Oxfam International au Sénégal Unis nous avons plus d’impact. Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal Rapport Provisoire Juillet 2009 SOMMAIRE RESUME 3 INTRODUCTION 7 I- EVOLUTION ECONOMIQUE, SOCIALE ET VULNERABILITES 10 II- PAUVRETE ET POLITIQUES SOCIALES 20 III- LES MESURES, PROFILS ET AMPLEUR DE LA PAUVRETE 24 IV- LES ACTEURS CLES, INSTRUMENTS ET STRATEGIES REPONSES 42 V/ LES DYNAMIQUES DE CHANGEMENT 56 VI/ LE SENEGAL ET SES VOISINS 62 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 64 2 RESUME Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une stratégie de lutte contre la pauvreté pour Oxfam International au Sénégal. Il est structuré autour de six points : l’analyse de l’évolution socioéconomique et des vulnérabilités au Sénégal, l’analyse des mesures et des profils de la pauvreté, l’identification des acteurs de le lutte contre la pauvreté ainsi que les stratégies de lutte, l’analyse des dynamiques de changements, l’approche comparative entre le Sénégal et ses voisins. Une dernière partie est consacrée aux recommandations. La première partie met en évidence le passage d’une longue phase d’ajustement structurel qui a duré presque deux décennies (1980-2000), à une phase de lutte contre la pauvreté. Cette préoccupation montre bien sûr l’ampleur du phénomène et mobilise une pluralité d’acteurs, d’instruments et mécanismes. Les principales conséquences de la dégradation de la situation au niveau économique et social demeurent l’élargissement et l’approfondissement de la pauvreté (52.2% des ménages situés en dessous du seuil de pauvreté), mais également la forte baisse du secteur primaire et la tertiarisation de l’économie. Il est vrai qu’en dépit d’une croissance soutenue au cours des dernières années, le niveau de vie des Sénégalais reste très bas. Une production agricole insuffisante, la faible capacité de l'économie à créer des emplois durables et l'insuffisance des ressources affectées aux services sociaux contribuent à aggraver la pauvreté qui touche déjà près de 54% de la population. Avec un revenu national brut (RNB) de 540 dollars par habitant, une espérance de vie d'à peine 56 ans et un taux d'alphabétisation qui ne dépasse pas 40% de la population adulte dont 20% pour les femmes, Le Sénégal se situe donc au 159ième rang en 2008 et perd trois places par rapport à l’année 2006/2007 selon l’IDH du PNUD. La deuxième partie s’articule autour des politiques sociales mises en œuvre. Il montre notamment les échecs des politiques d’ajustement structurel (PAS) dans le cadre du développement. De ce fait, l’avènement du DSRP annonce un nouvel tournant dans la perspective de développement du Sénégal, et de la lutte contre la pauvreté en l’occurrence. Ainsi dans plusieurs domaines 3 et secteurs, des progrès ont été notés : le taux brut de scolarisation élémentaire est passé de 71,6% à plus de 86% entre 2002 et 2007 ; Le taux de couverture vaccinale est passé de 56% en 2001à 80% en 2005 et la proportion d’accouchements assistés de 40% à 62% sur la même période ; En milieu urbain, le taux d'accès à l'eau potable est passé de 78% en 2000 à 85% en 2005 et de 56% en 2000 à 61% en 2005 en milieu rural. La troisième section offre une vision synthétique des mesures et des profils de la pauvreté au Sénégal. Il en ressort principalement que la majorité des pauvres, vit en milieu rural. Ils représentent 65% des individus et 57,5% des ménages de cette population. Ainsi, le milieu rural contribue à hauteur de 65% à la pauvreté. En revanche, Dakar qui compte près d’un quart de la population y contribue pour moins de 18% de la population. Les données observées sur plusieurs années montrent que la pauvreté est loin d’être uniforme d’une région à une autre. Avec moins d’un ménage pauvre sur trois en 2005/06, globalement, les régions de l’intérieur peuvent être regroupées en trois grandes catégories homogènes selon l’incidence de la pauvreté observée en 2005/06 : • très forte (plus de 60%) à Tambacounda, Ziguinchor, Fatick, Louga et Kolda • forte (entre 40 et 60%) à Kaolack, Diourbel, Matam, et Thiès • moyennement forte (entre 33 et 40%) à Dakar et Saint Louis. La quatrième partie de l’étude met en exergue les principaux programmes mis en œuvre par l’Etat du Sénégal et ses différents partenaires, notamment dans le cadre du DSRP dont les quatre piliers fondamentaux demeurent (i) la création de richesses, (ii) le renforcement des capacités et promotion des services de base, (iii) l’amélioration des conditions de vie des groupes vulnérables et (iv) le suivi de la mise en œuvre et évaluation. Il convient toutefois de mentionner à ce niveau que les enjeux de pouvoir et les interactions entre les acteurs constituent des sources d’instabilité du cadre de lutte contre la pauvreté du fait notamment des logiques de concurrence ou de contrôle des espaces de pouvoir entre les acteurs impliqués. 4 Plusieurs dynamiques de changements sont ainsi analysées dans le cinquième point du rapport. Il s’agit en l’occurrence de stratégies d’ajustement adoptées par les acteurs à travers la migration (2 à 2,5 millions de sénégalais sont en situation migratoire), le recours à la médiation, les autoajustements des ménages (taudification de l’habitat, occupation des terrains non aédificandi ; recul de l’âge au premier mariage ; effritement des liens verticaux au profit des solidarités horizontales ; apparition des aliments pour pauvres tels que le « ndambe », « aloo-aloo », pain rassis ; les gargottes supplantent les restaurants cèdent la place aux gargottes ; disparition des repas du soir et du petit déjeuner ne sont plus sur l’agenda des ménages ; privatisation des services domestiques tels que le linge et la coiffure), le développement de l’entreprenariat populaire ou encore le changement du modèle de réussite sociale. Le sixième point du rapport rend compte de la place du Sénégal dans la région et des relations avec les états voisins. Le Sénégal apparaît en effet comme ayant de bonnes performances par rapport à bon nombre d’états de l’Afrique ; ce fait est corroboré par l’amélioration de son IDH qui est passé de 0,342 en 1975 à 0,499 en 2005, soit une progression relative de 46% sur la même période. Cependant, la progression annuelle, en termes de développement humain, reste encore faible (0,5% par an). Il est vrai qu’il faut reconnaître la volonté de structurer les interventions sectorielles et de leur donner une cohérence d’ensemble. Cependant, le bilan de juillet 2009 comme celui de 2008 révèle des décalages importants des politiques sectorielles notamment pour le renseignement des indicateurs. Les résultats mitigés de la stratégie de lutte contre la pauvreté montrent que des efforts considérables restent à faire pour briser les inégalités fortes entre les différentes régions du pays et entre les différents groupes de population. SIGLES ET ABREVIATIONS 5 ANSD BAD CFAA CPAR CREA CSS DSRP ESAM ESPS FMI FNR GOANA IPM MP NEPAD OMD PADELU PAMLT PAREP PAOS PDEF PELCP PEPAM PFDS PLCP PLCP PLP PNDL PNDS PNIR PPTE PREF Agence nationale de la statistique et de la démographie Banque africaine de développement Country financial Accountability assessment Country program Assessment review Centre de Recherche en Economie Appliquée Caisse de sécurité sociale Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté Enquête sénégalaise auprès des ménages Enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal Fond monétaire international Fond national de retraite Grande offensive nationale pour l’agriculture et l’abondance institut de prévoyance maladie Millenium project Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique Objectifs du Millénaire pour le Développement Programme d’appui aux Initiatives de Développement Local Urbain Programme d’ajustement à moyen et long terme Programme d’Appui à la Réduction de la Pauvreté Plan d’affectation et d’occupation des sols Plan Décennal de l’Education et de la Formation Professionnelle Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté Programme eau potable et assainissement pour le millénaire Projet du Fonds de Développement Social Programme de Lutte Contre la Pauvreté Programme de Lutte Contre la Pauvreté Plan de Lutte contre la Pauvreté Le Programme National de Développement Local Programme National de Développement Sanitaire et Social Programme National d’Infrastructures Rurales Pays Pauvres Très Endettés Programme de redressement économique et financier Projet de Gestion Durable et Participative des Energies Traditionnelles et de PROGEDE Substitution PSAOP Le Programme des Services Agricoles et des Organisations des Producteurs PSIDEL Programme de Soutien aux Initiatives de Développement Local RGP Recensement général de la population RGPH Recensement général de la population et de l'habitat SCA Stratégie de croissance accélérée SMIG Salaire minimum interprofessionnel garanti UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine 6 Introduction Le Sénégal a une population estimée à environ 12 millions d'habitants en 2008 et une économie marquée par la prépondérance de trois secteurs stratégiques, incluant l'arachide, la pêche et les services. En outre sa grande ouverture sur l’océan Atlantique (700 km de côtes) lui confère une position stratégique, notamment dans le cadre du transport maritime et des échanges économiques entre l’Afrique et les autres continents. Au cours des dernières décennies, bénéficiant d'un climat politique favorable, le pays est resté à l'abri de l'instabilité régionale qui caractérise l’Afrique de l’Ouest. Cette stabilité est renforcée par l’organisation des processus électoraux en 2000, 2007 et 2009. Malgré ces atouts, le Sénégal connaît de nombreuses difficultés notamment sur le plan socio-économique et une grande frange de la population sénégalaise souffre de la pauvreté. Cela s’est manifesté par une baisse drastique du poids du secteur agricole au fil du temps passant de près de 15% du PIB en 1960 à 7% en 2004 et des déséquilibres notoires entre zones éco-géographiques puisque la moitié de la population est concentrée dans 3 régions (Dakar, Thiès et Diourbel) non sans conséquence sur la production et la distribution des ressources. Il faut rappeler que les politiques d’ajustement structurel (PAS) depuis les années 80, ainsi que les sécheresses et la baisse de la pluviométrie ont contribué à la paupérisation et à la précarisation de nombreuses couches sociales dont les populations rurales qui représentent selon l’Enquête de Suivi de la Pauvreté au Sénégal 2005-2006 (ESPS)1 ,58% de la population (République du Sénégal 2007). Au total, il apparaît dans le suivant une incidence de pauvreté assez forte au sénégal. Tableau 1 Principales statistiques nationales Population (totale) a 10,6 millions 42% Urbaine b 58% Rurale b Taux de pauvreté (total) a 50,6% Population en situation d’extrême 15,9% pauvreté RNB par habitant c US$820 (US$1,640 PPA) 1 Hereafter referred to as the 2005–2006 ESPS 7 Indice de Développement Humain 156/177 (0,499) (IDH) d Indice de Développement de Genre 134 (IDG) d Sources: a République du Sénégal, 2006b; ESPS 2005-2006 b, c de la Banque Mondiale, World Development Indicators, 2007; d 2005 IDH du PNUD). Les performances enregistrées au cours des dernières décennies (avant 2000) ont été insuffisantes en raison de certains facteurs exogènes, mais aussi endogènes. Les facteurs exogènes sont liés aux aléas climatiques qui ont fortement marqué un secteur productif dépendant de l’agriculture, et, aux chocs exogènes avec principalement la détérioration des termes de l’échange. On peut aussi noter dans les facteurs internes la stratégie de l’Etat caractérisée par un fort interventionnisme dans l’activité économique. Les principales politiques économiques mises en œuvre au Sénégal depuis 1980 l’ont été dans le cadre de programmes élaborés avec les partenaires au développement notamment le FMI et la Banque mondiale. Les programmes de stabilisation et d’ajustement mis en œuvre depuis les années 1970 jusqu’en 2000 avaient d’abord pour principal objectif de stabiliser le tendance à la détérioration des principaux agrégats macroéconomiques, de redresser la situation macro-économique et financière (PREF : Programme de redressement économique et financier) et d’introduire des réformes structurelles d’envergure pour adapter le système productif aux contraintes de développement (PAMLT : Programme d’ajustement à moyen et long termes) et ensuite de consolider les gains tirés de l’ajustement extérieur intervenus en 1994. Ces différentes politiques ont certes permis une évolution relativement positive du taux de croissance. Cependant, celle-ci n’a pas été assez forte pour permettre un rétablissement rapide des déséquilibres. De plus l’Etat a mis en place des politiques de diminution des charges publiques avec des compressions massives sur les emplois publics matérialisées par la fermeture de plusieurs sociétés nationales et des mesures d’incitation au départ de la fonction publique et du parapublic contribuant du coup au relèvement du taux de chômage. Cette augmentation du taux de chômage s’est accompagnée d’une baisse sensible sur les dépenses de types sociaux dans le domaine de la santé, mais surtout de l’éducation. 8 Les politiques nationales mises en place dans la même période (nouvelle politique agricole, nouvelle politique industrielle, libéralisation du commerce intérieur et extérieur…) n’ont pas donné les résultats escomptés du fait d’un retrait trop hâtif de l’Etat dans l’accompagnement du secteur agricole, mais aussi de la forte dépendance de ce dernier des sociétés nationales pour la commercialisation de ses produits. Le secteur industriel n’a pas échappé au traumatisme né du démantèlement du circuit de production et de commercialisation des produits. La dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, accompagnée d’une tenue assez rigoureuse des finances publiques a permis de rétablir progressivement les déficits macro-économiques de l’économie et d’envisager un retour au soutien aux secteurs sociaux à partir de 1996. C’est dans ce contexte international et national que le Sénégal a élaboré et engagé la mise en œuvre d’un Plan de Lutte contre la Pauvreté (PLP) en 1997. Les premiers programmes spécifiques de lutte contre la pauvreté sont conçus, avec notamment le Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté (PELCP SEN 97/03), grâce au concours financier du PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement), suivi d’autres actions en partenariat avec différents acteurs multilatéraux et bilatéraux. Bénéficiant de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), le Sénégal a élaboré, de manière participative, un Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), adopté en 2001, créant ainsi, un cadre référentiel unique de toutes les interventions de développement de l’ensemble des acteurs, d’une part et pour l’élaboration de politiques sectorielles, d’autre part. Il a favorisé le recentrage des projets et programmes sur les objectifs et axes prioritaires retenus, pour une meilleure harmonie des interventions et une répartition plus juste et plus efficiente des ressources mobilisées. Le présent rapport se structure autour 6 grandes parties qui traitent des aspects suivants : l’évolution économique, sociale et des vulnérabilités, les politiques sociales et la pauvreté, les mesures de la pauvreté et l’identification des pauvres, les acteurs et les stratégies réponses dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, les dynamiques de changements actuels et les transformations sociales induites et enfin la place du Sénégal dans l’espace UEMOA et à l’échelle internationale. 