L SPÉCIAÈS CONGR LUNDI 10 NOVEMBRE 2014 - 9364 44e ANNÉE - 1, RUE AUGUSTINE VARIOT - CS 80004 - 92245 MALAKOFF CEDEX - TÉL. : 01 73 28 12 70 - ISSN 0399-2659 - CPPAP 0417 T 81257 89e CONGRÈS ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE ET TRAUMATOLOGIQUE, 10-13 novembre 2014, Paris Avec le concours des coordinateurs de la communication à la Sofcot : les Prs N. Passuti, R. Kohler, C. Court, F. Fitoussi, C. Msika de la comission du site Internet w w w. s o f c o t . f r : l e s P r s e t Drs A. Poichotte, B. Tomeno,T. Gregory, A. Blamoutier, HF. Parent, B. Augereau, C. Msika, assistés du bureau administratif de la sofcot : Mmes G.Patte, E. Brackenbury, M. Rachdi et du site www.sofcot-congres.fr Chirurgie orthopédique : maîtriser le risque pour l’excellence de qualité La SOFCOT toujours engagée dans sa démarche de qualité dédiée au patient multiplie, à l’occasion de son 89e congrès, les initiatives d’éducation, aussi bien sur les thèmes pathologiques classiques que sur les thématiques d’exercice professionnel. Une édition réalisée par le Pr Charles Msika Sommaire L’avenir centenaire La SOFCOT en 2014 Pied plat de l’adulte Une analyse pas à pas P. 2 L a SOFCOT fut fondée au terme de la Grande guerre afin de conserver et développer les connaissances et l’expérience des soins prodigués aux blessés. D’abord société savante, diffusant les connaissances par ses congrès et publications, elle a, au fur et à mesure de sa croissance et de l’évolution de la profession, élargi ses missions. La SOFCOT s’est régulièrement adaptée à l’exercice chirurgical, dans ses dimensions techniques, relationnelles ou administratives. Notre société, par son organisation, s’est imposée auprès des tutelles comme une experte privilégiée, rassemblant les chirurgiens orthopédistes dans leur diversité d’exercice professionnel. Ainsi, le conseil national professionnel de chirurgie orthopédique et traumatologique (CNP-SOFCOT) a été créé en novembre 2013, pour faire fonctionner notre société et représenter l’interlocuteur unique des tutelles. Il rassemble toutes les composantes de la société, dans le respect de la parité de la représentation des chirurgiens du secteur public et privé : sociétés associées et partenaires, académie (AOT), collège (CFCOT), organisme d’accréditation (Orthorisq), syndicat (SNCO) et fondation (FICOT). Les chirurgiens orthopédistes sont attentifs à la qualité et à la sécurité des soins qu’ils prodiguent. La SOFCOT a mis en place une structure de gestion du risque (Orthorisq), tout en assurant le meilleur niveau possible de qualification pour les professionnels en exercice, via notamment l’AOT le CFCOT. Mais la qualité des soins suppose aussi leur évaluation, comme en témoignent les relations régulières avec la HAS. Cette année lors du congrès plusieurs séances seront conjointes avec cette autorité. Enfin, la sécurité passe aussi par la matériovigilance, sujet interactif entre le CNP-SOFCOT et l’Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ASNM). Pour répondre aux nouvelles réglementations du DPC, le CNPSOFCOT a créé l’ODPC-COT. Le rapport récent de l’IGAS sur le DPC, va imposer à nos structures de nouvelles adaptations. Les chirurgiens orthopédistes interviennent à tous les âges de la vie pour restaurer l’autonomie. Cela suppose des nécessaires adaptations. Par exemple, le développement de la chirurgie ambulatoire. Ce mode de prise en charge nécessite des adaptations du mode d’exercice et il doit être accompagné par les établissements et les pouvoirs publics . La recherche et l’innovation passent par l’octroi de bourses de recherche pour les jeunes collègues. La SOFCOT a mis en place une fondation (FICOT) pour collecter des fonds. Les partenariats avec les industriels sont aussi indispensables. Les chirurgiens français doivent pouvoir continuer d’innover et le dynamisme industriel français doit pouvoir s’impliquer, tout en étant responsables et soucieux des enjeux économiques actuels. Nous sommes attachés au rayonnement de la chirurgie orthopédique française. Cette année, notre société a été invitée d’honneur du congrès américain (AAOS), espagnol, allemand (DGKOU) et chinois. Et lors de notre congrès, ce sont les pays scandinaves qui sont à l’honneur. Pour la première fois, les communications en anglais sont acceptées et la tenue de sessions traduites en Anglais devrait attirer des collègues non francophones. Enfin, notre revue OTSR continue son ascension avec un impact factor de 1,168 ce qui la place 39e de sa catégorie. Ainsi la SOFCOT a beaucoup changé depuis sa naissance et toutes ces adaptations ne sont possibles qu’avec l’investissement de son bureau exécutif et de nombreux bénévoles, qui dans l’ombre font avancer notre société ; qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés. Secrétaire général de la SOFCOT E n 2013, mon prédécesseur le Pr Bernard Augereau avait rappelé l’histoire de la SOFCOT, devenue récemment le Conseil national professionnel CNP-SOFCOT. Cette évolution est essentielle car notre structure permet d’avoir un interlocuteur unique vis-à-vis des différentes tutelles, tels que le ministère de la Santé, la Haute Autorité de santé (HAS), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Fédération des spécialités médicales (FSM). Notre ligne politique pour l’année 2014 était « Qualité et Évaluation », en lien avec la HAS. Ainsi, le Congrès 2014 élaboré par le Professeur Rémi Kohler, va intéresser les médecins généralistes. En pratique, l’objectif est d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques. Un cahier spécial de chirurgie orthopédique a été publié et mis en ligne par la HAS sur son site. Il permettra d’actualiser nos pratiques auprès de nos confrères. La communication est également un élément primordial. Ainsi, notre site internet contient une arborescence grand public afin que les patients accèdent à des informations validées. Les pathologies ostéoarticulaires représentent une activité importante des consultations de médecine générale et l’actualisation de nos pratiques doit aider nos confrères. Bien entendu, le CNP-SOFCOT fait partie intégrante de la FSM, ce qui assure une coordination avec les autres spécialités médicales chirurgicales. Dans ce cadre, nous travaillons sur le projet de registre des prothèses, élément clef en termes de santé publique et de vigilance. Le CNP-SOFCOT s’est engagé dans le cadre du DPC. Ainsi, la journée du lundi 10 novembre du congrès lui est consacrée : une matinée organisée par Orthorisq (gestion des risques) et une après-midi de conférences d’enseignement : malgré les incertitudes réglementaires, notre société se doit de pérenniser ce programme consolidé par ailleurs par le e-learning proposé depuis 2 ans. Sur le plan international, la chirurgie orthopédique et traumatologique française est reconnue dans le monde entier. Ainsi, la France était invitée en mars 2014 lors du congrès de la Société américaine d’orthopédie et de traumatologie (AAOS). Au niveau européen, nous sommes impliqués dans toutes les commissions de la Fédération européenne de chirurgie orthopédique et traumatologique (EFORT). L’influence française se traduit par son rôle important au sein de l’Association orthopédique de langue française (AOLF). Cette reconnaissance nous permet de faire connaître les innovations françaises en lien avec les industriels développant les dispositifs médicaux ; la SOFCOT aborde avec volontarisme la mondialisation. L’avenir de notre discipline doit s’appuyer sur nos jeunes collègues. Ainsi, le Collège d’orthopédie dirigé par le Pr Dominique Chauveaux assure une formation initiale et continue en lien avec la sous-section du Conseil national des universités (CNU) afin d’assurer la validation de chirurgiens orthopédistes et traumatologues de qualité ; par ailleurs, le Collège des jeunes orthopédistes (CJO) a une place importante au sein du CNPSOFCOT pour les programmes d’enseignement et scientifiques du congrès. La défense de l’exercice professionnel est dévolue au Syndicat national des chirurgiens orthopédistes et traumatologies (SNCO), qui s’est impliqué pour défendre nos intérêts dans des domaines tels que la chirurgie ambulatoire, la valorisation des actes... Ainsi, en 2014, le CNP-SOFCOT a consolidé sa reconnaissance sur le plan national. En particulier, la validation de recommandations avec la HAS et leur publication en ligne (dès le jour du congrès) devront permettre à nos collègues médecins d’actualiser leurs connaissances. Ligament croisé antérieur La reconstruction avec le recul P. 4 Les registres Une mine d’information à exploiter P. 4 Fractures céphalobitubérositaires Un traitement difficile sans consensus P. 4 Activité sportive chez l’enfant Attention au surmenage squelettique P. 6 Nouvelles technologies de l’os Au cœur des explorations non invasives P. 7 Arthrose du poignet Des interventions à la carte P. 8 Les voies de la prothèse de hanche Reprise, micromouvements et diamètre de la tête P. 7 et 11 Président du CNP-SOFCOT Retrouvez-nous en continu sur lequotidiendumedecin.fr CHSP9364_001_001_QVW 1 DR Éditorial du Pr Norbert Passuti DR Éditorial du Pr Charles Court Histoires de rachis Arthrose, fractures et scoliose P. 9 à 12 06/11/2014 15:20:44 2 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 SOFCOT Pied plat de l’adulte Une analyse pas à pas Quelles sont les différentes formes de pied-plat ? Quels examens permettent de le diagnostiquer ? Que faire face à un pied-plat douloureux ? Le point sur cette pathologie. calcanéonaviculaire, caractérisée par la raideur de l’articulation subtalaire (fig.4). Le pied plat dégénératif touche la femme ménopausée le plus souvent obèse. ●●Affaissement de l’arche médiale du pied, le pied plat entraîne une perte de la voûte (fig.1). Il en existe de multiples morphologies, en fonction de la localisation des laxités articulaires : plutôt en valgus (fig.2), en cas de laxité médiale de cheville ou d’hypermobilité sagittale du premier rayon (ascension anormale du premier métatarsien à l’appui), ou plutôt en abduction, en cas de laxité talonaviculaire ou du médiopied (fig. 3). La conséquence fonctionnelle est une marche apropulsive, à cause de l’absence de verrouillage du pied par le muscle tibial postérieur ; ce qui induit une poussée médiale vers le pied opposé avec des conséquences posturales sur l’ensemble des membres inférieurs et du rachis. La marche est alors plus lente avec une fatigabilité plus importante. Plus rarement, les pieds plats sont consécutifs à une lésion du tendon tibial postérieur suite à un traumatisme en éversion-valgus ou par choc direct. La rupture du tibial postérieur ne permet plus le verrouillage du pied, qui s’affaisse progressivement. Le plus souvent, suite à une laxité articulaire post-traumatique ou dégénérative qui conduit à une distension progressive du tendon tibial postérieur lors de l’appui au sol. Le tendon se fissure puis s’effiloche et enfin se rompt. Le ligament calcanéonaviculaire plantaire et médial (ou spring ligament des Anglo-saxons) limite la plongée de la tête du talus lors de l’appui du pied et protège le tendon tibial postérieur. Sa distension ou rupture conduit à la subluxation talonaviculaire et au surmenage du tendon tibial postérieur (fig. 5 et 6). Secondaire, congénital, dégénératif Douleur Les raisons de faire un pied plat sont nombreuses. On distingue trois catégories : le pied plat secondaire, congénital et dégénératif. Les étiologies du pied plat secondaire sont variées : traumatique – suite à des fractures du calcanéus, du talus, du médiopied ou des entorses – rhumatismale, neurologique, diabétique (ostéoarthropathie). Le pied plat congénital (de l’enfant ou l’adolescent) est le plus souvent idiopathique et non symptomatique, mais peut être lié à une rétraction tendineuse (pied plat contracturé) ou à une synostose talocalcanéenne ou Rôle du tendon du tibial postérieur Certains pied plats sont douloureux. Celle-ci se situe le plus souvent sur le trajet terminal du tendon tibial postérieur, au niveau d’une zone de fragilité vasculaire. La lésion du spring ligament est en profondeur du tendon, ce qui n’est pas facile à distinguer cliniquement. Parmi les autres causes de douleurs médiales, il faut retenir la synostose talocalcanéenne et l’arthrose du médiopied. Cependant, le pied plat occasionne aussi des douleurs latérales de l’arrière-pied du fait de conflit osseux entre le calcanéus et la malléole latérale, entre le tubercule latéral du talus et la face dorsale de l’apophyse antérieure du calcanéus, dans le sinus du tarse ou au niveau de l’articulation calcanéocuboïdienne liée à l’abduction du médiopied (fig. 7). √ Il faut prévenir les facteurs de risque – obésité, diabète, entorses mal étiquetées – et adresser en cas de test de mise sur pointe de pied anormal Examen clinique Dans le pied plat, l’examen clinique recherche les articulations distendues ou enraidies (arthrose ou synostose), repère les déformations (valgus et abduction) et leur réductibilité. L’examen principal d’analyse du tendon tibial postérieur est la mise sur pointe de pied à partir de l’appui monopodal. En cas de dysfonction sévère du tendon, le pied vu de l’arrière reste en éversion voire le test est impossible. Si le test est normal avec une inversion du pied, le traitement médical doit soulager le patient (fig. 8, 9, 10). Imagerie Les radiographies doivent être obligatoirement en charge, car le pied s’affaisse avec le poids. Il est inconcevable de définir un pied plat en décharge. Trois incidences sont recommandées pour mesurer les trois déformations : l’affaissement sur le profil, l’abduction sur l’incidence dorsoplantaire de face, le valgus sur l’incidence cerclée de Méary (face de la cheville). L’analyse du tendon tibial postérieur peut Fig.1 Fig.2 se faire à l’échographie ou à l’IRM. Le scanner est indiqué dans le pied-plat raide, pour visualiser une arthrose ou une synostose. Les reconstructions 3D permettent une visualisation plus précise du pied dans sa globalité et l’analyse des morphotypes osseux et articulaires dans le cadre de la recherche (fig. 11, 12, 13). Orthèses plantaires Régulièrement prescrites en première intention, les orthèses plantaires ne corrigent cependant pas le pied plat ; elles permettent surtout un soulagement des douleurs. La chaussure avec un bon maintien postérieur est essentielle pour la correction du valgus et l’efficacité des orthèses plantaires. Les rétractions tendineuses du triceps sural ou des tendons fibulaires justifient des étirements par le kinésithérapeute, à débuter avant les orthèses pour améliorer leur efficacité sur un pied assoupli. Le strapping en inversion voire un plâtre sont des solutions à ne pas oublier dans les formes hyperalgiques (fig. 14). Place de la chirurgie En cas d’échec du traitement médical, la chirurgie peut être proposée. Il s’agit d’un acte difficile, pratiqué par un nombre limité de chirurgiens orthopédiques. Il existe des contre-indications liées au terrain défavorable lors d’association de facteurs à risque (obésité, polyarthrite rhumatoïde, tabagisme, lymphœdème) et au stade évolué, avec arthrose secondaire de cheville. L’arthrodèse subtalaire et médiotarsienne est la technique classiquement utilisée pour ré-axer et fixer la correction. Il arrive que l’arthrodèse soit limitée à une seule Fig.9 Figure 4. Le pied plat raide de l’adolescent ou de l’adulte jeune doit évoquer une synostose (coalition) talocalcanéenne. Fig.5 Figure 7. La douleur siège dans la zone sous malléolaire médiale associée à une tuméfaction atténuant le relief de la malléole articulation en cas d’atteinte monoarticulaire. Ces techniques sont réalisables dans les formes fixées arthrosiques comme dans les formes réductibles. Cependant, les formes réductibles peuvent être corrigées par des ostéotomies (translation médiale de la tubérosité ou allongement antérieur du calcanéus), des implants dans le sinus du tarse, technique appelée arthrorise (fig. 15, 16, 17). La correction du pied obtenue par ces interventions chirurgicales est souvent spectaculaire, mais il ne faut pas omettre qu’elle induit des modifications notables de la posture du fait de la récupération de la hauteur du pied et des modifications fonctionnelles de la marche. D’autre part, la récupération est souvent longue, entre 4 et 6 mois d’arrêt de travail conduisant à un report de l’intervention au détriment de l’aggravation des lésions articulaires. Pronostic Le pronostic du pied-plat sévère est à la cheville. Certes, on peut