MISE AU POINT Le syndrome Gilles de la Tourette Gilles de la Tourette syndrome A. Hartmann* L * Centre de référence national maladies rares “syndrome Gilles de la Tourette”, pôle des maladies du système nerveux, et UPMC/Inserm UMR S975 ; Centre de recherche de l’institut du cerveau et de la moelle épinière, hôpital de la Pitié-­ Salpêtrière, Paris. e syndrome Gilles de la Tourette (SGT) est un syndrome neuro-développemental rare, représentant la forme la plus sévère d’un ensemble plus vaste de maladies caractérisées par des tics. Les tics sont des manifestations motrices et vocales anormales, brèves, soudaines, non rythmiques, involontaires, stéréotypées et répétitives, dont la présentation (plasticité des tics), la fréquence (périodes d’exacerbation entrecoupées de rémissions/évolution en dents de scie) et la complexité sont extrêmement variables d’un patient à l’autre et au cours de leur vie. Les tics apparaissent généralement entre 5 et 7 ans, avec un pic de sévérité entre 9 et 11 ans (1). La sévérité des symptômes varie de formes légères − sans retentissement marqué sur la scolarité et l’intégration sociale −, à des formes plus sévères − souvent associées à des troubles psychiatriques comme des troubles obsessionnels compulsifs, une hyperactivité, des troubles de l’attention, des actes d’automutilation ou des crises de rage. Bien que les comorbidités psychiatriques soient fréquentes (environ 90 % des patients), les tics constituent le symptôme principal et la condition sine qua non du SGT. Ils permettent sa classification dans le cadre nosographique des pathologies du mouvement (diagnostic différentiel) [tableau I]. Tableau I. Diagnostic différentiel des tics. Tableau II. Critères DSM IV-TR du SGT. • Myoclonie • Dystonie • Chorée • Dyskinésies paroxystiques • Hémiballisme • Spasmes hémifaciaux • Stéréotypies • Maniérisme • Compulsions • Akathisie • Syndrome des jambes sans repos • Épilepsie 194 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 7 - septembre 2013 Épidémiologie Les caractéristiques épidémiologiques de la maladie sont encore aujourd’hui mal connues. Les chiffres disponibles sont très variables et dépendent de l’âge au moment de l’évaluation et des difficultés diagnostiques liées à la variabilité et à l’hétéro­ généité de la présentation clinique. La prévalence varie en fonction des classes de population : elle est actuellement évaluée entre 0,3 % et 0,8 % de la population infantile et adolescente (2) sur la base des critères diagnostiques du DSM IV-TR (tableau II). Le profil évolutif de la maladie, assez singulier, se fait vers une aggravation de la symptomatologie à l’adolescence, puis vers une amélioration, voire une rémission complète à l’âge adulte : seuls 25 % des patients atteints d’un SGT gardent un handicap modéré à sévère une fois l’âge adulte atteint (3). Ce pronostic favorable est à souligner auprès des patients mineurs et de leurs parents. • Début avant l’âge de 18 ans • Présence de tics moteurs multiples • Au moins un tic vocal à un moment quelconque de l’évolution (pas nécessairement simultanément aux tics vocaux) • Les tics surviennent à de nombreuses reprises au cours de la journée, presque tous les jours ou de façon intermittente pendant plus d’une année durant laquelle il n’y a jamais eu d’intervalle sans tics de plus de 3 mois consécutifs Les tics ne sont pas dus aux effets normaux d’une substance (par exemple, des stimulants) ou à une autre maladie Points forts »» Le syndrome Gilles de la Tourette (SGT) est une maladie caractérisée par la présence de tics moteurs et vocaux, même si les comorbidités psychiatriques sont fréquentes et souvent au premier plan du handicap lié au SGT. »» Le SGT débute dans l’enfance avec un pronostic favorable, à savoir une rémission des tics chez les trois quarts des patients atteignant l’âge adulte. »» L’étiologie du SGT est organique, vraisemblablement liée à un déficit de migration neuronale et soustendue par une transmission génétique complexe. »» Une variété de traitements existent aujourd’hui pour traiter les tics : neuroleptiques de dernière génération, injections de toxine botulique, thérapies cognitivo-comportementales et stimulation cérébrale profonde. Physiopathologie Anatomie Au niveau anatomique, 2 structures cérébrales, ainsi que les circuits les reliant, ont été mises en cause : les ganglions de la base et le cortex. Au sein même des ganglions de la base, une défaillance des mécanismes de sélection des programmes moteurs a été avancée (4). Ainsi, lors de l'exécution d’un programme moteur, d’autres programmes concurrentiels sont inhibés au niveau du globus pallidus interne et de la substance noire pars