9 I- Evolution économique, sociale et vulnérabilités L'économie du Sénégal a connu une croissance relativement stable depuis plus de 10 ans de l’ordre 4 % avec un fléchissement en 2006. Ces résultats ont été facilités par la bonne performance des services fiscaux et une hausse limitée des dépenses publiques. En effet, le renforcement du système fiscal a contribué à une augmentation des recettes fiscales de plus de 9% en moyenne annuelle sur la période 2000-05, portant le taux de pression fiscale à plus de 18,5% en 2005, contre 16% en 2000. Dans le même temps, la hausse des dépenses publiques a été maîtrisée et a visé principalement les dépenses en capital qui ont cru de plus de 4% du PIB entre 2000 et 2005. Les dépenses d’éducation et de santé ont aussi augmenté au cours de la période (de 1,7 et 0,7% du PIB respectivement), suivi d’une diminution en 2006. Un contexte de récession très marqué Cette croissance soutenue accompagnée d’un degré élevé de stabilité macroéconomique sur la période 2000-05 n’a pas profité à la grande majorité de la population dont les revenus proviennent de secteurs peu productifs ou avec des performances (FMI, 2008). Néanmoins, la performance macroéconomique s’est détériorée au cours des deux dernières années. Le scénario de croissance faible du DSRPII 2006-2011 prévoyait un taux de croissance à moyen terme de 5%, qui n’est pas en passe de se réaliser car la croissance économique a été en deçà des attentes au cours des deux dernières années (2,3% en 2006 et 4,8% en 2007). Il est admis que même si la croissance est toujours restée positive, elle reste encore très en deçà des 7% nécessaires pour réduire la pauvreté (DSRPII) et atteindre les OMD malgré l’engagement ferme du gouvernement du Sénégal à préserver la stabilité macroéconomique, avec au moins 5% de croissance annuelle, à contrôler les niveaux d'inflation et maintenir à un niveau raisonnable le déficit budgétaire et la dette publique, afin de créer une base solide pour la réduction de la pauvreté (République du Sénégal, 2008). La revue annuelle du DSRP (2009) est très explicite sur les résultats mitigés obtenus en rapport avec les actions prioritaires, les ressources allouées et les faibles niveaux d’exécution. 10 Ce sont donc des chocs exogènes d’après la revue du DSRP 2009, qui sont à l’origine du renchérissement des prix intérieurs et de la dégradation de la balance de paiements courants compte tenu des efforts de subvention du gouvernement des prix du pétrole et de certaines denrées. Les perturbations dans les opérations des Industries Chimiques du Sénégal (ICS), de la Société Nationale d’Électricité (SENELEC) et de la Société Africaine de Raffinage (SAR) ont exacerbé ces développements et ont conduit à des vulnérabilités accrues dans le système bancaire. La politique budgétaire est également devenue plus expansive, puisque le déficit budgétaire s’est situé à environ 6% du PIB en 2006, en dépit d’une poursuite de la hausse des recettes budgétaires. Cette évolution s’explique notamment par une hausse des subventions énergétiques et un accroissement de la masse salariale. En conséquence, des problèmes de trésorerie ont conduit à l’accumulation d’arriérés et autres retards de paiements envers des fournisseurs. A cela s’ajoute les dépassements budgétaires devenus récurrents en dépit de la surveillance du FMI. En matière de réformes structurelles, des avancées ont été réalisées dans divers secteurs. Des mesures importantes sont prises, visant l’amélioration du recouvrement des recettes fiscales, le développement du secteur privé et du secteur financier. Des tentatives de relance du secteur agricole sont aussi effectuées, malgré l’absence d’une politique affirmée et cohérente. Ces performances économiques n’ont pas eu un impact significatif sur les tendances du marché du travail, la croissance étant portée par des secteurs d’activité peu intensifs en main d’œuvre comme l’huilerie, les phosphates, l’agro alimentaire, etc., face à une faiblesse de l’investissement et à une atonie de l’agriculture et de l’industrie. Le nombre d’emplois dans le secteur industriel moderne aurait chuté de 30% entre 1994 et 1999 (Banque mondiale, 2003), contrairement au segment des services qui compterait 727 000 actifs occupés et qui est marqué par un développement significatif des emplois, particulièrement dans les villes, avec une prépondérance du secteur informel 11 dans lequel on trouve plus de 80% de cet effectif, avec un faible soutien à l’amélioration des qualifications. Cela s’explique par le fait que la croissance du PIB a été très peu créatrice d’emplois, en laissant entière la problématique de l’absorption d’une population active en forte expansion et accentue l’enjeu de la stabilité politique et sociale dans un pays marqué par un niveau de pauvreté élevé. L’économie informelle contribue fortement à la formation du PIB. Selon l’étude sur l’emploi (BM, 2007), 97 % des nouveaux emplois nets entre 1995 à 2004 dans le secteur informel. De même, selon diverses sources concordantes, l’économie informelle apporte 20% des investissements mais selon la même étude, la productivité dans le secteur informel est de 3 à 10 fois inférieures au secteur formel. Quant au secteur rural qui occupe 60% de la population active et qui offre le plus important potentiel de création d’emplois indispensable à une résorption du chômage, il reste caractérisé par une faible productivité du travail et un sous-emploi élevé. Il convient de rappeler que l’importance des transferts d’argent des sénégalais vivant à l’étranger qui peuvent représenter selon certains entre 30% à 70% du revenu dans les ménages ruraux (Van Vlaenderen et al 2004), ont été estimés à environ US $ 633 millions en 2006 (soit 7,6% du PIB selon la Banque Mondiale 2008)2. La crise financière internationale n’épargne pas les flux financiers des migrants en direction de leur pays d’origine car la BM annonce une baisse considérable de ces envois durant le premier trimestre de 2009 de l’ordre de 100 milliards de F CFA pour le Sénégal. L’économie sénégalaise continue de faire face à des défis importants. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le processus de mondialisation se consolide avec ses exigences de compétitivité. Or, au cours de la période récente, l’insertion dans les circuits d’échanges mondiaux est restée très faible car les exportations du Sénégal ont progressé à un rythme très modeste contribuant faiblement à la croissance du PIB et n’assurant pas les besoins en importations, renforçant ainsi le déficit structurel de la balance commerciale. L’ampleur de la correction apportée au taux de change en 1994 a certainement amélioré la compétitivité-prix des exportations sénégalaises, 2 Ce montant représente les sommes officiellement enregistrées. Le volume réel de ces transferts, y compris les montants non enregistres qui utilisent les canaux formels et informels, est probablement plus important. 12 mais n’a pas suffi pour autant à assurer de bonnes performances du commerce extérieur, avec des exportations demeurant encore largement composées de produits en déclin sur le marché mondial. La faiblesse des exportations résulte également de contraintes pesant sur l’accès aux marchés des pays développés. Pourtant, de plus en plus, le lien entre croissance économique et réduction de la pauvreté est remis en cause par plusieurs auteurs dont Ndione (2008), qui souligne que la croissance économique au Sénégal non seulement n’est pas en faveur des pauvres, mais au contraire est un facteur d’aggravation des inégalités. Ce qui risque même d'entraver la croissance économique durable, d’affecter la stabilité sociale à moyen terme, et d’accroître la vulnérabilité des groupes marginalisés. Selon cet auteur, ce sont les changements climatiques et la concentration des secteurs productifs dans le tertiaire, sont à l’origine de ce décalage entre la croissance et pauvreté. En 2008, le taux de croissance a connu une forte chute car il a été de 2.5% en dépit d’une production agricole relativement améliorée. Ce déclin économique se poursuit selon la division des prévisions économiques du Ministère de l’Economie et des Finances qui prévoit pour 2009 un taux de croissance en dessous de la barre de 2%. Cette situation est le reflet d’une forte vulnérabilité de l’économie sénégalaise face aux dérégulations internationales (crise financière, crise agricole, renchérissement des prix du pétrole, etc.). Elle montre également des errements en matière de gouvernance. La dette intérieure restée élevée a grugé les capacités productives des entreprises privées à la fois les grandes entreprises mais aussi les PME obligés de mettre les travailleurs au chômage technique. Les instabilités institutionnelles chroniques depuis toute la durée de l’alternance de 2000 à 2009 ont rendu la gouvernabilité faible. C’est ainsi que la confiance dans le milieu des affaires s’est érodée. Les réseaux informels d’influence ont supplanté les institutions et les solutions improvisées et les politiques ad hoc ont contribué à marginaliser les cadres habituels de prise de décisions publiques. Par ailleurs, la médiocrité de l’organisation des filières retenues renseigne sur leur niveau de compétitivité. En 2007, l’étude de la Banque Mondiale révèle que le taux de productivité des entreprises sénégalaises du secteur formel est 2.5 fois moins qu’au Chili, et 2 fois moins qu’en Chine. La SCA s’est vue 13 plombée par les instabilités des performances des produits d’exportation. Elle n’a pas misé sur l’élargissement du marché intérieur notamment la transformation des produits agricoles locaux, une meilleure valorisation du potentiel de production (60% des besoins céréaliers sont importés selon le CNCR 2008), une amélioration de la qualité des services, une meilleure qualification de la formation pour réduire le sous emploi et le chômage dans un environnement marquée par une forte précarisation des emplois car plus de la moitié des travailleurs gagne moins que le Smig (salaire minimum légal (120 $ us/mois) (BM, 2007). Le taux de croissance atteint sur la période, reste en deçà de l’objectif d’au moins 7% nécessaire pour créer suffisamment d’emplois sur le marché du travail, d’améliorer significativement les conditions de vie des ménages et de réduire la pauvreté de moitié en 2015. A l’heure actuelle, les perspectives macro-économiques sont fondées sur le DSRPII, en tant que stratégie de réduction de la pauvreté pour relever le stock de capital humain, social et naturel. La Stratégie de croissance accélérée (SCA) compte sur des filières porteuses pour booster l’exportation et rééquilibrer la balance commerciale. La crise financière internationale montre les limites de cette vision car les exportations sont faiblement rémunérées. Des opportunités économiques faiblement exploitées La position géographique du Sénégal, ainsi que la relative stabilité politique, l’ouverture du pays sur le monde sont autant d’attraits qui représentent des opportunités économiques de taille. Les ressources hydrauliques très importantes mais très faiblement valorisées Le réseau hydrographique est représenté essentiellement par le fleuve Sénégal (1 700 km), la Gambie (850 km), le Sine-Saloum (bras de mer de 130 km) et la Casamance, vaste estuaire marin avec de nombreux affluents. Le fleuve Sénégal constitue la principale ressource hydraulique du pays et alimente les nappes phréatiques ainsi que le lac de Guiers. Ce dernier est la plus importante réserve d'eau douce permanente du pays. D'importantes ressources souterraines sont disponibles pour la mise en œuvre d'un vaste programme hydraulique. 14 Le lac de Guiers est la plus importante réserve d'eau douce permanente. Alimenté par le fleuve Sénégal à partir de la Taouey et situé dans la zone sylvo-pastorale, il constitue un écosystème particulièrement vital et la principale source d’approvisionnement en eau potable de Dakar. La mise en eau du barrage de Diama a permis de porter son volume moyen à 680 millions de m3. Les ressources en terre sagricoles inondables demeurent fortes : vallée du fleuve, Casamance, Louga (lac de Guiers), Tambacounda, Kédougou, L’agriculture et l’élevage qui présentent un réel potentiel si elle s’accompagne d’une petite et moyenne industrie pour la transformation des produits agricoles. Les tentatives de modernisation des modes de production avec le croisement de races et les nouvelles méthodes d’insémination démontrent le fort potentiel du secteur de l’élevage. La faiblesse majeure réside ici sur l’absence de jonction la petite industrie et l’agriculture et l’élevage. L’existence d’un marché intérieur structuré par l’existence de marchés hebdomadaires sur toute l’étendue du territoire national favorise l’utilisation des sous-produits agricoles. Les ressources halieutiques Elles oscillent entre 400.000 tonnes à 450.000 tonnes. Cependant, la majeure partie des sources avance le chiffre de 450.000 tonnes. Par contre, ce potentiel place le Sénégal loin devant ses autres voisins (Gambie, Cap-Vert, les deux Guinées) et d'autres pays très portés sur la pêche (Ghana). Le tableau donne les potentiels halieutiques de ces différents pays. Cependant, en plus de ce potentiel, le Sénégal dispose d'un potentiel halieutique au niveau de ses eaux continentales constituées essentiellement par les fleuves Sénégal, Gambie, Casamance, Sine et Saloum. Ce potentiel est estimé à environ 50.000 tonnes. - Les ressources forestières On estime environ à 65 % la superficie de l'espace forestier du pays. L'ensemble "forêts denses/claires et savanes boisées/arborées" couvre 38 %, le reste étant classé dans la catégorie des "autres terres boisées", avec un faible potentiel ligneux par ha. Le volume de bois sur pied atteignait 331,3 millions de m3 dont 50 % sont situés dans la région de Tambacounda et 40 % dans celles de Kolda et de Ziguinchor (PAFS, 1993). La productivité serait de l'ordre de 8,6 millions de m3/an. Le Sénégal se caractérise par une relative diversité de ses écosystèmes naturels. Ces derniers 15 jouent un rôle d'habitat à une faune