UNIVERSITÉ PIERRE MENDÈS FRANCE PHILOSOPHIE PR. DENIS VERNANT DEUG II COURS DE LOGIQUE IIe PARTIE CALCUL DES PRÉDICATS : 1 – INTRODUCTION HISTORIQUE 2 – PRÉSENTATION DU CALCUL Pr. D. VERNANT Logique II (2) 2 LE CALCUL DES PRÉDICATS 3.1 FONCTION PROPOSITIONNELLE ET VARIABLE Le calcul des prédicats est né en 1879 de l'œuvre de Frege, Begriffsschrift, l'écriture des concepts. Sa stratégie consista à étendre le concept mathématique de fonction du champ numérique au champ propositionnel pour obtenir un schéma d'analyse des propositions. 3.1.1 La fonction mathématique Une fonction y = f(x) est une formule non saturée dont les variables d'objets restent indéterminées (y, x). Elle renvoie à deux ensembles numériques, l'un de valeurs, l'autre d'arguments. y = x2 - 4x si x=-2 x=-1 x=0 x=1 x=2 x=3 x=4 arguments alors y = - 2 2 - 4 x - 2 = 4 +8= 12 5 0 -3 -4 -3 0 parcours de valeur Ce parcours de valeurs peut être représenté géométriquement et correspond à une courbe : ici, une parabole. Frege voulut passer des fonctions mathématiques à des fonctions logiques dont les arguments et valeurs ne sont plus des nombres. Il le fit en deux temps : 3.1.2 Fonctions d'égalité Exemple : x2 = 1. Cette fonction varie toujours en fonction du nombre choisi comme argument, mais elle prend pour valeur non plus un nombre, mais une valeur de vérité : le Vrai ou le Faux : si x = - 1 y =V 0 =F 1 =V 2 =F 3 =F On notera que cette fonction peut recevoir une expression linguistique : « le carré de x qui est Pr. D. VERNANT Logique II (2) 3 3.1.3 Les « concepts » L’ultime étape consiste à remplacer dans l‘égalité la variable numérique par un autre type de variable : On obtient un modèle qui est généralisable. Exemple : « César conquit la Gaule » est une proposition vraie. Pour obtenir une fonction non numérique, il suffit d'introduire une variable qui n'est plus numérique : « (x) conquit la Gaule ». On transforme alors la proposition en un concept qui prend les valeurs Vrai ou Faux selon les arguments qu’on lui assigne : (x) conquit la Gaule César conquit la Gaule : Platon conquit la Gaule : etc. Vrai Faux Ainsi, un concept est une fonction qui admet comme valeurs des valeurs de vérité (Vrai et Faux) et dont la variable d'objet admet pour arguments des noms d'objets (César, Platon, etc.). On obtient un calcul qui n'est plus restreint à des objets particuliers, nombres ou figures. L'objet de la logique va être la valeur de vérité de la fonction (d’où une approche extensionnelle des concepts). 3.1.4 Formalisation Recourant au vocabulaire russellien, on ne parlera plus de concept mais de fonction propositionnelle, i.e. une fonction qui engendre des propositions, non plus d’objet mais d’individu, i.e. une entité quelconque qui peut être individuée (chose, personne, nombre, etc.). Soit une proposition singulière P(a) où a est une constante d’individu, i.e. le nom propre d’un individu singulier disponible dans un domaine d’individu : Di : { a, b, …}. Cette proposition possède une valeur de vérité V ou F. On obtient la fonction propositionnelle P(x) en substituant à la constante d’individu une variable d'individu (x) qui prend ses valeurs dans le domaine d’individu. Si une proposition a une valeur de vérité, une fonction propositionnelle n'a jamais de valeur de vérité. Elle n’est qu’un schéma d'engendrement des propositions. L’avantage majeur de cette analyse fonctionnelle est qu’elle s’applique aussi bien aux fonctions à une variable P(x) qu’aux fonctions à deux ou n variables, i.e. aux schémas relationnels R(x,y) ou R (x,y,z). Dès lors, le terme de prédicat peut s'entendre en deux sens : * au