rencontrer des insuffisances de résultats du fait de l’absence d’intégration des lésions du médiopied, mais l’atteinte arthrosique de la tibiotarsienne représente une situation qui conduit le chirurgien à proposer une panarthrodèse c’est-à-dire une arthrodèse de la cheville, de l’arrière-pied et du médiopied, peu satisfaisante sur le plan fonctionnel. Des travaux sont en cours concernant l’intérêt des réparations ligamentaires médiales de la cheville et sur les arthroplasties totales de cheville (fig. 18). Conseils pour les généralistes Il faut d’abord bien analyser et traiter les rétractions tendineuses inductrices de pied-plat, c’est-à- Fig.10 Si la mise sur pointe de pied bipodale est normale (pied en inversion) et que la pointe monopodale est pathologique (éversion ou impossible), le diagnostic de lésion du tendon tibial postérieur ou du spring ligament doit être évoqué Fig.11 Fig.12 Fig.13 Fig.3 Figure 1. Affaissement de l’arche médiale Figure 2. Valgus de l’arrière-pied Figure 3. Abduction du médiopied CHSP9364_002_003_QVW 2 L’articulation talonaviculaire est stabilisée en médial par un fibrocartilage calcanéonaviculaire appelé spring (ressort) ligament (carré bleu) renforcé par le tendon tibial postérieur (trait vert). Figure 8. L’examen de la plante du pied montre l’abduction avec la cassure du bord latéral du pied et la supination de l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied Radiographies en charge en trois incidences : – la face dorsoplantaire montre l’abduction avec l’axe talodeuxième métatarsien (le col du talus doit être parfaitement visualisé) ; – le profil montre l’affaissement de l’arche médiale, la ou les articulations effondrées et dans certains cas, l’arthrose secondaire ; – l’incidence cerclée de Méary mesure le valgus de l’arrière-pied et analyse d’éventuelles déformations articulaires de la tibiotarsienne, une laxité ou une arthrose PHOTOS : DR Fig.6 06/11/2014 15:32:09 LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 Congrès hebdo 3 Ligament croisé antérieur Les résultats à long terme de la reconstruction Après trois ans de travail, une étude rétrospective multicentrique rapporte les résultats à 10 et 20 ans des genoux opérés d’une reconstruction du ligament croisé antérieur, afin de dégager des profils type de l’évolution (1). dire le tendon calcanéen (achille) et les fibulaires (péroniers). Ensuite, si le test de mise sur pointe de pied monopodal est pathologique, le patient doit être adressé au chirurgien. La prévention des facteurs de risque que sont l’obésité et le diabète doit être poursuivie, sans oublier les entorses du médiopied souvent étiquetées entorses de cheville et traitées par une orthèse stabilisatrice de cheville qui ne stabilise pas le pied. D’après la conférence d’enseignement du Dr Éric Toullec, chirurgien du pied et de la cheville exclusif libéral, polyclinique de Bordeaux Tondu. Secrétaire général de l’association française de chirurgie du pied (AFCP). www.chirurgie-cheville-pied.com ●●Un des deux symposiums de la AOT-CNP SOFCOT s’intéresse aux résultats à long terme (plus de 10 ans) du traitement chirurgical des laxités antérieures du genou par reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA). Si l’histoire naturelle, potentiellement péjorative, d’un genou qui a subi une rupture du LCA est bien connue depuis des années (avec développement du triptique instabilité–méniscectomie–arthrose à long terme), l’avenir de la reconstruction du LCA par ligamentoplastie moderne (autogreffe réalisée sous arthroscopie avec préservation du capital méniscal) reste plus incertaine, en particulier pour les résultats au-delà de 10 ans. En effet, depuis 1981, où un symposium avait été consacré au traitement des ruptures ligamentaires fraîches par Imbert, beaucoup de chemin a été parcouru, avec de nombreuses évolutions. Figure 14. Le strapping en inversion peut être très utile dans les formes très algiques Fig.15 Jeune sportif La rupture du LCA est une affection fréquente chez le jeune sportif (plus de 40 000 interventions de reconstruction en 2014), avec notamment plus de 18 000 ruptures liées à la pratique du ski durant une saison. Elle est régulièrement –après sélection des patients en tenant compte des recommandations de la HAS en 2008– traitée chirurgicalement par une reconstruction du ligament. L’objectif de cette intervention est de reconstituer l’anatomie du genou afin de retrouver un genou fonctionnel stable et indolore, qui autorise ensuite la reprise des activités sportives, limite la survenue de lésions méniscales ultérieures et cartilagineuses secondaires. Elle pour- Fig.16 Les objectifs PHOTOS : DR L’arthrodèse du couple de torsion avec correction des déformations et retente du tibial postérieur reste l’intervention la plus utilisée Figure 17. L’ostéotomie d’allongement du calcanéus selon Evans permet une bonne correction de l’abduction de l’avant-pied CHSP9364_002_003_QVW 3 Figure 18. L’arthrose valgisante de cheville reste de pronostic fonctionnel réservé ; la panarthrodèse est encore préférée aux techniques conservatrices en cours d’évaluation ●●Cette étude observationnelle (1) a pour objectifs : – d’évaluer les résultats fonctionnels à travers l’International Knee Documentation Committee (IKDC). Le retour au sport et à la compétition avec un même niveau sportif, sont les critères retenus. – D’étudier les résultats cliniques et radiographiques en prenant en compte la laxité résiduelle et son gain, permettant d’appréhender l’efficacité de la ligamentoplastie sur la correction de la laxité initiale, et ce, quel que soit le mode de mesure : manuel, instrumental (KT 1 000 ou 2 000) ou radiologique. Cette laxité est mesurée en millimètres par rapport au côté opposé (différentielle). L’IKDC global (qui prend en compte la mobilité, l’épanchement, la laxité. IKDC A, B, C ou D (respectivement pour normal, presque normal, anormal, sévèrement pathologique) est fréquemment classé en A+B ou C+D dans rait donc, théoriquement, avoir pour objectif secondaire à long terme de freiner la dégradation arthrosique du genou. Avenir fonctionnel Cette pathologie concerne des patients de tous âges mais le plus souvent des sujets jeunes de 20 à 30 ans. Les résultats cliniques et radiographiques à court terme (2 et 5 ans de recul) ont fait l’objet de nombreuses publications sur la reprise des activités sportives. Cependant, leur avenir fonctionnel reste une vraie préoccupation. Les données à plus long terme sont plus rares, mêmes si des équipes françaises (2) avaient rapporté des résultats intéressants sur des patients pris en charge il y a de nombreuses années, avec souvent un capital méniscal non intact au moment de l’intervention. Une étude conduite à Caen en 2006 (publiée dans AJSM) pour analyser ce type de résultats au-delà de 10 ans avec des genoux moins préservés au moment de l’intervention avait orienté les résultats et renforcé la nécessité de conservation méniscale, mais l’effectif était faible, avec 100 patients. Étude française L’intérêt d’une étude rétrospective multicentrique était de pouvoir recueillir un collectif plus important et ainsi mieux représenter les résultats au niveau national. Ces patients, jeunes au moment de l’intervention, sont très mobiles et il est parfois difficile de les suivre en consultation avec un examen habituel clinique et radiographique, même si l’évolution de certains des genoux opérés incite à les suivre régulièrement. Ainsi nous comptons, avec cette étude, améliorer les données recueillies par rapport aux données déjà publiées sur des sujets jeunes au moment de l’intervention qui, 10 ans plus tard, ont bien souvent moins de 40 ans. Il s’agissait d’une étude rétrospective les études pour évaluer les bons et mauvais résultats. – D’enregistrer la survenue des lésions méniscales secondaires et le taux de méniscectomie secondaire après chirurgie ligamentaire. Ce taux est le reflet de la capacité de la reconstruction ligamentaire à préserver le capital méniscal. – De suivre la survenue d’une arthrose selon les critères de l’IKDC évalués à partir des radiographies du genou prises en charge, de face, de profil et en schuss. La préservation du ménisque se justifie par l’hypothèse de prévenir la survenue d’arthrose à distance de l’épisode. La littérature rapporte un taux important d’arthrose après rupture du croisé antérieur, opérée ou non (25 à 44 %). – Enfin, les ruptures secondaires sont rarement décrites dans les études rétrospectives. Dans les études prospectives randomisées, les taux de rupture secondaire vraie traumatique se situaient entre 3,4 % et 4,1 % selon le type de greffe utilisé. multicentrique qui impliquait 19 centres médicaux (1). Nous avons ainsi pu analyser plus de 600 patients avec 10 ans de recul et 180 à 20 ans de recul, ce qui en fait un collectif important. Nous avons pu ainsi analyser de nombreux critères pronostiques ; les recouper avec la littérature afin de dégager des portraits type d’évolution des genoux en terme de stabilité, nouvelle rupture, évolution méniscale, reprise du sport et devenir arthrosique. Il est intéressant aussi d’analyser nos pratiques en fonction des recommandations éditées par la HAS en 2008. D’après la conférence d’enseignement du Dr Nicolas Graveleau (Paris) et du Pr Christophe Hulet (Caen) (1) Les investigateurs principaux sont le Pr Christophe Hulet (CHU de Caen) et le Dr Nicolas Graveleau (Espace Médical Vauban, Paris) mais aussi les centres de Lyon (Centre Albert Trillat, Centre Santy, Hôpital Lyon sud), de Paris (CHU Ambroise Paré et La Pitié-Salpêtrière, Clinique des Maussins, Centre Nollet, Institut Goethe et CMC Paris V), les CH de Versailles et Mayenne, les hôpitaux militaires dans leur ensemble, la polyclinique de l’Europe à La Baule, le centre Borely de Marseille et les CHU de Caen, Brest, Nice, Grenoble (2) Chambat P (thèse de Selva), Dejour H (thèse de T Ait Si Selmi), Lerat JL (thèse de F Chotel), Neyret P (thèse de J Pernin), Locker B (thèse de G Pierrard). La SOFCOT poursuit un effort d’éducation et de formation de ses membres. Cet enseignement est coordonné par les Prs Jacques Duparc et Denis Huten. Le texte de ces mises au point extensives est publié régulièrement par Elsevier dans les « Cahiers d’enseignement de la SOFCOT ». Les conflits d’intérêts de tous les auteurs intervenant dans ce numéro sont présentés sur www.lequotidiendumedecin. fr/conflits_dinterets Rédactrice en chef : Dr Charlotte Pommier Secrétaire de rédaction : Béatrice Dumont 06/11/2014 15:42:30 4 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 SOFCOT Registres en orthopédie Une mine d’informations dont on ne devrait pas se passer Les registres ont apporté énormément à la communauté chirurgicale. À l’échellon individuel, ils fournissent à chaque chirurgien des données lui permettant de confronter sa pratique à celle de sa profession. Aux niveaux national et international, ils apportent des informations inédites sur les performances des implants mais aussi des établissements, dont les décideurs ne voudront bientôt plus se passer. En France, ils se heurtent encore à des obstacles administratifs et financiers. ●●À l’ère des biobanques et du big data, la médecine est à la veille d’une transformation révolutionnaire de ses connaissances et de ses stratégies décisionnelles. La chirurgie orthopédique avait été à l’avant-garde de cette démarche, avec l’expérience scandinave de 1975 concernant les prothèses totales du genou (PTG). Ce n’est qu’en 1998 que parût le premier registre en langue anglaise (Nouvelle-Zélande), alors que les États-Unis ainsi que de nombreux pays européens peinent encore à ce jour à se doter de tels outils. Il existe actuellement 11 registres nationaux répertoriés dédiés aux prothèses totales de hanche (PTH) et PTG – soit de manière exclusive soit au sein de registres multisites. Leurs résultats sont souvent consensuels, parfois en opposition du fait d’importantes variations liées aux cultures et aux lois des marchés. En France, un registre est « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées », selon le Comité national des registres (CNR). Maladies versus implants En matière de prothèses, un registre ne fait que tracer le devenir des dispositifs médicaux implantables (DMI). À l’inverse des registres de maladies (infectieuses, cancers, etc.), c’est la survie de la prothèse que l’on étudie et non celle du patient dont le décès prothèse encore en place, correspond à un succès probable ou relatif de celle-ci, puisqu’elle aura servi la totalité de la vie du patient sans avoir été changée. La gestion d’un registre nécessite du temps, de l’argent et une exhaustivité des données. Cela repose sur le recours à un identifiant patient unique (numéro de Sécurité Sociale), afin de tracer parfaitement le patient et les actes chirurgicaux liés à un même implant ; un financement pérenne ; une méthode de collection moderne et rapide des données, exclusivement par internet ; une exhaustivité obligatoire, au moins pour les implants innovants. Leurs effets sur les pratiques professionnelles doivent aussi être éva- lués. Enfin, leur coût important pose le problème de leur indépendance financière et de la propriété de leur contenu. De larges applications Avant tout, les registres permettent de comparer les résultats des implants prothétiques entre eux. Leur efficacité comme structure d’alerte en situation de crise est un argument régulièrement avancé par les gestionnaires. L’inclusion d’implants prothétiques innovants dans un registre national quasi-exhaustif permet de confronter leurs résultats précoces à ceux des grands standards et de dépister ainsi en quelques années les performances décevantes. L’étude différentielle des registres nationaux permet aussi d’approcher objectivement les éventuelles variations entre données épidémiologiques, démographiques et technologiques. Il faut noter que le nombre d’implants inclus chaque année varie d’un facteur 1 à 20, sous l’influence combinée de la démographie du pays et de la collaboration plus ou moins étendue des chirurgiens (observance). La couverture nationale est importante à prendre en considération, en particulier pour les registres les plus récents qui n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière. Enfin, certains registres scandinaves publient les résultats de chaque région et de chaque établissement, le public peut ainsi orienter ses choix. Cela suppose une grande Fractures de l’humérus proximal maturité de la population et un niveau élevé de culture de l’évaluation de la part des praticiens. On comprend par contre les difficultés à sortir des sentiers balisés pour les équipes chirurgicales et le frein relatif à l’innovation au nom du principe de précaution. Investissement et indépendance L’avenir des registres est conditionné par l’investissement conjoint des pouvoirs publics et des professionnels concernés. La création de registres des implants est actuellement une recommandation majeure de la Commission Européenne pour la médecine (EUCOMED), afin d’améliorer la qualité des soins portés aux patients de la communauté européenne. Cela permettrait de réduire d’une part les délais de réaction en cas de nouvelles alertes de matériovigilance, et d’autre part leurs conséquences sanitaires, en favorisant la transmission de l’information et en accélérant la réactivité des autres pays quant à la poursuite des implantations d’un produit apparaissant défectueux. Même s’il reste difficile de mesurer la baisse des dépenses de santé susceptible de découler de la mise en application de ces recommandations, ces éléments peuvent inciter les organismes payeurs à participer à leur financement. La prévention d’une dérive d’exploitation à visée purement économique nécessite le Fig.1a maintien d’une certaine indépendance. En France, tout registre se doit de respecter la législation relative à l’utilisation et à la conservation de données personnelles, en particulier la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978. Il est nécessaire d’associer à leur développement les sociétés savantes et les médecins intéressés : cette mission a été confiée à la fédération des spécialités médicales (FSM). C’est sur la base du seul volontariat qu’a été conçu en 2006 le registre des PTH de la SOFCOT (agrément CNIL, N°04-1277). Il reste toutefois un obstacle majeur à la création de registres de suivi efficace des patients : les conditions très restrictives d’utilisation du numéro d’inscription au répertoire (NIR) national