ai rencontré une dame, avec qui j’ai gardé contact, je lui en ai parlé un petit peu, mais bon, sans plus, je me dis que c’est pas la peine d’embarrasser les gens hein, on avait trois semaines à passer ensemble, il y avait des choses plus intéressantes mais alors là, oui, vous me disiez… Ah oui ! Et bien il a fallu composer, donc euh, pour ça, rien n’est compliqué avec le Docteur B., il m’a dit, je vais me mettre en contact avec la pharmacie d’Eugénie-­‐les-­‐
Bains, et voilà. Et puis avec les fax bah c’est bien pratique, mmh, donc j’ai pas eu de problème de manque. 116 D’accord, donc vous avez pu poursuivre votre traitement sans trop de difficultés si je comprends bien… Voilà, parce que euh c’était quand même à la semaine hein. Là, il m’a remise à deux jours parce que le week-­‐end dernier j’ai fait une connerie mais sinon c’était à la semaine. Et euh… Quand je regarde autour de moi dans la salle d’attente, bah il y a que des jeunes hein, je me dis il n’y a pas de femmes de mon âge hein…Ou alors des femmes de la quarantaine, cinquantaine qui sont très abîmées, on sent qu’elles ont une vie lourde hein…Moi je suis assez coquette. Femme très apprêtée, maquillée, bien coiffée avec un petit serre-­‐tête et un foulard autour du cou, assorti à sa tenue. Ca m’a peut-­‐être sauvée que ma coquetterie ne me lâche pas. Je ne voulais pas être rougeâtre, je ne voulais pas… Peut-­‐être que mon organisme à l’intérieur il est pas très beau, sûrement que j’ai abîmé mon foie. Vous avez des soucis de santé ? Et bien, ça c’est héréditaire, euh, j’ai une tendance à l’hypertension, d’accord, pour lequel je prends du Détensiel®, euh du cholestérol, pour ça je prends du Vasten®, mais c’est pas ma façon de me nourrir, parce que je mange pas de beurre euh…mais j’aime bien manger quand même. Et c’est vous qui cuisinez ? Ah non, ça j’ai un gros défaut, je suis fainéante, je suis une contemplative, je peux rester une journée à rêver, mais pas négatif hein, à rêvasser dans mon lit c’est encore mieux, j’écoute la radio… Mais bon après j’ai mes nuits qui sont toutes décalées, parce que j’écoute une émission à la radio sur Europe 1. Ah bah ça aussi c’est encore une addiction. Parce que j’ai du mal à m’en passer, je ne peux pas m’endormir si j’ai pas entendu ma petite émission de radio. D’ailleurs, même mes sœurs me préparent un petit poste de radio quand je dors chez elles… Ok, et avec votre famille, ça se passe comment concernant votre substitution, ils sont au courant que vous êtes sous Subutex® ? J’ai essayé de leur en parler mais… J’ai voulu les secouer pour leur dire, « j’ai un problème, j’ai un problème », mais j’avais l’impression que j’étais pas entendue. Et avant de rencontrer le Docteur B. aviez-­‐vous déjà demander un accompagnement à d’autres médecins ? Bah j’ai passé des nuits à l’hôpital, ah oui, il y en a eu pas mal. C’est à dire ? Dans quel contexte étiez-­‐vous hospitalisée? Bah je faisais des esclandres, donc j’allais passer la nuit aux urgences. C’est mon mari qui m’emmenait mais lui il était content que j’aille passer la nuit aux urgences, il avait fait son devoir et puis il était tranquille. Mais je lui en veux un peu quand même… Et avec vos enfants ça se passe comment ? Bah quand c’était l’alcool, ils savaient je pense. Mon aîné, enfin je sais pas, on n’en n’a jamais parlé, jamais. Et avec mon second, le dialogue est plus facile parce que mon aîné, celui qui est marié, il a un mutisme, il faut le secouer pour avoir une réponse hein. Et le second c’est plus facile. Je me souviens une fois ça n’allait pas bien, mais je pouvais lui parler quand même alors je lui ai dit « Tu t’en es rendu compte c’est pas possible, tu vois bien que j’ai un problème avec l’alcool ». Alors euh il a fait le tour de mes placards, il a tout balancé mais dans le silence, il n’y a jamais eu un vrai dialogue, l’un comme l’autre, et 117 pourtant, je suis hyper-­‐ouverte au dialogue, mais mes enfants ne le sont pas. Mais bon, il faut dire qu’ils ont eu une éducation qu’on peut qualifier de psychorigide. D’accord, et vous avez pu leur parler de votre traitement par Subutex® ? Bah je leur ai dit que j’avais trouvé un médecin magique qui m’avait enlevé une grosse épine du pied, de la tête aussi. J’avais l’impression d’avoir un peu loupé ma vie. Parce que ça a beaucoup pris de mon temps et de mon énergie hein. Le fait de courir après les bières puis la codéine. Mais j’avais l’impression que l’on ne m’entendait pas quand j’en parlais, parce qu’on me voyait habillée, maquillée donc j’étais pas crédible quoi. Mais bon, je n’étais pas intéressante aux yeux des autres et moi je voulais qu’on m’écoute. Si je comprends bien vous n’avez pas forcément eu le soutien que vous auriez souhaité ? Non, je pense que j’aurais dû aller vers un spécialiste plus tôt, c’est pas quelqu’un de la famille qui peut aider. C’est compliqué, oui. Et puis m’emmener voir quelqu’un, c’était aussi le rôle de mon mari. Enfin c’est comme ça quoi. Mais je pense que ça le dérangeait beaucoup que sa femme ait des problèmes d’addictions. Et donc qu’est-­‐ce qui vous a conduit à consommer de la codéine ? Bah à la base, j’avais été voir un médecin parce que j’avais mal au dos donc il m’en avait prescrit et euh bah j’ai trouvé que c’était à peu près, enfin, ça me convenait quoi. Et concernant le Subutex®, ça a quel effet sur vous ? Bah j’ai plus d’angoisse, c’est incroyable hein. Mmh. Mais moi, j’ai remarqué que je suis excessive en tout, je sais pas faire dans la demi-­‐mesure, par exemple à l’époque où je mangeais du chocolat, je mangeais deux tablettes hein, mais c’est pour tout comme ça hein. Et est-­‐ce que la forme, le mode de prise du Subutex ® vous convient ? Ah bah c’est hyper facile, je fais attention parce que euh c’est tellement petit. Il faut surtout pas qu’on vienne me déranger quand je le prends hein, je le mets dans une petite boîte et le soir quand je me couche, je regarde si il est bien dedans. Il est très amer mais j’aime bien sentir l’amertume, je sens qu’il est là. Et au niveau de l’accompagnement médical, Monsieur B. est également votre médecin traitant ? Non, je n’ai pas voulu mélanger, parce que mon médecin traitant c’est une femme euh, très classique, hein, je dis pas qu’elle aurait pas pu mais elle ne s’est pas particulièrement intéressée à ça. Vous aviez essayé de lui en parler ? Oui mais il n’ y a pas eu d’écho. Et par rapport au Subutex® elle sait que vous avez un traitement et donc un suivi ? Oui elle le sait oui, mais quand j’y vais pour mes prescriptions de euh Detensiel® et Vasten®, elle ne m’en parle pas. Mais bon ça ne me dérange pas, je préfère scinder les deux choses hein. Ok et pour revenir à la délivrance du traitement, est-­‐ce que pour vous le fait d’y aller toutes les semaines c’est compliqué? Non, parce que euh, dans mon cerveau c’est acquis qu’il faut passer par là, donc non, c’est pas du tout une corvée. Après j’ai évoqué une fois avec Monsieur B. de diminuer et il m’a 118 dit « Ce sera un long sevrage ». Je ne lui en ai pas reparlé depuis. Après je suis bien à 6 milligrammes, c’est mon bon dosage. Le Subutex®, c’est mon ami. D’accord, est-­‐ce que vous souhaitez rajouter quelque chose par rapport à la substitution ? Euh juste, je repense à la méthadone, vous disiez que quand vous étiez à Médecins du Monde, vous aviez entendu parler de la méthadone, qu’est-­‐ce que ça représente pour vous ? Euh, je pensais pas qu’un jour j’en aurais eu besoin. Parce que vous en avez déjà consommé ? Euh non, parce que pour moi la méthadone c’était pour les grands drogués. Et le Subutex® ou la buprénorphine ? Bah j’étais complètement ignorante, je pensais que la méthadone c’était pour les personnes qui se piquaient, qui étaient dé-­‐sociabilisées. Et sinon comment vous considérez le Subutex® ? Bah pour moi c’est obligatoire, j’ai envie de dire bravo la science, si on me disait que c’était retiré du marché je serais catastrophée… Mmh et sinon, quelles étaient vos attentes quand vous avez débuté le Subutex ®? Bah de l’aide par rapport aux addictions, ça m’aide à mieux vivre, donc si on me dit, tu l’auras jusqu’à ta mort et bien ce sera comme ça et puis c’est tout. Est-­‐ce que vous avez pu noter des changements dans votre vie suite à l’introduction du traitement ? Oui, je suis plus calme, je suis euh…, je reprends des activités, je vais aller comme bénévole aux Restos du cœur. Pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal ? Le Subutex®. Pour moi c’est vraiment du positif, qu’est-­‐ce que je serais devenue sans ce traitement, je serais toujours en train de courir dans les pharmacies après la codéine. Bah oui parce que quand on a des addictions, l’envie est plus forte que tout... Et bien merci, pour cette rencontre. Bah merci à vous pour votre écoute car c’est pas facile d’en parler, pourtant je suis entourée, j’ai mes sœurs mais bon, c’est tabou ». 