assez diversifiée puisque comptant 169 espèces de mammifères et près de 540 espèces ornithologiques. Les oiseaux migrateurs paléarctiques sont attirés périodiquement par les plans d'eau au niveau du delta du fleuve Sénégal et au niveau des estuaires du Saloum et de la Casamance. Il y’a également des parcs et des d'aires protégées qui sont de trois types à savoir :les parcs nationaux qui sont au nombre de 6, les réserves de faunes au nombre de 8, les zones d'intérêt cynégétique, qui couvrent 2337000 ha. - Les ressources minières Le nouveau code minier dote le Sénégal d’une législation moderne et conforme à l’orientation générale du droit minier de l’UEMOA. Il a prévu des innovations majeures aptes à drainer vers le Sénégal les flux d’investissement nécessaires au développement des activités d’exploration et d’exploitation des importantes ressources minières que recèlent son sol et son sous-sol. 800 millions de tonnes de minerais de fer de bonne qualité situés dans les 3 principaux massifs de Koudékourou, de Kouroudiako et de Karakaène, - 50 tonnes d’or au niveau des sites de Sabodala et de Kérékounda. Quant au marbre plus 348545 tonnes sont prouvées et 1067148 tonnes estimées à IBel Ndébu et Bandafassi. L’exploitation artisanale de l’or alluvionnaire constitue une activité traditionnelle et permet des productions annuelles d’environs 500kg et occupe plus de 6.000 personnes principalement les femmes. Différents dioura 3sont dispersées un peu partout dans le département : Tenkoto, Kérékonko…Le secteur minier connaît aujourd’hui une expansion remarquable par la mobilisation importante de flux de capitaux dans la recherche et l'exploitation semi industrielle et industrielle dans la région. Ces efforts sont marqués par la présence d'un certain nombre de multinationales et de compagnies et/ou sociétés juniors sénégalaises. Malgré le dynamisme de ce secteur, on note encore une faible prise en charge de la demande sociale dans les zones d’exploitation bien qu’on ait pu noter des interventions encore estimées faibles de l’Etat et de ses partenaires. - L’artisanat local Très dynamique avec plus de 450 000 artisans, plus de 78 000 entreprises artisanales, plus de 160 000 apprentis, 129 Corps de Métiers et 8 Villages artisanaux, mériterait d’être soutenu et structuré afin de pouvoir garantir une offre de produits de qualité et au bénéficie de toutes les catégories sociales. La faiblesse du design, des produits qui ne peuvent supporter la concurrence avec ceux de la sous-région de meilleure qualité celle des produits made in 3 Site d’orpaillage en malinké 16 Sénégal dans le domaine de la teinture). La faiblesse de la qualité et des capacités d’innovation pose aussi problème. - le tourisme écologique et culturel Le Sénégal présente ici un potentiel incontestable, mais le tourisme de découverte n'est pas encore un produit à part entière. Les professionnels l'utilisent d'avantage comme un complément pour rendre plus attractive la destination. Aujourd'hui, le Sénégal cherche à développer cette forme de tourisme. Saint Louis (dont l'île a été classée en novembre 2000 au patrimoine mondial de l'UNESCO), l'île de Gorée (également classée) et le Lac Rose sont quelques exemples de sites fréquentés. - Les services Avec des percées importantes dans des secteurs à forte valeur ajoutée. Le secteur des télécommunications offre un environnement propice au partenariat et présente de réelles opportunités d’investissements dans divers services : l’implantation de Centre d’Appels, la télé-saisie, l’externalisation de Processus d’Affaires (Business Process Outsourcing), la gestion de bases de données, l’e-commerce, la développement de logiciels, la fabrication et montage d’ordinateurs, l’Internet sans fil, etc. Le Sénégal a su très tôt qu’il fallait s’appesantir sur le secteur des télé- services comme objectif première. En effet le gouvernement du Sénégal est en train de développer une stratégie nationale pour le développement durable de la population à travers les télé- services. - L’ingéniosité des acteurs qui marque un intérêt marqué pour les nouvelles technologies en tant qu’opportunité d’accès aux fruits de la modernité. 17 Des vulnérabilités fortes dans un contexte de délitement institutionnel Si l’on considère les vulnérabilités comme étant risques particuliers d’exposition des populations à subir une perte significative de bien être suite à un changement de situation, il faut relever cinq types de vulnérabilités. D’abord, (i) les risques naturels au chapitre desquels les effets des changements climatiques, les invasions acridiennes (2004 avec perte de 7 milliards filière arachide4) mais également les inondations qui ont touché fortement la vallée du fleuve Sénégal en 1999 et de façon récurrente les grandes villes : Dakar et sa banlieue (Pikine et Guédiawaye), Rufisque, SaintLouis, Thiès, Kaolack, Diourbel, Ziguinchor, etc. Ensuite, (ii), les risques sur le cycle de vie : la mortalité maternelle (de 434 pour mille en 2007/ 127 décès pcm naissances vivantes en 2015)5 et infantile (le taux de mortalité infantile est de 61 pour mille en 2007/objectif OMD en 2015 : 45 pour mille) connaissent de faibles avancées qui compromettent l’atteinte des OMD. Il faut y ajouter les risques d’éclatement de la famille avec le taux de prévalence national du VIH/SIDA de 0,76. Le troisième type de vulnérabilité (iii) est constitué des risques sociaux et économiques comme en témoigne la précarisation des couches moyennes avec un taux de chômage : 13 %, le sous-emploi de 30 % au niveau national pendant que 1/5 travaille à plein temps et le revenu moyen secteur informel : 68 dollars/mois7. En 2007 : 51,2 % des ménages sont en situation d’insécurité alimentaire sévère tandis que 41,3 % en insécurité alimentaire modérée8. Le risque d’accaparement des terres les plus importantes par des lobbies et des investisseurs au détriment des petits producteurs, est favorisé par des politiques ad hoc notamment par la GOANA qui demandent explicitement aux collectivités locales d’attribuer les terres aux gros investisseurs. Ceci en dépit de plans d’affectation et d’occupation des sols (PAOS) qui définissent des seuils modérés d’utilisation pour préserver les intérêts des générations actuelles et futures. 4 République du Sénégal, Evaluation sur la sécurité alimentaire au Sénégal, 2008, 57 p ; 2008, PNUD Sénégal. 6 Idem. 7 Banque Mondiale : Sénégal. A la recherche de l’emploi. Le Chemin vers la prospérité, septembre 2007, 122 p. 8 République du Sénégal, Evaluation sur la sécurité alimentaire au Sénégal, 2008, 57 p. 5 18 Le quatrième type de vulnérabilité demeure les risques politiques. En effet, la décentralisation reste stagnante : de l’Etat central aux Collectivités Locales, tous fonds de dotation confondus (FDD et EFCL), seulement 1,3 % du budget de l’Etat leurs sont destinés. Pareillement, moins de 1 % du budget national pour l’ensemble des programmes concernant l’emploi9. Le conflit casamançais persiste et le bilan continue à s’alourdir : 60 000 déplacées, 500 blessés mines10. Par ailleurs, la dernière législature est marquée par un faible pluralisme dans les chambres parlementaires. L’opposition était quasiment hors des circuits institutionnels même si les élections locales de mars 2009 marque un meilleur équilibre de la représentation des forces politiques et sociales dans la gouvernance des collectivités locales. Enfin, le cinquième type de vulnérabilité reste les risques sur le capital humain notamment avec la crise scolaire cyclique. La qualité de l’enseignement se dégrade de plus en plus. Les écoles publiques ne sont plus attrayantes en dépit de l’amélioration de leur nombre et donc de l’accessibilité. Le niveau de formation reste en deçà des standards de productivité convenable : 5 % de la population active ont fait des études après le Bac ; 50 % des travailleurs de l’informel n’ont pas été à l’école11. Le dispositif de formation professionnelle est faible. Les handicapés sont également faiblement pris en compte. Conclusion partielle : Massification de la pauvreté au moment où les institutions publiques sont fragilisées. Les conséquences touchent à des aspects structurels. C’est l’élargissement et l’approfondissement de la pauvreté : 52.2 % des ménages sont situés en dessous du seuil de pauvreté12. La précarisation qui en résulte oblige les classes moyennes à basculer dans la pauvreté tandis que les classes populaires sont prises à l’étau de la pauvreté chronique à cause des facteurs structurels d’inégalités persistantes. De même, la paupérisation massive entraîne une pression forte sur les ressources naturelles en raison des impératifs 9 Sénégal, Rapport sur la performance de la gestion des finances publiques, juillet 2007. Programme de Relance des Activités Economiques et Sociales en Casamance, MEF, Direction de la Coopération Economique et Financière, 2001. 10 11 Banque Mondiale : Sénégal. A la recherche de l’emploi. Le Chemin vers la prospérité, septembre 2007, 122 p. 12 ESPS (2007) 19 à courts termes, de l’accès libre aux ressources naturelles en l’absence d’une régulation négociée et appliquée. Le secteur primaire est en forte baisse, l’agriculture ne participe au PIB qu’à hauteur de 10%. L’économie s’est tertiarisée dans un environnement où les services ne se sont pas automatisés en l’absence d’une petite industrie créatrice de technologie adaptée. La crise s’approfondie au moment où les amortisseurs sont insuffisants comme en témoigne la protection sociale qui ne couvre que 15%13 de la population. Les institutions sont fragilisées par la prévalence des pratiques corruptives et les stratégies informelles. Les pratiques illicites s’accroissent en se durcissant : blanchiment d’argent, réseaux de stupéfiants, circulation des armes légères, milices au grand jour entretenus par des marginaux mais aussi des leaders d’opinion, des marabouts véreux, etc. II- Pauvreté et politiques sociales A partir des années 90, on assiste une multiplication des études sur les conditions de vie des sénégalais qui faisait suite aux au recensement général de 1988 et de l’enquête sur migration et urbanisation (EMUS) de 1993. Ces données ont amélioré la connaissance des populations sénégalaises et des comportements. Parallèlement, afin de mieux prendre en compte les dimensions sociales des PAS, la Banque Mondiale a mis en place un système d’informations pour le suivi de l’impact de ces politiques sur les populations. Ces informations ont servi à la réalisation de l’enquête sur les priorités au Sénégal, et l’enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM). Des PAS à la centralité des DSRP dans la lutte contre la pauvreté Dans cette même dynamique, une série d’études commanditées par le Ministère des Finances, ont conduit à l’élaboration d’un programme de lutte contre la pauvreté en 1997. Depuis cette date, jusqu’à ce jour, avec les DSRP en 2006 et l’adhésion à l’initiative 20/20, la déclaration du millénaire pour le 13 Document Ministère de la Famille et de l’Entreprenariat Féminin, Rapport sur la protection 2008. 20 développement, les programmes se succèdent avec stratégique d’intervention la réduction de la pauvreté. comme axe Il s’agit pour la première fois, pour les institutions financières internationales, de reconnaître que les politiques d’ajustement se sont soldées par un échec en termes de développement durable et équitable. Néanmoins, cette approche, qui tend à promouvoir la participation des populations dans l’élaboration des politiques publiques, dans le but d’améliorer l’appropriation des dispositifs de l’aide, suffira t-elle à résoudre les problèmes de pauvreté ? L’accès aux nécessités de base et tendances à l’horizon 2015 Certes, les indicateurs de suivi des objectifs de lutte contre la pauvreté ont connu d’importants progrès depuis 2000. Ainsi, comme en témoigne la liste restreinte des indicateurs de suivi du DSRP, le secteur de l’éducation a enregistré des performances notables. Par exemple, même si des efforts restent à faire pour amener le Sénégal parmi les pays à niveau d’éducation scolaire élevé, le taux brut de scolarisation élémentaire est passé de 71,6% à plus de 86% entre 2002 et 2007. Ce qui atteste d’un bon rythme d’évolution vers les objectifs de la scolarisation universelle d’ici à 2015. Quant au taux d’achèvement de l’école primaire, il se situe à 53,2% en 2005 contre 48,4% en 2004. Ce taux reste tout de même toujours comme une performance en dessus de la moyenne (de 66%) des pays accédant au guichet de l’IDA. Comme le montre les résultats de l’ESPS, l’offre d’infrastructures est en progression entre 2002 et 2005. Le taux d’accès à une école primaire au niveau national est passé de 62,6% en 2002 à 68,2% en 2005. Le secteur de l’éducation a bénéficié au cours de la période 2002-2005 de la part des dépenses publiques la plus importante, qui est d’ailleurs supérieure à la moyenne de l’Afrique au sud du Sahara. En ce qui concerne le secteur de la santé, il a constitué l’une des thématiques clés au cours de la mise en œuvre du DSRP. Le domaine de la santé a enregistré durant la période de mise en œuvre des performances considérables. En effet, la part des dépenses budgétaires allouée au secteur de la santé n’a cessé de progresser depuis 2003. Le taux de consultation primaire curative a évolué positivement, mais lentement, passant de 33% en 2002, à 52% en 2005. Une plus grande performance a été réalisée dans la 21 couverture vaccinale des enfants et l’assistance à l’accouchement. Le taux de couverture vaccinale est passé de 56% en 2001à 80% en 2005 et la proportion d’accouchements assistés, de 40% à 62% sur la même période. Par ailleurs, le Sénégal enregistre l’un des taux de prévalence du VIH le plus faible en Afrique subsaharienne estimé à 0,7% de la population, avec 0,9% chez les femmes et 0,4% chez les hommes, selon la dernière enquête EDS14, reflétant ainsi l’efficacité des politiques mises en œuvre pour lutter contre la pandémie mais aussi la féminisation de l’épidémie. Malgré ces résultats, le nombre de personnes infectées par le VIH/SIDA demeure important, se situant autour de 75 000 adultes et de 5000 enfants infectés (CNLS 2004), constituant ainsi une menace sérieuse. L’accès aux services de santé reste difficile au Sénégal, surtout en cas d’urgence, même si les résultats de l’ESPS montrent que les taux d’accès sont en nette progression. Le taux d’accès à moins de 15 minutes à un service de santé qui était de 40% en 2002 est passé à 43% en 2005. Ce qui correspond à une progression de 3 points en pourcentage. En milieu rural, ce taux a connu une progression de plus de 5 points (passant de 27,4% en 2002 à 33,5% en 2005). Les prévalences de la malnutrition sont encore élevées, à l’échelle nationale. Une récente enquête nutritionnelle SMART (2008) dans les régions de Matam, Gossas, Sédhiou, Rufisque, Louga, Kébemer et Bakel, montre une situation préoccupante due à la flambée des prix des denrées alimentaires : la malnutrition aigue a dépassé le seuil de crise nutritionnelle de 10 % dans les 10 districts sur les 13. Les deux dernières saisons agricoles se sont avérées déficitaires et les stocks céréaliers sont actuellement au plus bas niveau (de 140.000 tonnes en 2007 à 80.000 tonnes en 2008). L’accessibilité des denrées en termes de prix devient de plus en plus difficile pour les ménages pauvres au cours des 3 dernières années, d’ailleurs cette dynamique se poursuit dans la mesure où, 62 à 77 % de l’augmentation de tous les prix depuis 5 ans s’est produite uniquement pendant la dernière année. Dans le domaine de la santé, les résultats outrepassent les objectifs visés dans le cadre de la Stratégie de réduction de la pauvreté. Il importe cependant 14 EDS-IV, Enquête démographique et de santé, quatrième du genre réalisée en 2005. 