sens restreint, il caractérise une propriété qui s'applique à un seul individu * au sens large, il sert aussi pour caractériser les propositionnelles relationnelles. RM : par souci de simplification pédagogique, nous restreindrons cette année le « calcul des prédicats » aux seules fonctions à une variable, i.e. aux propositions prédicatives au sens restreint. Pr. D. VERNANT Logique II (2) 4 Comme on l’a vu, on peut engendrer à partir d’une fonction propositionnelle une proposition singulière en assignant à la variable une valeur d’individu déterminée représentée par une constante. Mais il est aussi possible d’obtenir une proposition générale par quantification, universelle ou existentielle, sur la variable d’individu. (La quantification a étè inventée par Frege dans la Begriffsscrift en 1879, puis redécouverte par O.H. Mitchell, un étudiant de Peirce, « On a New Algebra of Logic », in Studies in Logic by Members of the John Hopkins University, ed. C.S. Peirce, Boston, Little Brown, 1883.) 3.2.1 Universelles 3.2.1.1 Généralisation : G.U. On va dire que la fonction s'applique à tous les individus du domaine considéré. On va construire une proposition universelle affirmative. (x) (Fx) : quel que soit x, x a la propriété F ou tous les x (collectif : l’armée, le gouvernement) ou chaque x (distributif : les soldats, les ministres) ou les x ou le x au sens générique : « la baleine est un mammifère » RM. : on le confondra pas « Le Président de la République est F. Mitterrand » et « Le Président de la République est chef des Armées ». On constate une fois de plus que seule une véritable analyse logique évite les ambiguïtés de l’expression en langue naturelle. (x) F(x) = Df Fa . Fb . Fc . , … Fy [any] → (x) F(x) [all] La généralisation universelle d’un prédicat détermine une classe comme l’ensemble des individus qui satisfont ce prédicat. Ainsi « Tous les hommes » détermine la classe des hommes, ce que fait aussi « Tous les bipèdes sans plumes » (cf. Platon), où « Tous les animaux capables de rire ». 3.2.1.2 Instanciation : I.U. C’est l’opération inverse consistant à choisir une valeur quelconque dans le domaine d’individu. (x) F(x) → F(a) déjà utilisée). a : instance (constante d’individu quelconque, de préférence une valeur Pr. D. VERNANT Logique II (2) 5 3.2.2.1 Généralisation : G.E. Si on sait que F vaut pour au moins un individu a, alors Fa, on peut généraliser : Fa → ¡x Fx ¡x Fx : Il existe au moins un x tel que F(x) Quelque x est F Quelques x sont F Certains x sont F Des x sont F Un x est F ¡x Fx = Df Fa v Fb v Fc v … On constate ici que l’existence est bien propriété non d’un individu, mais d’une fonction : elle signifie que la fonction est satisfaite pour au moins une valeur d’individu. Il apparaît clairement que la proposition existentielle est une proposition générale dans la mesure où elle présuppose l’ensemble des valeurs d’individu dans lequel on sélectionne au moins une valeur. 3.2.2.2 Instanciation : I.E. Sachant qu’une fonction est satisfaite par au moins une valeur d’individu, on peut l’appliquer à une valeur déterminée. Mais ne pouvant connaître effectivement cette valeur en question, il convient de choisir une valeur nouvelle : ¡x Fx → Fc ( c est une valeur nouvelle) 3.2.2 Les distinctions d’ordres Nous n’avons ici quantifié que sur les variables d’individu. Il est possible d’obtenir un calcul plus puissant en se donnant un domaine de propriétés Dp : { F, G, H, … } et en quantifiant sur ces propriétés. Les fonctions seront constituées alors de propriétés de propriétés. On obtient alors un calcul d’ordre supérieur (ce concept fut introduit par