d’identification des personnes physiques, qui ne peut être autorisé que par décret du Conseil d’État. Le caractère jusqu’à présent purement volontaire des registres a malheureusement montré ses limites. Plusieurs options s’offrent aux pouvoirs publics pour inciter praticiens et hôpitaux à les alimenter. À l’extrême, conditionner le remboursement du DMI et de l’acte chirurgical qui y est associé au renseignement d’un registre, serait à l’évidence d’une redoutable efficacité. D’après la conférence d’enseignement du Dr Christian Delaunay, chirurgien orthopédiste et traumatologue, clinique de l’Yvette, Longjumeau Fig.1b Un traitement difficile sans consensus Les fractures à quatre fragments de l’extrémité proximale de l’humérus, dites aussi céphalobitubérositaires (figure 1a et b), sont très difficiles à traiter et ne bénéficient pas encore aujourd’hui de consensus parmi les chirurgiens qui s’en occupent. ●●Ce symposium a pour objectif de dresser un état des lieux des différents traitements des fractures céphalobitubérositaires, utilisés dans douze centres spécialisés français et d’en évaluer les résultats à partir de deux études distinctes : prospective et rétrospective. La première a été menée durant l’année 2013, après avoir eu l’aval du comité d’éthique et de la Commission nationale informatique et liberté (même s’il s’agissait en fait d’une étude de soins courants n’engageant en rien la sécurité du patient, puisque chaque centre utilisait le traitement qui lui était familier). Ont été ainsi colligés de manière prospective les traitements suivants : orthopédique, ostéosynthèse par plaque vissée (figure 2), par clou centromédullaire (figure 3), par embrochage (figure 4), par la technique du bilboquet (figure 5) et remplacement prothétique par prothèse anatomique (figure 6) ou inversée (figure 7). Tous les patients ont été revus avec un recul minimum de 6 mois et maximum de 18 mois. Ainsi, les don- CHSP9364_004_004_QVW 4 nées rassemblées ont permis d’une part de mener une étude épidémiologique, d’autre part de recueillir les complications éventuelles des différents traitements et enfin d’avoir une évaluation des résultats fonctionnels à court terme. Fig.2 Fig.4 Fig.5 √ Un large spectre d’alternatives thérapeutiques L’autre étude, rétrospective, a consisté à revoir les patients opérés entre 2009 et 2011 de manière à avoir un recul minimum de 2 ans. Ont pu ainsi être analysés les résultats tardifs, tant anatomiques (cals vicieux, nécrose de la tête humérale [figure 8], migration ou lyse des tubérosités) que fonctionnels (douleurs résiduelles, raideur, gêne dans la vie quotidienne, force musculaire). Au total, 219 dossiers ont pu ainsi être colligés dans l’étude prospective et 389 dans l’étude rétrospective, ce qui constitue une base de données particulièrement remarquable. Fig.3 Fig.7 Fig.6 Fig.8 D’après un symposium dirigé par les Prs Dominque Saragaglia (Grenoble) et François Sirveaux (Nancy), avec la participation des Prs et Drs Levon Doursounian (Paris), Damien Block (Nancy), Romain Bouchet (Grenoble), Philippe Clavert (Strasbourg), Xavier Ohl (Reims), Christian Cuny (Metz), Thomas d’Ollone (Nice), José François Gadea (Tours), Clément Tournier (Bordeaux), Laurent Obert (Besançon), Nicolas Bonnevialle (Toulouse). 06/11/2014 15:21:40 LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 Arthrose symptomatique La viscosupplémentation a toujours sa place Le principe L’AH, principal constituant du cartilage et du liquide synovial, est une longue chaîne de sucres (glycosaminoglycanes), dont le caractère très hydrophile lui confère une visco-élasticité à l’origine de propriétés mécaniques du cartilage (absorption des chocs) et du liquide synovial (lubrification articulaire, protection du cartilage). Lors de l’arthrose, il y a un déficit quantitatif et qualitatif en AH articulaire, y injecter un AH exogène vise non seulement à rétablir les propriétés mécaniques, mais aussi à induire des effets biologiques, l’AH injecté étant capté par des récepteurs articulaires spécifiques : action antiinflammatoire modérée, anti-oxydante, anabolisante sur le cartilage, antalgique directe par masquage des nocicepteurs articulaires et réduction de la production enzymatique induite par les cytokines. Des propriétés de visco-induction, c’est-àdire de stimulation de la production d’AH endogène, pourraient expliquer l’efficacité prolongée de l’AH exogène injecté, alors qu’il a un temps de résidence articulaire court, rapidement dégradé après son injection. D’après la conférence d’enseignement de la Dr Virginie Legré-Boyer, rhumatologue, Institut de l’appareil locomoteur Nollet, Paris. Ancienne interne et cheffe de clinique des hôpitaux, ancienne praticienne hospitalière. Attachée en rhumatologie au CHU Pitié-Salpétrière. Consultante à l’American Hospital of Paris. Conflits d’intérêt : Rottapharm (conférencière séminaires, co-investigatrice essai thérapeutique), Sanofi Genzyme (conférencière symposiums, séminaires ), Expanscience (participation aux congrès), Genevrier, Pierre Fabre (conseil scientifique ponctuel, participation aux congrès), Labrha (co-investigatrice essai thérapeutique), Smith Nephew (investigatrice principale essai thérapeutique), Chemedica (participation aux congrès) (1) Rutjes AW et al. Ann Intern Med 2012;157:180-91 (2) McAlindon TE et al. Nat Rev Rheumatol 2012;8:635-6 (3) De Campos GC et al. Clin Orthop Relat Res 2013;471:613-20 (4) Jordan KM et al. Ann Rheum Dis 2003;62:1145-55 (5) American College of Rheumatology 2012 recommendations. Arthritis Care Res 2012;64:465-74 (6) American Academy of Orthopaedic Surgeons (AAOS). Treatment of Osteoarthritis of the Knee : Evidence-Based Guideline. 2nd ed. Rosemont, IL : AAOS; 2013. www.aaos. org/ oakcpg (7) Osteoarthritis : the care and management of osteoarthritis in adults. NICE clinical guideline 59. London : NICE; 2014. www.nice.org.uk/nicemedia/pdf/cg59niceguideline.pdf. (8) OARSI recommendations. Osteoarthritis Cartil 18;2010:476-99 CHSP9364_005_005_QVW 5 ●●L’injection intra-articulaire, réalisée par un spécialiste, nécessite une bonne technique, puisqu’elle conditionne non seulement son efficacité, mais aussi sa tolérance (locale, lire encadré). Elle est parfois délicate sur une articulation sèche et peut bénéficier de certaines astuces. Hors genou – hanche, épaule en particulier –, le recours à un guidage radiologique ou échographique est préconisé. En cas d’épanchement articulaire avant l’injection, il faut traiter la synovite en priorité : repos, glaçage articulaire, AINS, et si nécessaire ponction-infiltration de corticoïdes. L’injection d’AH sera différée d’une à quatre semaines. Plus de douze dérivés d’AH sont commercialisés en France, sous statut de dispositifs – sauf le Hyalgan qui a conservé un statut de médicament, avec une AMM dans la gonarthrose. On peut en distinguer deux types : linéaires, ayant un poids moléculaire (PM) faible, et réticulés (regroupement tridimensionnel des chaînes par des ponts), avec un PM plus élevé et probablement une dégradation plus lente donc un temps de résidence articulaire plus long, sont souvent proposés en mono-injections. Des présentations minidosées d’AH (1 ml), moins onéreuses, sont disponibles pour les petites articulations. Plus récemment des préparations d’AH combinés à des adjuvants (mannitol, sorbitol, chondroïtine sulfate), réticulés ou non, sont proposées. L’adjonction de ces substances vise à prolonger le temps de résidence articulaire de l’AH, mais ceci n’est pas prouvé. L’impact clinique des divers caractères des AH n’est pas clair, ne permettant pas d’orienter le choix vers tel ou tel produit. En France, la viscosupplémen- Tolérance ●●Une revue récente de la littérature conclut à une innocuité de la viscosupplémentation (2). Sa tolérance générale est excellente, et satisafaisante localement, marquée par des réactions habituellement mineures, que l’on peut limiter avec une bonne technique d’injection. La prudence reste cependant de règle : tout épanchement d’allure inflammatoire suivant une injection nécessite une ponction articulaire avec vérification systématique de l’absence de sepsis qui, bien qu’exceptionnel avec cette technique, doit rester présent à l’esprit et justifie une prévention par une parfaite asepsie, et une information du patient sur les signes évocateurs d’infection. L’effet indésirable principal consiste en des réactions douloutation consiste en 1 à 3 injections, à 1-4 semaines d’intervalle. Les doses varient selon les produits utilisés et l’articulation injectée. Pour la gonarthrose, on effectue habituellement soit une série de 3 injections (à 1 semaine d’intervalle), soit une 5 reuses ou inflammatoires locales transitoires, dont la fréquence est faible (2 à 6 % au genou), et qui ne semblent pas grever l’efficacité du traitement. Plus rarement, de spectaculaires réactions inflammatoires aiguës, d’allure pseudoseptique, peuvent se manifester (1-2 %). Elles sont assez imprévisibles, ont surtout été décrites avec l’hylane GF-20, mais peuvent aussi survenir avec des AH linéaires. Leur apparition précoce, 1 à 24 heures après l’injection, est un élément rassurant en faveur d’une réaction non septique, mais au moindre doute, une ponction articulaire avec analyse bactériologique doit être réalisée. Quelques cas de crises aiguës de chondrocalcinose ont été publiés au décours d’injections d’AH. D’exceptionnels cas de réaction granulomateuse locale ont été décrits, avec l’hylane seulement. injection monodose. En dehors du genou, rien n’est bien codifié. L’intérêt pour les mono-injections se développe. Il s’agit souvent de dérivés d’AH réticulés, ayant en principe un temps de résidence articulaire plus long. Efficacité ●●La viscosupplémentation a une efficacité modérée (20 %) mais significative par rapport au placebo, sur la douleur et la fonction, avec un taux important de patients répondeurs (60-70 % dans la gonarthrose). Elle permet une épargne en antalgiques opiacés et en AINS, avec un meilleur rapport bénéfices-risques, et pourrait retarder l’heure de la prothèse. L’effet chondroprotecteur reste à confirmer. L’efficacité clinique est retardée de 2 à 4 semaines par rapport aux infiltrations cortisoniques, mais se prolonge pendant 6 voire 12 mois (versus 1 à 3 semaines pour des corticoïdes). La co-injection systématique des deux n’est pas justifiée, n’ayant pas apporté de bénéfice net dans une étude récente (3) et obligeant à respecter un délai de 6 à 24 semaines (selon les produits) avant toute arthroplastie, pour ne pas augmenter le risque septique sur prothèse. est actuellement possible en France dans ce cadre, dans la gonarthrose seulement – et non dans les autres articulations – à raison d’un traitement par an et par genou, à condition que l’AH soit prescrit et administré par un spécialiste : rhumatologue, médecin physique et rééducateur, ou chirurgien orthopédique. Elle n’est pas indiquée à titre préventif, en l’absence d’effet chondroprotecteur prouvé avec les schémas actuels. Elle est réservée à l’arthrose symptomatique. Le renouvellement de la cure annuelle n’est indiqué que si l’arthrose est à nouveau symptomatique. Chez le sportif, l’innocuité de l’AH, reconnu comme non dopant, en fait un traitement d’appoint intéressant, à réaliser si possible en intersaison. À noter : la présence d’une chondrocalcinose radiologique (extrêmement fréquente chez le sujet âgé), n’est pas une contre-indication, dans la mesure où le patient n’est pas en poussée de pseudogoutte. Indications La viscosupplémentation est classiquement proposée dans l’arthrose, à condition qu’elle soit symptomatique, qu’il y ait échec et/ou intolérance au traitement médical – non pharmacologiques (conseils de réduction pondérale, d’activité physique, d’épargne et de stabilisation articulaire, orthèses), antalgiques, et AINS. Un remboursement forfaitaire Marche arrière des recommandations internationales Injection radioguidée d’un AH dans la hanche. Mise en place de l’aiguille par voie antéro-externe sous radioscopie. Injection d’une petite quantité de PDC iodé. Lorsque l’arthrogramme est obtenu, tentative d’aspiration de liquide synovial. Puis injection de 2 à 4 ml d’AH L’AH faisait jusqu’alors partie intégrante des recommandations internationales pour la prise en charge de la gonarthrose, de la coxarthrose et la rhizarthrose, parmi lesquelles les recommandations européennes de l’EULAR (4), qui reconnaissent une efficacité symptomatique réelle bien que modérée des injections d’AH. Une position qu’elles ont toutefois récemment remise en question dans la gonarthrose. Ainsi, pour le collège des rhumatologues américains (ACR), depuis 2012, les injections ne sont pas recommandées de façon générale dans la gonarthrose mais conditionnellement, en cas d’échec du traitement médical, en particulier chez des patients âgés de plus de 75 ans (5). Il en est de même pour la coxarthrose. Les associations de chirurgiens orthopédistes américains (AAOS) et britanniques (NICE) ne recommandent clairement pas l’utilisation de l’AH dans la gonarthrose (6,7). L’OARSI le recommande de façon incertaine (8). V. LEGRÉ-BOYER ●●Les injections articulaires d’acide hyaluronique (AH) ont un grand succès, du fait de leur simplicité d’utilisation et de leur bonne tolérance. Désignées sous le terme de viscosupplémentation, ou visco-induction, elles sont, avec les infiltrations cortisoniques, le principal traitement local de l’arthrose. Technique V. LEGRÉ-BOYER La controverse sur l’efficacité des injections articulaires d’acide hyaluronique est alimentée par certaines méta-analyses discordantes (1). Certains mauvais résultats seraient liés à une utilisation inappropriée des injections dans les études, mal adaptées au phénotype arthrosique des patients (poussée inflammatoire, souffrance osseuse,…). Congrès hebdo Technique habituelle d’injection d’un AH sur genou sec Introduction d’une aiguille de 21 gauge par la voie latéropatellaire externe (1-2 cm en dessous et en aval du bord supérolatéral de la rotule, genou en extension ou en légère flexion, quadriceps relâché). Une subluxation latérale de la rotule, imprimée préalablement par la main opposée, facilite la sensation de passage de la capsule. Tentative d’aspiration du liquide synovial. Puis injection de 2 à 6 ml d’AH sans résistance et sans douleur. Retrait de l’aiguille et mobilisation du genou en flexion-extension Stade d’évolution et site Il n’y a donc pas de profil de réponse bien identifié de la viscosupplémentation. La meilleure indication paraît être l’arthrose modérée en l’absence de poussée inflammatoire, c’est-à-dire sans épanchement important. Cependant, certaines études ont observé une efficacité dans les gonarthroses très évoluées, où les injections d’AH peuvent constituer une solution d’attente avant le remplacement prothétique. En revanche, les coxarthroses évoluées et destructrices rapides ne répondent pas à la viscosupplémentation, et restent du ressort de la chirurgie prothétique. Selon l’articulation concernée, la réponse aux injections peut varier. Pour le genou, l’indication idéale semble être l’arthrose fémorotibiale modérée sans épanchement. La localisation fémoropatellaire a été peu évaluée, son efficacité semble moindre. Dans la coxarthrose, les résultats sont globalement décevants, au terme d’études randomisées comportant peut-être un nombre insuffisant d’injections. Dans l’omarthrose, avec ou sans rupture de coiffe, et dans l’arthrose de cheville, les résultats sont encourageants, mais pas avec rupture de coiffe isolée ni capsulite. Quant aux petites articulations, l’efficacité de la viscosupplémentation est modeste (rhizarthrose), voire non probante dans l’hallux rigidus en mono-injection. À retenir Les injections articulaires d’AH conservent une place indiscutable dans le traitement de fond de l’arthrose symptomatique, surtout si elle est modérée et sans épanchement. L’apport est particulièrement appréciable chez les sujets jeunes ou âgés fragiles (polypathologiques et polymédicamentés), en alternative à la chirurgie. Il s’agit d’un traitement d’utilisation simple et bien toléré, à condition de posséder une bonne technique d’injection. L’efficacité est certes modérée, mais avec un taux important de patients répondeurs. La viscosupplémentation permet ainsi une épargne en antalgiques opiacés et en AINS, avec un bien meilleur rapport bénéfice-risque, et susceptible de retarder l’heure de la prothèse au genou. Des travaux restent à réaliser pour déterminer notamment les facteurs prédictifs de réponse au traitement et le meilleur schéma thérapeutique selon l’articulation. 