119 Patient 9 : « Alors étant donné que c’est la première fois que l’on se rencontre est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Oui, bah je m’appelle Ferdinand, j’ai 61 ans. D’accord. Et je suis médicalisé à ce produit ça fait plusieurs années maintenant. Mmh. Et puis euh, j’ai pas grand-­‐chose à dire de plus hein. Mmh. Et alors quel est votre médicament de substitution? Bupré, buprénorphine, anciennement appelée Subutex®. Ok. Et donc ça fait combien de temps que l’on vous le prescrit ? Plusieurs années mais je ne me rappelle plus trop exactement. D’accord. Bah c’est à dire que je prenais pas mal de produits et puis j’en avais marre et euh on m’a proposé un traitement de substitution et puis j’ai adhéré quoi. D’accord. Qui est-­‐ce qui vous l’a prescrit la première fois ? Un médecin généraliste qui s’occupait des cas de toxicomanie. D’accord. Et quels étaient les produits que vous consommiez ? Les opiacés, héroïne, morphine euh voilà. D’accord et vous consommiez à quelle fréquence ? Bah tous les jours et pas mal mais je m’en souviens plus c’est trop loin. Ok. Et donc vous êtes suivi ici depuis quand ? Bah ça fait plusieurs années mais je ne peux pas vous dire combien exactement, peut-­‐être quatre ou cinq ans. Donc avant vous étiez suivi dans un autre cabinet ? Voilà, mais j’ai essayé de faire un sevrage un jour et puis ça s’est mal passé et le médecin qui me suivait j’ai trouvé qu’il n’avait pas très bien agi avec moi donc bah je suis venu au cabinet ici, un peu par hasard. Enfin j’en avais entendu parler quand même, on m’avait dit qu’ils suivaient des gens sous Subutex®. Ok. Et là vous êtes à quelle posologie ? Et bien là, je viens de passer à 4 milligrammes par jour. D’accord. Et vous avez commencé à combien ? Je ne sais plus, j’ai été jusqu’à 16. Mais après je suis descendu, j’ai remonté, je suis redescendu euh, ça a été un petit peu les montagnes russes et puis maintenant, ça fait un petit moment que je suis stabilisé. Quand ce traitement vous a été proposé c’était dans quel but ? Qu’est-­‐ce que vous attendiez du traitement ? Bah que ça me donne une euh, une tranquillité, une tranquillité de vie, que je ne sois pas obligé de chercher les produits au quotidien. Et bon bah ça l’a fait quoi. 120 Oui. Vous êtes satisfait de ce médicament? Ouais, c’est un mal pour un bien. C’est à dire ? Est-­‐ce que vous pouvez détailler ? Bah vu que je suis dans l’obligation de prendre des produits autant que ce soit fait comme ça hein. Mmh. Et de quelle manière considérez-­‐vous la buprénorphine ? Bah comme un traitement. Et donc vous venez à quelle fréquence au cabinet ? Tous les mois. D’accord. Et comment prenez-­‐vous votre traitement ? Sous la langue. Ok, en combien de fois ? En une fois, le matin. Et comment s’est passé l’initiation du traitement ? Bah difficilement. Pouvez-­‐vous m’en dire davantage ? Bah, je ne respectais pas les…Je ne respectais pas trop les doses et bah ça m’est arrivé de venir toutes les semaines faire une nouvelle ordonnance parce que, parce que j’en n’avais plus. Ça a été un peu difficile quoi. Et puis après, je vous dis ça fait un petit moment maintenant que je suis tranquillisé, je suis stable. Et est-­‐ce que en parallèle du traitement vous continuez de consommer des produits ? Non, j’ai tout arrêté sauf le tabac. Je ne refuse pas de fumer un joint de temps en temps mais j’ai pas l’occasion, ça ne se présente pas à moi donc je ne cherche plus. Bon. Et à quelle fréquence allez-­‐vous à la pharmacie ? Toutes les semaines, ils me donnent ma buprénorphine par semaine donc j’y vais toutes les semaines. Ok. Et avec la pharmacie ça se passe comment ? Bah ils m’ont vu un peu dans mes errances, avant où je venais sans arrêt les embêter pour qu’ils m’en délivrent, maintenant je suis normalisé. Avant c’était moi qui faisais n’importe quoi, ce n’est pas eux qui ne comprenaient pas, eux ils ont toujours été à peu près sympas avec moi, même tolérants je dois dire. Mais c’était moi qui faisais n’importe quoi, pas eux. Quand vous dites que vous faisiez n’importe quoi, c’était à quel niveau ? Bah j’en prenais trop. Qu’est-­‐ce que vous recherchiez dans ces moments-­‐là ? Le plaisir que me procuraient les produits avant, voilà. 121 Et les opiacés vous les consommiez comment ? De n’importe quelle manière : injection, trace… Et est-­‐ce que avant que l’on vous prescrive la buprénorphine vous l’aviez déjà consommée dans la rue? Non. J’ai connu le petit trafic qui était surtout organisé autour du Subutex®, oui ça je l’ai connu mais non je n’en prenais pas. Et est-­‐ce que vous avez déjà pris de la méthadone ? Oui j’en ai déjà pris mais c’était vraiment très rare. Comment considérez-­‐vous la méthadone ? Je serais incapable de vous le dire. Je ne sais pas parce que j’en ai pris trop peu de fois et euh, c’est un produit qui laisse assez vaseux. Mmh. Est-­‐ce que vous avez déjà ressenti des effets secondaires qui pourraient être liés à la buprénorphine ? Non. Vous avez un peu d’entourage ? Oui bien sûr, j’ai une mère et puis un fils. Et ils sont au courant que vous avez un traitement de substitution ? Ouais, bien sûr. Et d’après vous ils en pensent quoi ? Oh ils ont pris leur parti avec le temps. C’est à dire ? Bah on n’en parle pas, ça fait partie de mon quotidien. Mais mon fils est trop jeune pour ça. Il a quel âge votre fils ? 28 ans. Mmh. Non bah ma mère elle n’a jamais compris pourquoi je prenais des produits et ça c’est tout à fait normal. Et aujourd’hui, le fait que vous ayez une substitution, elle voit ça comment ? Elle est trop âgée pour se rendre compte de quoi que ce soit maintenant. Pour elle, elle voit si je vais bien ou si je ne vais pas bien et puis elle a arrêté de voir si je prenais des trucs ou si je n’en prenais pas quoi. Elle arrive à 86 ans, elle a vécu une bonne partie de sa vie avec ce fardeau donc maintenant, bah c’est normal hein, elle est passée à autre chose. Et vous vivez avec elle ? Non, j’ai mon appartement. Vous vivez seul ? Oui. Vous avez travaillé ? Oui bien sûr, oui. 122 Vous faisiez quoi comme travail ? J’étais animateur socioculturel. Ok. Et est-­‐ce que vous avez pu observer des modifications dans votre quotidien suite à l’instauration du traitement ? Non, non. Je n’ai pas senti vraiment de changement, ça c’est fait euh d’une manière transitoire. Dans un premier temps je prenais un peu mon traitement n’importe comment, comme si je prenais un produit mais avant que j’arrive à une espèce de stabilité, il m’a fallu du temps. Maintenant que j’ai atteint cette stabilité ça va quoi. Mais je n’ai pas noté grand-­‐
chose à ce niveau-­‐là. Ok. Est-­‐ce que vous avez des soucis de santé particuliers ? Bah j’ai une hépatite C latente, vieille, mais sinon ça va. J’ai quelques troubles du sommeil mais c’est pas nouveau. Vous prenez d’autres traitements que la buprénorphine ? Ouais, j’ai un traitement pour le sommeil. Oui. Vous prenez quoi comme traitement ? Du Tercian®. D’accord. Et ça fait longtemps qu’il est instauré ? Bah c’est à dire qu’avant je prenais du Noctran® et c’est sorti de pharmacie donc je suis passé au Tercian®. Mais je n’ai pas un gros sommeil, je me réveille beaucoup. Je dors par phase de deux ou trois heures et je me réveille, mais j’arrive à dormir quand même. Ok, bon. Et pour vous quel serait un traitement de substitution réussi ? Que ça m’amène à tout arrêter. Tous les gens qui rentrent là-­‐dedans c’est pas pour y rester, c’est plutôt pour essayer d’arrêter un jour. Donc oui, ça serait ça un traitement réussi, qu’on arrive à baisser mes doses comme je fais, pour ne plus rien prendre un jour. Mais ça c’est…enfin c’est long quoi. Est-­‐ce que vous voulez rajouter quelque chose ? Non, c’est bon. 123 Patient 10 : « Etant donné que c’est la première fois que l’on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Oui, Noémie, j’ai 23 ans euh demain. Rires. Et