Pierce dans son calcul des relations). On peut ainsi hiérarchiser les calculs : Calcul d’ordre zéro : Calcul du premier ordre : Calcul d’ordre deux : pas de variable : calcul des propositions inanalysées : p variables d’individu : ¡x Fx variables de prédicat : ¡F Q(Fx) Pr. D. VERNANT Logique II (2) 6 (Principe d’identité des indiscernables, Leibniz) – pour parler de propriétés de propriétés : (C) C(x) où C(x) : « être une couleur », ses valeurs sont alors des propriétés d’individus : être bleu, être blanc, être rouge, etc. – pour formaliser les syllogismes : ex. Barbara : (F) (G) (H) [ { (Fx Gx) . (Gx Hx) } (Fx Hx) ] 3.2.3 Classification des propositions Ayant introduit la quantification, on peut maintenant classer tous les genres de propositions : inanalysées : p, … atomiques analysées : singulières : Fa, R(ab), … ÉLÉMENTAIRES inanalysées : ¬ p , (p . q), … moléculaires analysées : ¬ Fa, [Fa . R(a,b)], … PROPOSITIONS universelles (x) Fx, … GÉNÉRALES existentielles ¡x F x, 3.3 GÉNÉRALISATIONS ET NÉGATIONS Si la fonction propositionnelle fournit un schéma d’analyse des propositions et la quantification un moyen de généraliser les propositions, le recours aux connecteurs du calcul propositionnel va permettre de constituer les propositions et de les relier. Le premier opérateur est la négation. Dans le calcul des prédicats, la négation joue un rôle plus complexe que dans le calcul des propositions. Il en existe trois formes : 3.3.1 Négation externe Elle consiste à nier la proposition quantifiée toute entière ¬ (x) Fx Il est faux que tout x soit F : Tous les x ne sont pas F RM : On convient pour simplifier que : ¬ (x) Fx = Df ¬ {(x) Fx} Pr. D. VERNANT Logique II (2) 7 Il est faux qu'au moins un x soit F, ce qui équivaut à dire qu'aucun x n'est F. 3.3.2 Négation interne On nie la fonction : * (x) ¬ Fx quel que soit x, il a la propriété non F RM . : ¬ (x) Fx ≠ (x) ¬ Fx on a seulement : (x) ¬ Fx → * ¡x ¬ Fx ¬ (x) Fx Quelque x n’est pas F RM. : ¬ ¡x Fx ≠ ¡x ¬ Fx on a seulement : ¬ ¡x Fx → ¡x ¬ Fx 3.3.3 Négation totale On combine négation externe et négation interne * ¬ (x) ¬ F (x) . * ¬ ¡x ¬ Fx Il est faux que tous les x n'ont pas la propriété F. Il est faux qu'il existe au moins un x qui n'a pas la propriété F. 3.3.4 Intertraductibilité des quantificateurs En utilisant les deux formes de quantification et en les combinant avec les trois formes de négation, on obtient huit formes possibles : 1– 2– 3– 4– 5– 6– 7– 8– (x) Fx ¬ (x) Fx (x) ¬ Fx ¬ (x) ¬ Fx ¡x Fx ¬ ¡x Fx ¡x ¬ Fx ¬ ¡x ¬ Fx Le carré des oppositions précise pour chaque type de généralisations (universelle puis existentielle) les relations d’opposition entre les quatre formes : Pr. D. VERNANT Logique II (2) I (x) (Px —> Qx) 8 ¬ ¡ x (Px . Qx) w –> –> ¡ x (Px . ¬ Qx) ¡ x ( Px . Qx) v Reste à déterminer les équivalences entre propositions universelles et existentielles. Ces formes sont équivalentes deux à deux : 1&8 2&7 3&6 4&5 RM. : l’équivalence 2 & 7 exprime la méthode du contre-exemple : si un prédicat n’est pas vrai de tous, alors il existe un contre-exemple. Pour prouver un énoncé universel, on tente de le falsifier (cf. Popper) : (x)P(x) ¬(x)P(x) ¡x ¬ P(x) ¬ Pa A contrario, s’il n’y a pas d’exemple pour un prédicat, alors il est faux de tous. (A noter que cette formule permet le traitement de la négation : pour supprimer une négation devant un quantificateur, il suffit d'inverser le (ou les) quantificateur(s) et de nier la fonction qui suit immédiatement. Il faut trouver une règle qui justifie ces équivalence et permette de transformer une proposition existentielle en une universelle. 