revue Virologie 2010, 14 (3) : 171-84 Origine du VIH, une réussite émergentielle Lucie Etienne Martine Peeters Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Institut de recherche pour le développement (IRD), UMR145, Université de Montpellier-I, 911, avenue Agropolis, BP 64501, 34394 Montpellier cedex 05, France <[email protected]> Résumé. Les virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont le résultat de multiples transmissions de lentivirus du singe à l’Homme. Au moins quatre franchissements de la barrière d’espèce des SIV (simian immunodeficiency virus) des chimpanzés et gorilles d’Afrique équatoriale de l’Ouest sont à l’origine du VIH-1, et au moins huit transmissions indépendantes des SIV des mangabeys enfumés d’Afrique de l’Ouest sont à l’origine du VIH-2. L’ensemble des VIH n’ont cependant pas tous eu la même histoire virologique et épidémiologique. Certains sont restés restreints à quelques cas d’infections humaines, alors que d’autres ont connu une propagation à l’échelle mondiale comme le VIH-1 groupe M, découvert en 1983, et dont la pandémie touche aujourd’hui plus de 33 millions de personnes. Le risque de nouvelles émergences zoonotiques de tels lentivirus est à considérer compte tenu des infections SIV chez de nombreux primates, des prévalences élevées chez certaines espèces, des contacts hommes-singes toujours fréquents via la chasse et la préparation de viande de brousse, ainsi que des évolutions sociologiques, économiques, et démographiques favorisant l’expansion mondiale d’une infection virale. Mots clés : VIH, SIV, émergence, origine Abstract. Human immunodeficiency viruses (HIV) are the result of multiple viral cross-species transmissions from non-human primates to humans. SIVs from chimpanzees and gorillas from west central Africa have crossed the species barrier on at least four occasions leading to HIV-1 in humans. HIV-2 viruses result from at least eight independent transmissions of SIVs infecting sooty mangabeys from West Africa. These HIV variants have different virological and epidemiological histories. Some have remained restricted to a few cases of human infections, while others have spread worldwide, like HIV-1 group M affecting today more than 33 million people. Zoonotic emergence of new lentiviruses has to be considered given the prevalence of SIVs in some primate species, the increased contact between humans and wild primates through hunting and bushmeat preparation, and the socio-economic and demographic factors predisposing global expansion of viral infections. Key words: HIV, SIV, emergence, origin doi: 10.1684/vir.2010.0307 Découverte et histoire du virus du sida En 1981, le CDC d’Atlanta identifia plusieurs hommes homosexuels à New York, Los Angeles, ou San Francisco, atteints de pneumonies à Pneumocystiis carinii et/ou de sarcomes de Kaposi (CDC 1981) (figure 1). Cette découverte laissait présager l’apparition d’un nouveau type d’immunodéficience qui fut appelé, en 1982, « syndrome Tirés à part : M. Peeters Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 d’immunodéficience acquise » (sida) et qui semblait induit par un agent infectieux encore inconnu (CDC 1982). Ces mêmes symptômes ont ensuite été observés chez des toxicomanes, des patients hémophiles, des Haïtiens et chez des Africains vivant en Europe. En mai 1983, Barré-Sinoussi et al. identifièrent l’agent étiologique du sida [1], qui fut appelé par la suite virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Dès 1984, les premiers cas de sida en Afrique subsaharienne chez des hommes et des femmes hétérosexuels furent rapportés [2-4]. À la fin des 171 revue SIV chez les primates non humains Transmissions SIV singe-Homme Co-evolutions virus-hôte Transmissions inter-espèces Recombinaisons entre des lignées SIV divergentes 1900 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Début de la divergence des VIH dans la population humaine ≈ 1908 MRCA VIH-1 M ≈ 1920 MRCA VIH-1 O ≈ 1932-35 MRCA VIH-2 A et B ≈ 1963 MRCA VIH-1 N 1959 Plus ancien sérum VIH-1 M positif 19791981 Premiers cas de SIDA identifiés chez des hommes homosexuels des Etats-Unis d'Amérique 1983 Découverte du VIH-1 M 1984 Identification d'une épidémie hétérosexuelle en Afrique 1986 Découverte du VIH-2 en Afrique de l'Ouest Suspicion d'une origine simienne du VIH Identification de - SIVmac chez des macaques en captivité - SIV chez des singes sauvages 1990 Découverte du VIH-1 O 1998 Découverte du VIH-1 N 20052006 Identification des réservoirs des ancêtres du VIH-1 M, et des VIH-2 A et B, en Afrique Centrale et Afrique de l'Ouest, respectivement 2009 Découverte du VIH-1 P 33M de personnes infectées par le VIH-1 M ? Nouvelles émergences lentivirales : VIH-3, VIH-1 Q, VIH-2 l, ... ? Figure 1. Émergence et pandémie de VIH : histoire, découvertes, et perspectives. Frise indiquant les étapes majeures dans l’émergence et l’évolution du VIH, l’épidémie et les découvertes scientifiques. Écrits en violet, les faits majeurs de l’épidémie de VIH chez l’Homme ; en noir dans les cadres mauves, les découvertes successives des différents types et groupes de VIH. Le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde augmente au cours du temps, comme schématisé par le triangle violet. Les flèches grises verticales représentent le temps. années 1980, on observait une explosion de l’épidémie en Afrique, où la prévalence chez les femmes enceintes excédait 25 % dans certaines grandes villes d’Afrique de l’Est et du Sud [5]. Les recherches d’épidémiologie moléculaire ont par la suite montré que l’épidémie de sida a pour épicentre la République démocratique du Congo (RDC), région où la diversité des variants viraux est la plus grande [6, 7], puis que le virus a circulé en Afrique Centrale [8], et a ensuite été introduit en Haïti dans les années 1960 (most recent common ancestor MRCA 1966), avant sa circulation en Amérique du Nord (MRCA 1969), environ 12 ans avant la découverte et la description des premiers cas de sida [9]. Aujourd’hui, plus de 33 millions de personnes sont infectées par le virus responsable du sida dans le monde 172 (figure 1), parmi lesquelles plus de 70 % vivent en Afrique subsaharienne (UNAIDS 2008). D’ores et déjà plus de 25 millions de personnes sont mortes du sida, et cette maladie virale continue au XXIe siècle d’être l’une des premières causes de mortalité dans les pays du Sud (UNAIDS/WHO 2009). Le VIH est proche des virus SIV retrouvés chez les primates non humains Le VIH-1 a été identifié pour la première fois en 1983. En 1986, c’est un autre virus proche du VIH-1, appelé le VIH de type 2, qui