06/11/2014 15:22:44 6 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 SOFCOT Activité sportive chez l’enfant Attention au surmenage squelettique La pratique sportive chez l’enfant présente de très nombreux bénéfices tant physiques que psychologiques et sociaux. Elle nécessite cependant d’être encadrée par une surveillance médicale périodique suffisamment au fait des risques squelettiques propres à ce groupe d’âge. Diversité des niveaux d’activité Dans un monde plutôt dominé par la sédentarité, certains enfants se passent d’activités physiques en dehors du cadre de l’école, d’autres Qui n’a pas eu à rédiger un certificat d’aptitude au sport ? participent régulièrement à des activités récréatives, d’autres enfin intègrent dans leur emploi du temps un club sportif, au point, pour certains, de développer un esprit de compétition spécifique. C’est parmi eux majoritairement que se rencontrent des lésions d’hypersollicitation de l’appareil locomoteur, mais cette pathologie est susceptible de toucher tous les groupes avec une sévérité variable. PHANIE ●●En chirurgie orthopédique, l’enfance englobe environ les deux premières décennies de vie, durant lesquelles le squelette n’a pas achevé sa croissance définitive. Avant sa maturité, le squelette est l’objet de constants remodelages. Certains enfants développeront une pathologie résultant des activités physiques, qu’il importera de traiter ou préférentiellement de prévenir. Spécificités de la croissance La persistance des cartilages de croissance, ou physes, accompagnée d’autres structures cartilagineuses également en remodelage, caractérise l’appareil locomoteur non mature. La pathologie souffre d’un certain degré de confusion en raison de la terminologie consacrée par l’usage. L’adoption du suffixe « ite » (ostéochondrite, épiphysite) fait sous-entendre une composante infectieuse ou inflammatoire qui n’est pas nécessairement descriptive de la lésion rencontrée. Une fois définie la topographie par rapport aux physes des épiphyses et des apophyses, le terme d’ostéochondrose, plus générique que son ancêtre traditionnel, permet de l’appliquer à chacune de ces topographies et d’en mieux préciser l’étiopathogénie. Leur origine mécanique et/ou traumatique se comprend aisément. ■ Dans l’ostéochondrose apophysaire, se produisent fréquemment des dysharmonies de croissance entre le système myotendineux et l’élément squelettique, susceptibles de générer des tractions excessives. Elles sont amplifiées à la fois par l’accélération de croissance pubertaire et des activités sportives focalisées sur l’épicentre des noyaux d’ossification secondaire. Conséquences : des microdécollements, des réactions inflammatoires cicatricielles, des ossifications ectopiques. ■ L’ostéochondrose physaire semble plutôt le fait d’une concentration anormale de contraintes compressives. Typiquement : le radius distal de la gymnaste ou du joueur de tennis. Les conséquences sont cette fois des défauts de minéralisation de la zone d’ossification, avec des inclusions cartilagineuses métaphysaires, un éventuel élargissement de la physe voire des troubles de croissances secondaires ; en principe réversibles par l’arrêt de l’environnement traumatique répétitif. ■ L’étiologie de l’ostéochondrose épiphysaire est loin d’être consensuelle. Il existe des théories multiples : endocriniennes, génétiques, vasculaires, et traumatiques... Ainsi, selon la localisation anatomique et son étiologie présumée, on utilise l’appellation d’ostéochondrite primitive ou d’ostéochondrite disséquante. L’ostéochondrite primitive touche le noyau d’ossification primaire dans sa globalité chez un enfant jeune (maladie de LeggPerthes-Calvé, de Köhler-Mouchet, de Panner) alors que l’ostéochondrite disséquante concerne une zone plus restreinte, ostéocartilagineuse, en zone portante chez l’enfant plus âgé – condyle fémoral, talus. L’étiologie des deux pathologies semble être multifactorielle, vasculaire et traumatique voire microtraumatique. la classification de Bédouelle en 4 stades de gravité croissante – le stade IV présentant un séquestre libre dans l’articulation. Suivant la gravité, le traitement est basé initialement sur l’arrêt des activités sportives mais peut, pour les formes plus évoluées, faire appel à des interventions de plus en plus souvent arthroscopiques de perforation ou de fixation d’un fragment libéré. ■ L’ostéochondrose apophysaire : la forme la plus fréquente est la maladie d’Osgood-Schlatter, intéressant la tubérosité tibiale antérieure. À un stade particulièrement actif de sa maturation, la tubérosité est incapable de lutter contre les forces exercées par le quadriceps, résultant en de micro-avulsions qui s’ossifient secondairement. Les avulsions du tendon rotulien restent rares. Cliniquement, on retrouve une douleur élective à la palpation de la tubérosité tibiale. L’interrogatoire doit rechercher une erreur dans le chaussage sportif par rapport au terrain d’entraînement, en particulier en étudiant la rigidité et l’amortissement de la chaussure. Les radiographies du genou permettent de suivre l’évolution de la maladie qui répond bien au repos sportif transitoire. À la cheville et au pied D’après la conférence d’enseignement du Pr Frank Launay, service de chirurgie orthopédique et pédiatrique, hôpital Timone Enfants, Marseille Un spectre étendu de pathologies ●●L’interrogatoire est essentiel. La douleur mécanique est le signe central des lésions d’hypersollicitation. Elle est classée en quatre stades, suivant sa chronologie par rapport à l’activité physique en cause, et son retentissement fonctionnel. Sa localisation doit être précisée au mieux ainsi que son impact sur l’activité sportive. La technique de celle-ci mérite une enquête fouillée (équipement, nombre d’entraînements hebdomadaires et durée…). L’examen clinique cherche avant tout à reproduire la douleur à la palpation. Un examen soigneux s’attachera à analyser l’état musculaire et tendineux et à éventuellement dépister des laxités articulaires. L’imagerie est surtout contributive au diagnostic différentiel avec une pathologie inflammatoire, infectieuse, voire tumorale. Membre supérieur Les lésions d’hypersollicitation du membre supérieur sont plus rares qu’au niveau du membre inférieur. Elles peuvent être répertoriées suivant l’articulation en cause. À l’épaule, il s’agit de l’atteinte du bourrelet (ou conflit sous-acromial) dans le cadre de la pratique intensive du tennis, de la gymnastique ou du handball. Au niveau de l’humérus proximal, il peut aussi être noté des microtraumatismes physaires avec élargissement de la physe proximale (gymnastique, tennis, volley-ball, natation). Chez le gymnaste pour lequel le coude est transformé en articulation de charge, c’est au niveau du capitulum que les lésions sont le plus souvent retrouvées (il transmet 60 % des forces en compressions). L’ostéochondrose primitive, ou maladie de Panner, touche l’ensemble du capitulum chez l’enfant de 6 à 10 ans. L’ostéochondrose disséquante en atteint une partie seulement, chez l’enfant plus grand. L’atteinte est le plus souvent du côté droit, semblant encore une fois montrer l’importance du facteur traumatique. On retrouve également une douleur latérale avec une limitation de l’extension, mais il peut se produire des épisodes de blocage CHSP9364_006_007_QVW 6 du coude. Le fragment ostéochondral intéressé est le siège d’une nécrose avasculaire osseuse, qui va suivre les différentes phases de réparation avec une revascularisation, une invasion par un tissu de granulation, l’ostéoclasie du foyer de nécrose, la croissance d’un néotissu ostéoïde, et enfin une phase de remodelage. Le traitement curatif est tout d’abord l’arrêt du sport, qui peut être définitif en cas de persistance de la symptomatologie. Le pronostic doit être réservé car le capitulum est un noyau mature avec une faible capacité de remodelage. La pathologie la plus fréquente concernant le poignet est l’ostéochondrose physaire du radius distal chez le gymnaste. Anatomiquement, les adolescents ont tendance à avoir un index ulnaire négatif, c’est-à-dire une ulna plus courte que le radius. Les contraintes du carpe chez le gymnaste vont ainsi plutôt se faire au niveau du radius, entraînant des lésions de la physe. L’atteinte n’est en général pas homogène et touche surtout la partie radiale et antérieure du cartilage de croissance, pouvant provoquer des raccourcissements du radius avec un index ulnaire qui se positive, ou des déformations pouvant ressembler à une celle de Madelung. Le repos et surtout l’immobilisation avant l’apparition des ponts d’épiphysiodèse sont prescrits. Au stade de l’élargissement physaire, l’immobilisation pendant 4 à 6 semaines permet la disparition de la symptomatologie clinique et radiologique. Hanches, bassin L’ostéochondrose la plus étudiée, celle de la hanche, connue sous le nom de maladie de Legg-PerthesCalvé peut faire l’objet d’un traité indépendant et sera donc délibérément passée sous silence ici. Épines iliaques, petit trochanter ou tubérosité ischiatique sont des sites reconnus de lésions apophysaires, plutôt sur le mode aigu à type d’arrachement. Ils surviennent sur un squelette en fin de maturation, avec des muscles puissants et souvent raccourcis. Le muscle en cause est en général identifié : sartorius pour l’arrachement de l’épine iliaque antérosupérieure, rectus femoris pour l’épine iliaque antéro-inférieure, ischio-jambiers et l’adductor magnus pour des arrachements de la tubérosité ischiatique. La radiographie standard identifie en général facilement de tels arrachements. Le traitement conservateur (repos, suspension du sport) conduit à la guérison, il reste très exceptionnel de devoir recourir à une réparation chirurgicale. La pubalgie, caractérisée par des algies autour du pubis, devient fréquente chez l’adolescent. Peuvent être en cause : une maladie d’insertion des grands droits ou des adducteurs, une ostéopathie pubienne microtraumatique, une pathologie du canal inguinal. Il existe en général une combinaison de plusieurs de ces pathologies lors de la pratique du football essentiellement. L’interrogatoire doit rechercher des facteurs favorisants, comme une modification du type d’entraînement, du terrain, et un problème de préparation physique. L’examen clinique explore une douleur au testing des différents muscles concernés afin de mieux cerner le problème. Le traitement est basé avant tout sur le repos, puis sur un travail de reprogrammation musculaire de la paroi abdominopelvienne. ■ L’ostéochondrose du talus est une ostéochondrose disséquante. Les deux localisations préférentielles sont antérolatérale et postéromédiale, celle-ci étant plus fréquente. Certains avancent son origine microtraumatique, et d’autres ischémique ; il existe en fait une origine multifactorielle, traumatique et vasculaire. D’un point de vue clinique, il s’agit classiquement d’une pathologie du grand enfant de plus de 10 ans, pratiquant un sport en salle de type volley-ball ou handball, avec un revêtement peu amortissant et un mauvais chaussage. La douleur est mécanique et médiale. Repos, éventuelles perforations ou fixation d’un fragment séparé constituent les principales armes de traitement. ■ L’ostéochondrose du calcanéus, ou maladie de Sever, a la même physiopathologie que la maladie d’OsgoodSchlatter, à savoir des tractions répétées du tendon d’Achille au niveau du noyau d’ossification secondaire du calcanéus. Elle est rencontrée plus volontiers chez le garçon entre 8 et 12 ans. Les douleurs sont plutôt bilatérales et asymétriques. Le traitement est basé sur un repos sportif très transitoire, des orthèses plantaires à visée amortissante, et des exercices d’étirement du système suro-achiléo-plantaire. Au genou ■ L’ostéochondrose épiphysaire : la forme la plus fréquente est l’ostéochondrose disséquante du condyle fémoral ou maladie de König. Elle touche le plus souvent le garçon, sur son condyle médial. Cliniquement, l’examen est pauvre. La douleur, de type mécanique augmentant à l’effort et cédant au repos, est mal précisée. Le bilan radiographique de base comprend des radiographies du genou de face, de profil, et en incidence intercondylienne afin de visualiser les lésions postérieures. L’IRM complète généralement le bilan afin d’évaluer la vitalité du fragment, le potentiel de croissance, la surface articulaire, ainsi que l’interface os-fragment. Le bilan radiologique caractérise le stade évolutif selon La prévention, clef de l’arsenal thérapeutique ●●Même si la demande de l’enfant et de son entourage est de faire disparaître la douleur afin de permettre la reprise du sport, il est important de mettre en place un traitement préventif afin d’éviter la récurrence ou la chronicisation des lésions. Il faut détecter d’éventuels facteurs favorisants de ces lésions d’hypersollicitation, et rechercher des erreurs dans le choix de l’équipement sportif. En ce qui concerne la qualité de la pratique sportive, il est important d’impliquer l’entraîneur, afin de mieux analyser le geste sportif et ses éventuelles erreurs d’exécution, même en l’absence de douleurs. Une surveillance périodique est préférable. Il faut également prendre en compte le stade d’avancée pubertaire de l’enfant. Les maquettes cartilagineuses sont particulièrement fragiles surtout avant l’âge de 12 ans, et il importe d’en tenir compte. L’éducateur ou l’entraîneur doivent être sensibilisés à cette notion afin de pouvoir adapter au mieux la charge de travail à chacun, éviter une spécialisation sportive trop précoce, et impliquer l’enfant dans sa prise en charge préventive. 06/11/2014 15:23:17 LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 Congrès hebdo 7 Tiges fémorales non cimentées Déterminer la stabilité primaire Prothèse totale de hanche Prise de tête sur le diamètre La réflexion sur le diamètre des surfaces arthroplastiques de hanche est toujours d’actualité. Pour l’instant, les solutions adoptées sont plutôt satisfaisantes. On ne peut pas exclure des évolutions supplémentaires à l’avenir mais leurs résultats resteront marginaux. ●●Bien que les dispositifs de prothèse totale de hanche (PTH) utilisés de nos jours soient directement apparentés aux tout premiers, ils n’ont pas cessé d’évoluer. Les configurations des arthroplasties totales de hanche n’ont cessé de se modifier : mode de fixation – cimenté ou non –, dessin des implants et diamètre de la tête prothétique, sujet actuellement d’importants débats. Il est établi que plus le diamètre de la tête est important, moins il y a de risque de luxation. D’un autre côté, ce diamètre joue aussi un rôle indéniable dans le taux d’usure, la restauration biomécanique de la hanche, le respect de la proprioception, la survenue de douleurs inguinales, d’effets cames et la restauration des amplitudes articulaires. Des petites à succès L’utilisation à grande échelle des PTH a été possible grâce à l’introduction, dans l’interface articulaire de référence en métal/polyéthylène, de têtes de très petit diamètre (22 mm), réduisant ainsi le cœfficient de friction. Cela réduisait les phénomènes d’usures et assurait une longévité satisfaisante à la prothèse. La mode actuelle est d’implanter des têtes de grand diamètre afin de diminuer le risque de luxation. Ceci a été rendu possible par l’évolution des matériaux (polyéthylène réticulé et couples de friction « durdur »). Cependant, le risque de complications (usure, douleurs…) a été majoré. Jusqu’à 36 mm de diamètre, les gains d’amplitudes articulaires, de réduction d’un effet came et du risque de luxation sont établis. Audelà, il n’y a plus d’amélioration significative. Approche écologique Si l’on veut adopter une approche écologique de l’arthroplastie de hanche – c’est-à-dire respect du diamètre fémoral natif – seul le resurfaçage de hanche à couple métalmétal est possible (voir illustration). Une approche plus traditionnelle, avec une prothèse à tige fémorale et une tête de grand diamètre, comporte des incertitudes, notamment sur la fiabilité des implants à long terme. Le couple céramique-céramique en grand diamètre est exposé aux mêmes problèmes le couple métalmétal de la même taille : douleurs inguinales, squeaking (grincement de la prothèse), descellement acétabulaire précoce et friction majeure au niveau du cône morse de la tige fémorale. En dehors du resurfaçage de hanche, il semble en l’état actuel prudent de ne pas implanter