reticulata. Si ce mécanisme d’inhibition striatal est altéré, tics et autres comportements répétitifs peuvent alors survenir. Deux études post mortem récentes plaident en faveur d’un tel mécanisme, en mettant en évidence une diminution du nombre d’interneurones GABAergiques parvalbumine-positifs et cholinergiques dans le striatum, particulièrement dans le noyau caudé, et une augmentation de ces mêmes neurones dans le segment interne du globus pallidus (5). Les auteurs expliquent les variations de densité de cette catégorie de neurones par une défaillance dans la migration tangentielle des interneurones GABAergiques et cholinergiques au cours de l’embryogenèse. Il en résulterait par conséquent une défaillance du contrôle inhibiteur au niveau du striatum et du pallidum. Ce défaut d’inhibition pourrait s’étendre au cortex et a été indirectement confirmé par des études électrophysiologiques (6), qui ont montré la diminution de l’inhibition intracorticale chez des patients atteints d’un SGT. Inversement, certaines anomalies corticales (en particulier certaines variations de l’épaisseur corticale en fonction de l’âge des patients et de la durée de la maladie) détectées par différentes méthodes de neuro-imagerie suggèrent des mécanismes compensatoires ou, en cas de défaillance de ces mécanismes, peuvent servir comme biomarqueurs potentiels lorsqu’il y a persistance des symptômes à l’âge adulte (7). Génétique La génétique du SGT est probablement extrêmement complexe. Plusieurs modèles de transmission ont été proposés après l’étude de familles présentant des tics de sévérité variable. Certains de ces modèles reposent sur l’hypothèse d’un gène majeur (avec une pénétrance incomplète et une expressivité variable), et d’autres favorisent celle d’une transmission mixte, semi-récessive/semi-dominante. Des études récentes favorisent plutôt l’hypothèse d’une hérédité polygénique avec un effet additif de gènes impliqués ; cette suggestion n'est d'ailleurs pas en contradiction avec l’existence d’un gène majeur dans certaines familles. Des études de liaison génétique fondées sur ces hypothèses ont été menées au sein de familles de patients atteints d’un SGT, et ont permis l’identification de plusieurs loci, c’est-à-dire des régions du génome potentiellement ségrégant avec la présence des tics dans les familles. Mais aucun gène responsable n’a été rapporté à ce jour. Plus récemment, des études d’association réalisées sur l’ensemble du génome (GWAS) chez des milliers de patients versus des milliers de sujets témoins ont mis en évidence des régions du génome qui pourraient contenir des facteurs de susceptibilité au SGT. Mais ces résultats doivent être reproduits et validés par d’autres équipes (8). Une deuxième approche a consisté à caractériser des anomalies chromosomiques visibles au caryotype ou par des techniques de cytogénétique dans des cas sporadiques de SGT. Ces études ont également permis de proposer plusieurs régions chromosomiques candidates. Une étude a identifié des mutations du gène SLITRK1 (SLIT and NTRK-like family, member 1) comme responsables du SGT chez un petit nombre de patients (9). Néanmoins, plusieurs études récentes n’ont pas pu confirmer l’implication réelle du gène SLITRK1 dans de larges cohortes. Son rôle dans le SGT reste donc controversé. Plus récemment, une étude de liaison a permis d’identifier un gène potentiellement impliqué dans une famille avec plusieurs membres atteints de SGT : il s’agit du gène HDC, codant la L-histidine décarboxylase, une enzyme impliquée dans le métabolisme de l’histamine (10). La mutation identifiée correspond à une perte de fonction de l’allèle muté censée réduire la quantité de protéine fonctionnelle. Toutefois, aucune autre mutation dans ce gène n’a été trouvée chez un grand nombre de patients. D’autres études sont donc nécessaires pour valider le rôle de ce gène dans l’étiologie du SGT. Mots-clés Tics Syndrome Gilles de la Tourette Aripiprazole Toxine botulique Thérapies cognitivocomportementales Highlights »» G i l l e s d e l a To u r e t t e syndrome (GTS) is a disease characterized by the presence of motor and vocal tics, although psychiatric comorbidities are frequent and often determine the handicap induced by the syndrome. »» GTS begins in childhood with an overall favourable prognosis, since around 75% of patients go into remission once they reach adulthood. »» GTS etiology is organic, most likely due to deficits in neuronal migration and linked to a complex genetic transmission. »» A variety of treatments is available nowadays for treating tics: last generation neuroleptics, botulinum toxin injections, cognitive-behavioural therapies, deep brain