je viens tout juste de rentrer dans un appartement, il y a un an. J’ai été à la rue pendant très longtemps. Euh, je suis maman d’une petite fille depuis dix mois, d’accord, qui est née sous méthadone. Ok. Et donc elle a eu un sevrage à la naissance qui s’est bien passé. D’accord. Ça fait combien de temps que vous êtes suivie par Monsieur B. ? Euh ça va faire deux ans que je suis sous méthadone, je l’ai connu au Triangle. D’accord. Et euh quand j’ai accouché je n’ai pas voulu continuer d’aller au Triangle parce que j’avais pas envie d’y aller avec ma petite, parce que je connais tous les gens de la rue, donc voilà, je suis passée en médecine euh de ville et puis il m’a passée en cachet parce que j’en avais marre du sirop. Et ça faisait combien de temps que vous étiez sous méthadone au Triangle ? Bah ça faisait en gros un an. Et la méthadone a été le premier traitement de substitution qui vous a été prescrit ? Prescrit ouais, parce que sinon j’en achetais dans la rue. D’accord. Votre addiction était portée sur quel produit ? Bah j’étais à l’héroïne à 16 ans, et puis j’ai, je me suis mise dans le Subutex® et après… Subutex® de rue ? Ouais de rue oui. Et après je me suis mise dans le Skénan®, en taquet, enfin à me piquer. Mmh. Et puis au bout d’un moment j’ai arrêté et je me suis tournée vers la méthadone. Et en fait ça a été, ça a même été très facile, je ne pensais pas, je croyais que ça allait être vraiment dur. Mmh. Et d’après vous quel a été le facteur déclenchant, il y a deux ans pour que vous alliez au Triangle ? Bah j’étais à la rue, j’en avais marre. J’ai aussi ma mère qui est toxicomane depuis très longtemps donc euh, j’avais besoin d’avoir une vie normale. Il a fallu que je me débrouille, pas de revenu donc j’étais obligée de faire la manche tous les jours, me faire 40 euros de manche tous les jours pour avoir mon traitement de Skénan® donc euh c’était un peu compliqué. Alors je suis passée à la méthadone au bout d’un an et demi de Skénan®. Et puis financièrement c’était pas possible, il fallait se lever tôt le matin pour aller faire la manche, et après ça ne nous laissait pas le temps une fois qu’on avait cherché les sous, le produit, et bien ça ne nous laissait pas le temps de faire des démarches pour s’en sortir donc fallait que j’arrive à trouver un autre moyen pour avoir un traitement qui ne me coûtait rien pour que je puisse faire mes démarches. Donc voilà. Et puis je connaissais le Triangle, il y avait des personnes qui y allaient et puis je savais que là-­‐bas il y avait des assistantes sociales aussi. 124 Oui, les travailleurs sociaux vous ont aidée dans vos démarches ? Bah je suis rentrée à la maison Saint-­‐Aignan avec eux, mais au bout de deux mois, je me suis fait virer. Mmh. Mais ouais ils m’ont pas mal aidée. Ok. Mais ouais ça a été assez vite quand même. Et c’est le médecin que vous avez rencontré au Triangle qui vous a proposé de la méthadone plus que du Subutex® ? Vous en avez parlé ensemble ? Comment ça s’est passé ? Bah j’étais au Skénan® et le Skénan® avec le Subutex® ça ne le fait pas. Et je sais de quoi je parle parce que j’ai déjà essayé le mélange… Donc euh c’était plus simple que je sois sous méthadone. Ok. Et donc là, vous êtes à quelle posologie ? Je suis à 80, en gélules, et j’étais à 120 au mois de février quand j’ai accouché, donc j’ai pas mal baissé. D’accord, et vous avez débuté à combien ? A 120, c’était beaucoup mais je consommais beaucoup de Skénan® aussi. Ok. Et par rapport au mode de prise comment vous procédez ? Bah au début je la prenais en une fois mais ça ne m’allait pas trop. Je me retrouvais complètement malade, donc on a commencé à me la faire prendre en deux fois, je trouvais ça mieux mais après je suis tombée enceinte et j’ai vomi tout au long de ma grossesse donc c’était très compliqué. Est-­‐ce que vous pouvez me dire comment s’est passée votre grossesse sous méthadone ? Bah ils m’ont augmentée un tout petit peu : j’étais à 120, ils avaient diminué à 110 et ils m’ont ré-­‐augmentée à 120. Et puis bah voilà, vu que je vomissais, ça m’est arrivé pas mal de fois d’être en manque, parce que dès que je buvais ma métha, je la revomissais et je n’en avais pas d’autre. Et puis euh, au final je la prenais très tard, je la prenais vers minuit le soir. Et puis voilà… Mmh. Et euh, à côté des opiacés est-­‐ce qu’il y avait d’autres consommations de produits ? Oui, je consommais tout ce qu’il y’avait autour de moi. Mais une fois que je me suis mise dans le Skénan®, j’ai arrêté de prendre de l’héroïne totalement. Ok. Et comment consommiez-­‐vous ces produits ? Bah l’héroïne c’était en trace, le Sub. en trace, et j’ai commencé à me piquer avec le Skénan®. Mmh. Et après toutes les drogues qu’il y avait autour bah je les consommais en me piquant. Et là, aujourd’hui, est-­‐ce que vous avez toujours des consommations ? Euh j’ai arrêté de me défoncer à autre chose que ma méthadone et au cannabis un tout petit peu avant que je sois enceinte. Et du coup je ne me piquais plus du tout, je prenais juste ma métha et du shit. Et quand j’ai accouché, euh cet été, j’ai réessayé de me piquer à la coke, parce que moi c’était ça que j’appréciais. Et je n’ai pas du tout retrouvé l’effet que j’aurais voulu avoir. Du coup bah j’étais déçue donc je n’ai pas recommencé. Et là, je viens de quitter le papa de ma fille donc je recommence plus ou moins à ressortir avec ma sœur, reprendre un peu goût à la vie parce que j’étais un peu cloîtrée chez moi, et je suis allée à quelques soirées où j’ai consommé. Mais bon c’était à avaler ou par trace mais ça m’a déçue à un 125 point où voilà, ça ne sert à rien du tout finalement. J’ai rien senti et le seul effet que j’ai senti c’était de ne pas dormir et de ne pas être bien. J’étais mieux sans produit donc euh déçue. Là, vous parliez de votre sœur, votre entourage est au courant de votre substitution ? Ouais, bah ma mère est au Skénan®, donc euh…Et puis ma sœur elle se défonce à tout sauf à l’héroïne, elle n’a jamais pris d’héroïne, elle ne se pique pas. Elle consomme occasionnellement quand elle va en festival, en teuf, en soirée ou en week-­‐end. Elle a une petite fille de 2 ans donc euh, elle est un peu sérieuse. Et puis bah mon père, c’est pareil, il est dans le même milieu quoi…Donc c’est pour ça, je me suis un peu coupée avec tout le monde pendant neuf mois parce qu’il y avait tout le monde qui se défonçait autour de moi donc euh…et puis j’allais avoir un bébé donc j’avais pas la tête à ça quoi. Mmh. Et sinon pour revenir à vos consommations, tout à l’heure vous parliez de cannabis, vous consommez quelle quantité d’après vous ? Euh, je fume du cannabis que si j’en ai, mais euh je vais fumer on va dire, une quinzaine de joins par jour. Je fume beaucoup, beaucoup. Pendant toute ma grossesse j’ai consommé, et ça c’est quelque chose que j’ai du mal à me passer, ça me coûte très très cher, parce qu’en plus je suis au RSA donc voilà, ça c’est une bonne galère pour moi. Ok. Monsieur B. est donc votre prescripteur de méthadone, est-­‐ce que c’est également votre médecin traitant ? Ouais. Pour revenir à la substitution, avez-­‐vous déjà ressenti des effets indésirables liés au traitement ? Ouais, bouffées de chaleur, transpiration mais j’ai un traitement pour la transpiration à cause de ça parce que depuis deux ans que je suis à la méthadone, euh non trois ans, je n’arrivais pas à prendre le tram, le bus, tellement je dégoulinais. L’hiver j’étais en T-­‐Shirt tellement j’avais chaud, non au début c’était très très dur ouais, des grosses bouffées de chaleur. Oui, effectivement, c’est assez fréquent. Sinon, quelle perception avez-­‐vous de votre substitution ? Ça dépend de chaque personne, moi je le prends comme un traitement mais après il y’en a qui le prennent pour se défoncer, moi je le prends pour un traitement. Et pour vous, quelle serait la finalité de ce traitement ? Bah d’arrêter totalement. Je n’arrête pas de demander à Monsieur B. à ce qu’il le descende mais il ne veut pas aller trop vite. J’aimerais qu’il la descende de 10 par mois mais il trouve que c’est beaucoup, donc on descend de 5 toutes les trois semaines. Mais j’en ai marre. Vous dites que vous en avez marre, pourquoi ? Bah de venir tous les quinze jours, et puis d’être dépendante à quelque chose. Je suis déjà dépendante au cannabis, c’est à dire que si je pars en week-­‐end il faut que, voilà, que j’ai prévu la méthadone dans mon sac, si je l’ai oubliée bah il faut que je revienne à la maison, je ne suis pas libre quoi. Les rendez-­‐vous du médecin c’est pareil, si je ne suis pas là, bah c’est compliqué de repousser, donc il faut toujours faire attention quoi. On ne peut pas partir comme ça en claquant des doigts, en se disant bah c’est cool, je ne travaille pas, je pars avec ma fille en vacances pendant trois semaines, non ce n’est pas possible. 