de prothèses à tête fémorale de plus de 36 mm. D’après la conférence d’enseignement du Pr Julien Girard, responsable médecine et sport de la faculté de Lille 2, service d’orthopédie C, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille. Activité physique, muscle, santé, faculté sciences du sport et de l’éducation physique, université Lille 2 ●●Si l’épopée glorieuse des prothèses de hanche débutée il y a plus d’un demi-siècle se poursuit encore vigoureusement, le succès de cette intervention se juge à la longévité de la fonction rétablie. Elle tient à la solidarisation prolongée entre le squelette récepteur et l’implant prothétique. Certaines écoles privilégient l’usage du ciment, d’autres non. Ce matériau crée une interface de comblement permettant la transmission des forces de la prothèse au squelette. Elle peut s’avérer fragile au fil des années, c’est pourquoi d’autres équipes préfèrent la fixation sans ciment : par emboutissage très ajusté entre la prothèse et le fut fémoral récepteur. Cette fixation primaire est plus ou moins stable en fonction du degré d’ajustement et peut parfois s’accroître lorsque se produisent des phénomènes de repousse osseuse autour de la prothèse. cadavériques restent la référence, mais sont limitées à quelques évaluations ponctuelles simultanées, et biaisées par déformation globale de l’os en charge. Au niveau du fémur, nous avons développé un dispositif expérimental unique, permettant de quantifier les micromouvements à l’interface os-implant, ainsi que la distance entre la tige et l’os (1, 2). Il s’agit d’une analyse d’images de microtomodensitométrie d’un fémur cadavérique implanté et mis en charge. Des billes radio-opaques sont implantées de façon régulière sur la surface du canal médullaire. Cette technique permet donc d’avoir une mesure quasi-continue des micromouvements et de l’interstice entre la tige et l’os. Ce dispositif a été récemment amélioré afin de tester deux conditions de charges : une compression de 1 800 N et une torsion de 14 Nm. Les résultats ont montré la complexité et la grande variabilité de la stabilité primaire, selon le type de tige ou l’anatomie du fémur. Cette nouvelle méthode permettra d’adapter le choix de l’implant et la technique d’implantation au patient, pour obtenir une stabilité primaire optimale. D’après la conférence d’enseignement d’Alexandre Terrier*, Valérie Malfroy Camine* et Hannes Rüdiger** * Laboratoire de biomécanique en orthopédie, école polytechnique fédérale de Lausanne, responsable de table ronde. Head of Joint Biomechanics Group. Laboratory of Biomechanical Orthopedics EPFL, Suisse ** Service d’orthopédie et de traumatologie, centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne, Suisse (1) Gortchacow M et al. Simultaneous and multisite measure of micromotion, subsidence and gap to evaluate femoral stem stability. Journal of Biomechanics 2012 (2) Gortchacow M et al. A new technique to measure micromotion distribution around a cementless femoral stem. Journal of Biomechanics 2011;44(3):557-60 Micromouvements (μm) √ Des mesures à l’interface os-implant et distance tige-os Le descellement aseptique est une cause importante d’échec de l’arthroplastie totale de hanche non-cimentées. Ce problème est complexe et multifactoriel, mais fortement associé à la stabilité primaire de la tige fémorale : elle est en effet nécessaire pour garantir l’ostéo-intégration de la tige, et sa fixation à long terme. Évaluer la stabilité primaire suppose de mesurer les micromouvements relatifs entre l’implant et la surface osseuse adjacente, ce qui est impossible à réaliser sur le patient. La prédiction par modélisation informatique est une option, mais difficile à valider. Les mesures Antérieur Médial Postérieur Latéral DR J. GIRARD Resurfaçage de hanche à couple métal-métal. Une recherche fondamentale intense se poursuit autour du thème de la fixation prothétique, aspect essentiel du succès d’une prothèse de hanche. Un dispositif expérimental permet désormais de quantifier les micromouvements à l’interface os-implant, ainsi que la distance entre la tige et l’os. Explications de l’équipe. Les micromouvements mesurés autour de la partie diaphysaire de la tige fémoral varient entre 0 (bleu) et 40 µm (rouge) Nouvelles technologies L’os exploré au plus près Que ce soit dans le domaine de la biologie ou de l’imagerie osseuse, les avancées récentes sont majeures, ce qui a multiplié les possibilités d’évaluation non invasive de l’os, notamment avec l’HR-pQCT. ●●L’os possède classiquement trois fonctions : le stockage de calcium, la protection mécanique et la locomotion, qui permet à chaque individu de chasser, se nourrir ou encore de fuir… En sus de ces éléments vitaux à la survie de l’espèce, les données récentes de biologie prouvent que l’os est un véritable organe endo- CHSP9364_006_007_QVW 7 crine, en communication permanente avec le système vasculaire, le tissu adipeux, le système nerveux central et le système reproducteur notamment. Ostéocyte La biologie osseuse a été révolutionnée récemment par la compréhension du rôle pivot de l’ostéocyte dans la physiologie osseuse, en plus des deux types cellulaires classiquement connus et décrits dans le remodelage osseux (ostéoblastes/formation osseuse et ostéoclastes/résorption osseuse), Le FGF23, comme la scléros- tine, est synthétisé par l’ostéocyte mature, enclavé dans sa matrice minéralisée. La sclérostine inhibe l’activité ostéoblastique, via une action inhibitrice de LRP5 dans la voie Wnt/ßcaténine. Des mutations inhibitrices de SOST sont associées à des phénotypes de masse osseuse élevée (dysplasie sclérosante des os), tout comme les mutations activatrices de LRP5. À l’opposé, des mutations inhibitrices de LRP5 induisent le syndrome d’ostéoporose/pseudogliome. La liste des biomarqueurs permettant d’étudier de manière non invasive l’os est exponentielle, des plus simples (phosphore, calcium, produit phosphocalcique, parathormone, vitamine D) aux plus compliqués : FGF23, fétuine, ostéoprotégérine, adiponectine, sclérostine, leptine, ostéocalcine pour n’en citer que quelques-uns…. L’histomorphométrie reste la technique de référence pour apprécier l’atteinte osseuse, mais elle est rarement utilisée en pratique courante. L’absorptiométrie biphotonique (DXA) évalue la densité minérale osseuse (DMO). Cependant, en 2000, l’OMS a redéfini l’ostéoporose, en introduisant des critères de qualité osseuse (micro-architecture, géométrie et minéralisation), en plus du critère quantitatif représenté par la DMO. De nouvelles techniques d’imagerie osseuse performantes, peu irradiantes et novatrices ont donc été développées, en particulier la tomographie périphérique quantitative de haute résolution (HR-pQCT, avec une résolution de 82µm3 !) ou l’IRM. D’après la conférence d’enseignement de la Dr Justine Bacchetta, centre de référence des maladies rénales rares, hospices civils de Lyon, INSERM 1033 et université de Lyon 06/11/2014 15:23:18 8 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 SOFCOT Arthrose du poignet ●●L’arthrose est un processus dégénératif chronique, non inflammatoire, par atteinte initiale du cartilage. Au poignet, elle est souvent secondaire à des séquelles traumatiques ou à une affection métabolique (1-3). Elle peut se manifester comme une simple affection douloureuse chronique, jusqu’à la paralysie de la main. À ce stade, le traitement conservateur par antalgiques, anti-inflammatoire non stéroïdiens (AINS), orthèse et infiltration(s), doit toujours être tenté dans un premier temps. La chirurgie fait appel à de nombreuses techniques dites palliatives, dont le choix est déterminé par l’étiologie, la localisation de l’arthrose et le patient (4). Caractéristiques La prévalence de l’arthrose du poignet n’est pas connue, elle est en effet souvent asymptomatique, en particulier après fracture du radius distal, mais aussi après instabilité scapholunaire (5, 6). Une seule analyse systématique de 4 000 radiographies de poignets a retrouvé une arthrose dans un peu plus de 5 % des cas, qui concernait à 95 % les articulations autour du scaphoïde (1). Les causes traumatiques sont dominées par les lésions ligamentaires dissociatives de la première rangée (désaxations scapholunaire et triquétrolunaire) et ostéo-articulaires (pseudarthrose du scaphoïde ou cal vicieux articulaire du radius distal). L’arthrose peut aussi faire suite à une affection inflammatoire ou métabolique : chondrocalcinose articulaire (CCA) surtout, ou goutte, nécrose osseuse primitive (maladie de Kienböck ou de Preiser), malformation (maladie de Madelung) [2, 3, 7]. Rarement, il n’y a pas d’étiologie patente, comme dans certaines arthroses scapho-trapézo-trapézoïdiennes (STT). En fonction de l’étiologie, la topographie et l’évolution de l’arthrose sont relativement stéréotypées et conditionnent en partie le traitement chirurgical. L’arthrose sur pseudarthrose du scaphoïde (fig. 1) et désaxation scapholunaire (fig. 2) débute au niveau de l’interligne radioscaphoïdien (stades 1 et 2) puis concerne l’interligne médiocarpien (fig. 3 et 4), en particulier capitolunaire (stade 3) [5, 8]. L’arthrose sur désaxation triquétrolunaire concerne d’emblée l’interligne médiocarpien. Fait essentiel, CHSP9364_008_009_QVW 8 Données cliniques et examens complémentaires La clinique est assez stéréotypée, associant des douleurs mécaniques, une diminution des mobilités et une perte de force. Ce tableau est généralement d’installation progressive mais parfois déclenché par un traumatisme ou une activité soutenue inhabituelle. La survenue d’un épisode inflammatoire aigu doit faire évoquer une possible CCA. À l’examen, outre la limitation des mobilités, on peut retrouver une tuméfaction le plus souvent dorsoradiale liée à la fois aux ostéophytes et à une synovite localisée. La palpation doit préciser tous les sites douloureux et explorer aussi l’articulation radioulnaire distale, un problème associé à ce niveau pouvant être une source d’échec relatif (4, 9). Les radiographies standards, de face et de profil, sont le plus souvent suffisantes pour porter le diagnostic d’arthrose ainsi que celui de son étiologie (fig. 1 à 4). La présence de calcifications du ligament triangulaire sera aussi recherchée ainsi qu’une arthrose des métacarpophalangiennes, en faveur d’une CCA. La réalisation d’un scanner ou mieux d’un arthroscanner doit être systématique avant une arthrodèse partielle, pour confirmer la bonne qualité de l’interligne restant ainsi qu’avant une résection de la première rangée pour préciser l’état du cartilage de la tête du capitatum. Techniques palliatives ■ Les résections arthroplastiques suppriment un conflit douloureux par la résection de tout ou partie d’un os, voire de plusieurs. La plus utilisée est la résection de la première rangée des os du carpe (RPRC) [fig. 5] mais elle n’est réalisable que si les cartilages de la fossette lunarienne du radius et de la tête du capitatum sont respectés (10, 11). Ses bons résultats se maintiennent, avec un taux de survie de 65 % à plus de 20 ans (11), les échecs précoces sont de l’ordre de 5 à 12 % (10,12). Environ 50 % des patients ne ressentent aucune douleur. Les résultats sont moins satisfaisants chez les travailleurs manuels lourds (12) et, moins durables chez les sujets jeunes (11). La résection arthroplastique peut être associée à une interposition tendineuse ou à un matériau synthétique, le pyrocarbone – biocompatible sans ostéo-intégration avec un faible coefficient de frottement et un module de Young proche de l’os (14,15). Il a donné lieu à différents implants d’interposition qui semblent bien tolérés mais sont exposés au risque de luxation (16). ■ Les arthrodèses partielles sont préconisées lors d’une arthrose localisée, avec persistance d’au moins un interligne de bonne qualité (17). Globalement, la mobilité moyenne restante est de 50 à 67 % (3) avec une échelle d’évaluation de la douleur (EVA) moyenne de 2 à 3/10, l’indolence complète étant obtenue dans 50 Figure 1. Arthrose débutante sur une pseudarthrose du scaphoïde (stade 1). Elle concerne l’interligne entre le fragment distal du scaphoïde et la styloïde radiale qui a un aspect anormalement effilé. Notez que l’interligne scaphotrapézotrapézoïdien présente aussi un début d’arthrose à 60 % des cas (9, 18). Elles sont associées à un pourcentage important de complications précoces, dominées par les pseudarthrodèses (17). Dans le traitement de l’arthrose sur pseudarthrose du scaphoïde ou désaxation scapholunaire, l’arthrodèse médiocarpienne (AMC) est associée à une scaphoïdectomie (fig. 6). En l’absence de complication initiale, elle donne des résultats qui restent satisfaisants au-delà de 10 ans et préserve 60 à 80 % de la force (19). ■ L’arthrodèse totale (AT, fig. 7) n’est souvent réalisée qu’après échec d’une ou plusieurs interventions préservant la mobilité (20) or dans ces conditions elle donne de moins bons résultats (4). Si elle est réalisée en première intention, l’AT procure une EVA moyenne de 2/10 et une force de 80 à 90 %, et permet le plus souvent le reprise du travail (4). La perte de la mobilité est rarement ressentie comme un problème, avec un taux de satisfaction de 80 à 100 % (20). ■ La dénervation est un traitement symptomatique, qui agit par suppression des informations nociceptives d’origine articulaire. Des échecs immédiats et une dégradation du bénéfice sont possibles les premières années mais, au-delà, les résultats semblent stables (28). Le taux de reprises varie de 0 à 16 %. Au prix d’une faible morbidité et d’un arrêt de travail court, elle permet de préserver la mobilité voire de l’améliorer, au moins à moyen terme (21). La dénervation soulage la douleur dans 70 à 75 % des cas, avec une EVA de 2 à 3, 80 % des patients sont satisfaits. Le résultat n’est pas lié à l’âge, mais le soulagement est insuffisant chez les manuels lourds (21). ■ Concernant les prothèses totales de poignet (PTP), même si les dernières séries rapportent des résultats plus favorables, l’évolution de la fixation de l’implant distal reste problématique (22). Parmi elles, la ReMotion semble donner des résultats prometteurs dans les poignets dégénératifs avec 92 % de survie à 4 ans de recul moyen et un taux de satisfaction de 95 % (23), mais le taux de descellements est de 18 %. ■ Les greffes ostéochondrales autologues d’origine costale peuvent être utilisées à la fois comme spacer ou en resurfaçage. Concernant les poignets dégénératifs, Obert et al. les ont utilisés pour traiter des SLAC et SNAC wrists, des cals vicieux limités à la surface lunarienne du radius et des maladies de Kienböck de stade IV (24). Les auteurs rapportent des Figure 2. Arthrose de stade 2 sur une désaxation scapholunaire. L’interligne radioscaphoïdien est globalement pincé (cf cliché oblique) mais les interlignes médiocarpiens et radiolunaires sont préservés résultats favorables à la fois sur la douleur et la fonction, avec des greffons viables. Indications chirurgicales En cas d’échec du traitement médical, le choix thérapeutique se fait d’abord en fonction de l’étiologie et l’étendue de l’arthrose, pondéré par les mobilités restantes, l’âge et la demande fonctionnelle du patient (3,4). Il faut aussi prendre en compte ses possibilités de reconversion professionnelle. Chaque intervention a des complications potentielles et des limites que le patient doit connaître et auxquelles il s’adaptera plus ou moins en fonction du contexte psychosocial. En cas d’échec précoce, la nécessité d’une seconde opération retardera sa réintégration socioprofessionnelle et augmentera le risque d’échec d’une arthrodèse totale. Il faut préserver au maximum un débattement articulaire tout en gardant à l’esprit que les études montrent que le retentissement fonctionnel est comparable quel que soit le degré de restriction (10, 20) ; l’objectif prioritaire reste le soulagement efficace de la douleur (4). ■ Dans les formes évoluées de maladie de Kienböck, le traitement palliatif s’impose le plus souvent. Une arthrodèse partielle est possible pour décharger le lunatum mais on remarque plus d’échecs qu’avec l’AT (17). Celle-ci donne un résultat fiable auprès des patients jeunes et manuels (4). Auprès des patients sédentaires ou âgés, avec des mobilités préservées, la dénervation peut éviter une immobilisation et les complications potentielles des arthrodèses (10,21). L’utilisation d’un spacer de cartilage costal reste à valider à long terme (24). ■ Dans les arthroses avec instabilité