stimulation. Keywords Tics Gilles de la Tourette syndrome Aripiprazole Botulinum toxin Cognitive-behavioural therapy La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 7 - septembre 2013 | 195 MISE AU POINT Le syndrome Gilles de la Tourette Traitements Principes Le traitement des tics repose autant sur le bon sens que sur des études contrôlées qui, du fait de la rareté du SGT, restent malheureusement peu nombreuses. Dans un premier temps, conseiller et instruire le patient, sa famille et son environnement scolaire ou professionnel sur la nature des tics, les comorbidités et le pronostic reste un premier pas essentiel. Dans une grande partie des cas, ces mesures simples, accompagnées d’un suivi régulier, sont suffisantes. La décision de traiter un tic repose sur 4 critères : ➤➤ problèmes sociaux (isolement social, moqueries, etc.) ; ➤➤ problèmes émotionnels (syndrome dépressif réactif, phobie sociale, etc.) ; ➤➤ problèmes fonctionnels (lecture, écriture, etc.) ; ➤➤ douleurs, blessures ou incapacité physique. Approches pharmacologiques Pour tout détail sur les traitements pharmacologiques (tableau III), nous préconisons en partiTableau III. Approches pharmacologiques dans le traitement des tics (adapté de Scahill et al., 2006). Neuroleptiques Support empirique Doses de début (mg) Doses thérapeutiques (mg/j) Halopéridol A 0,25-0,5 1-4 Pimozide A 0,5-1,0 2-8 Rispéridone A 0,25-0,5 1-3 Fluphénazine B 0,5-1,0 1,5-10 Tiapride B 50-150 150-500 Olanzapine C 2,5-5,0 2,5-12,5 Sulpiride C 100-200 200-1 000 Aripiprazole C 2,5-5,0 5-20 Clonidine B 0,0025-0,05 0,1-0,3 Guanfacine B 0,5-1,0 1-3 Toxine botulique B 30-300 U/site d’injection Tétrabénazine C 12,5-25 25-150 Baclofène C 10 40-60 Patch de nicotine C 7 7-21 Mécamylamine C 2,5 2,5-7,5 Autres Niveau de preuve Catégorie A : preuve bonne concernant l’efficacité et la tolérance à court terme, fondée sur au moins 2 études randomisées contre placebo Catégorie B : preuve moyenne concernant l’efficacité et la tolérance à court terme, fondée sur au moins 1 étude randomisée contre placebo Catégorie C : preuve minimale concernant l’efficacité et la tolérance à court terme, fondée sur des études ouvertes et l’expérience clinique cumulative 196 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 7 - septembre 2013 culier les recommandations européennes récemment publiées (11). Historiquement, le traitement des tics est avant tout fondé sur l’utilisation des neuroleptiques, en premier lieu l’halopéridol. Parmi les neuroleptiques “classiques” (en raison de leur affinité particulière pour les récepteurs D2), le pimozide semble être aussi efficace que l’halopéridol et présente moins d’effets indésirables, notamment la sédation et la prise de poids, ainsi que la survenue de syndromes extrapyramidaux. Depuis peu, les neuroleptiques “atypiques” sont généralement favorisés, en raison d’un blocage moins puissant des récepteurs D2 et d'un antagonisme des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C, ce qui réduit le risque de syndromes parkinsoniens et de dyskinésies tardives. Parmi eux, le rispéridone offre le meilleur niveau de preuve. Néanmoins, les effets secondaires métaboliques (glucose, lipides, prolactine) sont à surveiller de près. Le risque de dépression liée aux effets anti­sérotoninergiques de cette molécule est également à prendre en compte. Au cours des dernières années, l’aripiprazole a été considéré comme une molécule de première intention dans le traitement des tics, même s’il ne possède pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication. Étant un agoniste partiel des récepteurs D2 et 5-HT1A, et un antagoniste des récepteurs 5-HT2A, il offre un mécanisme d’action particulier. Les études ouvertes conduites à ce jour (11) suggèrent une efficacité remarquable de cette molécule avec un effet sédatif et orexigène bien moindre que tout autre neuroleptique. Aussi, beaucoup de patients insistent sur les effets comportementaux favorables de l’aripiprazole, à savoir un effet tranquillisant sans sédation (12). À noter, néanmoins, un risque d’akathisie et d’irritabilité (en début de traitement) plus important que pour les autres neuroleptiques. Malheureusement, aucune étude contrôlée n’a été conduite pour l’aripiprazole dans le traitement des tics et la molécule tombera dans le domaine public en 2014. Néanmoins, une formule à libération prolongée (prise hebdomadaire) est actuellement à l'essai chez l’enfant et chez l’adulte avec des résultats attendus fin 2013 (ClinicalTrials.gov : NCT01418352 et NCT01418339). Finalement, nous insistons sur l’utilité potentielle de la toxine botulique dans le cas de tics isolés. La toxine botulique offre l’avantage