126 Et quelles étaient vos attentes en demandant de la méthadone ? Arrêter. De ne plus avoir envie du Skénan® et de la seringue. Moi j’étais plus accro au produit, à l’effet plus qu’à me piquer et franchement ça a trop bien marché, je pensais que j’allais avoir envie…Après je pense que pour les gens qui sont accros à la seringue, à se piquer, ça peut être un peu compliqué. Mais moi qui aimais le produit ça ne m’a pas dérangée d’arrêter quoi. J’ai continué pendant un mois à associer la métha et le Skénan® et puis ça m’est vite passée. Quand j’ai voulu réessayer un Skénan®, ça m’a mise très très mal, j’ai eu un mal de crâne à me taper la tête contre les murs, je pleurais, je me suis mise en soutien-­‐gorge dans une cage d’escaliers, j’ai cru que j’allais mourir donc là je me suis dit « ça ne sert à rien, je suis déjà bien dosée, ça ne sert à rien que je me défonce ». Et sinon le passage de la méthadone en sirop aux gélules, ça s’est passé comment ? J’en rêvais, c’était un supplice de boire la métha tous les matins, c’est dégueulasse, donc j’étais bien contente. J’avais peur en fait de pas…Psychologiquement j’avais peur de ne pas forcément la sentir pareil. Mais en fait non, carrément pas. Ok. Et est-­‐ce que depuis que vous avez un traitement de substitution vous avez l’impression que ça a entraîné des changements dans votre quotidien ? Bah oui, je ne suis plus à la rue, je ne fais plus la manche pour le Skénan®…Mais euh quand je me suis mise à la méthadone, j’ai bien repris le cannabis par contre. Et puis bah voilà quoi ça m’a permis de sortir de la rue, trouver un appart… Mais bon ça c’était plus grâce à ma petite parce que j’étais enceinte et euh ça s’est présenté donc j’ai pris. Pleurs de sa fille. Elle va la voir et la prend dans ses bras. Si je peux me permettre, vous disiez que la grossesse avait été un peu compliquée mais comment ça s’est passé pour elle à la naissance ? Vous parliez tout à l’heure d’un sevrage ? Bah quand elle est née, elle est née prématurément, et donc j’ai pas pu bouger du cinquième mois jusqu’au huitième mois, je n’avais pas le droit de bouger, je suis restée deux semaines et demie à l’hôpital. Et puis elle, elle a eu de la morphine pendant dix jours et c’était beaucoup apparemment. Ils m’ont même dit que c’était énorme, normalement ils donnent euh des anti-­‐douleurs quoi et puis si ça persiste, ils donnent de la morphine mais pas aussi longtemps. Mais bon elle m’a tout fait, la jaunisse euh, la couveuse, elle est sortie par les fesses, le cordon autour du cou, prématurée…sourire. D’accord. Et pour revenir à la substitution, pour vous quel serait le médicament de substitution idéal ? Bah la méthadone c’est bien, après je ne sais pas, j’ai trouvé ça bien la méthadone parce que j’étais au Skénan® mais après c’est beaucoup plus difficile de décrocher de la méthadone que du Subutex®. Et je pense que pour les personnes qui ne sont pas passées par le Skénan® et qui sont qu’à l’héroïne bah je dirais plus Subutex®. Je pense aussi que ça dépend des gens, en fonction de leurs traitements, moi ça m’a bien convenu. Après le Subutex®, quand j’en prenais, il me faisait un peu dormir alors que la méthadone absolument pas. Mmh. Et sinon vous allez chercher votre substitution à la pharmacie à quelle fréquence ? Tous les quatorze jours. 127 Et vous êtes satisfaite de la relation avec la pharmacie concernant votre substitution ? Très bien et quand j’étais alitée pendant un moment, Monsieur B. faxait mon ordonnance à la pharmacie et moi j’allais la chercher une fois toutes les deux semaines quoi. Je m’entends très bien avec eux, si je suis en difficulté parce que, je ne sais pas, j’ai loupé mon rendez-­‐
vous ou quoi, ils me disent : « ne vous inquiétez pas on va voir avec votre médecin ». Ouais, ils sont gentils, je les apprécie beaucoup. Sinon par rapport à votre suivi en cabinet de ville vous en pensez quoi ? Je ne sais pas. Ça m’énervait de devoir aller au Triangle tous les jours. Je trouve que d’y aller pendant un an tous les jours c’est un peu dur et je crois que ça décourage vachement les gens, énormément même. Il y a beaucoup de gens que je connais qui me disent : « J’irai pas au Triangle parce que euh c’est pendant très longtemps qu’il faut y aller ». Et ça, il y a beaucoup de personnes ça les décourage total. Et puis pour avoir son traitement c’est long aussi. Moi j’ai pas mis très longtemps, j’ai mis un mois et demi mais il y en a, ils mettent trois, quatre mois avant d’avoir un rendez-­‐vous. Mmh. Avez-­‐vous des petites choses à rajouter ? Je pense qu’on a abordé pas mal de points… Bah après je sais pas trop. On m’a quand même dit que c’était dur d’arrêter la méthadone, de vraiment s’arrêter totalement, et ça, ça me fait flipper. C’est effectivement un accompagnement qui est long, progressif et vous n’allez sans doute pas l’arrêter du jour au lendemain mais il faut y aller par étape je pense. Ouais mais moi j’ai pas envie de prendre un traitement à vie. Ah non, non, non, je veux être libre. Déjà que j’aimerais arrêter le cannabis pour être libre et ouais, pouvoir arrêter ma méthadone aussi. Après ce qui est avantageux dans la métha en gélule c’est qu’il y a des 1 milligramme et ça en sirop, il n’ y en a pas, c’est 5 et après il faut se débrouiller quoi. Mais là depuis le mois d’août je n’arrive pas à diminuer, il m’a diminué au mois d’août de 85 à 80, je n’ai pas été bien du tout : grosses sueurs, frissons et euh j’avais toujours soit trop chaud soit très très froid, des grands grands frissons, même toute le nuit, toute la journée. Donc il ne diminue plus parce qu’il m’a dit que je m’y étais toujours pas habituée. Mais bon, là on est au mois de décembre donc c’est quand même bizarre, mais il m’a demandé maintenant de ne plus prendre ma métha le soir parce que je la prenais vers dix heures et demi, minuit, donc il m’a demandé de la prendre dès que je ressentais les premiers symptômes du manque, donc vers 17 heures, c’est là que je les ressens. Du coup ça va un peu mieux mais voilà ça va tout décaler quoi. Mais bon je n’y pense pas trop, j’y pense quand je suis pas bien, c’est quand je ne suis pas très bien que je me dis « Ah oui, j’ai pas pris ma métha », mais sinon je n’y pense pas. Ok. Et sinon vous avez des projets professionnels ? Ouais j’aimerais bien entrer en chantier d’insertion, j’ai inscrit ma fille à la crèche donc voilà. Je vais rentrer en chantier d’insertion mais je ne sais pas trop encore quoi faire. J’ai rendez-­‐vous avec une conseillère donc ils vont me dire. Et puis j’espère changer d’appart’ parce que je viens de me séparer du papa de ma fille et ça ne se passe pas bien du tout. Il sait où j’habite et euh il est très violent et alcoolique donc j’aimerais bien déménager, voilà quoi. Plutôt en HLM parce que là je suis dans le privé et ça fait cher, en plus c’est petit, c’est humide… Mais ouais un appart’ un peu mieux quoi. 128 Et sinon, est-­‐ce que vous prenez d’autres traitements que la méthadone ? Je suis asthmatique donc j’ai un truc, c’est pas de la Ventoline®, c’est un autre je ne sais plus et puis j’ai un cachet pour la transpiration mais je me rappelle plus le nom. Il m’a donné ça quand j’avais trop de sueurs mais c’était hallucinant, je dégoulinais, je prenais des mouchoirs et des mouchoirs, c’était désagréable. Oui j’imagine…Bon et bien merci d’avoir pris un peu de temps pour cet entretien ». 