fut décrit chez des patients vivant en France mais originaires d’Afrique de l’Ouest [10]. Les VIH-1 et VIH-2 sont apparentés aux lentivirus de primates appelés SIV pour simian immunodeficiency virus. Peu de temps après la découverte en 1983 du VIH-1, le premier SIV, SIVmac, fut isolé d’un macaque rhésus (Macaca mulatta), dans le centre de primatologie du “New England Regional Primate Research Center” (NERPRC) aux États-Unis d’Amérique avec des symptômes d’immunodéficience similaires à ceux observés chez les patients VIH [11, 12]. Des études rétrospectives montrèrent que, dès la fin des années 1960, une épidémie d’immunodépression avec apparition d’infections opportunistes avait eu lieu chez d’autres singes rhésus dans un centre californien, et que le virus de ces animaux avait été introduit au NERPRC [13]. Une même infection fut également décrite chez les macaques à face rouge (Macaca arctoides) [14]. Dans les deux cas, les macaques infectés avaient été en contact avec des mangabeys enfumés (Cercocebus atys) non malades, diagnostiqués rétrospectivement comme porteurs du SIVsmm. Les relations phylogénétiques proches entre l’ensemble de ces SIV suggérèrent que le virus de mangabey enfumé (SIVsmm) était la source de contamination chez les macaques [15]. Ce changement d’hôte avait induit une maladie semblable au sida chez le macaque. Dès lors, l’origine simienne du sida chez l’Homme fut suspectée. D’après la littérature actuelle, une sérologie SIV positive a pu être mise en évidence chez au moins 40 espèces de primates non humains (PNH), dont les trois quarts ont été confirmés par des séquences virales (génomes complets pour 27 lignées de SIV et partiels pour 11) (tableau 1). De manière remarquable, seuls les PNH africains sont naturellement infectés par des SIV. Le nombre d’espèces infectées pourrait être sous-estimé sachant que des virus SIV ont été retrouvés dans 90 % des espèces de singes examinées à ce jour et qu’il y a au total 73 espèces de PNH en Afrique subsaharienne. La majorité des infections SIV a été identifiée par des tests de dépistage ou confirmation du VIH, grâce aux réactions croisées avec les antigènes Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 revue Tableau 1. Infections SIV chez les primates non-humains d’Afrique. Genre Espèce sous-espèce Nom commun SIV Pan troglodytes troglodytes troglodytes schweinfurthii gorilla gorilla guereza badius badius badius temminckii tholloni rufomitratus tephrosceles verus albigena aterrimus anubis cynocephalus ursinus atys torquatus agilis sphinx leucophaeus nigroviridis talapoin ogouensis patas sabaeus aethiops tantalus pygerythrus diana nictitans mitis albogularis mona campbelli pogonias denti wolfi cephus erythrotis ascanius lhoest solatus preussi hamlyni neglectus chimpanzé d’Afrique Centrale chimpanzé d’Afrique de l’Est gorille de l’ouest colobe guéréza colobe bai d’Afrique occidentale colobe bai de Temminck colobe bai de Thollon colobe rouge d’Ouganda colobe vert mangabey à joues grises/blanches mangabey huppé, cercocèbe noir babouin de Guinée/anubis babouin cynocéphale/jaune babouin chacma mangabey enfumé mangabey à collier blanc/couronné mangabey agile mandrill drill singe des marais, cercopithèque noir et vert talapoin du sud, miopithèque talapoin talapoin du nord, miopithèque de l’ogooué singe rouge/patas singe sabeus grivet d’Éthiopie cercopithèque tantale vervet cercopithèque diane singe hocheur singe bleu cercopithèque à diadème cercopitheque mona singe des palétuviers cercopithèque pogonias singe mona de Dent cercopithèque de Wolf moustac moustac à oreilles rousses cercopithèque ascagne cercopithèque de l’Hoest cercopithèque à queue de soleil cercopithèque de Preuss cercopithèque de Hamlyn cercopithèque de Brazza SIVcpzPtt SIVcpzPts SIVgor SIVcol SIVwrcPbb SIVwrcPbt SIVtrc* SIVkrc* SIVolc Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Gorilla Colobus Piliocolobus Procolobus Lophocebus Papio Cercocebus Mandrillus Allenopithecus Miopithecus Erythrocebus Chlorocebus Cercopithecus SIVbkm* 1 2 2 3 4 5 SIVagm-Ver* SIVagm-Ver* SIVsmm SIVrcm SIVagi* SIVmnd-1,-2 SIVdrl SIVtal* SIVtal SIVagm-sab* SIVagm-Sab SIVagm-Gri SIVagm-Tan SIVagm-Ver SIVgsn SIVblu SIVsyk SIVmon SIVden SIVwol* SIVmus SIVery SIVasc* SIVlho SIVsun SIVpre* 3 6 SIVdeb Pour chaque espèce de primate infectée sont donnés le genre, l’espèce, la sous-espèce (s’il y a lieu), ainsi que le nom commun français. Les espèces réservoirs des VIH-1 et 2 sont présentées en gras ; en gris clair sont les espèces dont seule une sérologie positive aux SIV a pu être mise en évidence ; en noir, les espèces dont l’infection SIV a été confirmée par amplification virale et séquençage, les SIV sont alors notés selon la nomenclature d’usage (une astérisque indique les SIV dont seules des séquences partielles sont disponibles). Référence pour l’ensemble des données : Bibollet-Ruche et al., J Virol, 2004 [89] ; 1Van Heuverswyn et al., Nature, 2006 [31] ; 2Liégeois et al., J Virol, 2009 [90] ; 3Ahuka Mundeke et al., Poster #597/92P, Conférence Francophone VIH/sida, 2010 ; 4Goldberg et al., J Virol, 2009 [80] ; 5Takemura et al., J Gen Virol, 2005 [91] ; 6VandeWoude and Apetrei, Clin Microbiol Rev, 2006 [92]. Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 173 SIV [19-21]. Cependant, quelques cas d’immunodéficience chez des singes en captivité ont pu être mis en évidence, mais en général à un âge qui dépasse celui en milieu naturel [22]. De plus, le paradigme généralisant la non-pathogénicité des SIV chez leurs hôtes naturels sauvages a été remis en question par une étude récente chez les chimpanzés sauvages d’Afrique de l’Est (Pan troglodytes schweinfurthii). L’infection par un virus SIVcpzPts aurait un impact négatif sur la santé des animaux infectés ainsi que sur leur reproduction et leur espérance de vie [23]. Ce syndrome d’immunodéficience serait semblable à celui retrouvé chez l’Homme affecté par le sida, bien que le SIVcpzPts apparaisse comme moins virulent. Des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats, mais surtout pour savoir si les chimpanzés de la sous-espèce P. t. troglodytes sont aussi atteints d’immunodéficience lors d’une infection par SIVcpzPtt. Question de la pathogénicité des SIV chez leurs hôtes naturels Les SIV n’induisent pas d’immunodéficience chez leurs hôtes naturels [18], ce qui suggère une évolution virushôte depuis de nombreuses années. Cette absence de pathogénicité a été particulièrement étudiée chez les mangabeys enfumés et les singes verts, dont l’espérance de vie et l’état immunitaire ne sont pas affectés lors d’infections