4&5 : ¬ (x) ¬ Fx = ¡x Fx On a inversé le quantificateur et nié totalement la formule, i.e. nié la proposition quantifiée et la fonction. Les quantificateurs fonctionnent ainsi de façon duale, ils sont duals l'un de l'autre. On peut alors retrouver sous une forme généralisée les règles de dualité : * Soit A une formule du calcul des prédicats, on obtient sa duale, c'est-à-dire A* , en changeant dans toutes leurs occurrences, les quantificateurs ainsi que les connecteurs duals, et en Pr. D. VERNANT Logique II (2) 9 remplaçant chaque fonction par sa négation. Comme la duale A* est une négation de A, on a le théorème de dualité suivant : A = ¬ A* Exemple : ¡x Px Transformation de cette proposition générale existentielle en proposition générale universelle A : ¡x Px A* : (x) ¬ Px ¬ A* : ¬ (x) ¬ Px 3.4 LA CONSTRUCTION DES PROPOSITIONS Jusqu’ici nous n’avons fait intervenir que l’opérateur de négation. Nous allons utiliser les autres connecteurs pour composer les propositions, puis pour les relier. 3.4.1 Traduction de A, E, I, O et des syllogismes Le recours aux connecteurs au niveau intra-propositionnel va nous permettre de construire les quatre formes classiques de propositions : A, E, I, O. + Proposition universelle affirmative : A « Tous les petits pois sont rouges » (x) (Px → Rx) On a ici une proposition conditionnelle universelle. On rappelle que, dans la mesure où on a recours à un conditionnel, la proposition, purement hypothétique, n'engage pas l'existence : si on n’a pas de petits pois, la proposition est du même coup vraie (ex falso sequitur quodlibet). Autrement dit : ¬ { (x) ( Px → Rx) → ¡x Px } + Proposition universelle négative : E « Aucun homme n'est mortel » (x) (Hx → ¬ Mx) + Proposition particulière affirmative : I « Quelques hommes sont mortels » ¡x (H x . Mx) + Proposition particulière négative : O « Quelques hommes ne sont pas mortels » ¡x (H x . ¬ Mx) Dans la formulation canonique, lorsqu'une proposition est une proposition universelle, elle utilise le connecteur conditionnel. Par contre, lorsqu'on a une formulation existentielle, on utilise le connecteur de conjonction. Naturellement, on peut utiliser les lois d’intertraductibilité des connecteurs propositionnels et des quantificateurs pour multiplier les formulations d’une même proposition. Ex. : A : (x) (Px → Rx) = ¬ ¡x ¬ ( Px → Rx) = ¬ ¡x ( Px . ¬ Rx) Pr. D. VERNANT ARISTOTE A Logique II (2) LOGIQUE FORMELLE TRANSFORMATION ¬ ¡ x ( Sx . Px ) Aucun S est non P ¬ ¡ x ( Sx . ¬ Px ) (x) ¬ ( Sx . Px) Tous les S sont non P (x) ( Sx –> ¬ Px ) Aucun S n'est P I TRADUCTION ¬ ¡x ¬ ( Sx –> Px ) (x) ( Sx –> Px ) Tous les S sont P E 10 ¬ (x)¬ ( Sx . Px ) ¡ x ( Sx . Px ) Quelques S sont P ¬ (x) ( Sx –> ¬Px ) O ¬ (x) ¬ ( Sx . ¬ Px ) Ts les S ne sont pas non P ¡ x ( Sx . ¬ Px ) Qques S ne sont pas P Tous les S ne sont pas P ¬ (x) ( Sx –> Px ) Exercice : traduire un raisonnement en universelles puis en existentielles : FERIO Aucun G n'est H Quelques F sont G Quelques F ne sont pas H Universelles (x) (Gx → ¬ Hx) ¬ (x) ¬ (Fx → ¬ Gx) ¬ (x) ¬ (Fx → Hx) Existentielles ¬ ¡x (Gx . Hx) ¡x (Fx . Gx) ¡x (Fx . ¬ Hx) Dès lors, on a la possibilité de traduire tous les raisonnements (quelle que soit leur complexité) en formules du calcul de prédicat. Pr. D. VERNANT Logique II (2) 11 Tout coureur distancé (G) est fatigué (F) ou distrait (H) Quelques coureurs distancés ne sont pas distraits Quelques coureurs fatigués ne sont pas distraits (x) [Gx → (Fx v Hx)] ¡x (Gx . ¬ Hx) ¡x (Fx .¬ Hx) Diagramme de Venn VALIDE F 2X 1 G H RM. : Comme il s’agit toujours de coureurs, on travaille dans un « univers de discours », i.e. un domaine d’individus composé exclusivement de coureurs. 