La stimulation médullaire cordonale postérieure J.P. Estebe*, J.L. Husson** Fiche à détacher et à archiver Les techniques de neurostimulation sont proposées essentiellement dans le cadre des douleurs chroniques d’origine neuropathique mal contrôlées par les antiépileptiques et les thymoanaleptiques et ne relevant pas d’une indication chirurgicale. Le mécanisme d’action analgésique de la neurostimulation est double, associant schématiquement un effet spinal métamérique, relevant du gate control inhibiteur des fibres amyéliniques C, et un effet spinal plus global par stimulation des systèmes inhibiteurs descendants. Cette technique, non destructive, nécessite une grande rigueur dans les indications et lors des différentes étapes de sa mise en œuvre. Indications Il s’agit de douleurs neuropathiques résistant aux autres thérapeutiques moins invasives et/ou aux techniques neurodestructrices. Il peut également s’agir de contre-indications à ces dernières. L’indication repose sur des signes objectifs de lésion nerveuse périphérique, radiculaire ou plexique. L’origine de la lésion peut être traumatique, compressive, ischémique, fibreuse (fibrose périphérique, arachno-épidurite postopératoire, fibrose post-radique), virale (lésion post-herpétique) ou médicale (polyneuropathie diabétique, alcoolique ou médicamenteuse) (1-3). De manière plus anecdotique, face à l’échec des autres propositions thérapeutiques, la neurostimulation peut également être utile dans les syndromes douloureux régionaux complexes (surtout de type 2), les vasculopathies périphériques, les vessies neurologiques et dans la spasticité. La fonction des fibres myélinisées de gros calibre doit en outre être partiellement conservée. Mise en œuvre Elle ne peut se concevoir qu’avec une collaboration multidisciplinaire, et repose sur une évaluation clinique, psychologique et paraclinique. • L’évaluation clinique est pluridisciplinaire, associant algologue, neurologue, rhumatologue, chirurgien, anesthésiste, psychiatre... Les critères conduisant à envisager l’option thérapeutique de stimulation médullaire associent : – une douleur neurogène par déafférentation sensitive (paresthésies, dysesthésies, allodynies) ; – la résistance aux autres thérapeutiques, médicamenteuses ou non (physiothérapie, stimulation électrique transcutanée...), depuis plus de 6 mois. • L’évaluation paraclinique repose sur les potentiels somesthésiques évoqués (PES), qui permettent de confirmer l’adéquation entre les troubles constatés et les troubles rapportés ainsi que l’intégrité des voies lemniscales. • Un test de stimulation médullaire épidural percutané précède obligatoirement la décision d’implantation définitive. Ce test nécessite une hospitalisation de 6 à 8 jours. Réalisé sous amplificateur de brillance et dans des conditions d’asepsie chirurgicale, le test est réalisé sous anesthésie locale, complétée le cas échéant d’une sédation respectant la vigilance du malade. Le patient doit en effet rester suffisamment éveillé pour décrire le(s) territoire(s) où il ressent des paresthésies à la stimulation. Le patient est en décubitus ventral, sauf s’il ne peut tolérer cette position, imposant alors une ponction en décubitus latéral ou en position assise. La ponction est réalisée 1 à 3 métamères au-dessus du territoire incriminé. La réalisation peut en être rendue difficile par une fibrose postopératoire et/ou la présence de matériel d’ostéosynthèse (figure 1). La technique de la perte de résistance au mandrin gazeux est utilisée. La sonde (figures 1, 2 et 3 : cathode quadripolaire, type PISCES Quad Compact® ou Quad Plus®, Medtronic) est positionnée en regard des cordons postérieurs, du côté de la douleur si elle est unilatérale (figure 1), en position médiane ou oblique s’il s’agit de douleurs bilatérales (figure 2). Comme lors de tout cathétérisme épidural percutané, la difficulté réside dans une tendance à contourner les cordons postérieurs de la moelle par la sonde, qui va se positionner en regard des cordons antérieurs. La stimulation électrique entraîne dans ce cas une réponse de type moteur. Après contrôle de la position de l’électrode, les paresthésies déclenchées par la stimulation électrique doivent recouvrir la topographie