22 de noter qu’en dépit des performances réalisées, les interventions en matière de lutte contre la mortalité infantile et d’amélioration de l’accès des populations rurales aux services de santé ne sont pas encore satisfaisantes. Concernant l’accès à l’eau potable, les résultats comparatifs des deux enquêtes (ESAM-2 et ESPS) montrent que le taux d’accès à l’eau potable s’est amélioré entre 2002 et 2005. Ainsi, il ressort qu’en milieu urbain, le taux d'accès à l'eau potable a connu des progrès sensibles, passant de 78% en 2000 à 85% en 2005. Cette progression est notamment due à l'exécution de programmes ambitieux de branchements sociaux par la SONES. Malgré ces importants acquis, il subsiste encore de sérieuses disparités d'accès selon les usagers et les régions. En milieu rural, le taux d'accès raisonnable à l'eau potable a connu une progression de 56% en 2000 à 61% en 2005. En matière d’assainissement, le taux d'accès en milieu urbain a connu une progression limitée sur la période 2000-2005, passant de 56 % à 59%. En 2004, le taux d'accès était à Dakar, où 64% des ménages disposaient d'un système adéquat d'assainissement. Par contre, l'accès était faible dans les autres centres urbains, où seulement 39% des ménages disposaient d'un système d'assainissement. En milieu rural, et selon les dernières évaluations en 2004, 28% des ménages ne disposent d'aucun système d'évacuation des excréta, alors que la plupart des ménages sont équipés de latrines traditionnelles qui ne répondent pas aux normes internationales15. Par ailleurs, beaucoup de ménages restent encore sans système d’évacuation adéquate. Les branchements à l’égout touchent 12,6% de ménages en 2005 contre 9,7% en 2002. Ce taux est passé de 18,5% à 24,3% et de 0,2% à 3% respectivement en milieu urbain et en milieu rural sur la période 2002-2005. Le système de protection sociale est trop restreint au Sénégal, comme dans tous les pays africains au sud du Sahara. Le diagnostic fait sur la protection sociale au Sénégal a montré l’existence de dispositifs formels de protection sociale basés sur la couverture des fonctionnaires et autres salariés contre les risques (CSS, IPM, IPRES, FNR), les assurances privées, les mutuelles professionnelles complémentaires. Ces systèmes connaissent de sérieux problèmes de performance et des limites dans leurs capacités de réponses aux divers besoins de protection sociale et de gestion des risques. 15 UNICEF/OMS 23 Bien que la croissance économique ait, dans les dernières années, réduit la pauvreté au Sénégal, ces gains ont été moindres pour les populations rurales représentant 6 millions sur une population totale de 10 millions d'habitants. L'économie rurale demeure essentiellement agraire et soixante cinq pour cent de la population rurale est au dessous du seuil de pauvreté. En dépit de la plus grande pauvreté dans les zones rurales, certains ménages ont trouvé des stratégies efficaces de croissance économique dans cet environnement. La plupart des indicateurs montre, que le Sénégal a enregistré d’importantes performances au cours de la période de mise en œuvre des OMD. Cependant des efforts restent à faire quant à l’amélioration de l’accès des populations pauvres aux services sociaux de base. III- Les mesures, profils et ampleur de la pauvreté Le Sénégal est en effet passé d’une longue phase de politiques d’ajustement structurel (PAS) avant 2000 à une phase de politiques de réduction de la pauvreté à partir des années 2000. Les performances enregistrées au cours des dernières décennies (avant 2000) ont été insuffisantes en raison de certains facteurs exogènes, mais aussi endogènes. Les facteurs exogènes sont liés aux aléas climatiques qui ont fortement marqué un secteur productif dépendant de l’agriculture, et, aux chocs exogènes avec principalement la détérioration des termes de l’échange. On peut aussi noter dans les facteurs internes la stratégie de l’Etat caractérisée par un fort interventionnisme dans l’activité économique. Les principales politiques économiques mises en œuvre au Sénégal depuis 1980 l’ont été dans le cadre de programmes élaborés avec les partenaires au développement notamment le FMI et la Banque mondiale. Les programmes de stabilisation et d’ajustement mis en œuvre depuis les années 1970 jusqu’en 2000 avaient d’abord pour principal objectif de stabiliser la tendance à la détérioration des principaux agrégats macroéconomiques, de redresser la situation macro-économique et financière (PREF : Programme de redressement économique et financier) et d’introduire des réformes structurelles d’envergure pour adapter le système productif aux contraintes de développement (PAMLT : Programme d’ajustement à moyen 24 et long termes) et ensuite de consolider les gains tirés de l’ajustement extérieur intervenus en 1994. Ces différentes politiques ont certes permis une évolution relativement positive du taux de croissance. Cependant, celle-ci n’a pas été assez forte pour permettre un rétablissement rapide des déséquilibres. De plus l’Etat a été contraint de mettre en place des politiques de diminution des charges publiques avec des compressions massives sur les emplois publics matérialisées par la fermeture de plusieurs sociétés nationales et des mesures d’incitation au départ de la fonction publique et du parapublic contribuant du coup au relèvement du taux de chômage. Cette augmentation du taux de chômage s’est accompagnée d’une baisse sensible sur les dépenses de types sociaux dans le domaine de la santé, mais surtout de l’éducation. Les politiques nationales mises en place dans la même période (Nouvelle politique agricole, nouvelle politique industrielle, libéralisation du commerce intérieur et extérieur…) n’ont pas donné les résultats escomptés du fait d’un retrait trop hâtif de l’Etat dans l’accompagnement du secteur agricole, mais aussi de la forte dépendance de ce dernier des sociétés nationales pour la commercialisation de ses produits. Le secteur industriel n’a pas échappé au traumatisme né du démantèlement du circuit de production et de commercialisation des produits. La dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, accompagnée d’une tenue assez rigoureuse des finances publiques a permis de rétablir progressivement les déficits macro-économiques de l’économie et d’envisager un retour au soutien aux secteurs sociaux à partir de 1996. C’est dans ce contexte international et national que le Sénégal a élaboré et engagé la mise en œuvre d’un Plan de Lutte contre la Pauvreté (PLP) en 1997. Les premiers programmes spécifiques de lutte contre la pauvreté sont conçus, avec notamment le Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté (PELCP SEN 97/03), grâce au concours financier du PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement), suivi d’autres actions en partenariat avec différents acteurs multilatéraux et bilatéraux. Bénéficiant de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), le Sénégal a élaboré, de manière participative, un Document de Stratégie de Réduction 25 de la Pauvreté (DSRP), adopté en 2001, créant ainsi, un cadre référentiel unique de toutes les interventions de développement de l’ensemble des acteurs, d’une part et pour l’élaboration de politiques sectorielles, d’autre part. Il a favorisé le recentrage des projets et programmes sur les objectifs et axes prioritaires retenus, pour une meilleure harmonisation des interventions et une répartition plus juste et plus efficiente des ressources mobilisées. La deuxième génération de document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP II) a permis la mise en œuvre d’une Stratégie nationale de protection sociale (SNPS), pour lutter de manière plus efficace contre la vulnérabilité des populations sénégalaises. L’objectif de ces initiatives est de réduire de façon significative la pauvreté qui affecte une bonne partie de la population sénégalaise. Elle est soutenue par la Banque Mondiale, BAD, Fonds Nordique de Développement, PNUD, FENU, FAD, Union Européenne, etc., et vise principalement les objectifs suivants : • Doubler le revenu par tête d’ici 2015 dans le cadre d’une croissance forte, équilibrée et mieux répartie • • Généraliser l’accès aux services sociaux essentiels pour réaliser les OMD Mettre en place des infrastructures de base pour renforcer le capital humain avant 2010. Pour ce qui est de l’évolution récente de la situation économique et financière du Sénégal, celle-ci a été marquée par une croissance soutenue et un degré élevé de stabilité macroéconomique sur la période 2000-05. En effet, la croissance réelle du PIB s’est située en moyenne à environ 4,5 %. Sur la période, l’inflation, mesurée par l’évolution de l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC), a été en moyenne de 1,5 % et le déficit du compte courant de 6 % du PIB. La soutenabilité de la dette a été consolidée grâce à des allègements de dette substantiels dans le cadre des initiatives PPTE. La politique budgétaire est restée prudente sur cette période, avec une hausse maîtrisée du déficit budgétaire, qui a atteint 1,5% du PIB en moyenne sur la période 2000-05. Ces résultats ont été facilités par la bonne performance des services fiscaux et une hausse limitée des dépenses publiques. En effet, le renforcement du système fiscal a contribué à une augmentation des recettes fiscales de plus de 9% en moyenne annuelle sur la 26 période 2000-05, portant le taux de pression fiscale à plus de 18,5% en 2005, contre 16% en 2000. Dans le même temps, la hausse des dépenses publiques a été maîtrisée et a visé principalement les dépenses en capital qui ont cru de plus de 4% du PIB entre 2000 et 2005. Les dépenses d’éducation et de santé ont aussi augmenté au cours de la période (de 1,7 et 0,7% du PIB respectivement), suivie d’une diminution en 2006. Néanmoins, la performance macroéconomique s’est détériorée au cours des deux dernières années. La hausse des prix internationaux du pétrole et la baisse de la production agricole ont contribué à un ralentissement de la croissance à environ 2% et un creusement du déficit des comptes courants aux alentours de 10 pour cent du PIB en 2006. Les perturbations dans les opérations des Industries Chimiques du Sénégal (ICS), de la Société Nationale d’Électricité (SENELEC) et de la Société Africaine de Raffinage (SAR) ont exacerbé ces développements et ont conduit à des vulnérabilités accrues dans le système bancaire. Si le problème de la SAR a été en partie résorbé, il demeure que pour les ICS et la SENELEC, les problèmes persistent même si des solutions de sortie de crise sont proposées. La politique budgétaire est également devenue plus expansive, puisque le déficit budgétaire s’est situé à environ 6% du PIB en 2006, en dépit d’une poursuite de la hausse des recettes budgétaires. Cette évolution s’explique notamment par une hausse des subventions énergétiques et un accroissement de la masse salariale. En conséquence, des problèmes de trésorerie ont conduit à l’accumulation d’arriérés et autres retards de paiements envers des fournisseurs. A cela s’ajoute le dépassement budgétaire évoqué récemment par les partenaires financiers du Sénégal et principalement par le FMI. En matière de réformes structurelles, des avancées ont été réalisées dans divers secteurs. Des mesures importantes sont prises, visant l’amélioration du recouvrement des recettes fiscales, le développement du secteur privé et du secteur financier. Des tentatives de relance du secteur agricole sont aussi lancée, malgré l’absence d’une politique affirmée et cohérente. 27 Malgré les avancées réalisées dans ces domaines, l’économie sénégalaise continue de faire face à des défis importants. Ces performances économiques n’ont pas eu un impact significatif sur les tendances du marché du travail, la croissance étant portée par des secteurs d’activité peu intensifs en main d’œuvre comme l’huilerie, les phosphates, l’agro alimentaire, etc., face à une faiblesse de l’investissement et à une atonie de l’agriculture et de l’industrie. Le nombre d’emplois dans le secteur industriel moderne aurait chuté de 30% entre 1994 et 1999 (Banque mondiale, 2003), contrairement au segment des services qui compterait 727 000 actifs occupés et qui est marqué par un développement significatif des emplois, particulièrement dans les villes, avec une prépondérance du secteur informel dans lequel on trouve plus de 80% de cet effectif, avec un faible soutien à l’amélioration des qualifications. Le secteur informel contribue fortement à la formation du PIB, pour environ 90% des nouvelles créations d’emplois et 20% des investissements. Quant au secteur rural qui occupe 60% de la population active et qui offre le plus important potentiel de création d’emplois indispensable à une résorption du chômage, il reste caractérisé par une faible productivité du travail et un sousemploi élevé. Ces caractéristiques de l’économie sénégalaise expliquent le fait que la croissance du PIB a été très peu créatrice d’emplois. Cela laisse entière la problématique de l’absorption d’une population active en forte expansion et accentue l’enjeu de la stabilité politique et sociale dans un pays marqué par un niveau de pauvreté élevé. D’où la stratégie de réduction de la pauvreté vise une réduction substantielle de la pauvreté et constitue le cadre de référence et de coordination de toutes les interventions en matière économique et sociale au Sénégal. Qui est pauvre au Sénégal ? 