d’une intervention ciblée et restreinte dans le traitement de certains tics sévères et potentiellement dangereux (notamment ceux de la nuque). Il a également été proposé qu’une injection dans les cordes vocales pouvait être efficace dans les cas de tics vocaux importants (13). Phénomène intéressant, on a pu MISE AU POINT observer que les sensations prémonitoires semblent diminuer, voire disparaître, après injections répétées. Approches psychothérapeutiques Les approches psychothérapeutiques sont proposées en cas de tics légers à modérés pour les patients ne souhaitant pas, ou ne supportant pas, les traitements pharmacologiques classiques. Parmi les nombreuses techniques étudiées à ce jour, c’est en premier lieu la technique dite “inversion d’habitude” (Habit Reversal Training [HRT]) qui a obtenu un niveau de preuve élevé. Une autre technique, appartenant aussi au registre cognitivo-comportemental, est celle de l’“Exposure Response Prevention” (ERP) qui consiste à l’habituation graduelle de la suppression des tics tout en évitant le phénomène de rebond. Ces techniques cognitivocomportementales (TCC) constituent un grand espoir dans la prise en charge de nos patients ; leur application à travers tout le territoire français nous semble être une priorité dans les années à venir. En raison de leur importance, nous les détaillons ci-dessous. ◆◆ Technique d’inversion d’habitude Dans le traitement des tics, le HRT est la technique psychothérapeutique qui a bénéficié du plus grand intérêt dans la littérature à ce jour (14). Le HRT est une thérapie à composantes multiples : il comprend une phase de prise de conscience des tics (selfmanagement), une phase principale d’inversion des habitudes, et, enfin, une phase de généralisation et de soutien psychosocial. L’inversion des habitudes, qui constitue le cœur de la technique, consiste à élaborer et à mettre en place un geste antagoniste qui entre en compétition avec le mouvement du tic. L’objectif est de rendre impossible la réalisation motrice du tic. Il s’agit donc d’une contraction musculaire incompatible avec le mouvement du tic : par exemple, une contraction des mâchoires avec les lèvres serrées l’une contre l’autre face à un tic d’ouverture de la bouche ou de bâillement, ou encore, une flexion du cou vers l’avant pour désamorcer un mouvement de tête vers l’arrière. Ce mouvement doit être instauré dès que l’individu perçoit la sensation prémonitoire, et maintenu pendant 1 à 3 minutes, ou jusqu’à ce que disparaisse la sensation de gêne. À terme, la résistance à la réalisation du tic permettrait la diminution de l’envie de “tiquer”, parfois jusqu’à la disparition totale du tic. En général, il est proposé entre 8 et 15 séances, d’une durée d’une heure environ, à une fréquence hebdomadaire dans un premier temps, puis bimensuelle. La durée de la thérapie va dépendre principalement de la facilité de l’individu à ressentir la sensation prémonitoire et du nombre de tics à traiter. Dans cette thérapie en effet, le rôle de la sensation prémonitoire est fondamental, puisque c’est sur elle que repose la mise en place de la technique d’inversion des habitudes. Par ailleurs, le HRT s’intéresse au traitement des tics de façon sérielle, ces derniers ayant été hiérarchisés par le patient selon leur caractère invalidant lors des premières séances. Ainsi, cette technique sera davantage recommandée à des patients capables de ressentir la survenue de leurs tics et qui n’en présentent pas un grand nombre. À ce jour, 14 études de cas et 8 essais contrôlés et randomisés ont investigué le bénéfice du HRT (14). L’efficacité sur la réduction de la sévérité des tics varie de 30 à 100 %. Aucun phénomène de substitution n’a été rapporté. Les 2 plus importantes publications en termes de critères méthodologiques et de taille des échantillons résultent d’études américaines récentes portant sur des populations d’enfants (15) et d’adultes (16). Dans la première étude, 126 enfants et adolescents (âgés de 9 à 17 ans) présentant des tics chroniques ou un SGT dans des formes sévères à modérées ont été randomisés en 2 groupes : un groupe bénéficiant d’une thérapie comportementale reposant sur la technique du HRT et un groupe suivant le même nombre de sessions en thérapie de soutien et psycho-éducation (8 sessions sur 10 semaines). Plus de la moitié des enfants du groupe d’étude ont présenté une amélioration significative de la sévérité de leurs tics et de leur fonctionnement psychosocial, contre moins d’un tiers dans le groupe témoin. Parmi les enfants répondant au traitement, 87 % ont maintenu le bénéfice de la thérapie 6 mois après la fin du traitement. Le même paradigme d’étude a été