douloureuse durant toute la durée du test. La fixation est assurée par pansements adhésifs jusqu’au boîtier du stimulateur-test (type 3625 ou 3628, Medtronic). La stimulation est ensuite adaptée aux perceptions du patient, en débutant à 50 Hz et 201 µs. Le pa- * Service d’anesthésieréanimation et de traitement de la douleur, Hôtel-Dieu, centre hospitalier universitaire, Rennes. ** Service d’orthopédietraumatologie Figure 2. Image de face d’un test percutané de stimulation cordonale postérieure. L’électrode transitoire monopolaire est en position postérieure et médiane. Figure 3. Image de profil d’un test percutané de stimulation cordonale postérieure. L’électrode transitoire monopolaire est en position postérieure et médiane. médullaire, il n’est pas rare que le patient rapporte une efficacité variable avec la position. Dans le cadre des douleurs de type lombo-sciatalgique, il convient de dissocier la composante neuropathique, souvent efficacement prise en charge par la stimulation, de la composante lombalgique, souvent moins améliorée et pouvant nécessiter un geste chirurgical. La diminution de la consommation des antalgiques classiques, de paliers II et III, est également évaluée. Ce ne peut évidemment pas être le cas pour les antiépileptiques et les thymoanaleptiques, dont le sevrage est illusoire sur une aussi courte période. La sonde est retirée à la fin de l’hospitalisation. Le test est considéré comme positif pour une réduction de plus de 50 % des phénomènes douloureux. Dans ce cas, la démarche se poursuit par une évaluation psychologique. • L’évaluation psychologique vérifie l’absence de troubles graves (psychose active, dépression sévère, hypochondrie, etc.), la compliance et la compréhension des thérapeutiques et l’absence de bénéfices secondaires importants. Le cas échéant, le besoin de soutien social adapté doit être évalué. Figure 4. Image de face d’une Figure 5. Image de profil d’une sonde de stimulation cordosonde de stimulation cordonale pos• L’implantation définitive est réalisée par certaines équipes par voie nale postérieure, implantée térieure, implantée définitivement percutanée. L’implantation chirurgicale (“implantation ouverte”), sous définitivement par voie chipar voie chirurgicale et reliée à son anesthésie générale, est plus fréquemment retenue et permet une imrurgicale. stimulateur programmable. plantation longitudinale plus précise, médiane ou paramédiane, d’électrodes 4-plots plus larges (électrodes RESUME®, Medtronic) (figure 4), dont la fixation est plus sûre. La sonde est ensuite reliée à un générateur multi-programmable implantable (Itrel III®, Medtronic) (figure 5). La programmation est effectuée lorsque le patient est réveillé, afin d’obtenir la stimulation la plus efficace pour l’amplitude la plus basse (valeurs moyennes : 4,8 volts, 60 Hz, 130 µs) et d’économiser la pile du générateur (1). Par la suite, l’autostimulation par aimant ou à l’aide d’une télécommande patient est réalisée dès le début des périodes douloureuses. À l’arrêt de la stimulation, l’analgésie “post-effet” peut durer plusieurs heures. Conclusion Au prix d’une sélection rigoureuse des patients, la stimulation cordonale postérieure permet d’obtenir de très bons résultats (1-3), pour des patients à court de traitements réellement efficaces. Un recul supérieur à 20 ans sur ces techniques permet de confirmer l’absence de véritable neurotoxicité, de phénomène d’épuisement (changements de piles) ou de véritable accoutumance. Il peut par contre s’avérer parfois nécessaire de modifier les paramètres de programmation pour retrouver la même efficacité. Bibliographie 1. Husson JL, Lombard J, Chatelier P et al. La stimulation cordonale postérieure dans le traitement des douleurs chroniques rebelles neurogènes et mixtes. Ann Orthop Ouest 2001 ; 33 : 19-22. 2. Lazorthes Y, Siegfried J, Verdie JC, Casaux J. La stimulation médullaire chronique dans le traitement des douleurs neurogènes : étude coopérative et rétrospective sur 20 ans de suivi. Neurochirurgie 1995 ; 41 : 73-88. Fiche à détacher et à archiver Figure 1. Image de face d’un test percutané de stimulation cordonale postérieure. L’électrode transitoire monopolaire est en position postérieure et oblique.