129 Patient 11 : « Vu que c’est la première fois que l’on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Alors j’ai 40 ans, je bricole euh chez ma mère parce que mon père a des problèmes de santé. D’accord. Donc là ça fait quelques années que je l’aide parce que ça va faire trois ans qu’il est à l’hôpital alors j’aide ma mère à faire plein de travaux chez elle, de l’entretien… D’accord. Et vous vivez avec eux ? Ah non ! Non du tout, j’ai mon appart. Mmh. Et ça fait combien de temps que Monsieur M. vous suit ? Bah depuis que je suis revenu du Sud, donc ça va faire trois ans. Et c’était votre médecin traitant ? Avant que je parte dans le sud, oui. Et il vous suivait également dans le cadre de votre substitution ? Aussi, oui, oui. Ok, d’accord. Et donc vous avez quel traitement de substitution ? Euh du Subutex®. Du Subutex® d’accord. Et ça fait combien de temps que vous avez ce traitement ? Je ne sais même plus, ça fait un bout de temps. Mmh, vous ne vous rappelez pas trop ? Euh non. Ok. Et vous êtes à quelle posologie ? Quatre euh trois de 0,4 milligrammes. Est-­‐ce que vous vous rappelez à quelle posologie il avait été initié ? Un de 8 ou un et demi de 8 je crois. Donc 12 milligrammes ? Euh ouais ça doit être ça. Et qui est-­‐ce qui avait initié votre substitution ? C’était Madame P. au départ. Mais maintenant je vois les trois. Mmh. Et qu’est-­‐ce qui vous avait conduit à demander un traitement ? Bah pour arrêter l’héroïne. D’accord, c’était votre motivation initiale ? Et est-­‐ce que ça vous a permis de répondre à vos attentes ? Euh ouais. 130 Donc si je comprends bien vous n’avez plus de consommation d’héroïne? Non et puis de toute façon, ça n’aurait pas fait d’effet avec le Subutex® donc comme ça, ça a été vite réglé. Rires. Et est-­‐ce que vous pouvez me dire combien de temps vous avez été dépendant à l’héroïne avant de démarrer un traitement ? Je ne sais plus, je ne sais plus…Mmh. Trois ans, quatre ans, je ne sais pas. D’accord. Et est-­‐ce que vous aviez des consommations associées à l’héroïne ? Bah non pas trop, enfin de la fumette quoi, mais sinon, non, non. Et concernant le tabac? L’alcool ? Bah l’alcool ouais, ça vous le verrez dans votre truc, je suis sûr que ça ressort et encore plus parce que j’ai diminué. Il y a trois ans, j’étais à 4 milligrammes et en 3 ans je suis passé à un enfin, trois de 0,4. Donc 1,2 milligramme par jour. Et depuis, si je comprends bien, selon vous, votre consommation d’alcool a augmenté ? Ah bah oui, c’est sûr. Et comment vous expliquez ça ? Je ne sais pas, je ne sais pas. Mmh. Et quel genre d’alcool vous consommez ? Des alcools forts ? Ouais, du pastis et de la bière. La bière en ce moment pas trop mais du pastis ouais. Et d’après vous, combien de verres vous consommez par jour ? Je ne sais pas. Vous avez du mal à vous évaluer ? Ouais, je ne sais pas ça dépend des jours, il ne faut pas que je commence en fait. Si je ne commence pas ça va. Si j’en bois un, j’en bois deux, j’en bois trois, et puis bah là c’est fini. C’est fini non, mais j’ai soif d’alcool quoi. Et qu’est-­‐ce que vous recherchez dans cette consommation? Je ne sais pas. Bah en ce moment, je ne fais pas grand-­‐chose, je n’ai pas trop d’activité. Mmh. Et comme j’ai un chien, il faut que je m’en occupe et il me prend énormément de temps. D’accord. Donc du coup comme je fais rien à part m’occuper de mon chien, j’ai tendance à plus picoler que quand je bosse. Mmh. Et vous avez une formation dans un domaine en particulier ? Non. Là normalement je devrais attaquer, je vais faire du bûcheronnage et puis sinon de l’entretien de jardin. D’accord, donc plutôt dans les extérieurs si je comprends bien. Pour revenir au traitement, d’après vous, quel serait le traitement de substitution idéal ? Bah de ne pas en avoir héhé. 131 Pour vous l’objectif serait de ne plus avoir de traitement ? Je ne sais pas. Bah déjà quand j’étais passé à 0,8 et que je suis remonté à 1,2, et bien à 0,8 j’avais l’impression de picoler encore plus. Mmh. Et vous le prenez comment votre Subutex® ? Sous la langue. Sous la langue, ok. Et vous le prenez en combien de fois ? En une prise. Et l’héroïne vous la consommiez de quelle manière ? Ça dépend. C’est à dire ? Bah ça dépend. Sourire. Plutôt en shoot. Et au début par voie nasale aussi. Vous étiez à quelle consommation à peu près avant de débuter le traitement ? Bah je ne sais pas, ça fait un bout de temps. Mmh. Un demi voir un gramme, ça dépend. Et quel a été le facteur déclenchant, quand vous me dites « j’ai voulu arrêter l’héro » ? Bah parce que trop de conneries quoi, ça demande de l’argent, et puis je ne bossais pas déjà à l’époque donc voilà. Le Subutex® ça m’a permis de faire du sport aussi. Ah oui ? Vous pratiquez quoi comme sport ? Du taekwondo. D’accord, c’est chouette ! Ouais enfin plus maintenant. Vous avez arrêté ? Ça fait déjà quelques années. Mais bon, ça m’avait permis de faire ça. Après être bon dans le domaine du sport, c’est un peu chiant aussi parce que comme c’est considéré comme du dopage, et que comme je voulais passer, enfin j’ai passé deux fois un BE et que je ne l’ai pas eu donc euh…C’est quand même une contrainte aussi. Parce que voilà, si j’avais eu un contrôle de quoi que ce soit et que j’avais eu un brevet d’éducateur sportif spécialisé bah…Voilà quoi. Vous pensez que le traitement a, par moments, été une contrainte ? Non pas une contrainte mais bon ça reste un truc qu’on cache de toute façon, on ne le dit pas. Bah ma mère elle n’est pas au courant par exemple. C’est la question que j’allais vous poser. Est-­‐ce que dans votre entourage il y a des gens avec qui vous parlez de votre traitement ? Non, bah j’ai une copine mais elle ne le sait pas. Euh, si en fait elle le sait. Bah oui, c’est vrai en plus, mais elle ne s’en rend pas trop compte je crois. 132 Et elle vous en parle un petit peu ? Vous avez déjà eu l’occasion d’en discuter ? Non. Parce que je connais l’histoire, je sais bien que… Par exemple ma dernière copine, c’était bien la première personne à qui je l’avais dit et voilà quoi, après c’était prise de tête tout le temps. Après quand elle faisait la fête et qu’elle s’envoyait de la coke, enfin voilà, moi je faisais n’importe quoi. Donc du coup, la seule fois où je l’ai dit ça ne m’a pas encouragé, ça m’a plutôt porté la poisse qu’autre chose. J’aurais rien dit, c’était pareil, enfin c’était pareil, c’était mieux. Mmh. Et avec la pharmacie, ça se passe comment ? Ça va, ça va c’est cool, sauf qu’ils me font attendre à chaque fois. Je prends une boîte, et il faut que je repasse le lendemain ou l’après-­‐midi. Monsieur M. vous le voyez à quelle fréquence ? Euh une fois par mois. Et la pharmacie ? Une seule fois par mois mais bon des fois, toutes les boites ne sont pas là. Et au niveau des posologies, vous arrivez à les respecter ? Ouais, ouais ça va. De toute façon je vous dis, je picole donc après ça va. Je ne boirais pas, je ne dirais pas mais bon. Vous pensez que l’alcool vous permet de compenser la diminution du Subutex® ? Bah c’est ça depuis que j’ai ralenti, je ne buvais pas autant avant. J’en suis sûr et certain. Et ça justement la fille à qui je l’avais dit, elle m’avait dit : « tu vas voir si t’arrêtes tu picoleras plus ». Bah, elle ne s’était pas trompée pour le coup. Rires. De toute façon c’est des habitudes à la con, un petit pastis le midi, et puis deux, trois voire quatre…Rires. Mais je ne suis pas raide démoli, je suis ivre, après je suis pas raide. Enfin peut être une fois le week-­‐end de temps en temps. Et si on vous proposait de ré-­‐augmenter un peu le Subutex®, qu’est-­‐ce que vous en penseriez ? Je ne sais pas. Mmh. Et est-­‐ce que vous avez déjà ressenti des effets indésirables liés au Subutex® ? Bah la somnolence au départ quoi, j’avais tendance à piquer du nez. Mmh. Et est-­‐ce que vous aviez déjà consommé du Subutex® en dehors du contexte de prescription ? Ouais, quand je n’avais pas d’héro ou que je ne pouvais pas acheter autre chose. Avez-­‐vous déjà pris de la méthadone ? Euh non, la méthadone c’est pas trop bon, parce qu’avec la méthadone on peut continuer à prendre de l’héroïne. Donc en gros ceux qui en prennent, ils peuvent continuer à taper à côté. Donc pour vous ce n’est pas un traitement de substitution adapté si je comprends bien ? Non pas trop. Et en plus le centre où ils en donnent c’est juste à côté de chez moi et je vois que les gars, ce n’est pas moi quoi, vous voyez ce que je veux dire. 133 Non, c’est à dire ? Bah c’est vraiment des tox à l’ancienne quoi, alors que moi au pire ça peut passer. Après je ne sais pas l’image que j’ai mais c’est pour ça que je n’en parle pas. Parce que moi ça ne se voit pas, peut-­‐être un peu les petites pupilles et encore je ne les ai plus maintenant. Mais c’est pour ça, sous la méthadone, tu ne peux pas passer tranquille, ça se voit à trois kilomètres. Moi