3.5 PORTÉE DES QUANTIFICATEURS Il faut fixer cette portée dès que les formules se compliquent. La formule (x) Ax . Bx est ambiguë parce qu'elle peut se traduire de deux façons : 1° (x) (Ax) . Bx la quantification universelle sur x ne porte que sur l’x de Ax D’où, une autre formulation possible : (x) (Ax) . By 2° (x) [Ax . Bx] Ici la quantification porte sur les deux variables. Les parenthèses permettent de délimiter la portée des quantificateurs. Par convention, on convient que (x)(Ax) = (x) Ax. (x){ [Px . ¡ x Qx] → [ ¡ y Ryx v Qx]} ¿_____¿_______¿__¿________¿__¿_¿____¿ ¿__ ¿ ¿__¿ Un quantificateur lie toutes les variables libres contenues dans la ou les fonction(s) incluse(s) dans la parenthèse qui le suit immédiatement. Pour déterminer la portée, on procédera de l'intérieur de la formule vers l'extérieur. Pr. D. VERNANT 3.6 Logique II (2) 12 VARIABLES, FORMULES , SUBSTITUTIONS 3.6.1 Variables libres / liées * On appelle variable libre, une variable dont aucune occurrence n'est sous la dépendance d'un quantificateur. On appelle variable liée toute variable tombant sous la portée d'un quantificateur. ¡x (Ax) . Bx ¿___¿ | la première occurrence de x est liée, la seconde est libre. 3.6.2 Formules ouvertes / fermées * On appelle formule ouverte une formule comportant au moins une variable libre. Cette formule ouverte reste une fonction de la (ou des) variable(s) demeurée(s) libre(s). * On appelle formule fermée une formule ne comportant plus aucune variable libre. Cette formule constitue une proposition qui possède une valeur de vérité déterminée. ¡x (Ax) . Bx (C'est une fonction, formule ouverte, non évaluable) ¡x (Ax . Bx) (Proposition, formule close évaluable) 3.6.3 Substitution des variables libres, liées * Régle de substitution des variables libres. Elle porte sur des fonctions qui comprennent au moins une variable libre. Comment substituer ces variables ? Dans une formule ouverte A(x), on peut substituer à la variable libre x une autre variable y, pour toutes les occurrences libres de x, sans changer la valeur de vérité de la formule. La substitution est une opération notée : sub x/ y (substrare = mettre sous) Exemple : (x) Fx → Gx On va noter : sub x/y Et cela donne : (x) Fx → Gy La variable qui était libre doit le rester ! Le plus simple est de recourir à une lettre nouvelle. *On peut aussi, dans certains cas, substituer des lettres de variables liées. (x) (Fx) → Gy sub x/z : (z) (Fz) → Gy Pr. D. VERNANT Logique II (2) 13 On appelle forme normale prenexe (FNP), une formule dans laquelle tous les quantificateurs sont reportés au début, sans être régis par des négations, et dont la portée s'étend à toute la formule. PRÉFIXE Quantificateurs (x) ¡y MATRICE (Px → Gy) On notera que les quantificateurs ne doivent pas faire l’objet de négations. 3.7.1 Règles de passage Ces règles de passage, permettant de construire des FNP, gouvernent l’extraction des quantificateurs des formules. (Ici, les métavariables : A et B représentent des formules. A (x) contient au moins une variable x libre. B ne contient pas de variable x libre). – Règles pour la conjonction : (x) Ax . B = (x) [Ax . B] ¡x Ax . B = ¡x [Ax . B] Autrement dit, ces règles permettent d'extraire le quantificateur universel d'un terme conjoint et de le préfixer à toute la conjonction. – Règles pour la disjonction : (x) Ax v B = (x) [Ax v B] ¡x Ax v B = ¡x [Ax v B] idem Règles pour le conditionnel : B → (x) A x = (x) [B → Ax] B → ¡x Ax = ¡x [B → Ax] C'est le cas où le quantificateur porte sur le conséquent du conditionnel (qu'il soit existentiel ou