scapholunaire et pseudarthose du scaphoïde, une méta-analyse comparant les séries de RPRC et d’AMC n’a pas montré de différence en ce qui concerne le soulagement de la douleur, la force et le résultat subjectif (13). La RPRC est techniquement plus simple, avec une faible morbidité qui contrebalance le risque d’échec précoce inhérent à cette intervention et elle pourrait préserver une dizaine de degrés supplémentaires (12,13). Dans les stades 2 chez un manuel lourd, l’AMC paraît plus logique car la dégradation de l’interligne serait plus tardive. Pour un patient peu manuel ou sédentaire, la RPRC ou la dénervation sont possibles, en fonction de l’âge, des mobilités et des désirs du patient. Pour les stades 3, il n’y a plus de place pour la RPRC et, en fonction de l’âge et de l’activité, on discute entre AMC et dénervation. ■ Pour les arthroses radiocarpiennes secondaires à une fracture J. LAULAN l’interligne radioulnaire est habituellement indemne et peut être utilisé pour conserver un peu de mobilité au poignet. Au contraire, l’arthrose après fracture articulaire du radius distal concerne l’interligne radiocarpien. Elle est généralement bien tolérée, même à long terme (6). L’atteinte peut être limitée à l’articulation radiolunaire, après une fracture localisée, une maladie de Kienböck ou dans la CCA (2). J. LAULAN Après échec du traitement conservateur, le choix thérapeutique de l’arthrose du poignet doit faire l’objet d’une réflexion qui prendra en compte l’âge et les différentes activités du patient. Chez les sujets âgés, la dénervation est intéressante du fait de sa faible morbidité ; elle soulage efficacement les trois quarts et permet de préserver la mobilité restante. Sinon, la résection de la première rangée des os du carpe (RPRC) et l’arthrodèse médiocarpienne (AMC) sont les deux interventions de référence pour l’arthrose de stade 2. L’arthrodèse totale ne doit pas être réservée uniquement aux échecs, elle pourra permettre au patient de reprendre une activité manuelle lourde et de ne pas se retrouver désocialisé. La place des implants partiels, greffes chondrocostales et prothèses totales du poignet (PTP) reste à définir. J. LAULAN Des interventions à la carte Figure 3. Arthrose évoluée sur pseudarthrose du scaphoïde, touchant aussi l’interligne médiocarpien (stade 3). Notez que malgré le caractère évolué de l’arthrose, l’interligne radiolunaire est préservé articulaire du radius, l’intervention de référence est l’arthrodèse radioscapholunaire associée à une résection du pôle distal du scaphoïde (9). Dans les formes localisées à l’interligne radiolunaire, peuvent être envisagées soit une arthrodèse radiolunaire, soit une greffe ostéochondrale (24). Pour l’arthrose STT isolée, le traitement de référence reste l’arthrodèse STT. Peut aussi se discuter une résection du pôle distal scaphoïde avec interposition, mais elle présente un risque d’instabilité secondaire (16). Enfin, pour une arthrose pisotriquétrale symptomatique, l’ablation sous-périostée du pisiforme est le traitement de choix (3,10). Dans les atteintes diffuses avec un poignet raide et douloureux, le choix se fera entre l’arthrodèse totale chez un patient manuel jeune (fig. 7) et la dénervation chez un sédentaire. Chez un sujet âgé, l’intervention de première intention est la dénervation ; il n’y a qu’en cas d’échec qu’une arthroplastie d’interposition ou une PTP peut être discutée. D’après la conférence d’enseignement du Dr Jacky Laulan, unité de chirurgie de la main, CHRU de Tours (1) Watson HK, Ballet FL. J Hand Surg Am 1984;9:358-65 (2) Saffar P. J Hand Surg Eur 2004;29:486-93 (3) Weiss KE et al. J Hand Surg Am 2007;32:725-46 (4) Laulan J et al. Orthop Traumatol Surg Res 2011;97:S37-41 (5) Laulan J. Chir Main 2009;28:192-206 (6) Roux C et al. Ann Orthop Ouest 2000;32:121-8 (7) Bain GI et al. J Wrist Surg 2012;1:103–114 (8) Le Nen D. Conférences d’enseignement SOFCOT 2010;99:18-47 (9) Garcia-Elias M et al. J Hand Surg Am 2005;30:8-15 (10) Le Nen D et al. Orthop Traumatol Surg Res 2011;97:S31-6 (11) Wall LB et al. J Hand Surg Am 2013;38:1498-504 (12) Richou J et al. Chir Main 2010;29:10-5 (13) Mulford JS et al. J Hand Surg Eur 2009;34:256-63 (14) Péquignot JP et al. Chir Main 2000;19:276-85 (15) Bellemère P et al. J Wrist Surg 2012;1:131-8 (16) Garcia-Elias M. J Hand Surg Am 2011;36:516-20 (17) Larsen CF et al. J Hand Surg Am 1997;22:66-73 (18) Siegel JM et al. J Hand Surg Am 1996;21:717-23 (19) Neubrech F et al. J Wrist Surg 2012;1:123-8 (20) Weiss AC et al. J Hand Surg Am 1995;20:813-7 (21) Simon E et al. Chir Main 2012;31:306-10 (22) Allieu Y, éd. Arthroplasties radiocarpiennes. Montpellier, Sauramps Médical 2012 (23) Herzberg G et al. J Wrist Surg 2012;1:17-22 (24) Obert L et al. J Wrist Surg 2013 ;2:234-8 06/11/2014 15:23:49 LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 Congrès hebdo 9 Dégénérescence discale J. LAULAN Figure 4. Arthrose de stade 3 sur une désaxation scapholunaire. L’interligne médiocarpien est lui aussi concerné par l’arthrose alors que l’interligne radiolunaire est toujours préservé Figure 5. Résection de la première rangée. La tête du capitatum devient articulaire avec la surface lunarienne du radius, nécessitant l’intégrité de ces deux surfaces. Elle n’est donc utilisable que dans les stades 1 et 2 des arthroses sur pseudarthrose du scaphoïde et sur instabilité sacpholunaire (cf figures 1 et 2) Pour comprendre les troubles et apporter un regard neuf sur l’étiologie et les méthodes de traitement des lombalgies avec trouble de l’équilibre sagittal, il est essentiel d’analyser l’équilibre rachidien global, y compris les paramètres pelviens. Si un geste chirurgical d’arthrodèse est envisagé, il faudra respecter ou recréer les lordoses correspondant à ceux-ci. ●●L’être humain vit debout, soumis aux lois de la pesanteur et le rachis subit les contraintes liées à cette station, qui a été à l’origine de l’apparition des courbures rachidiennes sagittales caractéristiques de l’espèce. Le système musculoligamentaire joue un rôle primordial dans le maintien de l’équilibre. La dégénérescence discale est un phénomène inéluctable qui va modifier les courbures rachidiennes du fait de la perte de hauteur du disque. Ces changements sont importants à analyser pour mieux comprendre certaines lombalgies dont l’origine mécanique confirmée est parfois mal identifiée. Il faut différencier deux parties dans la colonne vertébrale : le pelvis (bassin) et le rachis de C7 à S1 (le rachis cervical ne sera pas abordé ici). Considéré comme la vertèbre pelvienne, le bassin a deux rôles : de socle, sur lequel s’encastre la colonne et de transmisson de la charge aux têtes fémorales, qui vont la distribuer aux membres inférieurs jusqu’au sol. J. LAULAN Complexe spinopelvien J. LAULAN Figure 6. Arthrodèse médiocarpienne associée à une scaphoïdectomie. Le seul impératif est la préservation de l’interligne radiolunaire. Elle est donc réalisable aussi dans les arthroses de stade 3 (cf figures 3 et 4) Figure 7. Arthrodèse totale du poignet chez un patient manuel qui avait une forme évoluée de maladie de Kienböck et qui a pu reprendre la même activité professionnelle CHSP9364_008_009_QVW 9 Paramètres pelviens L’anneau pelvien rigide est caractérisé par l’angle d’incidence pelvienne (IP), intersection d’une ligne qui va du centre des têtes fémorales jusqu’au milieu du plateau sacré (elle rend compte du volume du bassin) et d’une autre, perpendiculaire au milieu du plateau sacré (elle caractérise le vecteur de transmission de la charge du rachis sus-jacent). L’ IP décrit ainsi une relation entre le plateau sacré et les têtes fémorales. C’est un paramètre de morphotype individuel. Le bassin étant susceptible de tourner autour des têtes fémorales, deux autres angles liés à l’IP par une relation géométrique sont utilisés pour décrire la position de celui-ci. Le Pelvis tilt (PT) ou version pelvienne est l’angle entre la verticale passant par le centre des têtes fémorales et une ligne rejoignant leur centre à celui du plateau sacré (quand le pelvis tourne en rétroversion, le PT augmente et inversement). La pente sacrée ou Sacral slope (SS) est l’angle du plateau sacré avec l’horizontale. IP = SS + PT. Paramètres rachidiens La forme sagittale de la colonne vertébrale est caractérisée par une série de courbes définissant lordose lombaire et cervicale et cyphose thoracique. La limite théorique anatomique de la lordose lombaire est définie par les vertèbres T12 et L5. Ceci ne correspond pas à la réalité mécanique car elle peut être plus ou moins longue. C’est pourquoi il est préférable de redéfinir ses points de mesure, avec le plateau de S1 en limite distale ; le point d’inflexion en limite supérieure, défini par une analyse de la forme de la colonne vertébrale sur l’axe sagittal et correspondant au changement réel de courbure de la lordose vers la cyphose ; l’apex de la lordose lombaire (point le plus antérieur de la lordose sur un rachis en position verticale). On peut ensuite tracer, sur un mode biomécanique, les courbures du rachis avec un modèle dessinant deux arcs tangentiels d’un cercle. Le point tangentiel est localisé à l’apex et les centres de l’arc touchent la ligne horizontale dessinée de l’apex. L’arc proximal est stable autour de 15–19° en moyenne. Ceci implique que la valeur globale de la courbure lombaire est directement liée à la valeur de l’arc distal. De la même manière, on calcule l’angle de cyphose thoracique entre le point d’inflexion et le plateau de C7. nopelvien. Situations pathologiques Relation entre les paramètres pelviens et rachidiens Dans toutes les études, il y a une forte corrélation entre SS et angle de la lordose (R = 0,86 ; p < 0,001), montrée ensuite par le nouveau modèle géométrique avec deux arcs de cercle tangentiels. Approximativement, la lordose lombaire (LL) = IP + 10°. Ainsi on comp r e n d les Trois situations pathologiques peuvent se présenter. Soit le patient n’a jamais été normal : c’est le cas des spondylolisthésis avec lyse isthmique qui apparaissent avant l’adolescence et ont tous un potentiel évolutif majeur d’autant plus élevé que le plateau sacré est en forme de dôme. Soit il était initialement normal et un événement intercurrent brutal (trauma, infection, tumeur…) a conduit à un changement d’organisation des vertèbres et provoqué un nouveau stress local sur un segment précis du rachis. Il va tenter de s’adapter en adaptant l’équilibre rachidien dans les limites autorisées par ses paramètres anatomiques comme l’IP. Les disques normaux et le système musculoligamentaire vont tenter de compenser le défaut en adaptant les courbures sus et sous jacentes à la zone pathologique. Dernière situation, la plus fréquente en pratique : le patient subit une évolution naturelle dégénérative – avec la perte de hauteur discale liée à l’âge – q u i relations très étroites entre les paramètres pelviens et rachidiens. Il existe un complexe spinopelvien avec comme point de jonction le plateau sacré. L’analyse de populations asymptomatiques montre que 70 % de la lordose lombaire est située sur L4/L5/S1 chez le sujet sain. P Roussouly a réalisé une étude prospective dans une population normale asymptomatique qui a permis de définir quatre types de rachis, selon leur IP. La population générale est divisée en trois groupes : IP faible (< 45°), moyenne (45 à 60°) et élevée (> 60°). L’ a n a l ys e g l o b a l e d e l’équilibre de la colonne vertébrale impose d’inclure la cyphose thoracique supérieure. Le fil à plomb abaissé de C7 chez une personne asymptomatique équilibrée se projette juste au niveau du plateau sacré, le plus souvent à sa partie postérieure et dans tous les cas en arrière des têtes fémorales. Cette ligne verticale représente un moyen très commode d’analyser l’équilibre global du rachis. Pour corréler l’équilibre à la position du bassin, il faut y associer la SS. On définit alors un nouvel angle, spinosacral (SSA), entre le plateau sacré et la ligne reliant son centre au milieu de C7, qui est très proche de la ligne de gravité. La valeur moyenne de SSA est de 135° +/– 8. C’est un paramètre intrinsèque d’équilibre qui est très fortement corrélé à LL (r = 0,88) et SS (r = 0,91). Cet angle est primordial car il permet d’intégrer sur une seule mesure l’analyse globale de l’équilibre du complexe spi- co n d u i t à u n changement de l’organisation spinopelvienne et provoque un déséquilibre harmonieusement réparti. Selon Battié, la dégénérescence discale est génétique à 75 %. Des facteurs et conditions extérieures peuvent l’aggraver : surpoids, activités physiques et professionnelles contraignantes, traumatismes etc. Outre les retentissements potentiels sur les structures neurologiques, c e tt e p e r t e d e h a u t e u r e n ge n d re u n e p e r t e de lordose lombaire inéluctable. Il est donc important d’analyser les adaptations mécaniques de la colonne vertébrale thoracolombaire. Toute variation des courbures rachidiennes, quelle qu’en soit la cause, devra être compensée et l’un des moyens d’y parvenir est de modifier la position du socle (SS). Or SS et IP sont liées. Par conséquent, connaissant l’IP (paramètre constant) on pourra en déduire une approximation de la forme initiale des courbures du rachis. La rotation postérieure du bassin réduit la SS. Ce phénomène est logique car il permet de faire reculer la ligne verticale abaissée de C7, qui est fortement corrélée à la ligne de gravité. L’organisme essaie donc de rapprocher le plus possible cette ligne du plateau sacré qui est la zone d’équilibre économique. Un patient avec IP faible est moins capable de PHANIE J. LAULAN L’analyse de l’équilibre sagittal axe le traitement compenser par ce mécanisme, car la capacité de rétroversion du bassin est une anatomique. En cas de cyphose lombaire sévère, la flexion au niveau des genoux va encore améliorer l’inclinaison du bassin et horizontaliser le plateau sacré pour permettre le maintien de l’équilibre. Cette flexion des genoux permet aussi de dépasser la limite de rétroversion du bassin imposée par la limite d’extension des hanches. La douleur Dans le cadre des lombalgies, l’origine des douleurs est multiple. L’origine discale est maintenant reconnue : les phénomènes inflammatoires associés au Modic 1 sont fortement corrélés à des douleurs. De même, les phénomènes arthrosiques des facettes en génèrent. Les pertes de courbures du rachis qui sont quasi-exclusivement cyphosantes au plan sagittal sont responsables de phénomènes de compensation par le système musculoligamentaire. Ce mécanisme actif est efficace et justifie pleinement l’utilisation de la rééducation dans l’arsenal thérapeutique, surtout au stade initial, car le travail musculaire et de la posture permettent de trouver des attitudes de compensation économiques et donc non douloureuses. Cependant ce travail est limité par la fatigue des muscles posturaux qui ne peuvent fonctionner au-delà d’un certain seuil. C’est dans ce cadre que l’analyse de l’équilibre rachidien global devient essentiel pour comprendre les troubles et apporter un regard neuf sur l’étiologie et les méthodes de traitement des lombalgies avec trouble de l’équilibre sagittal. Les dégénérescences discales liées à l’âge se concentrent sur les derniers disques lombaires. Or ils sont responsables de 70 % de la lordose lombaire (lire supra) : toute perte de lordose entre L4 /L5 et S1 va conduire à une diminution importante de lordose globale qui va être compensée par la nécessité de rééquilibrer le rachis. Cela n’est possible que par une augmentation de la rotation postérieure du pelvis : c’est-à-dire une horizontalisation du plateau sacré qui permet de remettre la verticale de C7 en arrière des têtes fémorales. Le rachis lombaire dégénératif va donc modifier sa forme initiale. Ainsi, si un geste chirurgical d’arthrodèse est envisagé il faudra respecter ou recréer les lordoses correspondants à l’IP, sinon on prendra un risque majeur de laisser un dos mal lordosé, ce qui engendrera un dos généralement plus plat que son état initial et donc un déséquilibre sagittal. C’est le fameux « flat back » ou dos plat post-opératoire, qui est iatrogène parce que les paramètres rachidiens n’ont pas été rétablis. Ceci souligne l’intérêt capital d’effectuer des radiographies du rachis debout de profil avant toute chirurgie rachidienne (au minimum de D12 aux têtes fémorales) pour pouvoir mesurer ces paramètres. Il n’est plus concevable de réaliser une arthrodèse rachidienne en méconnaissant les