tout à l’heure je vais le prendre et ça ne se verra pas plus que ça, les gens y peuvent pas savoir si je l’ai pris ou pas. Mmh, Et est-­‐ce que vous avez des soucis de santé particuliers ? Non, ça va. D’accord, est-­‐ce que vous prenez d’autres traitements à côté du Subutex® ? Non, bah sauf quand j’ai quelque chose quoi mais sinon non. Avez-­‐vous noté des changements suite à l’introduction du traitement ? Bah oui, c’est bien, mais il aurait fallu que j’arrête avant quoi. Parce que, pour vous, une substitution est réussie lorsqu’ on l’arrête ? Bah ouais, c’est pas terrible quoi. C’est un frein pour plein de trucs, je ne peux pas bouger comme je veux, enfin voilà quoi, je ne peux même pas aller où je veux. Après il y a des pays qui autorisent certains médicaments sous présentation d’ordonnance, donc sachez qu’il y a des possibilités si un jour vous voulez voyager. Ah ouais, bah je ne savais pas, mais bon de toute façon, le truc c’est d’arrêter tôt quoi. Alors après la question que l’on peut se poser, c’est est-­‐ce qu’il faut à tout prix arrêter le Subutex® si vous augmentez votre consommation d’alcool en parallèle ? Ouais mais c’est pas bon, je suis sûr. Je suis sûr que je vais avoir des trucs à un moment donné. Après c’est toujours la balance entre le bénéfice et le risque. Ouais mais je suis sûr qu’à long terme, c’est pas bon. En plus, en ce moment c’est un peu les deux et avec l’alcool je fume plus. C’est à dire ? Bah je suis à un paquet par jour, mais ça c’est pas le Subutex®, c’est l’alcool, c’est sûr. Et vous avez déjà demandé de l’aide pour diminuer vos consommations d’alcool ou de tabac ? Bah j’ai eu des patchs mais le fait d’avoir de la nicotine sur la peau, ça me donnait encore plus envie de fumer. Après ça a été mais ça n’a pas duré longtemps. Je mettais au moins trois ou quatre patchs par jour mais à la fin j’avais mal à la tronche plus qu’autre chose donc j’ai tout arrêté. Ok. Est-­‐ce que vous voulez rajouter quelque chose par rapport à la substitution ? Je ne sais pas, non. Bon et bien merci d’avoir pris un peu de votre temps. 134 Patient 12 : « Alors, étant donné que c’est la première fois que l’on se rencontre, est-­‐ce que vous voulez bien vous présenter ? Oui, d’accord donc je m’appelle Sarah, j’ai 41 ans, j’habite à Nantes depuis 1997, ça fait seize ans donc. J’ai eu deux enfants à Nantes, ma grande fille va avoir 12 ans et mon petit garçon vient d’avoir 6 ans. D’accord. Euh, j’ai été confrontée dans ma jeunesse aux produits illicites, hein on va dire, et donc voilà. Je ne travaille pas actuellement, j’ai fait une formation de secrétaire médico-­‐sociale au GRETA et j’ai eu mon titre. Félicitations. Merci et donc là, je recherche un poste et j’envisage peut-­‐être de repartir sur Paris. Donc vous êtes originaire de la région parisienne ? Oui, voilà de la banlieue parisienne, j’ai de la famille là-­‐bas, alors qu’ici on se retrouve un peu tout seul. Enfin j’ai ma maman qui n’est pas très loin, à soixante kilomètres, mais ça s’arrête là. Voilà, donc j’élève toute seule mes deux enfants, leur papa est décédé l’année dernière. Patiente émue. Silence. Il était aussi concerné par les produits enfin les produits stupéfiants, et c’est ce qui a causé d’ailleurs son décès. Donc c’est vrai qu’à ce niveau-­‐là, je me sens très concernée par euh votre sujet et du coup quand Monsieur B. m’a proposé j’étais ok, y a pas de soucis quoi, donc voilà. D’accord, je vous remercie. Et donc ça fait combien de temps que vous connaissez Monsieur B. ? Ça fait, ça va faire un an ce mois-­‐ci. Ok. Ça fait un an que je viens tous les quinze jours pour le traitement et faire le point à chaque fois. Vous avez quoi comme traitement de substitution ? Alors euh je suis toujours à 16 milligrammes de buprénorphine par jour et puis euh je prends aussi un peu de, un décontractant, euh Seresta® 10 milligrammes, pas trop fort quoi, voilà. Mmh. Et donc avant de rencontrer Monsieur B., vous aviez déjà eu une substitution ? J’avais déjà testé le Subutex® avant mais occasionnellement. Pas forcément prescrit par un médecin ? Non, voilà non. Ok. Et qu’est-­‐ce qui vous a encouragé il y a un an à venir consulter ? Bah disons que j’ai fait un faux pas malheureusement. J’ai eu, bah j’ai reconsommé quelques produits et euh tout de suite après, bah j’ai regretté, j’ai pensé à mes enfants. Et j’avais entendu parler de Monsieur B., il avait une réputation un peu sur Nantes et c’est vrai qu’il m’a bien accueillie, je me suis sentie à l’aise avec lui. D’accord et vous avez un généraliste qui vous suit en parallèle ? Oui, mais disons que…Je ne sais pas, il a dû y’avoir des soucis avec le traitement du papa des enfants et, malheureusement il n’était pas très sage, donc ça fait un peu peur. Il ne faut surtout pas mélanger les produits entre eux, c’est pas bon pour la santé et puis le résultat est… Enfin ça annule l’effet donc c’est complètement idiot et je sais que c’est à manipuler avec précaution. 135 Mmh. Et donc si j’ai bien compris vous aviez arrêté pendant une période vos consommations de produits ? Bah au départ, c’était une erreur de jeunesse. Au départ j’ai commencé avec l’héroïne, et ça a duré trois, quatre ans, cinq ans maximum, de 17 à 22 ans quoi. Et puis après, je suis partie en cure et en partant de là-­‐bas je ne suis pas rentrée. Je ne suis jamais retournée habiter à Paris. C’est ce qui m’a fait quitter aussi Paris. Pour avoir un nouveau départ, il fallait mieux changer d’endroit. Ok, et vos consommations étaient surtout centrées sur l’héroïne ou il y avait d’autres produits ? Je fume aussi du cannabis, toujours encore un peu. Vous estimez votre consommation journalière à combien à peu près ? Quatre à cinq joints par jour, depuis environ quinze ans je dirais. Et concernant l’héroïne, c’était à quelle fréquence ? C’était quotidien, c’était invivable tout simplement. Ouais, je m’en suis vite rendu compte et ça m’a sauvée de ce milieu. Après, c’est ma famille qui m’a euh… Ils ont essayé de… J’ai fait deux premières tentatives de cures, sous la contrainte de mes parents, mais qui se sont mal passées. Et puis après j’ai eu un déclic dans la tête et j’ai fait une demande de moi-­‐même, je suis partie, et puis ça s’est bien passé. Et à ce moment-­‐là, il y avait déjà eu un traitement de substitution de mis en place ? Alors, il y avait juste un traitement d’une semaine pendant la cure en clinique et après il n’y avait plus rien. Vous vous rappelez du traitement que vous aviez eu ? A l’époque, c’était du Tranxène® pour dormir et puis un médicament, du Diantalvic® pour les douleurs. Et puis sinon, ils donnaient des comprimés roses en plaquette qui faisaient un peu dormir, du Valium® je crois. Enfin je trouve que la buprénorphine c’est mieux. Et donc si je comprends bien à la fin de cette cure il n’y avait plus rien ? Ouais, et ça c’était dur. En post-­‐cure, quand on arrive, il faut se plier aux règles, organiser sa journée selon le programme des éducateurs, c’est dur, il faut être volontaire et avoir envie de s’en sortir et puis ça marche quoi. Et pour revenir à vos consommations antérieures, vous avez commencé directement avec l’héroïne ou il y avait eu d’autres produits avant ? Alors j’ai eu… Enfin comme j’ai eu un partenaire qui consommait ce produit, et que malheureusement c’est comme ça que je l’ai découvert, et que j’ai connu cette chose-­‐là, je me suis très vite piquée euh à la seringue. Ouais donc, pfff, maintenant c’est catastrophique au niveau de mes veines, quand je dois être hospitalisée c’est toute une galère, c’est un peu pénible mais bon, je regrette beaucoup d’avoir fait ça. Et donc là, quand il y a eu cette rechute, il y a un an, qu’est-­‐ce que vous avez consommé ? Euh de l’héroïne seulement, mais ça n’a pas duré longtemps, ça a duré même pas un mois, ça a duré deux ou trois semaines. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Je n’étais pas bien, et du coup je me suis laissée entraîner là-­‐dedans. 