aux L’évolution des lentivirus SIV/VIH est particulièrement complexe L’évolution des SIV et des différentes lignées est très complexe et n’est toujours pas résolue. Il y a de nombreux exemples de coévolution entre ces virus et leurs hôtes, mais également des exemples de recombinaisons entre des SIV relativement distants, puisqu’une même espèce de primate peut aussi être porteuse de deux SIV différents. Bien qu’il semble aujourd’hui clair, au vu des phylogénies des SIV et de leurs hôtes, qu’une simple codivergence n’ait pu avoir lieu [24, 25], certaines associations SIV-hôte suggèrent une coévolution sur de très longues périodes, comme les SIV chez les quatre espèces de singes verts (Chlorocebus sp) ou chez les espèces de Cercopithèques arboricoles (Cercopithecus sp). Cependant, les multiples transmissions interespèces entre des singes qui sont génétiquement proches peuvent donner une impression erronée de la coévolution, surtout lorsque les chances de succès de transmission interespèces sont plus élevées chez les espèces génétiquement proches [24]. Il y a en effet de nombreuses évidences de transmissions interespèces de SIV chez les primates vivant dans les mêmes régions géographiques ou en association polyspécifique. Par exemple, les SIVagm des singes verts ont été transmis aux singes patas en Afrique de l’Ouest [26] ou aux babouins jaune et chacma en Afrique du Sud [27, 28]. Il y a aussi des exemples plus complexes comme les transmissions interespèces des SIV entre les singes hocheurs (SIVgsn) et moustacs (SIVmus), suivies de recombinaisons retrouvées chez SIVmus-2 chez les moustacs [29] (tableau 1). L’exemple le plus marquant de transmission interespèces suivie de recombinaison est celui des SIV infectant les chimpanzés. En effet, les SIVcpz sont le résultat d’une recombinaison entre deux virus : les ancêtres des SIVrcm (partie 5’) des mangabeys à collier blanc et des SIVgsn (partie 3’) des singes hocheurs [30]. Vc SI yk Vs mo SI n SIVm n y SIVdeb Ve r SIVde SI SIV ol du rétrovirus humain. Des tests « faits maison » spécifiques de SIV ont par ailleurs été mis au point afin d’augmenter la sensibilité de détection de certains variants viraux. Cependant, on ne peut exclure que des infections SIV restent indétectables dans l’ensemble de ces tests, en particulier les infections par des SIV encore inconnus [16, 17]. Les virus SIV présentent une grande diversité génétique. Cependant, chaque espèce de PNH est généralement infectée par des variants spécifiques qui forment une lignée monophylétique dans la radiation des SIV (figure 2). Pour chaque espèce infectée, le virus est indiqué par SIV suivi de trois lettres en minuscule référant au nom commun anglais de l’espèce infectée (exemple : SIVcpz pour les SIV infectant les chimpanzés), et les initiales du nom latin de la sous-espèce peuvent être ajoutées si nécessaire (exemple : SIVcpzPtt pour les SIV infectant les chimpanzés de la sous-espèce Pan troglodytes troglodytes) (tableau 1). tal SIV m bk SIV sc Va SI Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue SIV SIVgsn sun SIVwrc SIVolc SIVmnd-1 SIVagm-Sab SIVdrl nd-2 SIVm ho Vl SI us SIVsmm/VIH-2 rcm SIV er -V gm Tan Va SI agm i Gr V mSI ag SIV SIVcpz/SIVgor/VIH-1 0.1 pol Figure 2. Diversité génétique et évolution des différentes lignées SIV/VIH. Analyse phylogénétique par neighbor-joining d’un alignement de séquences partielles du gène pol (512 pb) de SIV infectant diverses espèces de primates non-humains et de VIH infectant l’Homme. Les longueurs de branche sont à l’échelle (la barre d’échelle représente 0,1 substitution par site). Les nuances de gris permettent une meilleure lecture de la figure en différenciant les SIV d’espèces distinctes. Les lignées VIH-1/-2 sont présentées en violet. Les différentes lignées SIV et leur hôte peuvent être retrouvés dans le Tableau 1. 174 Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue Cette recombinaison virale a pu avoir lieu lors d’une surinfection probablement chez le chimpanzé, carnivore de petits singes, et a donné lieu à l’actuelle lignée de SIVcpz. Les chimpanzés ont ensuite pu transmettre leur virus à des gorilles [31, 32]. Les coévolutions virus-hôtes, les transmissions interespèces, les surinfections, ou les recombinaisons virales sont parmi les nombreuses caractéristiques évolutives des SIV qui rendent leur histoire si complexe à résoudre. Des contacts avec du sang, des sécrétions ou des tissus infectés entre les PNH de différentes espèces peuvent avoir lieu lors de combats, d’infanticides, d’associations polyspécifiques, ou pendant la chasse et la consommation de petits singes comme pour les chimpanzés. Les transmissions interespèces présentées précédemment seraient donc possibles lors de tels contacts avec un animal infecté. Si des transmissions interespèces ont pu être observées entre les PNH, les virus SIVont aussi pu franchir à plusieurs reprises la barrière d’espèce lors de transmissions virales de singes à l’Homme, comme détaillées dans les prochaines sections. Le sida, dont l’agent étiologique est le VIH, peut donc être considéré comme une zoonose [33]. Les SIV les plus proches du VIH-1 sont le SIVcpz et le SIVgor qui infectent naturellement les chimpanzés (P. t. troglodytes) et les gorilles (Gorilla gorilla gorilla) d’Afrique équatoriale de l’Ouest. Les SIVsmm retrouvés chez les mangabeys enfumés (Cercocebus atys) d’Afrique de l’Ouest sont les plus proches du VIH-2. Les SIV chez les grands singes d’Afrique sont à l’origine du VIH-1 Le VIH-1 infectant l’Homme est maintenant connu pour être composé de quatre groupes : le groupe M pour « Major », découvert en 1983 [1] et responsable de la pandémie actuelle de sida ; le groupe O ou « Outlier » découvert en 1990 [34] ; le groupe N, pour « Non-M Non-O », identifié en 1998 [35] ; et depuis août 2009, un virus d’un nouveau groupe a été caractérisé chez deux personnes d’origine camerounaise, en France et au Cameroun, et ce groupe a été appelé VIH-1 groupe P [36] (Brennan et al., Oral #25, CROI 2010) (figure 1). Chaque groupe du VIH-1 résulte d’une transmission interespèces de SIV de grands singes à l’Homme. Les questions sur l’origine du VIH-1 sont de plusieurs ordres : quels sont les réservoirs à l’origine du VIH-1 retrouvé chez l’Homme ? Combien d’événements de transmission sont impliqués ? Où ces transmissions interespèces se sont-elles déroulées ? Quand et comment ont-elles eu lieu ? Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 Les SIV des chimpanzés et des gorilles sont à l’origine du VIH-1 chez l’Homme L’hypothèse selon laquelle les chimpanzés puissent être les réservoirs du VIH-1 fut établie en 1989 lorsque des infections lentivirales par des SIV isogéniques et proches phylogénétiquement du VIH-1 furent caractérisées chez deux chimpanzés nés dans la nature et captifs au Gabon (Gab1 et Gab2) [37, 38]. La caractérisation d’un troisième SIVcpz (SIVcpzANT) infectant un chimpanzé de RDC et saisi en Belgique par les douanes révéla une très grande et inattendue diversité génétique entre l’ensemble des souches SIVcpz caractérisées [39]. Néanmoins, cette grande diversité a pu être expliquée lorsque la phylogénie des SIVcpz fut analysée en prenant en compte les différentes sous-espèces de chimpanzés [40]. Ainsi, il a pu être mis en évidence que les chimpanzés P. t. troglodytes dans la partie ouest d’Afrique équatoriale et les P. t. schweinfurthii en Afrique équatoriale de l’Est étaient chacun infectés par des SIVcpz spécifiques des sous-espèces, et que les SIVcpzPtt étaient les plus proches virus du VIH-1 (figure 3). Si ces données suggéraient fortement que les chimpanzés d’Afrique équatoriale de l’Ouest étaient la source du VIH-1, la mise en évidence du réservoir de façon définitive imposait de pouvoir étudier un nombre plus important de chimpanzés vivant dans la nature. C’est la mise au point, en 2002, de méthodes non invasives pour ces espèces protégées qui a permis la caractérisation des SIV infectant les grands singes sauvages à partir d’échantillons fécaux [41, 42]. Par cette méthode, de nouvelles souches de SIVcpz provenant de chimpanzés sauvages vivant en Tanzanie et en RDC, et appartenant à la sous-espèce P. t. schweinfurthii ont été caractérisées [43] (Li et al., Poster #440, CROI 2010). Toutes ces nouvelles souches SIVcpzPts forment une lignée proche du SIVcpzANT et distincte de celle du VIH-1, confirmant que ces variants ne sont pas à l’origine des virus infectant l’Homme [44]. En revanche, les études d’épidémiologie moléculaire des SIVcpz infectant les chimpanzés du Cameroun ont permis d’identifier en 2006 les réservoirs des virus humains pandémiques (VIH-1 M) et non pandémiques (VIH-1 N) [45]. En effet, cette étude montre que les souches virales ancêtres du VIH-1 M appartiennent à une lignée de SIVcpzPtt qui persiste aujourd’hui chez des groupes de chimpanzés sauvages, de la sous-espèce troglodytes, vivant dans l’extrême sud-est du Cameroun (figure 3). De plus, il est apparu que le VIH-1 groupe N a pour origine une autre lignée de SIVcpzPtt infectant des animaux du centre du Cameroun (figure 3). Au total, la distribution des SIVcpzPtt chez les chimpanzés d’Afrique équatoriale de l’Ouest est étendue mais inégale [46]. Aussi, dans l’arbre évolutif, ces virus se regroupent selon leur site d’origine de collecte, phénomène appelé regroupement phylogéographique. Depuis 2003, 175 SIVgorGgg H- Republic on the congo R. oué Ogo 1P go on C 250 R. Kasi HIV -1 P SIVcpzPts N3 TA R. Ca 500 km Angola Gorilla gorilla gorilla 2 TAN m1 3 GAB1 Cam3 2 HXB R. Uganda M B8 go Co n Tanzania SIVcpzPtt VIH-1 N Pan troglodytes troglodytes 0.2 5 DRC 106 P.t. verus P.t. vellerosus P.t. troglodytes P.t. schweinfurthii B 3 50 Congo R. 94 U S 66 EK Og R. ooué ngi M Sa R. DP 5 U45 YBF30 VI Uba LB7 Cote d' Ivoire 5 97 M H-1 Cam YBF Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 0 ? 35 congo (DT) 21 CP Gabon VI TA N1 . go R Con Equatorial Guinea 84 CP6 Atlantic Ocean T ? G. gorilla gorilla AN Western Lowland Gorilla Cameroon ga na Sa MVP5180 Central African R Nigeria VIH-1 O Benue R. ANT70 revue Figure 3. Les SIV des chimpanzés et des gorilles dans l’ouest de l’Afrique centrale sont à l’origine du VIH-1. L’arbre phylogénétique représente les relations d’évolution entre les différentes lignées : les VIH-1 groupes M, N, O, P (en gris), les SIVcpzPts des Pan troglodytes schweinfurthii (en bleu), les SIVcpzPtt des P. t. troglodytes (en rouge), et les SIVgor des Gorilla gorilla gorilla (en jaune). L’arbre a été construit avec la méthode du maximum de vraisemblance à partir d’un alignement protéique de séquences SIV/VIH dans Env et les longueurs de branche sont à l’échelle (la barre d’échelle représente 0,2 substitution par site). Les cartes représentent les répartitions géographiques des espèces concernées : les G. g. gorilla (en haut) et les quatre sous-espèces de chimpanzés (en bas). Les flèches reliant l’arbre phylogénétique aux cartes indiquent les réservoirs des ancêtres des différents groupes du VIH-1 (les flèches en pointillés montrent que les études n’ont pas encore permis d’identifier les réservoirs directs des VIH-1 groupes O et P). des enquêtes épidémiologiques de terrain dans le Sud du Cameroun ont permis de collecter plus de 1 200 échantillons fécaux de chimpanzés sur 25 sites différents. L’ensemble de ces données a permis d’estimer la prévalence globale du SIVcpzPtt dans cette région à 5,9 % (variant de 0 à 32 % selon les sites) [47]. À ce jour, après de nombreuses recherches, les deux autres sous-espèces de chimpanzés, P. t. vellerosus et P. t. verus, ne semblent pas être infectées par des SIV [46, 48]. En 2006, les réservoirs du VIH-1 M et du VIH-1 N ont donc pu être caractérisés, mais les ancêtres du VIH-1 groupe O restaient inconnus. C’est dans ce contexte qu’il a été découvert que les gorilles de la sous-espèce G. g. gorilla vivant au Cameroun étaient aussi infectés par des SIV, qui ont été nommés SIVgor [31]. Les SIVgor sont très proches du VIH-1 groupe O, et cela sur l’ensemble du génome [32]. Néanmoins, il semble que les SIVgor caractérisés à ce jour ne soient pas les ancêtres directs du VIH-1 O retrouvé chez l’Homme, étant donné la distance génétique entre ces deux lignées virales 176 relativement importante. Les variants viraux infectant les gorilles forment un clade monophylétique inséré dans la radiation des SIVcpz dans l’arbre phylogénétique (figure 3) suggérant ainsi que les gorilles ont pu être infectés suite à une transmission interespèces de SIV des chimpanzés. Des enquêtes d’épidémiologie moléculaire de grande envergure ont permis la collecte de plus de 2 200 échantillons fécaux de gorilles dans 21 sites au Sud du Cameroun [47]. La distribution du SIVgor chez ces populations sauvages est aussi apparue inégale (présence de gorilles infectés sur seulement quatre sites), et la prévalence globale du SIVgor de 1,6 % (de 0 à 4,6 % selon les sites) est trois fois plus faible que celle observée chez les chimpanzés dans cette même région [47]. En 2009, la découverte du VIH-1 groupe P et sa forte proximité avec les virus SIVgor dans l’arbre phylogénétique suggèrent que ces nouveaux virus humains sont dérivés d’un lentivirus de gorille [36]. Néanmoins, à ce jour, aucun SIVgor n’a été identifié comme étant l’ancêtre direct du groupe P retrouvé chez l’Homme (figure 3). Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue La question du réservoir à l’origine du VIH-1 chez l’Homme est donc partiellement résolue. Les quatre groupes du VIH-1 sont le résultat de quatre transmissions interespèces indépendantes. Les chimpanzés P. t. troglodytes sont les réservoirs du VIH-1 M pandémique chez l’Homme ainsi que du VIH-1 groupe N. En ce qui concerne les groupes O et P, il n’y a actuellement pas de réponse définitive. Les SIVgor sont bien les virus simiens les plus proches phylogénétiquement des VIH-1 O et P [47]. Cependant, de plus amples recherches sont nécessaires pour identifier les ancêtres directs des variants O et P, en particulier dans les pays limitrophes au Cameroun jamais prospectés, mais situés dans les aires géographiques des chimpanzés et gorilles de l’Ouest africain. Ces recherches supplémentaires aideront aussi à élucider l’origine du SIVgor chez les gorilles, et à savoir si ce sont les gorilles qui ont transmis les virus O et/ou P à l’Homme, ou s’il existe toujours un réservoir des ancêtres O et P chez les chimpanzés. Les franchissements de la barrière d’espèce menant au VIH-1 ont eu lieu dans l’ouest de l’Afrique centrale Ces recherches sur les réservoirs montrent aussi où ont eu lieu les transmissions interespèces à l’origine du VIH-1. Les franchissements de la barrière d’espèce pour les groupes M et N ont certainement eu lieu dans le Sud du Cameroun où les réservoirs de ces deux variants viraux ont été retrouvés (figure 3). Cette découverte coïncide avec les cas d’infection chez l’Homme par les souches du VIH-1 N qui ont tous été décrits chez des personnes vivant au Cameroun. Pour le groupe O, circulant dans les populations humaines du Cameroun, du Gabon et des pays limitrophes (environ 1 % des personnes vivant avec le VIH) [49, 50], la localisation de l’origine virale n’a pas encore été identifiée. Cependant, la répartition géographique des hôtes du SIVgor, souche proche du VIH-1 O, correspond à la zone épidémique retrouvée aujourd’hui chez l’Homme. Le VIH-1 groupe P n’a été identifié que chez deux personnes d’origine camerounaise, or ce variant humain est très proche des SIVgor infectant les gorilles du Sud du Cameroun. La localisation de la transmission interespèces à l’origine du groupe P n’a pas encore été identifiée, mais pourrait se situer dans le Sud du Cameroun ou proche région. Au total, on peut conclure que les quatre transmissions interespèces ont eu lieu dans la partie ouest d’Afrique centrale, correspondant aux aires de répartition des gorilles de plaine de l’ouest (G. g. gorilla) et des chimpanzés de centre-ouest (P. t. troglodytes). Néanmoins, pour ce qui est du groupe M, il a été montré que l’épicentre de la pandémie est situé en RDC à plusieurs centaines de kilomètres du Sud-Est du Cameroun [6, 7]. Diverses hypothèses pour expliquer cette différence de localisation entre l’origine du virus et l’origine de l’épidémie ont été exposées, et une combinaison de plusieurs Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 facteurs (viraux, humains, socio-économiques, démographiques, etc.) semble impliquée dans cette origine épidémique. Aussi, il est à noter qu’actuellement les chimpanzés sauvages vivant entre le sud-est du Cameroun et près de Kinshasa en RDC n’ont pas encore été étudiés, et il ne peut être exclu qu’il existe d’autres populations de grands singes sauvages infectés avec les ancêtres du VIH-1 M. Parmi les quatre groupes du VIH-1, soit quatre transmissions interespèces, seul le groupe M a connu une expansion rapide et mondiale. L’émergence du VIH-1 a eu lieu au début du XXe siècle Des études ont montré qu’une grande diversité génétique du VIH-1 était déjà observée à Kinshasa (RDC), épicentre de l’épidémie, 20 ans avant que l’épidémie de sida soit reconnue ; une souche VIH-1 M sous-type D a été identifiée dans un sérum de 1959 [51] et une souche VIH-1 M sous-type A dans une biopsie de 1960 [7]. Grâce aux analyses phylogénétiques, il est possible de dater l’ancêtre le plus récent commun à un ensemble de souches virales (MRCA). Différentes techniques de datation moléculaire ont ainsi été utilisées dans le but d’estimer les ancêtres communs à certains SIVou VIH. Ainsi, les plus récentes données estiment que le MRCA du groupe M (1908, 1884-1924) au début du XXe siècle est plus ancien que celui du groupe O (1920, 1890-1940) et du groupe N (1963, 1948-1977) (figure 1) [52]. Les calculs de MRCA des SIVcpz varient selon les études en fonction des modèles utilisés et/ou des séquences SIV disponibles. Il est cependant remarquable que l’ensemble des études récentes s’accorde sur le fait que la phylogénie des SIV est relativement jeune, seulement de quelques centaines ou milliers d’années. Ces estimations sont donc contraires aux théories de codivergence virale spécifique de l’espèce, et semblent privilégier la théorie du changement d’hôte [24]. Pour les SIVcpz en particulier, le MRCA est estimé à 1492 (1266-1685) [52]. Les problèmes de datation rencontrés pour calculer le MRCA des SIVcpz sont en partie dus au faible nombre de séquences SIVcpz disponibles et échantillonnées sur une courte période. Dans le cas du SIVgor, cette problématique est d’autant plus importante, puisque très peu de SIVgor ont été caractérisés. Le MRCA des SIVgor a été estimé à 1864 (1818-1906) [32]. L’exposition aux PNH infectés expliquerait les transmissions interespèces Bien que les circonstances des transmissions interespèces des grands singes à l’Homme soient inconnues, l’hypothèse la plus probable pour ces transmissions reste l’exposition sanguine de l’Homme à des animaux infectés. Ces contacts sanguins, mais aussi potentiellement le contact avec 177 revue l’épicentre de l’épidémie de VIH-2 et l’aire de répartition des mangabeys enfumés [53, 54]. Par ailleurs, ces singes sont régulièrement chassés ou domestiqués. Par la suite, plusieurs études ont montré que les mangabeys enfumés sauvages sont infectés par des SIVsmm dans leur milieu naturel, et une grande diversité virale a été observée chez ces animaux sauvages au Libéria, en Sierra Léone et en Côte-d’Ivoire. Les virus infectant ces mangabeys enfumés d’Afrique de l’Ouest sont donc les ancêtres du VIH-2 présent aujourd’hui chez l’Homme (figure 4). Contrairement au VIH-1, l’épidémie de VIH-2 s’est moins propagée, restant essentiellement limitée à l’Afrique de l’Ouest (figure 4). De plus, les prévalences sont restées faibles en allant en décroissance, le VIH-1 