paramètres pelviens. D’après la conférence d’enseignement du Pr Jean Charles Le Huec, chef de service, département orthorachis 2, CHU Pellegrin Tripode, Bordeaux 06/11/2014 15:23:50 10 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 SOFCOT Rachis thoracolombaire La fracture avec troubles neurologiques ●●Les traumatismes du rachis sont fréquents et peuvent se compliquer d’une atteinte neurologique dans 15 à 30 % des cas. L’incidence des blessés médullaires en France est estimée à 19,4 par million d’habitants (1). En 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) a rapporté une incidence de 1 200 nouveaux cas par an de lésions médullaires traumatiques, avec une prévalence d’environ 50 000. Ils sont dus en majorité à des accidents de circulation (40 à 45 % des cas), puis viennent les chutes (volontaires ou non: 15 à 30 %), les accidents de sport (15 à 25 %) et enfin les accidents du travail et agressions (2). L’homme est le plus touché (3:1). On note deux pics de fréquence : entre 16 et 30 ans majoritairement traumatiques, et après 50 ans – préférentiellement les chutes (2). Les traumatismes vertébromédullaires sont responsables d’une morbimortalité majeure, qui augmente avec l’âge du patient et le nombre de lésions associées : traumatisme crânien, thoracique ou abdominal en particulier (3). Les fractures avec déficit neurologique intéressent avant tout le rachis cervical (plus de 50 % des cas), le plus mobile et le plus instable. L’étage thoracique, en cause dans 20 à 30 % des cas, est stabilisé par le thorax et donc moins exposé, mais la vascularisation de la moelle épinière thoracique est particulièrement vulnérable. Physiopathologie Examen clinique et imagerie ●●Les fractures du rachis thoracolombaire (TL) peuvent endommager la moelle épinière thoracique, le cône terminal et/ou les racines nerveuses. La cyphose traumatique avec recul du mur postérieur ou la luxation du rachis peut occasionner quatre types lésionnels différents, qui résultent de l’impact initial et du déplacement, provoquant des déchirures neuronales et vasculaires : – la commotion médullaire, qui récupère en quelques heures ; – la compression médullaire, responsable d’une ischémie médullaire persistante ; – la contusion médullaire, caractérisée par une destruction axonale avec des foyers hémorragiques ; – la section médullaire. Il existe un potentiel de récupération neurologique dans certaines compressions médullaires. Il est particulièrement faible en cas de contusion médullaire et nul en cas de section médullaire (5, 6). ●●Les premières mesures thérapeutiques (maintien de l’hémodynamique) mises en œuvre, l’examen neurologique peut alors être pratiqué. On recherchera le niveau de lésion sensitive en testant les dermatomes sous- et sus-lésionnels. Le niveau moteur peut être concordant ou discordant selon l’atteinte médullaire. Tous les muscles des membres inférieurs sont testés. Il est important de réaliser un examen moteur au-dessus du niveau lésionnel, même si l’imagerie est disponible, car la lésion médullaire peut s’étendre secondairement. Les lésions médullaires centrales entraînent une paraplégie. Le syndrome sous-lésionnel comporte une abolition du tonus musculaire avec paralysie flasque, une abolition de tous les modes de sensibilité et des réflexes ostéotendineux, une atonie du sphincter anal, une rétention urinaire et un priapisme chez l’homme. Le signe de Babinski n’apparaît que secondairement. Il peut être présent au stade aigu en cas de compression médullaire partielle, avec un syndrome sous-lésionnel incomplet. Les scores de Frankel (9) et de l’American Society Injury Association (ASIA) sont superposables. Ils sont indispensables pour évaluer la sévérité de la lésion médullaire et suivre son évolution. Le testing moteur de 0 à 5 est réalisé de façon symétrique La vascularisation médullaire repose sur trois axes artériels longitudinaux anastomosés : l’artère spinale antérieure et deux artères postérolatérales. En thoracolombaire, l’artère spinale antérieure provient des artères intercostales, parmi lesquelles l’artère d’Adamkiewicz représente Particularités chez le polytraumatisé ●●Chez le polytraumatisé, il faut prendre en compte l’ensemble des lésions et évaluer celles qui peuvent potentiellement engager le pronostic vital. Les fractures du rachis thoracique peuvent être associées à un hémothorax, des lésions pulmonaires ou une dissection de l’aorte. À la charnière thoracolombaire, les lésions D’après la conférence d’enseignement des Prs Yann Philippe Charles et Jean-Paul Steib, service de chirurgie du rachis, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Fédération de médecine translationnelle (FMTS), université de Strasbourg. Conflit d’intérêt en rapport avec la conférence : aucun (1) Albert T, et al. Spinal Cord 2005;43:35765 (2) Holmes JF et al. Acad Emerg Med CHSP9364_010_011_QVW 10 hépatiques ou spléniques peuvent contre-indiquer le positionnement en décubitus ventral. Lorsque l’état général et les lésions associées le permettent, il est préférable de stabiliser le rachis dans les 48 premières heures. Une intervention précoce améliore la fonction respiratoire, réduit la durée de ventilation mécanique, les taux de complications pulmonaires secondaires et de mortalité. Elle facilite le nursing en réanimation et réduit la durée de séjour (22, 23). 2001;8:866-72 (3) McHenry TP et al. J Bone Joint Surg Am 2006;88:997-1005 (4) Chiles BW et al. N Engl J Med 1996;334:514-20 (5) Kwon BK et al. Spine J 2004;4:451-64 (6) Hurlbert RJ et al. Spine (Phila Pa 1976) 2006;31(11Suppl):S16-21 (7) Charles YP et al. Surg Radiol Anat 2011;33:3-9 Figure 1. Dermatomes permettant d’évaluer le niveau d’atteinte médullaire pour la sensibilité (8) Vale FL et al. J Neurosurg 1997 ;87:23946 (9) Frankel HDH et al. Paraplegia 1969;7:179-92 (10) Denis F et al. Spine (Phila Pa 1976) 1983;8:817-31 (11) Magerl F et al. Eur Spine J 1994;3:184-201 (12) Dosch JC. Traumatologie du rachis. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson;2012 (13) Vaccaro AR et al. Spine (Phila Pa 1976) en fonction du niveau médullaire et l’évaluation de la sensibilité au piquer et au toucher : absente, diminuée, normale ou non testable en fonction des dermatomes (figure 1). Cet examen détaillé permet de déterminer le niveau et le caractère complet ou incomplet de la lésion médullaire, avec attribution d’un score de A à E. La réalisation d’un toucher rectal est indispensable pour différencier les stades A et B. Classifications des fractures Ce bilan clinique terminé, il faut obtenir une imagerie adaptée le plus rapidement possible : imagerie à distance (lésions associées) et spécifique de la lésion vertébromédullaire sera réalisée. ■ Une tomodensitométrie (TDM) du corps entier permettra de déceler toute lésion intracrânienne, thoracique, abdominale ou pelvienne pouvant engager le pronostic vital. Les reconstructions osseuses du rachis permettent d’analyser le type de fracture, son déplacement, son degré d’instabilité et la présence de fragments intracanalaires (figure 2) [10, 11]. ■ L’IRM en urgence est recommandée en cas de lésion médullaire. Indispensable lorsque le patient est inconscient, elle permet d’apprécier la lésion médullaire ainsi que l’hématome épi- ou intradural. Les lésions discoligamentaires sont également évaluées sur l’IRM (12, 13). DR Vascularisation et facteurs d’aggression médullaire tl’irrigation principale. La vascularisation thoracique est précaire par rapport à celle du cône terminal (7). Dans une moelle saine, un système d’autorégulation médullaire permet de maintenir un débit sanguin constant par le biais de phénomènes de vasodilatation et vasoconstriction, avec une pression de perfusion médullaire variable, entre 50 et 150 mmHg : pression de perfusion médullaire = pression artérielle moyenne – pression intramédullaire. En cas de lésion médullaire, la pression intramédullaire augmente en raison de l’œdème, et l’atteinte de l’innervation sympathique due au choc spinal diminue la pression artérielle moyenne et donc la pression de perfusion médullaire, ce qui entraîne une ischémie neuronale. Il en découle un principe fondamental pour la prise en charge du blessé médullaire, qui consiste à maintenir la pression artérielle moyenne au dessus de 85 mmHg pendant la première semaine (6, 8). Les facteurs d’agression médullaire (cérébrale) [ACSOS : Agression Cérébrale Systémique d’Origine Secondaire], tels que l’hypotension artérielle, l’hypoxie, l’hypercapnie, l’anémie, l’hypothermie, l’acidose, l’hypo- et hyperglycémie, etc., favorisent l’extension des lésions et doivent être limités dans la prise en charge initiale du patient. 2005;30:2325-33 (14) Bracken MB et al. JAMA 1997;277:1597605 (15) Sayer FT et al. Spine J 2006;6:335-43 (16) Fehlings MG et al. Spine (Phila Pa 1976) 2006;31(11Suppl):S28-35. (17) Launay O et al. Orthop Traumatol Surg Res 2012;98:352-8 (18) Fehlings MG et al. Spine (Phila Pa 1976) 2010;35(21Suppl):S166-73 La jonction thoracolombaire (T12-L1) représente 15 % des cas. Il s’agit d’une zone fragile (atteinte dans la moitié des fractures de tout le rachis thoracique et lombaire), à la jonction de la cyphose thoracique peu mobile et la lordose lombaire qui l’est plus. Les fractures de la jonction lombosacrée sont plus rares, mais potentiellement instables et parfois en cause. Dans 25 % des cas de fracture vertébrale avec déficit neurologique, une autre lésion vertébrale est associée (4, 5). Dans une étude de 577 traumatismes rachidiens neurologiques, le déficit était une tétraplégie (43,3 %), une paraplégie (46,6 %) ou un syndrome de la queue-de-cheval (10,1 %) (1). √ Une course contre la montre où tous les intervenants doivent connaître leur rôle afin de donner au blessé un maximum de chances de récupération Néanmoins, un délai de décompression médullaire inférieur à 6 heures a, pour nous, une influence favorable sur la récupération neurologique. C’est pourquoi, lorsque la lésion rachidienne est évidente au scanner et concordante avec l’examen neurologique, il nous paraît possible de se dispenser de l’IRM qui représente alors une perte de temps pour le traitement chirurgical. DR Les fractures thoraciques et lombaires représentent environ 50 % des traumatismes du rachis avec déficit neurologique, paraplégie ou syndrome de la queue-de-cheval en fonction de l’étage lésé. La prise en charge rapide et systématisée par un centre spécialisé est fondamentale pour le pronostic de la lésion médullaire. À la phase aiguë, il faut limiter l’aggravation des lésions médullaires par le traitement immédiat des facteurs d’agression systémiques de survenue secondaire. La restauration rapide d’une hémodynamique stable (pression artérielle moyenne supérieure à 85 mmHg) est essentielle. Les protocoles de corticothérapie à hautes doses n’ont plus d’indication. Leur effet sur la récupération neurologique n’est pas prouvé, alors que leur taux de complications secondaires septiques et pulmonaires est élevé. Un traitement chirurgical précoce permet la récupération neurologique dans certains cas. Il repose sur la décompression médullaire, l’ostéosynthèse et la réduction de la fracture. Si les lésions associées le permettent, le bénéfice d’une intervention réalisée dans les 48 heures est démontré chez le patient polytraumatisé. Une stabilisation précoce du rachis améliore la fonction respiratoire et la ventilation mécanique ce qui diminue la durée du séjour en réanimation. Figure 2. Burst fracture avec recul du mur postérieur et compression médullaire (19) Cengiz SL et al. Arch Orthop Trauma Surg 2008;128:959-66 (20) Dendrinos GK et al. Acta OrthopBelg 1995;61:226-34 (21) Van Middendorp JJ et al. Lancet 2011;377:972-4 (22) Dimar JR et al. Spine (Phila Pa 1976) 2010;35(21Suppl):S187-92 (23) Schinkel C et al. Curr Opin Crit Care 2008;14:685-9 06/11/2014 15:26:39 LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 Congrès hebdo 11 Reprise de prothèse totale de hanche La voie d’abord, un paramètre stratégique pourra renseigner sur l’état neurologique. Pour une désincarcération et le transport vers un centre spinal, il est important d’immobiliser l’axe craniocaudal afin de ne pas aggraver le déplacement fracturaire et les lésions neurologiques : le rachis cervical est maintenu à l’aide d’une minerve rigide, le tronc est mobilisé en bloc et maintenu dans un matelas coquille. La lutte contre l’hypotension par perfusion de solutés doit débuter pendant le transport. Le centre hospitalier spécialisé est prévenu par le SAMU afin de préparer son arrivée. À l’hôpital, la prise en charge sera coordonnée entre médecins réanimateurs, chirurgiens et radiologues. En salle de déchocage, on recherchera en premier lieu les lésions vitales. Un examen neurologique cérébral (score de Glasgow), thoracique et abdominal est effectué. Le blessé est placé sous surveillance hémodynamique et électrocardiographique continue. Une radiographie du thorax et du bassin et surtout une TDM du corps entier ainsi qu’un bilan biologique sont réalisés. En systémique, limitation des facteurs d’agression secondaires L’expansion volémique à l’aide de solutés de remplissage, guidée par les lésions hémorragiques associées, est fondamentale. Le recours aux vasoconstricteurs (noradrénaline), permet de maintenir une pression systolique > 120 mmHg et une pression moyenne > 85 mmHg pendant sept jours. Malgré ces mesures, 75 % des traumatisés médullaires ont au moins un épisode de pression systolique < 90 mmHg, à l’origine d’une ischémie neuronale (6, 8). Quant aux protocoles cortisoniques National Acute Spinal Cord Injury Studies (NASCIS) I, II et III, proposés pendant la phase aiguë du traumatisme médullaire, ils sont extrêmement controversés. Le protocole NASCIS III comprend un bolus initial de succinate sodique de méthylprednisolone de 30 mg/ kg, suivi d’un relais de 5,4 mg/kg en intraveineux à la seringue électrique pendant 48 heures (14). L’action potentiellement antiinflammatoire au niveau médullaire et l’amélioration du pronostic neurologique n’ont pas été démontrées à ce jour. En revanche, le taux de complications septiques, de pneumopathies et d’embolies pulmonaires est plus important chez les patients ayant reçu des corticoïdes à hautes doses (6, 15, 16). Par ailleurs, les corticoïdes peuvent induire des pics d’hyperglycémie potentiellement neurotoxiques. DR Techniques de décompression, réduction et stabilisation en urgence Figure 3. Fracture luxation T12-L1 traitée en urgence par laminectomie (flèches) et ostéosynthèse-arthrodèse postérieure CHSP9364_010_011_QVW 11 Le traitement chirurgical d’une fracture thoracolombaire avec troubles neurologiques repose sur trois principes : – la décompression médullaire ou radiculaire ; – la réduction de la fracture par augmentation de la lordose ; – la stabilisation par ostéosynthèse postérieure (système de vis pédiculaires, de tiges et de crochets) [fig. 3]. Figure 4. Fractures T8-T9 avec défect osseux (flèche) nécessitant une reconstruction de la colonne antérieure par cage remplie de greffe osseuse Reconstruction de la colonne antérieure secondaire Les lésions osseuses et déchirures discales nécessitent une reconstruction antérieure secondaire afin d’assurer la stabilité et le maintien de l’équilibre sagittal sans perte de réduction. Les défects osseux non traités évoluent vers la pseudarthrose et peuvent entraîner une rupture secondaire du matériel en raison d’importantes contraintes en position assise et debout. Un mini-abord par thoracotomie, lombotomie ou thoracophrénolaparotomie vidéo-assistée permet de reconstruire la colonne antérieure à l’aide d’une cage contenant l’os prélevé dans le corps vertébral fracturé et le segment de côte situé dans la voie d’abord (figure 4). Délai et récupération neurologique Il est admis que les traumatismes rachidiens avec lésions médullaires incomplètes (ASIA B-D) peuvent évoluer vers une récupération neurologique lorsque le patient est opéré précocement, au mieux dans les 6 heures après le traumatisme (16, 17). En cas de déficit complet (ASIA A), aucun consensus n’est établi et les avis divergent (18, 19). Notre expérience nous a montré qu’un facteur fondamental de la récupération est le délai entre le traumatisme et l’opération (17). Il doit être le plus court possible, si l’état du patient et les lésions associées le permettent. Il s’agit d’une course contre la montre où tous les intervenants doivent connaître leur rôle afin de donner au blessé un maximum de chances de