136 Et votre famille, votre entourage, ils sont au courant de votre substitution ? Ils en pensent quoi ? Non, ils n’ont pas été au courant de ma rechute, je n’en ai pas parlé, parce que c’est un sujet qui fâche énormément. Et j’ai du mal à en parler. Mmh. Et pour vous comment s’est passée l’introduction de la buprénorphine ? Ça a été dur les premières vingt-­‐quatre heures, la première journée et la première nuit. Qu’est-­‐ce qui a été dur selon vous ? Euh la transition entre l’héroïne et la buprénorphine. Il faut que le corps s’habitue quoi. En plus j’ai été étonnée à la vitesse à laquelle je m’étais raccrochée à ce produit. En même temps, j’ai remarqué que c’était pas les mêmes produits qu’il y avait à l’époque, quand j’ai pas mal consommé. J’ai trouvé que c’était beaucoup, beaucoup de la merde hein. Et j’ai surtout trouvé que l’accrochage était rapide mais brutal aussi hein, très brutal ouais. Et donc j’avoue que la première journée, la transition entre les deux, les vingt-­‐quatre premières heures, qu’on prenne de la buprénorphine ou pas on a l’impression d’avoir rien pris quoi. On n’est pas bien quoi. Et puis, la deuxième journée, je n’étais pas en forme du tout mais euh je n’avais pas ce manque et ni ce mal être physique qu’on a quand on est en manque quoi. Comment le syndrome de manque se manifeste chez vous ? Et bien j’ai froid tout le temps, j’ai énormément de douleurs dans les reins, et puis voilà, c’est les deux choses les plus pénibles à supporter. J’ai testé une fois une fiole de méthadone et j’ai trouvé que l’effet de manque disparaissait plus rapidement. Par rapport à la buprénorphine ? Bah disons que la première journée de traitement, juste vingt-­‐quatre heures, je pense qu’il faudrait de la méthadone pour éviter ce manque. Parce que psychologiquement pour la personne qui arrête c’est hyper important. Parce que quand on n’est pas bien, et qu’en plus on est là et qu’on pense dans sa tête, qu’il y a juste à claquer des doigts pour retourner prendre un produit dans la rue bah c’est dur. Alors qu’avec la méthadone, je pense que c’est beaucoup plus facile. Ok et la méthadone vous l’aviez consommée dans quel contexte ? Plutôt en dépannage mais j’ai trouvé ça magique, franchement oui. Et donc là, on vous a proposé de la buprénorphine ou c’était votre demande ? Non on me l’a proposée. Et si vous aviez eu à choisir entre les deux, vous auriez choisi quel traitement ? Euh je crois que j’aurais choisi la méthadone. Mais maintenant, je pense quand même que c’est mieux le Subutex®. Est-­‐ce que vous pouvez m’expliquer pourquoi ? Bah c’est tout bête mais le Subutex® c’est un comprimé, et la méthadone c’est du liquide qu’on avale. Mmh. Tout de suite quand on l’avale ça réchauffe ici. Elle montre sa gorge et la partie supérieure du thorax. Euh au niveau de la gorge et en descendant là. Et tout de suite on se sent apaisé et presque normal on va dire. Et j’ai l’impression que l’on s’y 137 accroche enfin qu’on devient plus dépendant qu’avec le Subutex® parce que l’effet ressemble plus au produit. Vous voyez ce que je veux dire ? Oui, je crois. Pour vous, l’effet de la méthadone se rapproche plus de l’effet de l’héroïne que la buprénorphine et du coup, si je comprends bien, l’affinité au médicament est peut-­‐être plus importante ? Et cet effet vous ne l’avez pas retrouvée avec le Subutex® ? Non, pas du tout. Le Subutex® ça nous met normal et maintenant le Subutex® j’ai envie de m’en débarrasser, j’ai envie de le diminuer pour finir par m’en débarrasser quoi. Ça fait un an que j’en prends et je suis toujours à 16 milligrammes parce que j’ai eu des périodes où j’étais moins bien. C’est vrai que ce n’est pas facile quand on est toute seule avec ses deux enfants. Mmh, bien sûr. Déjà ma fille qui devient ado, je commence à avoir des problèmes avec elle. Et depuis que leur papa est décédé, tout est devenu compliqué. Donc j’ai des moments où c’est dur quoi. En plus leur papa est décédé assez brutalement, enfin il avait maigri, il était mal quoi, et puis il a fait des mélanges de produits… Mais heureusement, il était sur Paris quand ça s’est passé et puis bon on n’était plus vraiment ensemble quoi, c’est peut-­‐être ce qui a fait qu’il est retombé dans le produit, c’est peut-­‐être la tristesse ou je ne sais pas… Et puis donc moi j’ai décidé de rester ici parce que là-­‐bas j’ai trop de souvenirs. Mmh. Effectivement ça n’a pas dû être simple. Silence. Et sinon, par rapport à la prise de votre médicament comment ça se passe ? Vous le prenez comment ? Euh je le prends comme on me l’a dit, tout d’une prise, le matin, dans l’heure qui suit le réveil, je le prends sous la langue. Et vous voyez le Docteur B. à quelle fréquence ? Tous les quinze jours. Tous les quinze jours ok. Et la pharmacie vous y allez à la même fréquence ? Alors j’y vais toutes les semaines pour chercher le traitement. Ok et ça se passe comment ? Ça se passe bien, ouais, ouais ils sont gentils. Et concernant les posologies ça va ? Ouais, ouais, je n’ai jamais transigé avec ça. Et avec le médicament est-­‐ce qu’il y a toujours des consommations de produits ? Bah j’ai plus du tout retouché à l’héroïne avec le Subutex®. J’étais décidée, j’étais sûre de moi quoi donc euh… D’accord. Et est-­‐ce que l’introduction de ce médicament a entraîné des modifications dans votre quotidien ? Bah oui parce que je me cache. Je cache mes médicaments, je ne veux pas que les enfants ou quelqu’un de ma famille qui viendrait, tombent dessus. C’est perso et c’est secret. Pour vous, c’est quelque chose de secret ? Ouais, c’est tabou, c’est compliqué. Parce que, d’après vous, ils ne comprendraient pas ? Non, ils sont anti, très anti euh tout ce qui est produit un peu comme ça quoi. 138 Et avec votre entourage amical, ça se passe comment ? Bah avec les amis, c’est plus simple. Je pense qu’ils sont plutôt contents de me voir comme ça plutôt que pendant ma mauvaise période. Parce que quand je n’étais pas bien, ça se voyait tout de suite. On n’est plus la même personne, c’est complètement différent, donc euh…Et puis c’est pour ça que je ne leur ai pas caché parce que de toute façon on est vite trahi par nous-­‐même. Et du coup, j’ai été surprise parce que c’est passé comme une lettre à la poste. Ouais, ça paraît presque normal. Et donc tout à l’heure vous parliez de votre médecin traitant. Il est au courant lui, de votre substitution ? Non, et j’ai pas franchement envie d’en parler avec lui, parce que je vais le voir dans l’esprit du médecin de famille, les enfants vont le voir donc non. Ça a été mon médecin quand je suis arrivée à Nantes donc ça m’embête un peu, même si il connaît un peu mon parcours de quand j’étais jeune. Et puis Monsieur B. est calé dans le domaine donc je préfère. Et vous, comment vous percevez votre médicament ? Bah pour moi c’est positif, même si j’ai envie de m’en débarrasser maintenant, il m’a bien aidée à tourner la page quoi. Mmh. Et pour vous, quel serait le traitement de substitution idéal ? Bah disons que la buprénorphine est très bien. Euh ce qui manque à ce médicament je trouve c’est quelque chose qui donne du peps, enfin qui donne un peu la forme, la pêche quoi. D’accord. Parce que vous vous sentez fatiguée ? Bah j’ai l’impression d’avoir un coup de barre dans l’après-­‐midi, que j’avais pas avant, alors est-­‐ce que c’est parce que j’ai 40 ans et que ça change tout ? Mais euh en plus je ne travaille pas donc je me dis que quand je vais bosser, avec les gosses et ce qu’il y a à faire à la maison, je vais être épuisée quoi. J’ai l’impression que depuis que je prends ce médicament, ou alors je vous dis c’est la quarantaine. Rires. Ou alors c’est l’un et l’autre mais je sens que j’ai un coup de barre l’après-­‐midi, que je suis plus fatiguée. Quand je suis en mode pause et que je suis en attente, dans un cabinet de médecin par exemple, et bien j’aurais tendance à piquer du nez. Des fois l’après-­‐midi je vais me dire : « Tiens, je fermerais bien les yeux » et ça craint, je me dis « mince ». Alors bon, il y a beaucoup d’effets secondaires notés dans la liste, parce que j’ai quand même détaillé le papier… Et euh personnellement j’en ressens pas énormément sur mon corps si ce n’est cet effet un peu de fatigue. Parce que les autres comprimés je n’en prends pas la journée, je les prends que quand je vais me coucher, le Seresta® 10. Vous prenez d’autres médicaments ? Non, non. Avez -­‐vous des soucis de santé particuliers ? Non pour l’instant ça va. J’ai eu des problèmes gynécologiques auparavant donc j’ai été pas mal de fois en clinique, à cause de ça et puis bah maintenant ces problèmes sont réglés donc maintenant j’ai plus de soucis. Ok. Donc ouais, il faudrait qu’il apporte un peu plus d’énergie. Mmh. Mais bon, il paraît que c’est la dose maximale