prenant le dessus [55, 56]. Les prévalences les plus élevées ont été observées au sud du Sénégal (Casamance) et en Guinée-Bissau. Le VIH-2 est moins pathogène et moins Origine du VIH-2 : une autre émergence, une autre épidémie En 1989 et 1992, des études ont confirmé les homologies entre le VIH-2 et le SIVsmm infectant les mangabeys enfumés en Afrique de l’Ouest, notamment les similarités d’organisation de leurs génomes avec la présence du gène accessoire vpx, la coïncidence géographique entre Vs m SL TM 22 92 92 B 92C SL mSL sm _F SIV SIVs V2 F 92 SL HI D S7 9 _S MM SIVs mSD H4 _MM 251 SIV F SM Cercocebus atys _ SD m Vs SI H mS C Vs SIVsmSL9 H SI SIVsmm -2_ HIV SI SIVsmSL93_119 _AE HIV-2 C 3_063 E -2_ HIV s SIV sm SD 2F L9 mS SIVsmS SIVsmSL93 _D80 34 3_1 SL9 sm SIV L92E A HIV-2_A_ROD A SIVsmLIB1 _A_GH HIV -2_ V-2 _ Vs SI Vs HIV-2_G 2 I2 TA m I3 TA sm SIV 5 TAI17 SIVsmTAI3 SIVsm 0.02 1 B_D HI mT AI 31 SIV sm TAI 1 SIVsm TAI23 D HIV-2 _D HIV-2 I32 TA sm SIV I29 TA 7 m I3 s V TA SI m Vs SI 205 CD EF B_ SI Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. d’autres tissus ou sécrétions infectés, ont pu avoir lieu lors de la chasse ou la préparation de viande de brousse, ou même lors de blessures infligées par des singes domestiqués. Ces facteurs à l’origine de l’émergence du virus chez l’Homme sont à différencier de ceux qui ont favorisé sa diffusion épidémique, ceux-ci étant multifactoriels (comportementaux, environnementaux, etc.). UC 1 B HI V2 GH B 300 km _B _E 200 ml HO A VIH-2 G Figure 4. Les SIV des mangabeys enfumés d’Afrique de l’Ouest sont à l’origine du VIH-2. L’arbre phylogénétique représente les relations d’évolution entre les différentes lignées : les VIH-2 groupes A à H (en noir), les SIVsmm des mangabeys enfumés (en bleu, vert et rose selon les pays d’origine). La méthode de neighbor-joining a été utilisée à partir d’un alignement nucléotidique de séquences SIV/VIH dans env (741 pb). Les longueurs de branche sont à l’échelle (la barre d’échelle représente 0,02 substitution par site). La carte géographique représente la distribution du VIH-2 chez l’Homme (en gris) avec les lettres correspondant aux localisations des différents groupes du VIH-2 (grande lettre pour une épidémie, petite lettre lorsque quelques cas uniquement ont été caractérisés) ; l’habitat des mangabeys enfumés, Cercocebus atys, (en rayures noires) est aussi indiqué. Les codes couleurs pour les différents SIVsmm dans l’arbre phylogénétique et la carte sont : vert pour la Côte-d’Ivoire, rose pour le Libéria, bleu pour la Sierra Léone. 178 Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue transmissible que le virus pandémique : on observe une quasi-absence de transmission mère-enfant [57] et une transmission sexuelle moins efficace, certainement liée aux faibles charges virales [58, 59]. Néanmoins, une très grande diversité génétique est observée, puisque le VIH-2 est constitué de huit groupes viraux (notés de A à H), correspondant à huit transmissions interespèces indépendantes [60] (figure 4). La plupart des groupes (C à H) n’infectent que peu d’individus et ont été décrits essentiellement dans les zones rurales, où les habitants vivent au contact de ces animaux par la chasse ou par leur domestication. Seuls les groupes A et B ont connu une diffusion épidémique en Afrique de l’Ouest, le groupe A circulant principalement en Guinée-Bissau et au Sénégal, tandis que le groupe B est retrouvé en Côte-d’Ivoire. Les ancêtres de ces deux groupes viraux ont été identifiés chez des mangabeys enfumés sauvages de la forêt de Taï, en Côte-d’Ivoire, proche de la frontière avec le Liberia (figure 4) [61]. Les études de datation estiment que l’émergence du VIH-2 a eu lieu vers 1932 pour le groupe A (1906-1955) et 1935 pour le groupe B (1907-1961) [52] (figure 1). Ces dates coïncident avec une phase instable en GuinéeBissau, et il a été suggéré que les guerres civiles de cette période ont été un facteur amplificateur de la propagation du VIH-2 dans la population humaine [62]. Évaluation des risques de transmissions rétrovirales du singe à l’Homme Les virus VIH infectant l’Homme sont le résultat de transmissions virales interespèces suite à des contacts entre les Hommes et les primates infectés avec un SIV. Importante exposition de l’Homme aux primates non humains La chasse et la consommation de viande de brousse sont communes en Afrique subsaharienne. Elles ont toujours été pratiquées, et sont une source de protéines et de revenus. Cependant, depuis plusieurs années, les industries forestières et minières sont en pleine expansion en Afrique centrale [63] et impliquent une augmentation de la population humaine directement au contact des forêts, inaccessibles au grand nombre auparavant. Avec le développement de ces exploitations, la commercialisation de viande de brousse a augmenté significativement, entraînant ainsi une augmentation de l’exposition des chasseurs aux animaux sauvages. En effet, une étude récente au Nord Congo fait état d’une augmentation de 64 % des ventes de viande de brousse parallèlement à l’accroissement des concessions forestières [64]. Des études sur la consommation de viande de brousse ont montré que de nombreuses espèces de singes sont chassées par l’Homme, et nous Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 avons pu montrer que la population humaine dans ces régions était en contact avec une diversité considérable de SIV [65, 66]. De plus, il est notable que les grands singes ne sont pas seulement chassés pour la consommation de leur viande, mais aussi pour la pratique de rites et de médecine traditionnelle [67]. Le risque d’émergence de nouvelles zoonoses est d’autant plus important que les prévalences VIH, estimées chez les jeunes femmes dans les villages proches des exploitations forestières, sont particulièrement élevées [68]. Cette donnée confirme que les comportements à risque, qui induiraient une propagation rapide d’un éventuel nouveau lentivirus, existent dans ces zones rurales. Un nombre important de personnes immunodéprimées sont donc potentiellement exposées à une nouvelle zoonose [69], mais aussi à l’émergence de nouveaux virus recombinants SIV/VIH, puisque les relations phylogénétiques entre les lentivirus de primates et leur évolution attestent que ces événements de recombinaisons sont relativement fréquents. Les prévalences SIV chez les singes soulignent le risque de nouvelles zoonoses Les risques de transmissions interespèces des SIV dépendent aussi de la prévalence virale chez les populations simiennes. Une étude chez les animaux de compagnie dans le Sud du