suivi dans la seconde publication chez 122 adultes. À l’issue des 8 sessions, 38 % des patients ayant bénéficié de la thérapie comportementale ont vu une amélioration de la sévérité des tics contre 6 % des patients avec la thérapie de soutien. Comme dans la précédente étude, la thérapie comportementale a également eu des retentissements positifs sur la qualité de vie et le fonctionnement psychosocial. ◆◆ Technique d’exposition préventive Une autre technique, appartenant également au registre cognitivo-comportemental, est celle de l’exposition préventive (ERP). Les TCC reposent sur l’association négative entre une sensation désagréable (urge to do) et la réalisation du tic qui vient soulager cette tension. Mais la réalisation du tic va réactiver la survenue de la sensation de urge to do. La technique ERP contraint les patients, de façon La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 7 - septembre 2013 | 197 MISE AU POINT Le syndrome Gilles de la Tourette graduelle, à se confronter à leurs sensations prémonitoires désagréables en retenant la réalisation des tics. La thérapie commence en général par 2 séances d’entraînement au cours desquelles l’individu apprend à réfréner ses tics sur des périodes de plus en plus longues grâce à des techniques de relaxation. Lors des séances suivantes, le patient et le thérapeute incitent aux sensations prémonitoires sur des périodes de plus en plus prolongées (exposition) afin d’accroître la capacité de résistance aux tics (prévention de la réponse). Le patient apprend ainsi à tolérer et à gérer les sensations de urge to do par un phénomène d’habituation, ce qui, à terme, permet de diminuer voire de supprimer l’envie de “tiquer”. Avec cette technique, aucun phénomène de rebond n’a été observé (17). À ce jour, la principale étude contrôlée est celle d’une équipe hollandaise qui a montré une efficacité similaire entre la technique du HRT et celle de l’ERP dans une population de 43 patients âgés de 7 à 55 ans (18). D’autres essais sont en cours. L’avantage principal de cette technique est qu’elle permet de traiter l’ensemble de la symptomatologie des tics de manière simultanée. Elle est par conséquent conseillée à des patients souffrant de tics multiples. Le deuxième avantage est qu’elle fonctionne tout aussi bien chez les patients qui ne ressentent que peu ou pas les sensations prémonitoires, notamment les enfants, très réceptifs à cette technique. Approches neurochirurgicales L’auteur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts. Au cours des 20 dernières années, la stimulation cérébrale profonde (SCP) a fait la preuve de son efficacité dans un grand nombre de pathologies du mouvement, à commencer par la maladie de Parkinson. La SCP offre une promesse thérapeutique considérable dans le traitement des tics pharmacorésistants. Contrairement à la maladie de Parkinson, le SGT n’est pas une affection neurodégénérative ; une amélioration durable de la symptomatologie peut donc être envisagée sans modification des paramètres de stimulation au cours du temps. Les cibles testées sont le globus pallidus interne (territoire sensorimoteur et limbique), le thalamus (noyaux médians et intralaminaires), la capsule interne (bras antérieur) et le noyau accumbens (19). Les résultats obtenus sont encourageants, mais il est nécessaire de rappeler l’absence d’études randomisées, contrôlées et en double aveugle, même si plusieurs essais sont en cours à l’heure actuelle. Parmi les questions à résoudre figurent celles des comorbidités, de la définition de la pharmacorésistance, de la qualité de vie (au-delà d’une simple réduction des tics) et de l’âge de l’intervention. Concernant ce dernier point, il est important de rappeler que, en l’absence de critères pronostiques clairs pour l’évolution du SGT, les enfants et les adolescents sont susceptibles d’avoir une amélioration spontanée et substantielle lors de l’entrée à l’âge adulte. Ainsi, une conférence de consensus stipule d’attendre l’âge de 25 ans avant l’intervention (20). Néanmoins, dans des formes juvéniles très sévères entraînant une désocialisation et une déscolarisation complète, la question d’une SCP reste posée, d’autant plus qu’il s’agit d’une technique réversible. Ces considérations relèvent aussi bien du domaine médical qu’éthique et nécessiteront une attention particulière dès que les résultats d’études cliniques contrôlées seront disponibles. ■ Références bibliographiques 1. Leckman JF, Zhang H, Vitale A et al. Course of tic severity in Tourette syndrome: the first two decades. Pediatrics 1998;102(1 Pt1):14-9. 2. Knight T, Steeves T, Day L et al. 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