Des nouvelles de la Société Alzheimer du Canada Les comportements difficiles dans la maladie d’Alzheimer : que savons-nous à l’heure actuelle? par Dorothy A. Forbes, inf., Ph. D. Au début de 1997, l’Alberta Heritage Foundation for Medical Research (AHFMR) lançait un projet pilote sur la revue systématique des résultats de recherches. Conçu dans le cadre de son programme de diffusion de l’information, ce projet pilote avait pour but de faire la synthèse des résultats des recherches sur un aspect de la santé qui intéresse les infirmières et infirmiers membres de l’Alberta Association of Registered Nurses et, ensuite, d’évaluer ces résultats. La question retenue était la suivante : « Quelles stratégies permettent de traiter efficacement les comportements difficiles caractéristiques de la démence de type Alzheimer chez les personnes âgées? » Les caractéristiques des articles scientifiques pertinents La recherche documentaire a permis de trouver 265 articles sur ce sujet. Parmi ces articles, 45 satisfaisaient à tous les critères de pertinence reconnus. Dans ces études, les chercheurs ont évalué l’utilité des interventions suivantes, énumérées par ordre croissant de fréquence : la musique, l’acquisition des aptitudes et les barrières visuelles. D’autres interventions ont aussi été considérées, soit la zoothérapie, l’intégration sensorielle, la photothérapie (lumière vive), l’orientation vers la réalité, la présence simulée, le rappel des événements de la vie, le massage des mains, le toucher thérapeutique et le bruit blanc. Cette revue des interventions était motivée par la recherche des moyens les plus efficaces pour améliorer les comportements anormaux les plus souvent observés dans la maladie d’Alzheimer (MA) sur les plans de l’interaction sociale, les fugues, l’agitation, les soins personnels, la violence physique, les manifestations vocales dérangeantes, les perturbations diurnes et nocturnes et les troubles de l’alimentation. Dans ce présent article, seuls l’agressivité, l’agitation et les comportements dérangeants seront développés. L’agressivité, l’agitation et les comportements dérangeants L’agressivité, l’agitation et les comportements dérangeants sont parmi les plus difficiles à traiter. En effet, les membres du personnel, déjà surchargés, doivent non seulement réussir à calmer le Dorothy A. Forbes, inf., Ph. D. Professeure adjointe, College of Nursing. patient agité, mais aussi essayer de rassurer les autres patients perturbés par l’activité et le bruit inhabituels. Plusieurs stratégies ont produit des résultats intéressants sur le plan de la prévention de tels comportements, entre autres, un programme de marche régulière, pratiquée tout de suite après le repas du soir. À raison de trois fois par semaine, deux ou trois bénévoles accompagnaient 11 patients dans des lieux publics pour une promenade d’une heure et demie. Ce programme de marche a diminué de 30 % le nombre de comportements agressifs observés chez les résidants d’une unité spéciale de soins pour patients atteints de démence.1 En outre, la thérapie par la présence simulée est fondée sur le principe que la principale – et la plus importante – source de stabilité pour une personne atteinte de la MA est, dans bien des cas, un aidant, en général un membre de la famille. Ainsi, dans une étude menée auprès de 27 patients, un membre de la famille avait enregistré des moments précieux de la vie du patient. Lorsqu’il manifestait un comportement dérangeant, le personnel infirmier lui faisait écouter cet enregistrement. Par la suite, il notait au dossier du patient si son comportement s’était amélioré, demeuré stable ou s’était aggravé en réaction à la thérapie par la présence simulée. Quatre-vingt-un pour cent des patients ont réagi favorablement à l’écoute de l’enregistrement personnalisé. Les auteurs de l’étude ont conclu que, parmi les troubles de comportement observés, ceux qui ont le mieux répondu à la thérapie par la présence simulée ont été l’isolement social (84 %) et l’agitation (78 %).2 Cette forme de thérapie offre aussi l’avantage de mettre en lumière des aspects importants de la vie passée du patient, sans compter que le personnel soignant découvre les noms des proches, ses passetemps favoris, ses intérêts, à la simple écoute de l’enregistrement tout en l’aidant à mieux comprendre sa personnalité. Dans une autre étude, les effets de la photothérapie ont été évalués sur l’agitation dans un groupe de six patients âgés, atteints d’une démence de gravité modérée ou sévère, vivant dans un centre de soins de longue durée (CSLD).3 Pendant deux périodes de 10 jours chacune, de 9 h 30 à 11 h 30, une source de lumière vive était installée, à environ un mètre du patient, de manière à ce qu’elle soit dans son champ visuel. Le personnel évaluait l’agitation du patient toutes les 15 minutes, de 16 h à 20 h. Les résultats montrent que les patients étaient moins agités 20 • La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Septembre 1999 les jours où ils recevaient la photothérapie. Il est intéressant de souligner que ce sont les patients les plus agités au début de l’étude qui ont présenté la plus grande amélioration. Cependant, tous les patients, sauf un, ont de nouveau manifesté de l’agitation moins de deux jours après l’arrêt du traitement. D’autres chercheurs ont mené une étude auprès de 20 patients d’un CSLD en leur faisant écouter de la musique classique apaisante à deux reprises pendant 15 minutes. À une semaine d’intervalle, ils ont évalué le degré d’agitation des patients durant les 15 minutes précédant l’écoute de la musique, celles pendant