universel). En ce cas, on peut extraire directement le quantificateur. Par contre, lorsque le quantificateur porte sur l'antécédent du conditionnel, on extrait le quantificateur, mais en l'inversant (on prend le duale). (x)Ax → B = ¡x [Ax → B] ¡x Ax → B = (x) [Ax → B] Pr. D. VERNANT Logique II (2) ¡x ¬ Ax v B ¡x (¬ Ax v B) ¡x (Ax → B) 14 extraction pour la disjonction Finalement pour obtenir une FNP, il suffit de : 1°– déterminer la portée des quantificateurs, 2° – opérer des substitutions de lettres de variables pour éviter des confusions, 3° – si nécessaire, traiter les négations devant les quantificateurs. 4° – extraire les quantificateurs sans omettre de les inverser lorsqu’ils figurent dans les antécédants de conditionnels. Exemple : (x)Ax → ¡x Bx 1° (x)Ax → ¡x Bx 2° ¿___¿ ¿___¿ (y) Ay → ¡x Bx 4° ¡y ¡x (Ay → Bx) Sub x\y Nous disposons maintenant de tous les moyens pour traduire logiquement tous les types de propositions et de raisonnements. Reste alors à les évaluer. 3.8 PROCÉDURES D ’ ÉVALUATION 3.8.1 Evaluation par construction de modèles L'évaluation met en jeu la valeur de vérité. On met ainsi en jeu la dimension sémantique du calcul. Mais on ne peut s'interroger sur la valeur de vérité que si on est capable d'interpréter les propositions. On va passer du champ syntaxique au champ sémantique. Il convient d’abord de construire une interprétation des formules, pour ensuite savoir si cette interprétation a valeur de modèle, i.e. constitue une interprétation qui va satisfaire la formule et la rend réalisable. Pr. D. VERNANT Logique II (2) 15 Langue naturelle langage logique formalisation –> <– interprétation noms propres ( Amélie) constantes logiques : a noms généraux : deux types – les attributs : (poissons) – les verbes : (aimer) prédicats relations noms d’entités : « choses », etc. variables d'individu x, y, z ... mots logiques : – non, et, ou, si…alors, … – tous, quelques. Px A(xy) connecteurs : ¬, ., v, …, etc. quantificateurs : ¡x, (x) On va partir des formules logiques et les interpréter. On procède de droite à gauche : il s'agit de donner un sens à tous les éléments logiques. 3.8.1.1 Structure d’interprétation et modèles Une interprétation qui satisfait la formule est un modèle de cette formule. Si une formule admet au moins un modèle, on dira qu’elle est réalisable. Exemple : (x) P(x) 1° – interpréter cette formule, 2° – l'évaluer m (Modèle) : < Di = { } , P : « » > On précise ici : – le domaine d'individu Di : classe dans laquelle on trouve toutes les constantes qui vont permettre d'assigner un sens aux variables d'individu, – l’interprétation donnée au prédicat. Il peut être interprété en extension en spécifiant les valeurs pour lesquelles il vaut : P(x) : {Pa, Pc, Pe}, ou en intension : P(x) : « x est un poisson ». On cherche alors une interprétation qui satisfasse la formule : qui en constitue un modèle. Puis on cherche à savoir si toute interprétation est modèle : si la formule est universellement valide : si elle est vraie pour n'importe quelle interprétation. 3.8.1.2 Réalisabilité, validité La procédure s'opère en deux temps : 1° – Il faut savoir si la formule à évaluer est réalisable pour un modèle m, si la formule Pr. D. VERNANT Logique II (2) 16 – Si NON, aucune interprétation ne la satisfait. Si on travaille dans un domaine fini, on énumére tous les cas, on montre qu'aucun cas ne satisfait la formule. Si on est dans un domaine non fini, on fournit un contre-exemple, ou on met en évidence une contradiction. – Si OUI, on construit un modèle. On a établi alors que la formule est réalisable. 