récupération. Le pronostic de récupération dépend également du mécanisme lésionnel médullaire. Il varie également en fonction de l’étage lésé. La charnière thoracolombaire semble propice à une chirurgie précoce lorsque le traumatisme se situe au niveau du cône terminal ou de la queuede-cheval. Les fractures thoraciques sont souvent associées à des lésions thoraciques plus graves (19, 21). En pratique, il est difficile de prédire le potentiel de récupération neurologique en urgence et il convient de donner toutes les chances au patient blessé médullaire. Les paraplégies complètes de score ASIA A de la charnière thoracolombaire peuvent récupérer partiellement ou complètement dans certains cas isolés. Cependant, même lorsque la paraplégie ne récupère pas, l’ostéosynthèse précoce a le mérite d’améliorer la fonction respiratoire et facilite les soins de nursing, ainsi que la rééducation précoce en fauteuil roulant. Le choix d’une voie d’abord en chirurgie de reprise de la prothèse totale de hanche est un temps fondamental susceptible de déterminer la totalité du déroulement de cette délicate intervention. ●●Si la très vaste majorité des prothèses totales de hanche conduit à un succès durable, une fraction d’entre elles nécessitent d’être réopérées soit au terme de plusieurs années d’usage, soit de façon plus anticipée en raison de complications, dominées par le descellement – mécanique ou infectieux. Cette chirurgie de reprise, plus délicate car nécessitant un temps opératoire préalable de suppression des implants initiaux, a pour objectif de réimplanter une nouvelle prothèse, avec un succès comparable à une chirurgie de première intention. Ce qui est, dans de nombreux cas, un véritable défi technique qui exige un plan de vol parfaitement élaboré. Dès le stade de la planification Le choix de la voie d’abord pour une reprise de prothèse totale de hanche est une étape importante de la planification. Il faut analyser si la plupart des objectifs poursuivis par l’intervention pourront être atteints par une voie conventionnelle, ou au contraire spécifique. Ce choix dépend de facteurs multiples liés à l’indication, au patient, aux implants, à la voie d’abord précédente, aux lésions des parties molles et osseuses et, enfin, à l’expérience de l’opérateur. La littérature abonde sur les voies d’abord utilisables en chirurgie de première intention : postérolatérale, antérieure, vantérolatérale, trochantérotomie… En chirurgie de reprise, elle est moins généreuse et moins codifiée, du fait en partie de la complexité des problèmes à traiter. Une reprise d’arthroplastie totale doit en effet reconstruire une nouvelle hanche artificielle, dont l’architecture et la fixation des implants permettront de restaurer durablement la fonction. Il s’agit le plus souvent d’une intervention difficile, car longue et techniquement exigeante. La qualité de sa planification est essentielle. Elle doit définir précisément les objectifs de l’intervention, les difficultés prévisibles, pour les anticiper, et enfin les implants nécessaires et les éventuelles greffes. Le choix de la voie d’abord est donc fondamental car il influence le déroulement de l’ensemble de ces étapes. La voie idéale doit satisfaire un cahier des charges précis. Elle Ne pas se cantonner à ses habitudes doit offrir une exposition satisfaisante des composants (implants, ciment à l’intérieur ou à l’extérieur du tissu osseux) devant être retirés, pour éviter la réalisation de dégâts supplémentaires si l’exposition est inadéquate. Elle doit permettre la réparation de l’ensemble des pertes de substances osseuses identifiées avant l’intervention, mais aussi celles découvertes durant la chirurgie. Enfin, elle doit préserver au maximum l’os et les parties molles en évitant d’aggraver les lésions présentes. Un refus de dogmatisme Si la plupart des opérateurs ont tendance à limiter leurs préférences à la pratique de deux ou trois voies d’abord dont ils ont l’habitude, ils ne peuvent pas toujours, en situation de reprise, satisfaire cet éclectisme naturel. La tentation est grande de vouloir utiliser la voie conventionnelle que l’on pratique au quotidien pour réaliser une reprise. L’expérience importante d’une voie d’abord permet au chirurgien entraîné de repousser les limites et de réaliser ainsi des reprises relativement difficiles. Néanmoins, il est important de connaître les limites incontournables et de maîtriser d’autres alternatives. Si, pour des opérateurs rodés, il ne paraît pas abusif de conclure que la voie d’abord postérieure et les voies transtrochantériennes, classiques ou digastriques, paraissent les plus aptes à faire face à quasiment toutes les circonstances, il n’en va pas de même pour tous les chirurgiens. La voie transtrochantérienne classique est malheureusement moins utilisée et donc moins enseignée, ce qui est regrettable compte tenu de son intérêt dans cette indication. La tendance actuelle privilégie le recours systématique à des voies transfémorales plus ou moins étendues. Leur utilisation systématique, prônée par la littérature anglosaxonne, semble discutable. Si elles facilitent vraiment le temps d’ablation des implants, en revanche, elles fragilisent le fémur et imposent le recours à une tige longue loin d’être toujours nécessaire. Souvent, le même résultat peut être obtenu sans interrompre la continuité des corticales en réalisant l’ensemble des étapes d’extraction et de reconstruction par voie endocanalaire et ainsi utiliser en toute sécurité une tige standard. D’après la conférence d’enseignement du Dr Luc Kerboull, Institut Marcel Kerboull, Paris PHANIE ●●La prise en charge sur les lieux de l’accident est la même que celle de tout blessé grave ou polytraumatisé. Si le blessé est conscient, le diagnositc de paralysie est facile mais parfois, les lésions associées peuvent masquer un déficit neurologique. Le coma pose un problème de diagnostic. Lorsqu’une intubation précoce est nécessaire, seul le médecin du SAMU DR Prise en charge 06/11/2014 15:26:40 12 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 10 novembre 2014 – n° 9364 SOFCOT Éditorial du Pr Rémi Kohler Bouger, c’est rester libre ! tements conservateurs et celle – restreinte – dédiée à la chirurgie. D’autres manifestations portent sur des points importants pour le patient tels que la traçabilité des implants, des greffons et substituts osseux mis en place lors de gestes d’arthroplastie ou de greffe. Au plan national, la mise en place de registres permettra de mieux répondre aux incidents éventuels en synergie avec l’Agence nationale sécurité du médicament (ANSM). – Un forum consacré à la douleur en orthopédie qui bénéficie des travaux conjoints de la SOFCOT et de la société de la douleur. – Durant des tables rondes professionnelles sont abordés des points d’actualité concernant les généralistes, en amont ou en aval des soins donnés à leur patient : la réglementation et la place de la chirurgie qui se concluent par des recommandations de « Bonnes pratiques professionnelles ». Citons, par exemple : – le dépistage de la luxation congénitale de hanche. Ce sujet concerne de plus en plus fréquemment les généralistes et il est important de rappeler la primauté de l’examen clinique néonatal, réalisé dans de bonnes conditions, qui sera ensuite répété tout au long de la première année de la vie. L’imagerie (échographie de hanches) a dans le dépistage une place précise et restreinte (indications ciblées) ; – la lombalgie (« mal de dos ») est également une pathologie fréquemment rencontrée, dont la conséquence économique, par les arrêts de travail qu’elle engendre, est considérable. Une mise au point s’imposait sur la place de la rééducation, des trai- DR L a SOFCOT tient du 10 au 13 novembre 2014 son 89e congrès à Paris. C’est une rencontre importante pour tous les orthopédistes, à la fois au plan scientifique, professionnel, administratif ; un lieu d’échanges avec les fabricants de matériel, les IBODES, les kinésithérapeutes et enfin avec un programme dense et varié ce congrès associe nouveautés techniques et mises au point sur des sujets parfois controversés. Beaucoup de sujets sont empreints de la thématique de l’année « Qualité – évaluation – gestion des risques ». Ces notions sont très fortement rappelées dans tous les domaines, à l’instigation du Ministère de la santé et de la Haute Autorité de santé. Une collaboration constructive et cordiale avec cette instance a d’ailleurs permis de préparer un certain nombre de sujets sous la forme de Tables rondes à la scoliose idiopathique dont les indications sont parfois difficiles à poser. Ainsi, pourra-t-on peut-être répondre à la question : est-il légitime d’arthrodéser à l’âge de 20 ans une scoliose idiopathique de 45°, à titre préventif ? On voit donc bien par la diversité du programme proposé, l’importance de cette spécialité dans le quotidien de nos patients : l’orthopédie est présente à tous les âges, chez l’enfant (luxation de hanche, scoliose, etc.), chez l’adulte (lombalgies…) et chez les personnes âgées puisque l’orthopédie gériatrique est en train de devenir une véritable surspécialité au même titre que l’orthopédie pédiatrique ! C’est l’occasion de rappeler le beau slogan de la SOFCOT en 2010 « Bouger, c’est rester libre ! ». ambulatoire, dont le Ministère souhaite augmenter encore la place dans notre système de soins, et dans le même esprit, l’étude des procédures d’hospitalisation accélérées (« fast track surgery ») qui ne seront possibles qu’avec la mise en place de réseaux structurés pour la prise en charge des patients (ce qui n’est pas toujours simple). – Enfin mentionnons les classiques symposiums, temps forts de ce congrès. Ils s’appuient sur des grandes séries françaises collectées et analysées de façon rétro- et prospective. Ils comparent l’histoire naturelle, sans traitement, et l’évolution avec traitement, pour apporter des réponses moins empiriques et légitimer certaines indications. Mentionnons celui sur les ruptures du ligament croisé antérieur, celui sur les fractures complexes de l’humérus et celui, inédit, consacré Président de l’Académie d’orthopédie traumatologie (AOT) Scoliose idiopathique de l’enfant à l’adulte ●●Les travaux importants réalisés pour mettre au jour l’étiologie de la scoliose se sont avérés décevants. La conjonction de facteurs génétiques, neurohormonaux, vestibulaires, est évoquée régulièrement, sans pouvoir trancher fermement sur un primum movens. Ces recherches ont eu le mérite néanmoins d’écarter définitivement les facteurs mécaniques comme générateurs, ou aggravant une scoliose. Ainsi, les notions de sport – plus ou moins recommandé – ou de port de cartable – plus ou moins néfaste – sont obsolètes chez l’enfant. Il peut donc pratiquer toutes les activités physiques qu’il souhaite sans restriction. Un diagnostic plus performant conduire à des situations extrêmement complexes, voire des impasses thérapeutiques. Des traitements mieux évalués Une spécialité transcendant les tranches d’âge L’évaluation de nos pratiques a permis également de mieux cerner l’efficacité des techniques mises en œuvre chez l’enfant. À ce jour, la kinésithérapie régulièrement prescrite n’a toujours pas démontré son efficacité. Le traitement par corset a en revanche passé avec succès les épreuves d’évaluation par la preuve. Parallèlement, les techniques chirurgicales ont gagné en efficacité grâce à l’évolution des implants, et en sécurité du fait des techniques de monitorage médullaire. Cependant, la plus grande avancée des 20 dernières années vient de la prise de conscience que la scoliose idiopathique n’est pas une maladie de croissance, stoppant son évolution à l’âge de 18 ans. On sait désormais qu’elle est une maladie de toute une vie, exigeant hygiène et surveillance du dos. Il est souvent nécessaire de reprendre le traitement à certaines étapes, notamment lors de la ménopause. Si la plupart des scolioses idiopathiques évoluent bien et permettent une vie sociale et professionnelle normale, certaines formes vont se dégrader après la fin de la croissance. Leur méconnaissance peut La prise en charge de la scoliose de l’adulte ne se limite plus désormais à un traitement palliatif, constat d’impuissance. De véritables solutions existent et la chirurgie de la scoliose adulte est devenue une spécialité à part entière. Ainsi, les passerelles se multiplient entre les chirurgiens pédiatres et d’adultes. Cette pathologie s’enrichit de manière permanente du retour de chacun. La composante tridimensionnelle, signalée dès la description initiale de la maladie, a commencé à prendre sa place dans la thérapeutique durant les années 1980. Elle s’est formidablement développée depuis. Il est ainsi établi que l’équilibre sagittal du patient est tout aussi important pour son futur que sa courbure coronale ou sa gibbosité. Cette analyse de la scoliose a permis de démembrer des formes de pronostic très variables et qui conditionnent le traitement dès l’enfance, avec une optique résolument tournée vers le long terme. Il est démontré que certaines formes a priori modérées en fin de croissance vont évoluer de manière péjorative à l’âge adulte et pouvant aboutir à des situa- Jeune fille de 15 ans présentant une scoliose de 35 degrés lobaire malgré le port d’un corset depuis 3 ans et en aggravation sous corset. Un traitement chirurgical précoce permet une correction moyennant le blocage de 3 niveaux disacaux Décompression et correction par ostéotomie vertébrale transpédiculaire asymétrique de L4 et fixation T11 pelvis. Rééquilibration du tronc de face et de profil tions très invalidantes en deuxième partie de vie, parmi une population vieillissante et active. C’est à ce titre que la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT) et ses partenaires que sont la Société française de chirurgie du rachis (SFCR) et le Groupe d’étude de la scoliose (GES) ont souhaité que le point soit fait sur cette nouvelle approche de la scoliose idiopathique. Les travaux du symposium se sont volontairement axés sur le devenir de l’enfant scoliotique sur le plan médical mais également DR Le dépistage, qu’il se fasse par le médecin traitant ou scolaire, s’avère efficace. Peu d’enfants sur notre territoire passent à travers le filtre clinique de la gibbosité. Les moyens d’imagerie sont devenus performants et peu invasifs : radiographies microdosées, scanner optiques non irradiants, l’accès facilité à l’IRM… Plus particulièrement, l’imagerie EOS permet d’obtenir des images 2D et 3D moyennant une irradiation divisée par 8 par rapport à une radiographie conventionnelle. La composante 3D permet en outre d’affiner le diagnostic de la scoliose. DR Sujet toujours difficile et en pleine évolution, la scoliose idiopathique s’analyse tout au long de la vie du sujet qui en est atteint. DR Une prise en charge durant toute la vie Patiente de 60 ans. Antécédents lombalgiques. Aggravation durant les 2 dernières années avec installation progressive d’un déséquilibre antérieur et latéral. Station debout possible uniquement avec une canne à gauche. Ne sort plus de chez elle. Lombalgies et syndrome claudiquant limité à quelques mètres DR Périmètre de marche illimité sans canne CHSP9364_012_012_QVW 12 en termes de santé publique. Les différents travaux originaux présentés concernent des séries avec un recul minimum de 20 ans, tant il est vrai que seul le recul à long terme permet une analyse objective. Les chirurgiens pédiatres et médecins physiques doivent tout mettre en œuvre pour conduire des enfants en fin de croissance à un rachis équilibré dans le plan sagittal, même si cela passe par une courbure résiduelle modérée. En outre, ils devront identifier les formes de mauvais pronostic, même si elles sont peu inquiétantes en fin de croissance, et savoir intervenir afin de pouvoir effectuer des gestes simples et limités. La surveillance est de règle après la fin de la croissance. L’évolution, même si elle est péjorative, est lente : une surveillance tous les 5 ans paraît raisonnable. Or en pratique elle n’est pas réalisée, ce qui génère des situations complexes déjà évoquées. Une sensibilisation du public et des soignants est nécessaire en ce sens. Les médecins traitants doivent savoir que désormais une scoliose décompensée et douloureuse en deuxième partie de vie n’est pas une fatalité mais peut bénéficier de traitements efficaces. D’après la conférence d’enseignement des Drs Jean-Luc Jouve (CHU de la Timone Enfants, Marseille) et Daniel Chopin (CHU de Lille) 06/11/2014 15:27:40