28 Face à la pauvreté, et avant toute intervention visant à la réduire, on se pose généralement deux grandes questions. La première, de source conceptuelle, consiste à déterminer ce qu’est la pauvreté, ce qui, en termes opérationnels, peut se traduire par : à partir de quand peut-on considérer que l’on est pauvre ? Les populations s’auto désignent pauvres ou non pauvres selon des critères qui leur sont propres. À cet égard, un proverbe recueilli lors du processus participatif qui a abouti à l’élaboration du DSRP définit la pauvreté comme « l’absence d’avoir, de savoir et de pouvoir». L’absence d’avoir peut s’interpréter comme une insuffisance de revenus et de patrimoines physiques, tandis que l’absence de savoir et de pouvoir peut s’interpréter respectivement comme une insuffisance de capital humain et de capital social. Cette définition qui fixe les déterminants de la pauvreté est finalement plus large que celle des économistes. C’est elle qui fonde la stratégie du Sénégal. Elle découle de la culture qui renvoie à la nature des formes d’organisation sociale et politique des communautés locales et aux stratégies sous-jacentes. Aussi, importe-t-il d’investir dans la culture qui détermine la manière de vivre des populations et qui subséquemment influence la méthode à utiliser pour combattre la pauvreté. Selon les populations interrogées dans ce cadre, les principaux signes de la pauvreté sont, dans l’ordre : la difficulté à se nourrir, le manque de travail, le manque de soins, le manque de logement décent. Aussi, considèrent – elles que les priorités de l’État devraient être dans l’ordre : (i) l’emploi des jeunes (20,1%); (ii) la réduction des prix des denrées de première nécessité (18,9 %); (iii) l’accès aux soins de santé de base (17,7%); (iv) l’éducation des enfants (11,3%). L’analyse de la perception de la pauvreté au Sénégal peut se lire également à travers les langues nationales et s’articuler autour de quelques indicateurs dont les plus saillants se retrouvent dans la définition suivante : « Est pauvre celui qui n’a rien, qui ne peut régler ses besoins sociaux primaires, qui vit sans pouvoir accéder à des opportunités. Ce type extrême de pauvreté est généralement appelé « ndool, miskiin, walaakaana (wolof), Baasdo (pulaar) karaxan (Malinké), Xonditoone (Djallonké), Ajobo (Bassari), Tampinté (Soninké), Seetan (bambara), Konkoo (mandingue) coitadessa (créole) », 29 traduit dans l’expression populaire en ces termes : « nit kuy taxaw rek te yorewul dara » (quelqu’un qui vit mais qui est dépourvu de tout). Pour expliquer la pauvreté, les populations évoquent les responsabilités individuelles exprimées à travers le proverbe «le paresseux est responsable de son état d’indigence» mais aussi par le manque de relations sociales. Le travail devient ainsi la première valeur à promouvoir pour s’affranchir de la pauvreté « Nax jerinu ». Le tissu relationnel est ici une référence centrale. Plus on élargit l’horizon de ses relations familiales, confrériques, ethniques, etc, plus on développe des capacités de s’échapper de la pauvreté, du dénuement et de la vulnérabilité. En d’autres termes, les liens sociaux représentent le fondement de la sécurisation de l’acteur du fait des solidarités (Enquête de perception de la pauvreté au Sénégal et Focus group pour le DSRP I, 2001). Toutefois, certaines valeurs culturelles : le kersa (pudeur), le jom (courage), le muñ (patience et persévérance) n’incitent pas les gens à exposer leur état de pauvreté, et les encouragent dans la persévérance dans l’effort et l’humilité qui doivent guider les actions de tous les jours. La notion de pauvre est donc très usuelle et très présente dans les discours populaires, scientifiques ou étatiques, paradoxalement les représentations sociales qui la sous-tendent sont loin d’être simples, car en fait la figure du pauvre n’est qu’une réalité parmi d’autres et peut apparaît différente en fonction des contextes dans lesquels on parle de lui. La notion de figure du pauvre, fait référence aux formes de déclinaisons structurantes ou des modalités de vécu stables vécues de la pauvreté (Fall, 2007). Plusieurs visions de la pauvreté existent dans les travaux plus ou moins récents. La vision dominante est sans doute celle de la statistique officielle où la pauvreté apparaît comme le bas de l’échelle des revenus, cette dimension monétaire est sans aucun doute, importante mais insuffisante pour illustrer les différentes figures du pauvre dans une société comme la nôtre. Le pauvre stigmatisé plus ou moins contraint de vivre leur situation dans l’isolement. Ils cherchent à dissimuler l’infériorité de leur statut dans entourage et entretiennent des relations distantes avec ceux qui proches de leur condition. L’humiliation les empêche de développer sentiment d’appartenance à une classe sociale. Il se distingue donc leur sont tout une 30 identité sociale virtuelle et une identité sociale réelle, le stigmate étant au centre de cet écart (Fall, 2007). L’assisté avec un statut social dévalorisé mais qui reste malgré tout pleinement membres de la société dont il constitue pour ainsi dire la dernière strate. Ou encore, le désaffilié, qui établit un lien explicite entre la perte de liens et la pauvreté. Le pauvre vit dans un dénuement total, économique et social ; il est sans soutien et ne compte que sur l’aide que lui apporte son entourage pour survivre. Il est souvent qualifié de déclassé social et plongé dans un état de misère quasi–permanent. Son trait dominant est qu’il s’auto exclue lui-même du tissu social, préférant ainsi évoluer dans l’anonymat le plus total. Quant aux ménages pauvres (new ji doole, baadoolo, faxiir, (wolof) Ma teugniam, Wu bone (diola) Tampube (pulaar), Semeexo (Djallonké) Fangantan (Malinké), Fasonteñaani (Soninké) Fantan (en Bambara), ils disposent de sources de revenus assez précaires qui ne permettent pas de couvrir entièrement les besoins en alimentation. Le relégué, vit dans les zones périphériques urbaines confrontées à leur relégation sociale. Le processus d’urbanisation est marqué par la relégation sociale des populations de la périphérie des grandes villes notamment à Pikine, Guédiawaye à Dakar où l’habitat en taudis est dominant. L’absence d’investissements structurants fait de la précarité du cadre de vie un facteur majeur de ghettoïsation et de négation des droits. Ceci traduit ce que les historiens ont fort justement nommé la « décharge de l’État » en particulier l’autonomisation des Communes d’Arrondissement sans possibilité de recouvrement des moyens fiscaux (délégation sans les moyens) et sa conséquence de générer une citoyenneté étriquée. Le précarisé, marqué à la suite de chocs et d’événements qui plongent dans une sorte d’incertitude stabilisée. La précarité en tant que qu’antichambre de la pauvreté, et réside dans ces situations aléatoires sans continuité, les menaces permanentes et l’exposition aux risques renouvelés (Fall, 2007). Le misérable qui correspond ici au stade ultime de la pauvreté, il reste et demeure en marge de tous les cadres qui organisent la vie en société. L’ensemble de ces figures témoigne de la diversité des situations de pauvreté, issus de toutes catégories sociales confondues, à faire l’expérience 31 de la précarité et du chômage qui les refoulent, peu à peu, dans la sphère de l’inactivité et de la dépendance où ils sont assimilés à d’autres pauvres ayant connu des trajectoires différentes. L’ampleur de ce phénomène affecte l’ensemble de la société et la relation d’interdépendance entre les « pauvres » et le reste de la société qui génère une angoisse collective, car de plus en plus de personnes sont considérées comme appartenant à la catégorie des « pauvres » et beaucoup, craignent de le devenir dans un contexte de transformations sociales et économiques aussi marquées. Les travaux sur la pauvreté au Sénégal sont assez nombreux et sont caractérisés par la divergence des résultats selon les méthodes, profils et approches appliquées. Cependant, la démarche privilégiée a été la mesure monétaire (BM, 1995 ; MEF, 1997 et 2001b ; Ndiaye, 1999 ; Cissé, 1997, 2003a et 2003b ; Badji et Daffé, 2003 ; MEF et BM, 2004 ; Azam et Dia, 2004). Même si quelques convergences sont à noter sur la forte prégnance de la pauvreté de façon générale et les grands déséquilibres géographiques, il faut noter la variabilité des classements par région et le ciblage des groupes les plus pauvres. La contradiction de certains résultats semble être liée, hormis la qualité des données, à la diversité des méthodes utilisées pour mesurer la pauvreté, qui souffrent chacune d’insuffisances avec des incidences sur les résultats. Si l’on prend l’exemple du seuil de pauvreté, plusieurs approches sont possibles partant de l’énergie nutritive et celle du coût des besoins de base (Ravallion, 1996). La première fixe comme seuil de pauvreté le niveau de revenu ou de dépense permettant d’accéder à un apport calorifique minimal. Cette méthode expérimentée au Sénégal donne des résultats très variables même à l’intérieur de groupes homogènes. De même pour la méthode du coût du panier de biens de consommation qui permet de distinguer les ménages riches des ménages pauvres qui évacue toute stratégie d’adaptation et de substitution du consommateur. Les indicateurs composites qui sont supposés mieux refléter la multidimensionnalité de la pauvreté n’échappent pas à la sévérité des critères qui ont pour effet de produire des informations d’ordre générale sur 32 les pauvres mais ne facilitent pas des interventions spécifiques sur des groupes précis. Le choix de la ligne de partage entre pauvres et riches (Coudouel et al., 2002). L’étude MEF (2000) fournit un indice multidimensionnel et, ainsi, occulte totalement les disparités individuelles dans le vécu de la pauvreté. Les approches subjectives qui ont révélé des taux de pauvreté plus importants ne sont pas exemptes de critiques sur le bien-fondé de l’autoévaluation des pauvres. Les tendances au misérabilisme ou au contraire à la minimisation de la situation de pauvreté dans le recueil du discours sont souvent évoquées. Toujours est-il qu’au-delà de ces divergences théoriques et méthodologiques, les déterminants des inégalités se situent à plusieurs niveaux : ils peuvent être d’ordre économique, social, sanitaire, démographique, politique, et géographique. D’ailleurs, l’une des hypothèses fortes des études sur la pauvreté chronique, montre que le basculement et le maintien dans la pauvreté résulte d’un processus cumulatif dans lequel les facteurs de se renforcent mutuellement. Or, l’évolution macroéconomique du Sénégal s’est détériorée depuis un an et, la croissance économique ne s’est élevée qu’à 2,5% du PIB en 2008 (FMI, 2009). En outre, malgré des progrès réalisés en termes de réduction de la pauvreté au cours des dernières années établis dans le DSRP II, une grande partie de la population sénégalaise reste encore pauvre. La forte croissance de la décennie passée ne s’est pas accompagnée d’une réduction de la pauvreté aussi élevée qu’on aurait pu l’espérer. Une enquête réalisée en 2006 montrait d’ailleurs que 44% des chefs de ménage pensaient que la pauvreté s’était aggravée au cours des cinq années précédentes (MEF/ANSD, 2007). La situation a été aggravée par les chocs induits par les crises alimentaires et énergétiques en 2008 et par la crise financière mondiale de 2009. Cette situation compromet les chances du pays d’atteindre les Objectifs du Millénaire. Le début des années 80 a coïncidé avec une récession économique occasionnant pour la première fois la mise en situation du Sénégal sous redressement économique et financier suivi plus tard de l’ajustement structurel avec tout le corollaire qu’on lui connaît en terme de pertes d’emplois, de réduction drastique des dépenses publiques même pour les équipements essentiels, mais surtout, des transferts de l’état vers le monde 33 rural. Toutes les mesures d’accompagnement, ainsi les politiques et programmes de l’Etat dans cette période (nouvelle politique agricole, nouvelle politique industrielle, les programmes aidés d’insertion des diplômés de l’enseignement supérieur…) ont connu des échecs. Devant l’incapacité des politiques mises en œuvre à redresser la situation, il est apparu nécessaire de procéder à une dévaluation du franc CFA en 1994, laquelle a semblé donner de meilleurs résultats que ceux de l’ajustement structurel. La situation actuelle de persistance de la pauvreté doit être perçue dans le sillage des politiques mises en œuvre dans les années 70 et 80. En effet, le retrait trop hâtif des soutiens de l’Etat du secteur agricole a entraîné du coup un pan entier de la population rurale dans une situation de paupérisation. A cela s’ajoute, le recul net de la fertilité des terres, et la réduction des capacités de production des sociétés publiques et parapubliques qui achetaient la production des ruraux. De même, une bonne partie de la population a trouvé refuge dans le secteur informel pour trouver minimum de survie. Un fait établi au niveau mondial et qui est apparu dans les opinions des personnes enquêtées au niveau Sénégal est que la meilleure manière de lutter contre la pauvreté est de disposer d’un emploi décent. La pauvreté actuelle est souvent mise en lien avec la faiblesse et la qualité encore insuffisante de la croissance économique au Sénégal Une étude récente de la Banque mondiale (Septembre 2007) fait apparaître que depuis la dévaluation du franc CFA en 1994, l’économie du Sénégal a réalisé des performances. Le taux de croissance réelle tourne autour de 5%. Seulement, il convient de noter que cette croissance est très fragile, voire volatile, du fait qu’elle n’est portée que par quelques secteurs (commerce, les postes et télécommunications, l’agriculture, la construction et les activités immobilières). Ces secteurs sont intensifs en main d’œuvre (sauf les télécommunications), mais peu portés vers l’exportation. La politique budgétaire appliquée juste après la dévaluation, permet certes d’augmenter la demande globale de l’Etat, mais aussi crée un phénomène d’éviction qui se manifeste par une tension au niveau des prix de certains produits (Matériaux de construction, essence, le gaz, électricité...). Les grands travaux qu’elle occasionne permettent de booster le secteur des BTP et les secteurs 34 connexes, mais l’impact global dans l’économie est limité tant en création d’emplois qu’en redistribution des revenus. Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de la croissance économique dans un pays donné comme résultante de la création de richesses globale au niveau de la nation, il apparaît de plus en plus clair qu’elle ne permet pas une redistribution adéquate des revenus. Pour être efficace, la croissance doit être dirigée ou massive pour permettre à une bonne frange de la population de bénéficier de ces retombées. Le DSRP qui est le document de référence en matière de lutte contre la pauvreté au Sénégal s’est fixé comme objectif de doubler le revenu par tête d’habitant à l’horizon 2015 avec un instrument appelée stratégie de croissance accélérée qui ambitionne de porter la croissance de 7 à 8 chiffres, mais aussi en utilisant des secteurs qui emploient beaucoup de pauvres (agriculture), à haute valeur ajoutée (télécommunication) ou fort potentiel de main d’œuvre (textile). De plus, l’option d’une croissance pro pauvre reste encore hypothétique au Sénégal, le ciblage des pauvres n’étant pas systématique et le niveau de transfert vers les populations pauvres reste faible. En résumé, la croissance économique du Sénégal est une contrainte par : son niveau encore faible, sa fragilité, sa forte dépendance de la politique budgétaire et de l’aide, sa forte concentration sur un réduit de secteurs, la faible orientation vers l’exportation des secteurs porteurs de la croissance, la faiblesse de l’investissement privé. La faiblesse du capital humain est aussi souvent évoquée dans les causes profondes des inégalités et pauvreté. Pour renforcer le stock de capital humain et apporter des solutions viables à la demande sociale des investissements conséquents devront être faits dans les services sociaux (éducation, santé, hydraulique, transports,…). Le Gouvernement affiche depuis 2000 une volonté manifeste de prendre en charge le secteur social par une revue régulière du budget qui lui est alloué. La majorité des travailleurs sénégalais sont mal payés parce que faiblement productifs (Banque mondiale, op.cit) d’où vient l’incapacité des entreprises sénégalaises à gagner des parts de marché sur le plan international. En dépit des efforts faits par les autorités, le temps passé par un élève sénégalais en moyenne à l’école est largement inférieur au standard des pays émergents. 35 L’on peut aussi faire référence à la capacité insuffisante de création d’emplois et de productivité du secteur moderne la non représentativité des grandes entreprises dans le tissu industriel avec moins de 5% mais créent plus de la moitié des emplois. Les PME représentent l’essentiel du tissu industriel du Sénégal avec près de 90% des entreprises. Mais elles sont caractérisées par : - Leur faiblesse en création d’emplois (42% de l’emploi). Plus de la moitié de l’emploi, est ainsi offerte par les grandes entreprises qui représentent, moins de 5% de l’ensemble des entreprises - Leur concentration dans le secteur du commerce, des BTP et des services Leur chiffre d’affaire décroît progressivement allant de 41,4% en 1998 à 31,7% en 2003 dans celui du secteur moderne Leur faible part dans la création de richesse (28% et 29% respectivement en 2002 et 2003) Leur faible productivité du travail sauf pour les services Leur faible taux de rentabilité économique (taux de rentabilité légèrement supérieure à zéro) et leur rentabilité reste nettement inférieure à celle de l’ensemble des entreprises. La rentabilité économique la plus importante a été observée en 1999 (3,11% pour les PME et 7,02% pour l’ensemble). Une opportunité de taille pourrait être trouvée dans le fort potentiel de création d’emplois du secteur. En effet, pendant les 10 dernières années l’absorption de l’offre de travail par l’économie sénégalaise s’est effectuée par le biais du secteur informel qui a réalisé 97% de la croissance de l’emploi. A coté de ce potentiel de créations d’emploi, il a été constaté que les gains globaux de productivité ont été modestes au cours de la dernière décennie. La productivité du secteur comparativement à celui du secteur formel peut se résumer ainsi selon le document de la Banque mondiale citée ci dessus: Le secteur formel a enregistré une augmentation de sa productivité à un rythme annuel de 2,2% entre 1980 et 2004, alors que celle du secteur informel a quasiment stagné autour de 0,2% par an. Dans le secteur informel, presque toutes les activités ont reporté des gains annuels de productivité inférieurs à 3% pendant la période 1995-2004. En termes de valeurs absolues, un travailleur du secteur formel est environ 10 fois plus productif que celui dans le 36 secteur informel avec des écarts variant toutefois suivant les secteurs d’activités puisque un nombre restreint de secteurs informels sont apparus presque aussi productifs que ceux du secteur formel, notamment la pêche, la fabrication de mobilier, la santé, et surtout la transformation des produits de la pêche. Les disparités entre les groupes sociaux ont également été interrogées dans l’analyse de la persistance de la pauvreté. Généralement, les questions de genre se fondent sur une forme de discrimination sociale qui se traduit, d’une certaine manière par une marginalisation de la femme qui ne peut jouir des mêmes opportunités que les hommes (accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi hors du foyer) parce que confinée aux tâches domestiques et absente du processus de prise de décision, entre autres. Le manque de moyens et d’accès aux ressources qui naît de cette situation compromet l’épanouissement des femmes en tant qu’agents économiques pouvant se prendre en charge, ce qui les rend plus vulnérables à la pauvreté. La mesure de la pauvreté quantitative au Sénégal ne permet pas encore de déterminer de manière individuelle les femmes pauvres et les hommes pauvres. En effet, la mesure de pauvreté est encore globale à l’échelle du ménage. Autrement dit, dans la classification, si un ménage est pauvre, tous ses membres sont considérés comme pauvres. C’est ainsi qu’on notera que le niveau de pauvreté global est de 50,6% pour les femmes comme pour les hommes (ESPS, 2005/2006). Environ 17% de la population vit dans un ménage dirigé par une femme (ESPS, 2005/2006). Malgré leur poids relativement important, les ménages dirigés par une femme contribuent pour 12,2% seulement à la pauvreté totale. Comme cela avait déjà été observé en 2001/02, les résultats montrent aussi que la pauvreté est moins répandue dans les foyers dirigés par des femmes que dans les ménages dirigés par des hommes : alors que 37,3% seulement de la population vivant dans un ménage dirigé par une femme est pauvre, un peu plus de la moitié de la population vivant dans un ménage dirigé par un homme vit en dessous du seuil de pauvreté. La dépense par tête au niveau national est de 320 216 FCFA, elle est de 298 151 FCFA pour les femmes dirigés par un homme et 410 058 FCFA pour les ménages dirigés par une femme (ESPS, 2005/2006). Il semble donc que dans une certaine mesure, les ménages dirigés par des femmes soient mieux lotis que ceux dirigés par un homme. Ce constat est validé par les analystes de la Banque mondiale, dans 37 la mesure où l’incidence de la pauvreté selon l’activité habituelle, la profession et le statut dans la profession semble être plus favorable aux ménages dirigés par une femme que ceux dirigés par un homme. À Dakar où le statut de la femme semble plus favorable (autonomie, participation, capital humain et social), la différence de niveau de pauvreté entre les ménages dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes est très négligeable (33,7% contre 32,1%). Cet avantage apparent peut être dû à une différence dans la composition des ménages des deux catégories, à la taille et à l’importance des transferts plus favorables aux ménages dirigés par des femmes. Par ailleurs, les femmes chefs de ménages ont tendance à mobiliser les ressources disponibles du ménage pour le bien être de tous, ce qui n’est pas souvent le cas des hommes. Comment la pauvreté a été étudiée au Sénégal ? Les approches de la pauvreté sont diverses du fait notamment du caractère à la fois multidimensionnel, multiforme, complexe et diffus du phénomène. Outre les critères de revenu, de conditions de vie, de potentialités des individus et des groupes, interviennent également dans les approches de la pauvreté les perceptions et les représentations. Pour ce qui est du Sénégal, l’approche monétaire de la pauvreté a longtemps prévalu. Ce n’est qu’à partir de 2000 dans l’élan de l’élaboration du DSRP que le couplage des enquêtes quantitatives et qualitatives a été expérimenté (Cling J.P et al 2002). L’enquête sur la Perception de la Pauvreté au Sénégal (EPPS) réalisée en 2001 a porté sur le même échantillon que celui de l’ESAM II et a permis de collecter des données sur les perceptions subjectives des ménages par rapport à la pauvreté, sur la qualité (ou plutôt le degré de satisfaction) des services publics, et sur les priorités des ménages pour réduire la pauvreté. Les résultats ont montré une pauvreté plus accentuée et plus dynamique deux-tiers des ménages ont estimé qu'ils étaient pauvres, et la pauvreté a augmenté dans leur communauté durant les cinq dernières années. 38 Figure 1 Perception de la pauvreté dans les ménages et les communautés (%) 64.7 70 60 50 61.6 51.4 42.5 56.1 52.1 43.4 39.9 40 30 20 10 0 Dakar Other cities Poor community Rural Average Poor household Source: ESPS 2005–2006 La combinaison de ces méthodes a eu des effets considérables dans la compréhension du phénomène. En effet, la pauvreté n’est plus donc considérée comme un état mais comme le reflet des dynamiques, mutations et trajectoires qui induisent des gradations, elles-mêmes régulées par les perceptions des acteurs de leur propre condition et des perceptions des contemporains (FALL, A.S , 2007). Les profils de la pauvreté au Sénégal Partant des données publiées par les différentes institutions publiques et privées, plusieurs profils de pauvres peuvent ainsi être dégagés au Sénégal. Le tableau suivant permet de dresser le tableau global de l’incidence de la pauvreté au Sénégal. Tableau 4 : Taux de pauvreté et intensité de pauvreté au Sénégal Taux de pauvreté (recensement) Ecart de pauvreté (comme % du seuil de pauvreté) En En dessous En En En En dessous dessous du seuil dessous dessous dessous du Seuil de du seuil des du Seuil du Seuil du Seuil pauvreté de de besoins de de des US$1/jour pauvreté élémentair pauvreté pauvreté besoins alimentair es de alimentair élémenta e US$1/jour e ires Ensemble de 19.7 65.0 34.4 4.5 22.5 9.6 la population Enfants (de 0 20.9 66.7 38.5 4.7 23.1 10.9 à 14 ans) Adultes en 18.4 63.3 30.7 4.2 21.9 8.5 âge de 39 travailler (de 15 à 59 ans) Personnes du 20.8 3ème Age (+ de 60 ans) Hommes 20.1 Femmes 19.4 66.5 35.2 4.6 23.1 9.4 65.4 64.7 35.0 33.9 4.6 4.4 22.8 22.3 9.8 9.5 Source: Gassmann and Behrendt (2006). • La pauvreté touche plus les ruraux que les urbains ; Cette situation s’explique en partie par le fait que les ruraux ont un moindre accès aux infrastructures de production, équipements, services sociaux de base et aux structures de financement. En général, les ruraux ont un accès au capital physique assez limité, ce qui fait qu’ils ne bénéficient par des effets directs ou indirects de leurs externalités (accès aux infrastructures scolaires, de santé, de transport…).Les résultats des enquêtes confirment que les taux de pauvreté sont significativement plus élevés en zones rurales qu’en zones urbaines. De plus, étant donné la baisse plus rapide de la pauvreté en milieu urbain, la contribution des zones rurales à la pauvreté va en s’accroissant. Alors que 68% des pauvres vivaient en zones rurales en 2001/02, cette proportion atteint 71% en 2005/06 (ESAM II, 2002 et ESPS, 2005). Outre le milieu d’appartenance (urbain ou rural), les données observées montrent que la pauvreté est loin d’être uniforme d’une région à une autre. Avec moins d’un ménage pauvre sur trois en 2005/06, la région de Dakar jouit d’une situation nettement plus favorable que les autres régions du pays, même si elle contribue de facon importante à la pauvreté du fait qu’elle concentre un quart de la population (Dakar représente 15,4% de l’ensemble des ménages pauvres en 2005/06). A l’opposé, c’est dans les régions de Tambacounda, Ziguinchor, Fatick, Louga et Kolda que la pauvreté est la plus répandue (deux personnes sur trois sont pauvres, voir plus). Le niveau de pauvreté a même augmenté entre 2002 et 2005 dans les régions de Tambacounda, Fatick et louga. Globalement, les régions peuvent être 40 regroupées en trois grandes catégories homogènes selon l’incidence de la pauvreté observée en 2005/06 : • très forte (plus de 60%) à Tambacounda, Ziguinchor, Fatick, Louga et Kolda • forte (entre 40 et 60%) à , Kaolack, Diourbel, Matam, et Thiès • moyennement forte (entre 33 et 40%) à Dakar et Saint Louis. Certaines régions très pauvres (par exemple Ziguinchor et Kolda) sont à la périphérie du pays et d’accès relativement difficile. L’immensité des ressources pour ces deux régions tranche d’avec leur niveau de pauvreté. La raison de leur pauvreté pourrait être trouvée dans le fait que leurs populations respectives sont essentiellement rurales (59,1% et 89,2%), donc rejoignent les autres régions en terme de faiblesse de leur productivité et de leurs capacités de création de richesse. La capacité de transformation des produits agricoles de ces régions est très faible et le tissu industriel secondaire y est quasiinexistant. Le cas de Ziguinchor est assez particulier en raison de la guerre qui a ralenti considérablement le décollage de la région. Dakar, la région la moins pauvre, jouit des avantages d’un développement longtemps inégal aux dépens des autres régions, privilège que lui confère son statut de capitale de la nation. La région de Louga qui connait un investissement par tête parmi les plus faibles du pays, est aujourd’hui le lieu d’importants flux migratoires vers l’étranger, mais il faut noter des estimations divergentes de la pauvreté à Louga selon les deux dernières enquêtes, peutêtre dues à des différences d’échantillonage statistique. Si les transferts d’argent effectués par les ressortissants de la région sont à prendre en compte comme un apport substantiel dans le relèvement significatif du niveau de vie de ses populations, il apparaît que ces transferts ne sont pas suffisants. • • La pauvreté touche davantage les moins instruits ; Les ménages de grande taille sont les plus pauvres ; 41 • • La pauvreté touche plus les travailleurs du secteur informel plus que ceux du secteur formel (privé ou public) ; La pauvreté est plus répandue parmi les ménages dont le chef est un travailleur pour son compte propre (56,8%), que pour ceux dans le secteur privé formel (33,5%) ou dans l’administration (22,1%). Ces résultats ne surprennent guère si on sait que les entreprises individuelles constituent l’essentiel du secteur informel qui se caractérise par une faiblesse des moyens, des conditions de travail précaires, d’où une certaine vulnérabilité et une instabilité liées à la faiblesse et à • l’irrégularité des revenus ; Les ménages avec des chefs âgés (60 ans et plus) sont plus pauvres. IV- Les acteurs clés, instruments et stratégies réponses Face à la dégradation de la situation sociale depuis les années 80, la réponse dominante du gouvernement et de ses partenaires est « lutter contre la pauvreté » au détriment de la notion de développement économique et sociale absente du discours des décideurs. Elle s’appuie principalement sur le DSRP qui est le document central à partir duquel toutes les actions doivent s’élaborer et se mettre en œuvre. Le Gouvernement a réalisé la plupart des mesures d’accompagnement du pilier « création de richesses » et inscrit l’économie nationale dans une