2° – On se demande ensuite si la formule est toujours réalisable, c'est-à-dire valide universellement. (Réalisable = valide pour un modèle m). Si NON, il suffit de donner un contre-exemple, Si OUI, on montre qu’on ne peut trouver de contre-exemple. Pour interpréter et évaluer la formule (x) R (x,x), on fait appel à l'intuition, car on peut choisir n’importe quel domaine d'individu et n'importe quelle interprétation de la relation. Le plus simple est de choisir une interprétation relevant de la connaissance commune. * m de la connaissance commune : – Est-ce réalisable ? oui Pour m : < Di = {Hommes}, R : « est identique à » >, tout homme est identique à lui-même. – est-ce valide ? non On a un contre exemple pour m : < Di = {Hommes}, R : « a pour frère » > (x) R(x, x) = Tout individu est frère de lui-même : Faux Pour éviter toute ambiguïté lorsqu’on se réfère à la connaissance commune, on peut faire appel à une interprétation relevant des sciences, commes les mathématiques : l'arithmétique des entiers naturels. * m arithmétique : < Di = N, R : « = » > Quel que soit l'individu dans N, on a x=x. x=0:0=0 x=1:1=1 La formule est réalisable dans cette interprétation qui en est modéle. Si : < Di = N, R : « > » > x= 1 : 1 > 1 x= 2 : 2 > 2 C'est faux dans tous les cas. L’interprétation n’est pas modèle. La formule n’est donc pas Pr. D. VERNANT Logique II (2) 17 3.8.2 La réduction au calcul propositionnel Lorsqu’on travaille sur un domaine d’individu fini, en fait limité, on peut réduire les formules du calcul des prédicats à des formules du calcul propositionnel et les évaluer selon les méthodes connues. On procéde en quatre temps : 1° – Supprimer les variables libres en les quantifiant universellement. Exemple : Px, qu'on transforme en (x) Px. (On considère que ce qui est valable pour une variable quelconque est valable pour tous les x). 2° – Supprimer les quantificateurs en procédant de gauche à droite, et en remplaçant les quantificateurs universels par des conjonctions sur toutes les valeurs du domaine considéré et les quantificateurs existentiels par des disjonctions inclusives. Si Di = {a, b} (x) Px ≠ Pa . Pb ¡x Px ≠ Pa v Pb Ceci résulte des définitions des quantificateurs. 3° – On obtient alors une formule composée de conjonctions et de disjonctions de propositions singulières. Il suffit alors conventionnellement de donner des noms aux propositions singulières pour obtenir une proposition complexe du calcul des propositions : (x) Px → ¡x Gx (Pa . Pb) → (Ga v Gb) (p . q) → ( r v s) 4° – On évalue la proposition selon les procédures du calcul des propositions. Pour ce faire, on connaît trois méthodes : – Les tables de vérité – La réduction à l'absurde – La méthode des arbres. N – VALIDITÉ : Selon le cardinal du Di, la formule est 1-valide, 2-valide, etc. Ainsi, la proposition ¡x Px → (x)Px est 1-valide, mais n’est pas n-valide dès que n > 1 (ou = 0). Exemple : pour Di = {a, b} ¡x Px → (x)Px (Pa v Pb) → (Pa . Pb) (p v q) → (p . q) ¬ {(p v q) → (p . q)} (arbre) (p v q) . ¬ (p . q) Pr. D. VERNANT Logique II (2) / p 18 \ q / \ / \ ¬p ¬q ¬p ¬q * | | * NON 2-VALIDE LIMITES : Cette méthode suppose un domaine théoriquement fini (et pratiquement très limité). De plus, on ne se donne que des fonctions prédicatives et pas de relations. Cette méthode n'est pas générale, elle ne permet pas de déterminer la validité universelle d’une formule. 