Unité Didactique n°4 : L’agriculture au seuil du marché commun L’objectif de cette Unité Didactique est d’obtenir une vision la plus correcte possible de quelle était la situation de l’agriculture au seuil du marché commun, dans les 6 Etats membres fondateurs de la Communauté Economique Européenne. Connaître l’histoire est indispensable pour comprendre le présent et anticiper sur l’avenir. L'Europe des 6 couvre 117 millions d'hectares. Environ 60% de cette surface sont utilisables pour l'agriculture, mais cette partie cultivable présente des conditions de production naturelles très différentes; de la plaine centreeuropéenne aux régions montagneuses des Alpes et aux côtes du sud de l'Italie. Comme le signale les documents de la Conférence de Stressa1, Au milieu des années 50, quelques 17.5 millions de personnes tiraient leur subsistance de l'agriculture. En Italie, les actifs employés dans le secteur agricole représentaient un bon tiers (dans le sud plus de la moitié), en France encore un quart mais en Belgique un peu plus que 1/10 seulement de l'ensemble de la population active. 1 Disponible sur http://tomasgarciaazcarate.com/en/content/relevant-documents/21-conference-destressa En Italie, 85% des exploitations avaient entre 0.5 et 5 hectares; en Allemagne, ce pourcentage était de 55% et en France de moins de 35%. Non seulement la structure de la production, mais aussi la structure des produits de l’agriculture italienne était très différente de celle des autres Etats fondateurs. Les céréales représentaient un quart de la valeur globale de la production contre un dixième chez ses partenaires et même un vingtième seulement aux Pays-Bas. La production de fruits (10%) et de vin (11%) occupait une place plus importante en Italie que dans les autres pays, y compris la France. Dans ce dernier Etats membres, en revanche, la production de viande bovine jouait un plus grand rôle que chez ses cinq partenaires, alors que, en Allemagne, c’était les productions de lait et de viande porcine qui dominaient (chacun de ces secteurs représentant un quart de la valeur globale de la production). D’une manière générale, les régions septentrionales (Benelux, Allemagne du Nord et nord de la France) étaient fortement marquées par la production animale qui, en valeur, y représentaient plus de deux tiers de la production finale agricole, alors que, dans les régions méridionales, c'était les productions végétales qui dominaient (également quelques deux tiers de la valeur globale de la production). Vers le milieu des années 50, la part de l’agriculture dans la production globale de biens était de 36% en Italie, de 30% en France et de 15% seulement en Allemagne. Sa contribution au produit national brut variait entre 8,4% en Belgique et 23% en Italie, ce qui représente un rapport du simple au triple. Cependant, un agriculteur belge avait, en moyenne, un revenu presque triple de celui de son collègue italien. C’était aux Pays-Bas et en Belgique que les rendements à l’hectare, exprimés en valeur, étaient les plus élevés: ils représentaient deux fois et demie les rendements obtenus en Italie. C’était également aux Pays-Bas et en Belgique que le décalage des revenus des agriculteurs par rapport aux autres secteurs était le plus faible : il n’atteignait même pas la moitié du décalage enregistré en Allemagne, en France et au Luxembourg. Une idée tenace mais fausse Parmi les idées fausses 100 fois répétées et qui sont devenues des certitudes, se trouve l'affirmation que la politique agricole commune a été ce qu'elle était parce que la nouvelle Communauté était déficitaire en produits agricoles. Le tableau ci-dessous est plus que plein d'enseignements. • En moyenne 1956/1958, les taux d'autosuffisance dépassaient ou atteignaient 100% pour les produits laitiers, les pommes de terre et les légumes. • Durant la même période, le blé, le sucre, la viande, les œufs, se situaient déjà entre 90et 100%. • Les vrais produits déficitaires étaient les fruits, les céréales secondaires et les matières grasses. Les Organisations Communes de Marchés les plus interventionnistes couvraient des produits tels que le lait, le blé, les céréales secondaires qui figurent dans les trois groupes. Les fruits et les légumes, dans deux groupes tout à fait différents, ont eu une OCM commune. On peut donc conclure que la situation excédentaire ou déficitaire d'un produit à l'aube du marché commun n'explique pas le caractère plus ou moins dirigiste et interventionniste de son organisation commune de marché. Part de la production interne dans la couverture des besoins de la communauté (en %) Céréales panifiables Céréales secondaires Sucre (raffiné) Viande (poids en carcasse) Œufs Lait condensé Fromage Beurre (teneur en graisse) Matières grasses autres que le beurre (teneur en graisse) Total de matières grasses Pommes de terre Légumes Fruits Avantguerre 1934/38 1947/481949/50 1950/511952/53 1953/54 1955/56 1956-57 1957/58 86 77 75 96 101 293 105 104 41 73 78 75 96 98 121 102 99 46 82 80 90 99 97 186 102 98 44 92 80 108 98 93 175 100 101 41 89 81 93 96 90 159 100 100 42 54 98 102 89 58 101 102 94 55 102 102 89 53 102 101 87 54 102 103 82 Source: Oury, B. (1959): L'agriculture au seuil du marché commun. Presses Universitaires de France