l’écoute et celles suivant l’intervention musicale. Les chercheurs ont constaté que l’agitation avait diminué aussi bien pendant qu’après l’écoute de la musique.4 Dans une étude semblable, l’écoute de musique classique et d’airs favoris a diminué le nombre de manifestations vocales répétées chez deux des trois patients atteints de la MA et vivant dans un CSLD. Chez le troisième patient, la musicothérapie n’a pas influé de façon notable sur son agitation puisqu’il jugeait la musique classique non apaisante.5 Un autre projet de recherche évaluait divers moyens d’atténuer les épisodes de questions ou d’énoncés répétitifs chez des patients âgés atteints de la MA. Parmi toutes les études incluses dans la synthèse, celle-ci était la seule à apprécier l’efficacité d’une intervention à domicile. Cette étude comparait la situation de sept aidants ayant reçu des recommandations concernant leur intervention pour maîtriser ce type de comportement à sept autres aidants témoins. Dans le groupe d’intervention, les aidants devaient utiliser des cartons aide-mémoire. Ces cartons présentaient des phrases simples pour répondre à des questions ou à des énoncés répétitifs. Les résultats de l’étude montrent que leur utilisation a été efficace pour diminuer les questions et les énoncés répétitifs.6 Des recherches sur cette question doivent être entreprises parce que les aidants ont désespérément besoin de recevoir des recommandations qui atténueraient le stress causé par le fait de prendre soin d’un proche à la maison. Les limites des études Il était impossible de contrôler les effets de l’attention consacrée aux patients sur les résultats observés parce qu’un grand nombre d’études n’ont pas été menées avec répartition aléatoire des sujets. Par conséquent, les effets favorables décrits dans plusieurs rapports d’études pourraient s’expliquer, en partie du moins, par le degré d’attention consacré aux patients lors des interventions. Ainsi, les conclusions de la présente synthèse doivent être évaluées à la lumière des limites méthodologiques constatées dans toutes les études incluses dans l’analyse. L’application sur le terrain Bien que la rigueur méthodologique n’ait pas été uniforme dans ces études, toutes les stratégies décrites valent la peine d’être essayées. L’analyse de synthèse a mis en évidence les meilleurs résultats de la recherche actuelle sur les stratégies utiles dans le traitement des troubles du comportement chez les personnes atteintes de la MA. Ces interventions sont sans danger sur le plan clinique et la plupart d’entre elles peuvent être facilement appliquées dans divers contextes : centres de soins de courte durée, CSLD, centres de jour pour adultes et soins à domicile. Malgré que les interventions aient été faites, à l’occasion, par le chercheur ou par des personnes ayant reçu une formation spécialisée, la plupart des aidants seraient capables d’appliquer ces stratégies pour prendre soin d’une personne atteinte de la MA. L’importance sur le plan de la recherche Il est conseillé de mener d’autres études pour reproduire les résultats des recherches auprès de personnes atteintes de diverses formes de démence et présentant des déficits cognitifs de gravité diverse. De telles études seront utiles pour déterminer les stratégies qui conviennent aux divers degrés de démence et de déficit cognitif. Il faudrait aussi mener des études longitudinales pour évaluer l’efficacité des interventions à longue échéance pour prévenir ou pour retarder la progression de la maladie et le stress des aidants. En outre, il est important d’évaluer le rapport coût-efficacité de l’application de ces interventions, un aspect particulièrement important pour les décideurs et pour les administrateurs. Références 1. Holmberg SK: Evaluation of a clinical intervention for wanderers on a geriatric nursing unit. Arch Psychiatr Nurs, 1997 11(1), 21-8. 2. Woods P, Ashley J: Simulated presence therapy: Using selected memories to manage problem behaviors in Alzheimer’s disease patients. Geriatric Nursing, 1995, 16(1), 9-14. 3. Lovell BB, Ancoli-Israel S, Gevirtz R: Effect of bright light treatment on agitated behavior in institutionalized elderly subjects. Psychiatry Res, 1995, 57, 7-12. 4. Tabloski PA, McKinnon-Howe L, Remington R: Effects of calming music on the level of agitation in cognitively impaired nursing home residents. Am J Alzheimer’s Care and Related Disorders & Research, 1995, 10-15. 5. Casby LA, Holm MB. The effects of music on repetitive disruptive vocalizations of persons with dementia. Am J Occup Ther, 1994, 48, 883-9. 6. Bourgeois MS, Burgio LD, Schulz R, et coll. : Modifying repetitive verbalizations of community-dwelling patients with AD. Gerontologist, 1997, 37(1), 30-9. Remerciements Ce texte est tiré de la conférence présentée par Dorothy Forbes lors de la 21e Conférence annuelle de la Société Alzheimer du Canada, tenue en 1999, à Ottawa, en Ontario. Son exposé était fondé sur son étude intitulée : Strategies to Manage the Behavioral Symptomatology Associated with SDAT : A Systematic overview (Canadian Journal of Nursing Research, vol. 30, no 2, 67-86). Ce projet de recherche a été financé par l’Alberta Association of Registered Nurses, par l’Alberta Heritage Foundation for Medical Research et par la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta. Pour plus d’information sur la maladie d’Alzheimer, s’il vous plaît veuillez contacter votre Société d’Alzheimer locale, regarder sur le site Internet au www.alzheimer.ca ou appeler, sans frais, au 1 (800) 616-8816. La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Septembre 1999 • 21