dynamique d’accélération de la croissance par des politiques macroéconomiques rationnelles, l’amélioration du climat de l’investissement et des avancées dans les réformes structurelles notamment dans les secteurs de l’arachide et de l’électricité. Les investissements dans les services sociaux de base ont permis d’améliorer sensiblement les indicateurs sociaux tendant ainsi vers l’atteinte des OMD même si des efforts importants sont encore à faire. Des investissements dans le capital humain de manière générale ont fait l’objet d’une attention particulière avec l’allocation de 50% du budget de fonctionnement aux secteurs sociaux (éducation, santé). Une analyse approfondie des approches, profils et mesures de la pauvreté montre que l’extrême pauvreté n’est pas seulement une absence de 42 ressources monétaires, mais qu’elle est avant tout un manque de capacités et d’opportunités de se mettre en valeur. Ces résultats apportent ainsi de riches enseignements pour la politique nationale de lutte contre la pauvreté. D’ailleurs, la mise en place d’une liste d’indicateurs pour le suivi des grandeurs macro-économiques, permet aujourd’hui de faire l’état des lieux des performances réalisées et éventuellement du gap par rapport à la cible fixée par le Gouvernement. Au niveau budgétaire, les réformes issues des plans CFAA-CPAR ont conduit à la réalisation du CDMT (2006-2008) et à la mise en place des CDSMT des ministères dépensiers (éducation, santé, environnement et justice). Au niveau de la politique éducative, le défi du taux d’achèvement et de la qualité de l’enseignement, surtout pour les filles est relevé à travers les programmes ciblés pour les groupes vulnérables et le milieu rural (Cantines scolaires, bourses, etc.). Entre 2007 et 2008, le budget d’investissement du secteur est passé de 250 milliards à 288 milliards de francs CFA, accusant une hausse relative de plus de 15%. Dans le domaine de la Santé, le Gouvernement poursuit la politique de prévention des risques sanitaires et de renforcement des programmes de lutte contre les maladies transmissibles. Il s’agira ainsi de disposer d’un système de soins de santé répondant aux besoins. En 2008, le montant du budget total alloué au secteur est de 80,6 milliards de FCFA contre 75,2 en 2007. Pour le secteur de l’eau potable et de l’assainissement, le gouvernement continue la mise en œuvre du PEPAM avec plus d’attention, en vue d’accroître le taux d’accès à l’eau potable et promouvoir une gestion durable des ouvrages. D’ici à 2010, il s’agira de réaliser, en milieu rural, 200 nouvelles adductions d’eau, 70 constructions de châteaux d'eau, 200 puits modernes, et la consolidation des infrastructures existantes d’une part, et, d’autre part, d’augmenter l’extension des réseaux et les branchements sociaux en milieu urbain et péri-urbain. Ces investissements ont significativement impacté l’évolution du budget en 2008 et des efforts considérables ont été faits pour augmenter le budget de fonctionnement du secteur d’environ 12% entre 2007 et 2008, pour davantage renforcer les 43 entretiens des ouvrages. Ces efforts se traduisent par une augmentation de 7 à 16 milliards, entre 2005 et 2008. En matière d’assainissement, il est poursuivi la réalisation de systèmes individuels ou publics d’évacuation en milieu rural. Pour le milieu urbain, il a été retenu la réalisation de branchements sociaux sur réseau collectif ou réseau semi-collectif et l’installation de systèmes autonomes. Pour la collecte et le traitement des eaux usées, il est prévu de porter les capacités STEP à plus de 34000 m3/jour à Dakar. L’État prendra les mesures d’accompagnement pour le renforcement des capacités des acteurs des services de l’État, des consommateurs, des collectivités locales et du secteur privé, l’intermédiation sociale et le suivi évaluation (impacts, suivi environnemental, gestion des ressources). Dans le domaine de l’environnement, le Sénégal a pris diverses initiatives dont l’élaboration d’une stratégie de développement durable et une lettre de politique sectorielle de l’environnement (LPSE), en vue du renversement des tendances et de l’atteinte des OMD. Entre 2005 et 2008, le budget a considérablement évolué en passant de 6 à 15 milliards. En matière d’Urbanisme et d’Habitat, le Sénégal poursuit les objectifs d’amélioration des conditions d’accès aux parcelles viabilisées et à des logements adéquats en produisant des logements décents. Les leçons tirées du premier DSRP ont amené le gouvernement à inscrire un axe consacré à la protection sociale et la prévention et la gestion des risques et catastrophes. Les programmes prioritaires de la Stratégie Nationale de Protection Sociale et prévention des risques majeurs seront mis en œuvre. Dans le cadre de l’amélioration de la décentralisation et de la gouvernance locale, le Gouvernement poursuit les actions et réformes en cours, pour (i) améliorer le cadre institutionnel et renforcer les capacités des collectivités locales, (ii) accroître les ressources et poursuivre les réformes budgétaires et 44 financières relatives aux collectivités locales en vue d’assurer le financement des infrastructures et des équipements. Les grands Projets/programmes de lutte contre la pauvreté au Sénégal • Le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) : Les interventions du PNIR ont couvert les 11 Régions administratives du Sénégal ; elles ont touché 110/320 Communautés Rurales, 4659 villages, pour une population estimée à 2 200 000 personnes. • Le Programme des Services Agricoles et des Organisations des Producteurs (PSAOP) : Ce programme a permis d’activer plusieurs leviers pour encourager les activités agricoles : réformes institutionnelle, recherche agricoles, conseil agricole et rural, organisation des producteurs. De façon plus précise, le PSAOP a pris en charge l’établissement des bases institutionnelles (entre autre l’élaboration et l’adoption d’une LOASP) pour une intervention plus efficace dans le secteur agricole et a établi un réseau d’organisations de producteurs et de services de conseil agricole et rural dans 144 des 320 communautés rurales du Sénégal. Le PSAOP1 a piloté des expériences remarquables sur la production d’arachides de qualité et l’amélioration du niveau et de la qualité des stocks de semences au niveau communautaire. Ces activités, qui ont permis d’améliorer la productivité et d’augmenter les prix de vente pour les producteurs. • Le Projet du Fond de Développement Social (PFDS) : Le programme de l’Agence du Fonds de Développement Social (AFDS) est financé par la Banque Mondiale. Le PFDS couvre pour sa première phase les régions suivantes : Dakar, Fatick et Louga ; depuis juillet 2004 le programme couvre également les régions de Kaolack et Ziguinchor. Au-delà du niveau régional, les cibles prioritaires sont le Département de Kolda, les communes de Dakar (Yeumbeul Nord et Yeumbeul Sud), Foundioungne, Koungheul, Linguère et Vélingara. De façon plus spécifique, les bénéficiaires sont recensés dans les poches de pauvreté des régions Diourbel et Matam. • Le Programme de Lutte Contre la Pauvreté (PLCP) : Il est financé par la Banque Africaine de Développement, le Fonds Nordique de Développement et l’Etat du Sénégal pour un montant de 18 millions unités de compte, soit 15 milliards F CFA pour une durée de 5 ans. Il intervient dans cinq régions du Sénégal : Dakar, Diourbel, Kolda, Tambacounda et Thiès. • Le Programme d’Appui à la Réduction de la Pauvreté (PAREP) devenu PRP : Il s’inscrit dans le prolongement de l’ancien Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté (PELCP). Il est le fruit de la coopération entre le gouvernement du Sénégal et le PNUD qui ont financé à hauteur de 4,5 45 millions de dollars US, soit 2,5 milliards F CFA, pour une durée de 33 mois. Il a été remplacé par le Programme de Réduction de la Pauvreté (PNUD/Lux Développement) 2008-2012. • Programme de Soutien aux Initiatives de Développement Local (PSIDEL) : Mis en œuvre dans le cadre du 8ème FED, le PSIDEL a permis le renforcement du capital infrastructurel de nombreuses communautés rurales dans cinq régions et six départements. Ses interventions dans le cadre de l’axe création des richesses a porté pour l’essentiel sur l’agriculture, l’élevage et le commerce (marchand). • Le Plan Décennal de l’Education et de la Formation Professionnelle (PDEF) : Le PDEF aura permis la réalisation des objectifs recherchés dans le cadre du DSRP, en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’amélioration de la qualité des services d’enseignement. Du point de vue de l’appréciation de l’impact des réalisations du PDEF, on peut noter les aspects suivants : (1) Le rythme croissant des effectifs de tous les niveaux d’enseignement est observé depuis 2000 ; (2) L’écart entre les filles et garçons a diminué en 2004 par rapport à 2003 Le TBS des garçons est de 82,4%, celui des filles de 77,30%, soit une différence de 5,1 points. Celle-ci était de 7 points en 2003; (3) L’objectif de 75% d’élèves inscrits dans des écoles à cycle complet a été presque atteint avec un taux de 74,26% ; (4) Les taux bruts d’admission ont dans l’ensemble progressé dans les régions les plus scolarisées; (5) Alphabétisation des adultes : Les actions de formation ont touché plus de 500 000 personnes pour une prévision de 120 000 adultes (personnes âgées de 15 à 49 ans) ; (6) Le Taux Brut de Scolarisation (TBS) est passé de 75,8% en 2003 à 79,9% en 2004, soit une augmentation de 4 points.. • Le Programme National de Développement Sanitaire et Social (PNDS) : Le mécanisme de financement du PNDS est le PDIS. Le PNDS formulé avant le DSRP a fait l’objet de révision et de réadaptation. Globalement les réalisations du PNDS, contribuant à la mise en œuvre du DSRP se présentent comme suit : (i) Composante Infrastructures d’accès aux services de santé, (ii) composante Accès à l’eau potable et assainissement et, (iii) composante « Accès aux soins. • Le Projet du Fond de développement Social (PFDS) : Les réalisations du PFDS par domaine, sur l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base, sont de deux natures. D’une part, on note des infrastructures de premier plan, il s’agit respectivement de la création de : (i) salles de classe, dans le domaine de l’éducation ; (ii) de cases et postes de santé ainsi que de maternités dans le domaine de la santé ; (iii) de puits, forages et adductions d’eau accompagnée de bornes-fontaines dans le domaine de l’accès à l’eau potable ; (iv) et de halls de marché, différentes formes de boutiques et magasins dans le domaine du commerce. D’autre part, le PFDS a réalisé des infrastructures dites de second plan mais améliorant sensiblement la qualité des différents services. • Le Programme de Lutte Contre la Pauvreté (PLCP) : Du point de vue de l’amélioration de l’accès des populations aux services sociaux de base, le 46 PLCP a touché les domaines suivants : Santé, Education, Hydraulique (accès à l’eau potable) et assainissement (construction de latrines), mais également l’allègement des travaux des femmes (installation de moulins à mil), également la construction et l’équipement de cases foyers ou centres polyvalents pour le bénéfice des femmes. • Le Programme d’appui aux Initiatives de Développement Local Urbain (PADELU) : Mis en œuvre dans le cadre du 8ème FED, le PADELU a contribué à renforcer les infrastructures au niveau de dix sept communes. Il n’a pas fait l’objet d’évaluation et ne dispose pas de documents récapitulant, à l’étape actuelle, l’ensemble de ses réalisations. Toutefois, une note de synthèse permet de relever les réalisations du Programme sur la période 2003-2005. • Projet « village du millénaire » de Potou dans la communauté rurale de Léona/PNUD, C’est un projet régional qui couvre 10 pays africains dont le Sénégal en site pilote de l’initiative. Les autorités du Sénégal ont voulu ainsi marquer le démarrage d’un important programme de développement local dans la région de Louga. En effet, il s’agit d’une stratégie de réduction de la pauvreté fondée sur les Omd qui ciblent particulièrement des domaines comme l’éducation primaire pour tous, la réduction de la mortalité infantile, la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, la lutte contre le sida, le paludisme .Le choix de cette communauté rurale, est lié au fait que c’est une zone qui présente la combinaison de deux système de production, pêche et agriculture, avec plusieurs contraintes dont l’avancée des dunes de sable, la pollution de la nappe phréatique, la salinisation des sols, entre autres. • Le Programme National de Développement Local (PNDL) prendra en compte les différents acquis des programmes suivants: (i) Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR); (ii) Agence du Fonds de Développement Social (AFDS); et (iii) le Projet de Gestion Durable et Participative des Energies Traditionnelles et de Substitution (PROGEDE) en les regroupant en un seul programme. Le PNDL qui entend donner aux populations les moyens d’une participation effective au processus de développement, se définit donc comme étant un des cadres opérationnels de la stratégie du développement rural. Ce programme sera chargé d’impulser et de soutenir des actions fortes, concertées, diversifiées et inscrites dans la durée. Le Gouvernement a ainsi opté pour une responsabilisation des Collectivités locales (CL) décentralisées dans le cadre du processus progressif de décentralisation, consacré par la loi No 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des Collectivités locales. Pour une participation effective des populations, les CL élaborent leur plan de développement local, les plans annuels d’investissement et élaborent leur budget en fonction de leurs recettes. 