donc ça sert à rien d’en prendre plus. La première journée j’ai pris, je vais vous avouer hein, j’ai pris toute la 139 plaquette dans la journée. J’en ai pris deux le matin, au bout d’une heure je me sentais vraiment pas bien et je suis restée toute la journée dans la chambre : cinq minutes allongée, cinq minutes je me relevais, je fumais une cigarette, puis je me rallongeais et au bout d’une demi-­‐heure, je reprenais un médicament. J’en ai pris comme ça et ça ne me faisait rien, enfin les premières vingt-­‐quatre heures. Et votre première expérience de Subutex® ou de méthadone, c’était hors prescription si j’ai bien compris et qu’est-­‐ce que vous en pensez ? Qu’est-­‐ce que vous recherchiez lors de ces prises? Bah moi je vois ça comme quelque chose de plutôt positif, et si je connais la dose qu’il faut prendre, je prendrais ce qu’il faut quoi. Après c’était surtout pour ne pas être malade. J’avais deux ou trois comprimés qu’on m’avait passés, que j’avais gardés dans ma table de nuit, et que j’avais gardés pour être euh apaisée le lendemain. Et est-­‐ce que quand vous consommiez le Subutex® de rue, il y avait une volonté d’arrêter l’héroïne ? Euh non, je dirais que le Subutex® de rue, c’était plus dans l’optique de permettre d’attendre euh enfin d’avoir une autre prise quoi. N’importe qui, qui consomme régulièrement, ça peut permettre de temporiser ce passage enfin ce moment-­‐là qui est terrible en fait. Ouais mais bon, j’en ai connu d’autres moments terribles aussi. Quand j’ai été opérée et qu’on m’a enlevé l’utérus, parce qu’on craignait un cancer de l’utérus, bah j’avais super mal, c’est ce qui m’a réveillée d’ailleurs, après l’opération. Mmh. C’est que la sonde est partie et comme j’ai des veines compliquées bah, elle n’avait pas tenu enfin je sais pas quoi. Et donc ça m’a réveillée avec une douleur dans le ventre mais j’avais l’impression qu’on voulait me transpercer le ventre, donc j’ai ce souvenir aussi de douleurs qui sont atroces. Et aussi bah les contractions quand on est enceinte. Donc oui, il y a des douleurs qui sont très fortes et qui durent à court terme mais celle du manque, c’est une douleur forte qui dure sur un long terme. C’est pas une heure ou quelques heures, c’est au moins vingt-­‐quatre heures, trente heures, trente-­‐six heures… Ça dépend après du niveau de consommation. Mais c’est ce passage-­‐là qui peut rendre aussi des gens fous parfois et euh ils feraient n’importe quoi, comme agresser, comme euh toutes ces choses-­‐là quoi. Ça peut rendre hyper violent. Mais bon le papa des enfants n’était pas bien quand il est reparti habiter sur Paris, et il a revu des anciens contacts qu’il avait donc il a reconsommé. Moi après, il y a juste eu ce travers que j’ai fait euh l’année dernière. Par contre lui, quand il est retourné sur Paris bah ça a vite mal tourné et euh bah il avait un peu plus de 45 ans quand il est retourné sur Paris et on voit bien qu’on n’a plus la jeunesse d’avant et que le corps est abîmé. Il avait pris en plus des comprimés pour dormir le soir, Zopiclone, et bah ça, c’est terrible mélangé avec du produit. Ouais parce que quand on est en manque on prend des médicaments et puis d’un seul coup il y a une arrivée de produits et là, le corps, le cœur, ils ne tiennent plus au bout d’un moment. J’ai pris une fois un comprimé pour dormir le soir, c’est quelqu’un qui me l’avait donné et je me sentais toute drôle, et pourtant je ne prenais pas de produit quoi. Donc je ne me vois pas toute seule avec les enfants prendre un médicament comme ça, j’ai trouvé que c’était puissant quand même. Donc euh c’est bien de mettre la buprénorphine à la semaine, enfin au fur et à mesure, mais les autres médicaments qui l’accompagnent il faut que ce soit aussi délivré à la semaine, pour ne pas permettre à la personne de faire des bêtises quoi, de mélanger. 140 Mmh. Et pour vous qu’est-­‐ce qu’un traitement de substitution réussi ? Et bien je dirais…Quand une personne décide d’arrêter, il faudrait qu’elle soit presque euh, pas hospitalisée mais dans un cadre euh restreint avec je pense la première journée de la méthadone à bonne dose et après je pense que la buprénorphine c’est largement suffisant. Et pour vous quelle est la finalité du traitement ? Bah d’arrêter, j’ai la chance de ne pas prendre d’autres traitements donc euh ça me gonfle de prendre ça tous les matins. J’ai l’impression de prendre ma dose tous les matins. C’est l’image que ça vous renvoie ? Ouais, bah oui, j’en ai une mauvaise image quand même. Parce que j’ai plus de douleurs, y a plus de manque, ça fait un petit moment maintenant. Donc mon corps s’habitue aussi à ce produit-­‐là, j’aime pas trop être euh imprégnée d’un truc, j’ai envie que mon corps soit propre quoi, sans médicament. Mais bon, on m’a dit qu’il ne fallait pas que je me précipite, que je n’aille pas trop vite et que si je me sentais bien pour l’instant il fallait mieux rester comme ça. Bon et bien je pense qu’on a évoqué un certain nombre de choses, voulez-­‐vous rajouter des éléments ? Mmh. Bah j’ai essayé de sniffer le Subutex®, parce que là j’avais sniffé l’héroïne, je ne me suis pas piquée quand j’ai rechuté. Et j’avais entendu autour de moi que les gens le sniffaient et moi comme avant je ne sniffais pas, je n’étais pas trop dans ce truc-­‐là, mais j’ai essayé une fois quand même, la première journée d’ailleurs, et j’ai eu l’impression que ça ne me faisait rien du tout, que c’était zéro quoi. Ça franchement non, j’ai juste testé une fois pour voir ce que c’était et après non, j’ai pas du tout recommencé parce que j’ai trouvé que ça ne faisait pas d’effet, j’avais l’impression que c’était comme si on n’avait rien fait, donc c’est vraiment mieux de le prendre sous la langue. Ok. Et bien merci pour cet entretien ». 141 NOM : LOURDAIS-­‐MARTINEAU PRENOM : ADELINE Attentes et représentations des patients usagers ou ex-­‐usagers d’opiacés, concernant les médicaments de substitution aux opiacés: Etude qualitative auprès de 12 patients suivis en cabinet de médecine générale, en Loire Atlantique RÉSUMÉ Contexte : Les Médicaments de Substitution aux Opiacés (MSO) introduits en France depuis le milieu des années 1990 font désormais partie intégrante du Traitement de Substitution aux Opiacés (TSO) qui regroupe l’ensemble des mesures médicales, psychologiques et sociales proposées aux patients dépendants aux opiacés. La complexité de cet accompagnement réside dans la confrontation d’un savoir médical et d’une expérience du patient-­‐usager pouvant être le siège de différences d’intentionnalités entre les deux protagonistes. De nombreux travaux de la littérature se sont penchés sur les représentations des soignants. La spécificité de ce travail a été de se tourner vers les patients substitués usagers ou ex-­‐usagers d’opiacés. Objectif : L’objectif principal de mon travail a été d’identifier les attentes et les représentations des MSO par les usagers et ex-­‐usagers d’opiacés, afin d’optimiser l’accompagnement de ces patients en médecine générale et de construire une alliance thérapeutique de qualité. Méthode : Pour répondre à cet objectif, nous avons fait le choix d’une étude qualitative incluant 12 patients substitués, volontaires et suivis en cabinet de médecine générale. Ces patients ont été rencontrés entre juillet et décembre 2013, au cours d’entretiens anonymes, et semi-­‐dirigés. Résultats : Les attentes des usagers évoluent selon une trajectoire personnelle non linéaire parsemée d’étapes. Même si elles convergent le plus souvent vers l’arrêt des produits et/ou de la substitution, les motivations des patients sont diversifiées et fluctuent dans le temps. Leurs représentations concernant les MSO sont plutôt positives mais paradoxalement, pour certains la substitution est un sujet tabou qu’ils dissimulent à leur entourage de crainte d’être jugé et stigmatisé. Conclusion: La singularité du patient substitué doit être prise en compte tout au long de cet accompagnement afin de construire une alliance thérapeutique de qualité et de trouver un équilibre entre le savoir du médecin et l’expérience du patient. MOTS CLÉS : Représentations -­‐ Attentes – Médicaments de Substitution aux Opiacés -­‐ Patients usagers – Médecine Générale – Entretiens semi-­‐dirigés -­‐ Trajectoire -­‐ Alliance thérapeutique. 143 
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