3.8.3 Evaluation par arbre Cette méthode présente le mérite d’être totalement algorithmique et applicable à un domaine d’individus infini. Il suffit de reprendre la méthode utilisée en calcul des propositions en l’enrichissant de trois règles complémentaires qui vont gérer les seuls opérateurs nouveaux du calcul des prédicats, les quantificateurs : 1° – instanciation universelle I.U. Si on a : (x) Px, Px doit être vrai pour toute valeur d'individu Pa, Pb, Pc, etc. On notera cette opération : I.U x/a (x) Px → Pa Remarque : On peut itérer indéfiniment cette opération. Il convient de recourir aux valeurs figurant déjà sur l’arbre : Pb, Pc, etc. 2° – instanciation existentielle ¡x Px → Pc I.E. La fonction Px va être vraie pour au moins une valeur, par exemple Pc. Mais on ne sait pas si c'est cette valeur qui va satisfaire la fonction. Pour éviter toute confusion, il convient de toujours utiliser une valeur nouvelle, i.e. ne figurant pas déjà sur l’arbre. On ne recommencera pas l'opération, elle est non itérable. 3° – Intertraductibilité des quantificateurs pour traiter les négations : ¬ ¡x Px ≠ (x) ¬ Px * règle heuristique : toujours commencer par traiter les existentielles. Pr. D. VERNANT Logique II (2) 19 Justification de cette dernière règle : (x) Px → (x) Px ¬ {(x) Px → (x) Px } (x) Px . ¬ (x) Px (x) Px . ¡x ¬ Px (x) Px I.U x/a ¡x ¬ Px I.E x/a ¬Pa Pa (x) Px I.U x/a Pa ¡x ¬ Px I.E x/b (x) Px I.U x/b ¬Pb x Pb On gagne une opération x Rm. : Le calcul des prédicats – incluant les relations – n’est pas décidable : il n’existe aucune procédure algorithmique de décision permettant de décider si une formule donnée est valide ou non (cf. théorème de Church, 1936). En effet, si toutes les branches de l’arbre se ferment, la formule est valide, si au moins une reste ouverte, la formule est non valide. Mais un troisième cas est possible : que l’arbre se développe indéfiniment. L’évaluation reste alors indéterminée : on ne peut savoir s’il se fermera un jour. 3.9 LES PRINCIPALES LOIS DU CALCUL DES PRÉDICATS 3.9.1 Lois obtenues à partir du calcul propositionnel * par substitution : On transforme les tautologies du calcul des propositions en tautologies du calcul des prédicats. On substitue par exemple à p n'importe quelle proposition du calcul des prédicats : ex : de (p p) on obtient ¡x Fx ¡x Fx Sub p\¡x Fx * par généralisation : Lois obtenues par substitution dans une tautologie d’une fonction à une proposition et par généralisation. D’où : ex : de (p p) on obtient (x)(Fx Fx) ou ¡x(Fx Fx) Sub p\ Pr. D. VERNANT Logique II (2) 20 3.9.2 Lois obtenues par généralisation * Généralisation et instanciation universelles : I– Fy (x)Fx (x)Fx Fa ( Di ≠ ) (a déjà utilisé) * Généralisation et instanciation existentielles : Fa ¡xFx ¡xFx Fa ( Di ≠ ) (a nouveau) Ceci suppose que le domaine d’individu soit non vide : on admet l’existence d’au moins un individu. 3.9.3 De l'universel à l'existentiel (x)Fx ¡xFx ( Di ≠ ) La subalternation n'est pas de droit contrairement à ce que croyaient les Anciens. Il faut présupposer que le domaine d’individus est non vide. On notera que la converse est 1– valide. 3.9.4 Interdéfinissabilité des quantificateurs : (x)Fx ≠ ¬ ¡x¬ Fx ¡xFx ≠ ¬ (x)¬ Fx ¬(x)Fx ≠ ¡x ¬ Fx ¬ ¡xFx ≠ (x) ¬ Fx Il suffit de nier totalement la formule et d’inverser le quantificateur (loi de dualité). 3.9.5 Règles de passage : (x)Ax ¡xAx B ≠ ¡x (Ax B ≠ (x) (Ax B) B) 3.9.6 Distributivité totale : (x)(Fx • Gx) ≠ (x) Fx • (x) Gx ¡x(Fx v Gx) ≠ ¡x Fx v ¡x Gx Pr. D. VERNANT Logique II (2) 3.9.7 Distributivité partielle : (x) Fx v (x) Gx (x)( Fx v Gx) ¡x (Fx • Gx) (¡x Fx ) • (¡x Gx) (x)(Fx Gx) [(x)Fx (x) Gx ] [¡xFx ¡x Gx] ¡x[Fx Gx] (x) [Fx ≠ Gx] [(x)Fx ≠ (x)Gx] ¡x [Fx ≠ Gx] [¡xFx ≠ ¡xGx] 21 Pr. D. VERNANT Logique II (2) Ex. : Evaluez la formule [ (¡x Fx ) • (¡x Gx) ] a) par les modèles b) par réduction au calcul propositionnel c) par les arbres 22 ¡x (Fx • Gx)