É D I T O R I A L Un regard neuf par Peter N. McCracken, M.D., FRCPC Ce numéro de la Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer vous propose un regard neuf sur quelques concepts classiques. Ainsi, les Drs Mary Gorman et Kenneth Rockwood présentent une démarche formelle qui permet d’établir les objectifs thérapeutiques pour un patient donné à l’aide d’une échelle d’évaluation appelée Goal Attainment Scaling (GAS), surtout sur le plan de l’évaluation de la réponse au traitement par les inhibiteurs de la cholinestérase. Leur article (page 4), décrit chaque étape de l’établissement d’objectifs thérapeutiques pratiques, pertinents et réalistes pour chacun des patients qui commencent à prendre un agent de cette classe. Au lieu d’employer des paramètres d’évaluation définis par un chercheur dans un contexte géographique ou culturel différent de celui du patient, pourquoi ne pas confier cette tâche à l’équipe soignante, au patient et à l’aidant? Toute la démarche est fondée sur la définition des attentes réalistes au sujet du traitement dans les domaines de la cognition, de la capacité fonctionnelle, du comportement, des loisirs et des interactions sociales. L’atteinte des objectifs est mesurée comme suit : « amélioration légère », « amélioration importante » ou, à l’opposé, « détérioration légère », « détérioration importante ». Les auteurs expliquent la formule mathématique pour calculer le résultat par rapport au pointage de départ. De plus, dans un souci d’objectivité, ils ne craignent pas de souligner les objections d’ordre pratique et les lacunes d’une telle démarche. De son côté, le Dr Chris MacKnight examine la question complexe de l’incidence et de la prévalence de la démence chez les personnes âgées de 90 ans et plus (page 10). Il déplore le peu de patients de plus de 95 ans inclus dans les études épidémiologiques sur la démence et suggère que des études conçues spécialement pour évaluer des patients très âgés souffrant de démence contribueraient à prévenir le biais de nonréponse au traitement et amélioreraient la pertinence des instruments d’évaluation de la cognition. Le Dr MacKnight souligne aussi l’écart croissant entre l’étendue des changements neuropathologiques observés à l’autopsie et le degré d’atteinte cognitive immédiatement avant la mort. Il rappelle que l’incidence de la maladie d’Alzheimer (MA) est moins élevée chez les centenaires, ce qui est étonnant, alors que la prévalence des autres formes de démence augmente. Il note une autre différence dans cette population : le rôle moins grand de l’allèle 4 de l’apolipoprotéine E dans l’expression de la MA chez les sujets très âgés. Le Dr Timothy D. Epp, pour sa part, présente le concept de soins centrés sur la personne dans la prise en charge de la démence (page 14). Ce concept se fonde sur le principe suivant : le personnel de soins de santé doit tenir compte du vécu, de la personnalité et du réseau de soutien du patient dans la prise en charge de ce dernier. Le Dr Epp explique de façon détaillée comment préserver un environnement social positif et encourageant pour les personnes qui souffrent de démence, sans négliger de souligner les difficultés de cette tâche, notamment l’absence de stratégies adaptées aux changements qui surviennent aux différents stades de la démence. Ensuite, on vous propose la première partie des réflexions personnelles de Mme Roberta Bédard, une aidante (page 20). Cette première partie se penche sur les débuts de ce qui devenu pour elle une véritable croisade contre la progression inéluctable de la MA chez son conjoint et sur comment elle tente de s’adapter à cette réalité. Enfin, la rubrique de la Société Alzheimer (page 22) porte sur l’évolution des préoccupations de cette dernière au cours des 25 années de son histoire. On vous raconte comment la Société Alzheimer a d’abord proposé des programmes de soutien et d’information à l’intention des aidants et des familles des patients atteints de MA, avant de créer des groupes de discussion pour les patients souffrant de MA au stade précoce. Ces groupes accueillent les patients alors qu’ils sont encore en mesure de bien comprendre les changements de leur état cognitif et d’exprimer leurs réactions et leurs sentiments. Ce nouveau partenariat avec les patients contribue grandement à enrichir l’information que la Société Alzheimer transmet aux aidants et aux patients. Peter N. McCracken, M.D., FRCPC Professeur de médecine, Université de l’Alberta Edmonton (Alberta) La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2003 • 3