Cameroun montre que la prévalence SIV chez des mandrills domestiqués peut s’élever à 23 % [70]. Concernant les espèces sauvages chassées, une étude de 2009 à partir de plus de 2 500 prélèvements de viande de brousse au Cameroun révèle une séroprévalence globale de SIV chez les PNH d’environ 3 %, variant de 0 à 10 % selon les localités au Cameroun, et de 0 à plus de 40 % selon les espèces [66]. Les prévalences les plus faibles (0 à 1 %) étaient observées chez les espèces simiennes les plus fréquemment chassées au Cameroun, limitant dans cette région les risques de transmission interespèces. Néanmoins, une étude pilote au centre de la RDC montre qu’environ 20 % des primates chassés sont infectés par un SIV, et que pour cette région les plus forts taux d’infection sont observés chez les espèces les plus souvent chassées (Ahuka Mundeke et al., Poster #597/92P, Conférence francophone VIH/sida 2010). Nos études d’épidémiologie moléculaire chez les grands singes sauvages au Cameroun montrent des prévalences globales relativement faibles de 1,6 et 5,9 % chez les gorilles et les chimpanzés respectivement [47]. Néanmoins, il est important de noter que les ancêtres des VIH-1 groupes M et N ont été identifiés chez des populations de chimpanzés fortement infectées, avec des prévalences SIV d’environ 30 % [45, 46]. En Afrique de l’Ouest, la situation est aussi préoccupante : la prévalence SIV est très élevée chez les mangabeys sauvages (environ 50 %), or cette espèce est particulièrement chassée, et les SIVsmm ont déjà été transmis à l’Homme à au moins 179 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue huit occasions. Dans cette même région, environ 50 % des colobes rouges sont infectés par SIVwrc [71], or ces singes sont aussi très chassés par les Hommes, mais aucune transmission interespèces à l’Homme n’a encore été observée. Les colobes rouges sont aussi chassés par les chimpanzés et représentent 80 % des apports en protéines animales chez ces derniers, mais de même, aucune infection SIV avec un virus proche de SIVwrc n’a été identifiée à ce jour chez les chimpanzés vivant dans cette région. Ces prévalences chez l’ensemble des primates illustrent la possibilité et le risque de contamination aux virus d’immunodéficience par transmission interespèces du singe à l’Homme, mais suggèrent aussi que d’autres facteurs sont impliqués, comme l’adaptation du virus à un nouvel hôte. Adaptation virale et réussite émergentielle L’ensemble des virus infectant les animaux sauvages ne sont pas transmis à l’Homme, car incapables de franchir la barrière d’espèce et d’effectuer l’adaptation virale nécessaire à l’infection dans ce nouvel hôte, mais aussi à la diffusion dans la nouvelle population. Les caractéristiques moléculaires qui ont permis le franchissement de la barrière d’espèce aux ancêtres du VIH-1 ou VIH-2 restent encore inconnus, et des recherches sont nécessaires afin de savoir pourquoi les SIV infectant les chimpanzés ou les mangabeys ont pu être transmis à l’Homme à plusieurs reprises, et pas les SIV des colobes rouges par exemple, ou d’autres espèces de PNH infectées. Par ailleurs, la transmission virale à une nouvelle espèce n’induit pas nécessairement sa diffusion dans la population. Cette observation est particulièrement remarquable dans le cas des infections à VIH où les différences entre les épidémies de VIH-1 et -2 ou celles des différents groupes du VIH-1 sont très importantes. Cette étape de diffusion (où le taux de reproduction de base, Ro, est supérieur à 1) est indispensable à une vraie réussite émergentielle [72] et dépend de nombreux facteurs liés au virus, à l’hôte, et à l’environnement [73]. L’adaptation des virus SIV/VIH à une nouvelle espèce n’a pu être mise en évidence que dans peu d’études. Par exemple, les SIVcpz et SIVgor possèdent un site très conservé, Gag-30 dans la région p17, avec une méthionine ou une leucine sur l’ensemble des souches virales caractérisées, alors que les virus VIH-1 chez l’Homme présentent tous une arginine [74]. Cette modification d’acide aminé très conservé pourrait être une illustration de l’adaptation virale du VIH-1 à son hôte humain. Dans une étude récente, Sauter et ces collègues montrent que le VIH-1 groupe M pandémique a adapté sa protéine vpu afin de bloquer le facteur de restriction humain tétherine, contrairement aux virus du groupe O qui n’ont pas sélectionné cette modification [75]. Or, il semble que cette dernière permette une meilleure réplication virale chez l’Homme ainsi qu’une transmission interhumaine plus efficace suggérant que 180 cette adaptation a pu être un facteur majeur dans l’établissement de la pandémie de VIH-1 M chez l’Homme [76]. Une étude sur l’évolution virale des lignées SIV a mis en évidence que certaines fonctions de Nef ont été perdues au cours de l’évolution chez les virus de la lignée ancêtre du VIH-1. Nef est en partie responsable de la persistance des SIV chez leur hôte, et prévient, dans le même temps, de la suractivation de leur système immunitaire. Néanmoins, cette dernière fonction est perdue chez certaines lignées SIV, et en particulier dans celle des SIVcpz/VIH-1. Cette perte de fonction au cours de l’évolution a pu prédisposer les précurseurs simiens du VIH-1 à une pathogénicité particulièrement élevée chez l’Homme, adaptation qui n’a pas été réalisée dans la lignée SIVsmm/VIH-2 moins pathogène [77]. Dans une autre étude, il a pu être mis en évidence que les variants O du VIH-1 et les virus VIH-2 ont des aptitudes de réplication et de transmission plus faibles que celles du groupe M, ce qui pourrait contribuer à expliquer leur faible prévalence et leur diffusion limitée [78]. Cependant, toutes ces données sont encore préliminaires et de plus amples études sont donc nécessaires. Les facteurs humains sont aussi largement impliqués dans ce processus d’expansion d’une épidémie en particulier lorsqu’elle est virale et transmissible par contacts sanguin et sexuel, comme c’est le cas pour le VIH. Les différences de localisations entre l’origine de l’émergence virale (extrême Sud-Est du Cameroun pour le VIH-1 M) et celle de l’épidémie (RDC pour ces variants M) témoignent de l’importance des facteurs humains et environnementaux dans la diffusion d’une telle épidémie. Les principaux facteurs humains favorisant l’expansion d’une épidémie de VIH sont les comportements sexuels à risque, les fortes prévalences d’infections sexuellement transmissibles, l’absence de circoncision, les transmissions virales iatrogènes (exemple : transfusions, injections), etc. L’ensemble de ces facteurs associés à des facteurs sociodémographiques comme l’augmentation en densité de la population humaine dans les zones forestières, le décuplement des moyens de transport entre les zones rurales et urbaines et donc des migrations et des mouvements de population, l’urbanisation croissante et l’augmentation du commerce sexuel ont permis un terrain favorable à la naissance d’une épidémie suite à une émergence virale au départ pourtant isolée. Risque continu de transmissions rétrovirales interespèces L’importance du risque de transmission virale des espèces simiennes à l’Homme est en outre mise en évidence dans les études sur les spumavirus simiens (SFV pour simian foamy virus en anglais) et les virus T-lymphotropiques simiens et humains (STLV et HTLV). Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue Les SFV sont des anciens rétrovirus non pathogènes, dont la prévalence est très élevée chez les PNH ; par exemple, 70 % d’infectés chez des singes captifs [79], 97 % chez des colobes rouges sauvages [80], entre 44 à 100 % selon les sites chez les chimpanzés sauvages [81]. Des enquêtes épidémiologiques chez des personnes en contact avec des PNH ont rapporté la présence d’infection SFV chez l’Homme [82, 83], avec des taux d’infections allant jusqu’à 25 % chez les personnes ayant eu des morsures de grands singes [83]. Néanmoins, il n’y a aujourd’hui aucune évidence de transmission interhumaine de spumavirus, d’où l’absence d’une épidémie de SFV chez l’Homme. Ici le franchissement de la barrière d’espèce est donc possible, mais l’adaptation virale n’est pas suffisante pour permettre au virus de se répandre dans la nouvelle population. L’exposition aux PNH contribue aussi à l’émergence de virus HTLV chez l’Homme [84, 85]. Des études, chez les chasseurs d’Afrique équatoriale notamment, ont montré que des infections zoonotiques par de nouveaux STLV continuent d’avoir lieu chez les personnes en contact avec les PNH [86] (Switzer et al., Poster #441, CROI 2010). Ces virus T-lymphotropiques, présents chez les singes d’Afrique mais aussi d’Asie ou d’Amérique, sont donc capables de franchir la barrière d’espèce singe-Homme. Certains variants comme les HTLV-1 et HTLV-2 ont pu s’adapter à la population humaine, puisque ces deux types viraux sont transmis d’Homme à Homme par voie sanguine, sexuelle, ou par le lait de la mère à l’enfant. Ces caractéristiques ont donc permis aux virus de se répandre dans la population humaine ; le HTLV-1 est en effet endémique dans plusieurs régions du monde. Ces deux exemples de rétrovirus franchissant la barrière d’espèce soulignent le risque actuel et continu de transmission de virus simiens à l’Homme et donc potentiellement l’émergence de nouveaux rétrovirus dans la population humaine, comme de nouveaux variants SIV/VIH. Des sérologies SIV positives, sans isolation virale, chez l’Homme ont été mises en évidence dans plusieurs études [17, 87, 88]. La récente découverte du VIH-1 P chez l’Homme est une démonstration supplémentaire de ce risque d’émergence zoonotique. De plus, l’étude comparative de ces rétrovirus et de leur impact dans la population humaine montre l’importance de l’adaptation virale à la transmission interhumaine lors de l’établissement d’une épidémie. déjà depuis le début du XXe siècle en Afrique centrale (figure 1). Actuellement, au moins 12 transmissions du singe à l’Homme ont été décrites, quatre à l’origine du VIH-1 et huit pour le VIH-2. Cependant, il est très probable que d’autres ont eu lieu dans le passé mais sont restés inaperçus, le virus n’ayant pu s’adapter au nouvel hôte ou n’ayant pas eu l’occasion d’être introduit dans un milieu favorisant sa dissémination rapide. Dans la mesure où l’Homme est toujours potentiellement exposé à de nombreux lentivirus du fait de la chasse de PNH ou de la préparation de viande de brousse, la possibilité de nouveaux épisodes de transmissions interespèces est une éventualité qu’il faut anticiper. On ne peut exclure que de nouveaux variants, issus d’autres transmissions, circulent ou ont circulé dans la population humaine, mais qu’ils n’ont pas été détectés par les tests de dépistage VIH-1/-2 actuels. De plus, la longue phase asymptomatique caractéristique des lentivirus permet une large diffusion d’un nouveau variant dans une population à risque avant qu’il soit effectivement reconnu. Pour cela, il est important de continuer à caractériser les SIVauxquels les Hommes sont exposés, et de plus d’améliorer les tests de détection sérologique en incluant, par exemple, des antigènes SIV lors d’études épidémiologiques chez les populations en contact avec les animaux potentiellement infectés. Comme vus précédemment, de nombreux éléments sont indispensables pour qu’une simple transmission virale soit à l’origine d’une nouvelle épidémie. Les facteurs de l’hôte associés aux facteurs environnementaux, sociaux, démographiques sont les principaux acteurs dans la diffusion d’un tel nouveau virus. Il est donc aussi important de comprendre quels facteurs ont été particulièrement déterminants lors des succès épidémiologiques passés de certains variants afin de réduire le risque de nouvelles émergences virales. Conclusion 2. Ellrodt A, Barré-Sinoussi F, Le Bras P, et al. Isolation of human T-lymphotropic retrovirus (LAV) from Zairian married couple, one with AIDS, one with prodromes. Lancet 1984 ; 1 : 1383-5. L’épidémie actuelle de VIH démontre l’extraordinaire importance que peut avoir un seul épisode de transmission lentivirale interespèces. Les premiers cas de sida avec le VIH-1 M ont été observés en 1981, mais le virus circulait Virologie, Vol. 14, no 3, mai-juin 2010 Remerciements. Nous remercions Matthieu Jung et Eric Delaporte pour leur lecture critique d’une version antérieure de ce manuscrit. Lucie Etienne est soutenue par une bourse Jeune Chercheur de Sidaction. Conflits d’intérêts : aucuns. Références 1. Barré-Sinoussi F, Chermann JC, Rey F, et al. Isolation of a T-lymphotropic retrovirus from a patient at risk for acquired immune deficiency syndrome (AIDS). Science 1983 ; 220 : 868-71. 3. Piot P, Quinn TC, Taelman H, et al. Acquired immunodeficiency syndrome in a heterosexual population in Zaire. Lancet 1984 ; 2 : 65-9. 4. Van de Perre P, Rouvroy D, Lepage P, et al. Acquired immunodeficiency syndrome in Rwanda. Lancet 1984 ; 2 : 62-5. 181 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue 5. Buve A, Bishikwabo-Nsarhaza K, Mutangadura G. The spread and effect of HIV-1 infection in sub-Saharan Africa. Lancet 2002 ; 359 : 2011-7. 6. Vidal N, Peeters M, Mulanga-Kabeya C, et al. 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