47 Dans ce contexte de foisonnement de projets/programmes étatiques, le DSRP reste l’outil de référence pour la coordination pour impulser le partenariat entre les différents acteurs, notamment en tant qu’un instrument de mobilisation des ressources et de recentrage des actions de lutte contre la pauvreté. Il faut rappeler ici les principes de base qui ont sous-tendu l’élaboration des DSRP dans la plupart des pays éligibles à l’initiative PPTE : la participation de la société civile et du secteur privé dans toutes les étapes opérationnelles et orientées et la recherche de partenariats avec les acteurs de l’aide au développement (aide bilatérale, multilatérale et ONG), selon un objectif de coordination de leurs interventions ; l’atteinte de résultats englobants qui sont susceptibles de bénéficier aux pauvres dans le sens où la nature multi-dimensionnelle de la pauvreté est prise en compte et selon une perspective de long terme pour la réduction de la pauvreté. A coté des principes fondateurs, la réalité fut tout autre puisque le processus n’a véritablement démarré qu’au début de l’année 2001. Cependant les perspectives d’allègement de la dette étaient suffisamment alléchantes pour bousculer le processus d’élaboration. La représentativité des acteurs divers (élus locaux, des ONG, des syndicats, associations de producteurs ruraux, organisations confessionnelles, groupements féminins, jeunes…) n’a pas empêché les acteurs non étatiques de souligner le déficit de participation. D’ailleurs d’un point de vue purement idéologique, l’arrimage de la stratégie de lutte contre la pauvreté à la réduction de la dette ne milite pas en faveur d’une participation et appropriation spontanée. De plus, la définition d’actions prioritaires réparties entre plusieurs ministères sans une recherche explicite de complémentarité entame de façon significative, les exigences de cohérence et d’articulation nécessaires à l’émergence de politiques publiques efficaces. La revue annuelle du DRSP 2009, admet que les difficultés rencontrées relèvent de l’insuffisance des discussions sectorielles en raison de la nouveauté de la démarche, les difficultés de renseignement des indicateurs multiples. Les enjeux de pouvoirs et interactions entre les différents acteurs 48 Dans ce contexte de recherche d’arbitrages, de consensus et de répartition des pouvoirs entre acteurs, il est évident que les intérêts divergents inscrivent les différentes parties prenantes dans des logiques de concurrence ou de contrôle des espaces de pouvoirs qui ne sont pas de nature à garantir la stabilité du cadre de la lutte contre la pauvreté. Au Sénégal, tous les acteurs ont été placés sur un pied d’égalité, qu’il s’agisse des directions de l’État, du secteur privé ou des organisations de la société civile. Les acteurs étatiques L’objectif était de faire travailler ensemble des groupes avec des approches et intérêts divergents. Par contre, la faible capacité institutionnelle de certains acteurs sont des obstacles non prévus qui freinent leur participation au profit d’acteurs plus préparés à interagir avec les décideurs étatiques et bailleurs de fonds, que sont les grandes ONGs et les experts. Pour l’Etat l’on pourrait conclure rapidement à une sorte de réhabilitation du fait du rôle central joué dans la conduite des politiques de lutte contre la pauvreté. Toutefois, il est nécessaire de rappeler les épisodes de l’ajustement structurel qui ont largement contribué à affaiblir voire décrédibiliser l’Etat. Il pourrait s’avérer difficile quelques décennies plus tard de conférer à l’Etat, la responsabilité de mener à bien un processus consultatif à large échelle. Les faiblesses des compétences organisationnelles, et les coûts élevés apparaissent dès les premiers stades de consultation et d’élaboration des politiques (Dahou et Ndiaye 2004). Une autre contrainte de taille est que même au sein de l’appareil étatique, le Ministère de l’Economie et des Finances qui joue une place centrale dans la coordination de la stratégie de lutte contre la pauvreté, n’a pas une culture de développement suffisante pour impulser une dynamique synergique. Les bailleurs de fonds Du côté des bailleurs de fonds, la stratégie de lutte contre la pauvreté semble induire des relations de type nouveau avec le gouvernement. Cependant, dans la pratique, l’approche prescriptive est toujours de mise, la seule différence étant que les conditionnalités sont « internalisées » dans le DSRP, en tant que condition imposée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international pour l’obtention d’une aide financière (Dahou et Ndiaye 2004). 49 Le pouvoir d’entériner la stratégie reste entre les mains des bailleurs de fonds. Quant à l’exigence de participation de la société civile, elle reste conditionnée par des critères de légitimité, de représentativité et de capacité. L’exigence de cohérence pour capter les ressources n’est pas forcément à même de faciliter les processus de participation des acteurs généralement marginalisés lors de la définition des politiques publiques. Les acteurs non étatiques Quant aux ONGs, les sécheresses des années 72 et 73, constitue un repère important pur situer l’intervention des ONGs au Sénégal. En effet, des ONGs internationales dans le domaine de l’humanitaire ont non seulement assisté les populations prise par l’étau de la sécheresse mais en plus elles ont tenté de susciter l’intérêt chez des organisations locales et nationales a organiser une réponse consciente en effet que on venait d’entrer dans un cycle au long court. Le bilan de ces interventions d’urgence considéré comme positif a tout de même révélé les limites de l’action d’urgence qui apporte des solutions ponctuelles mais ne traite pas des problèmes structurels liés au développement des populations concernées. C’est ainsi donc que plusieurs initiatives associatives ont émergé sous le sceau de l’engagement pour le développement communautaire dans un contexte qui s’y prêtait fort bien. En effet, le gouvernement Mamadou Dia, au début des indépendances avait mis en place un ensemble de dispositifs qui visait à asseoir les bases d’un socialisme auto gestionnaire dont les coopératives agricoles, l’animation rurale, la gestion communautaire des ressources naturelles, les sociétés régionales d’encadrement du milieu rural mais aussi l’école des cadres ruraux de Bambey ainsi que l’ENEA, constituait les socles les plus importants. Ce choix communautaires a fortement influencé les ONG nationales qui ont émergé à la fin des années 70 et au début des années 80 -90. Les ONG nationales et internationales ont orienté leur action dans le monde rural pour tester des innovations dans le domaine de l’hydraulique, des activités agricoles autres que les cultures de rente comme le coton et l’arachide ainsi que l’accompagnement à l’organisation des producteurs et des associations de jeunes agriculteurs et des femmes. C’est seulement avec les PAS des années 80 à 90 que l’on, observe un intérêt pour l’économie populaire urbaine, domaine dans lequel ENDA a servi de fer de lance en 50 développant une approche ciblant les acteurs jeunes marginaux et les populations déshéritées comme les domestiques, les enfants de la rue, les populations dans les bidons villes et les taudis et les populations flottantes. Mais il faut noter que dés les années 80 des ONGs comme l’OFADEC, ont initié une concentration de l’intervention dans des zones à grand potentiel hydro agricole en articulant t une organisation communautaire des périmètres agricoles mais aussi une parcellisation qui permettait de stimuler la production. En introduisant une production de masse en banane et une activité de contre-saison maraîchère dans la zone de Tambacounda caractérisée par une pauvreté extrême, cette ONG avait donné le signal d’un renouvellement du modèle coopératif et d’une intégration des volets sociaux alphabétisation, santé communautaire dans l’activité&é de production agricole. Dans la même période d’autres ONG, ont initié des actions comme les banques céréalières, les activités de contre-saison maraîchères, la petite hydraulique villageoise, l’introduction de moulins a mil, l’accompagnement en nutrition communautaire qui ont contribué à soulager les populations rurales. On peut multiplier les exemples de succès mais force est de reconnaître que les ONGs sont restées dans le test des innovations mais n’ont pas toujours réussi le passage à l’échelle large. Il est vrai qu’elles ont renouvelé leur offre d’assistance à la fois en milieu rural qu’en urbain avec notamment un intérêt pour l’énergie muais aussi les technologies de l’information et de la communication en milieu urbain. Les années 90 à 2000 marque une volonté des ONG de passer de leurs expériences pilotes à l’influence des politiques publiques dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Leur relation conflictuelle avec l’Etat a contribué à infléchir les institutions étatiques à s’intéresser davantage à la pauvreté car l’Etat était aussi confronté à la raréfaction des ressources et à manifester de l’intérêt à engranger d’autres types de ressources ciblant la lutte contre la pauvreté. Les ONG ont eu une diversité de champ d’intérêt comme le montre l’intérêt pour les droits humains avec l’existence de différentes ONG s dans le domaine et plus tard sur les questions de gouvernance et lutte contre la corruption. L’existence de la mise en place dès le milieu des années 80 d’un consortium des ONG, le CONGAD a facilité l’affirmation des ONGs 51 comme acteurs à part entière du développement. Ce dispositif a permis le dialogue avec l’Etat et les bailleurs de fonds. Un cadre institutionnel négocié avec l’Etat a été mis au place et la participation ou la consultation des acteurs des ONGs s’est réalisée via ce réseau qui est maintenant connecté à un ensemble de plate forme d’ONGS dans la sous-région et avec d’autres continents dont le Brésil et l’Europe, etc. Le consortium continue à organiser le cadre d’intervention et les plans quinquennaux d’investissement des ONGs au sein d’une commission interministérielle qui valident ces plans et organisent l’agrément des ONGs. Mais il faut reconnaître que les ONGs ont révélé beaucoup de difficultés dans la coproduction des politiques publiques avec l’Etat et leur participation. Dans la mouvance, une ébullition du mouvement associatif et la diversité des besoins à la base avait consacré la mise ne place dés les années 70-80 des foyers des jeunes ruraux qui se sont intéressés à l’accès de cette catégories à la terre et aux investissement pour l’activité agricole, ces foyers avait réussi à installer des périmètres communautaires et ce type de d’organisations a essaimé dans d’autres secteurs comme la pêche, l’artisanat, et les services. Ces foyers de jeunes se sont essoufflés d’abord du fait des masses financières importantes gérées et du fait de la faible gouvernance de ces entités émergentes qui ‘n’ont pas réussi à prendre le relais des coopératives insufflées par l’Etat des le lendemain des indépendances. En milieu urbain les OCB se sont multipliées, tandis que partout les GIE ont tenté de prendre en main l’entreprenariat. Mais à la fois les OCB et les GIE ont apporté des réponses efficaces assez localisé touchant seulement quelques groupes socioprofessionnels. Leur échelle d’intervention limitée ne leur a pas permis de s’intéresser aux enjeux stratégiques de la lutte contre la pauvreté mais plutôt à des réponses ponctuelles a des situations de petits groupes. Ces OCB renouvellent leur offre de services et c’est ainsi que dans les périphéries urbaines, elles ont réussi à organiser une nouvelle citoyenneté active et dans le cas de Pikine et Guédiawaye, elles ont pris en main l’autoorganisation des populations pour faire face aux inondations et aux liées au cadre de vie. En s’intégrant à la plate forme des acteurs non étatiques, les OCB ont franchi un pas important pour adresser les questions stratégiques qui passent par un dialogue avec les autres catégories d’acteurs. De même les 52 GIE, ont mis à profit les services de micro finance pour organiser le secteur privé local et tenté de créer des richesses à la marge. Les mouvements sociaux, notamment les syndicats, les organisations de femmes, de jeunes pour la préservation de l’environnement, ont aussi été des lieux de l’auto organisation des populations et de prise en charge des revendications sectorielles dans un environnement marqué par une précarisation des conditions de vie des classes moyennes. Dans un environnement de compétition sur des ressources rares, les syndicats n’ont pas manqué de privilégié des approches corporatistes qui ont permis d’engranger des victoires importantes mais en limitant leur intérêt pour des initiatives d’économie sociale et solidaire. En effet, les coopératives d’habitat, les mutuelles, les incubateurs d’entreprises n’ont pas été très marquants dans l’action syndicale. La presse, qui détient un pouvoir important, se retrouve dans une situation de gouvernance étriquée, à exercer un rôle de contre pouvoir. Cela se traduit par certains dossiers d’investigation qui ont abouti à des révélations et qui obligent le pouvoir à se surveiller un peu plus. Même si l’édifice a été par moment quelque peu ébranlé, la presse reste peu autonome et vulnérable, faute de moyens propres de sa propre politique. En effet, plusieurs lobbies exercent un contrôle avéré sur les lignes éditoriales des supports de presse écrite et audiovisuelle pour servir leurs intérêts. La faiblesse des moyens humains est aussi à signaler, car la plupart des pigistes sont dotés d’une formation professionnelle faible et sont vulnérables à toute sorte de tentations et manipulations. Cependant, ces lacunes sont quelque peu résorbées par la pluralité et la diversité des intérêts et supports médiatiques ainsi que l’ouverture sur sousrégionale et sur le monde, qui participent d’une vision critique et d’une mise à jour au quotidien. Les marabouts sont d’autres acteurs de la société civile non moins importants au regard de l’intérêt et des sollicitations dont il font l’objet. Ils jouent le rôle de véritables recours sociaux, de médiateurs à coté des fonctions spirituelles et d’éducation. Dans un contexte de ressources rares, ils servent d’échelle pour accéder à des positions ou des services, cela d’autant plus qu’ils sont habiles dans le clientélisme et craints par le pouvoir. Ce rôle se trouve renforcé par certaines catégories de marabouts, actifs dans les lobbies et qui 53 détiennent des milices avec un niveau d’organisation élevé et un maillage territorial national. Cette influence se poursuit dans la sphère économique, car ces marabouts sont dotés de fortes capacités entreprenariales ainsi que de « talibés » présents dans tous les secteurs de l’économie. Par contre, on assiste aujourd’hui à l’affirmation de certains marabouts progressistes qui se démarquent de ces pratiques et veulent jouer leur rôle spirituel et éthique tout en s’engageant dans les luttes sociales (imams de Guédiawaye, Présence chrétienne). Ces groupes en tant force de progrès ont fortement participé au processus des assises nationales. A coté de ces marabouts progressistes, il faut noter la segmentation des confréries et le règne des petits fils qui renvoie à un minimum d’effets des pouvoirs centraux confrériques. Cette segmentation va se poursuivre et les conditions de renouvellement et les modèles de renégociation de dévolution du pouvoir seront de plus en plus ouverts. Les associations de femmes n’ont pas réussi non plus à se déconnecter de l’influence de la détermination de l’agenda international et cette situation à contribuer à limiter leurs capacités à prendre en charge les besoins spécifiques des femmes même si leur capacité de mobilisation n’a pas fait défaut par exemple sur le champ politique leur propre bilan de se soutirer de toute instrumentalisation et inversement de servir de fer de lance pour une meilleure prise en compte des inégalités de genre qui continuent à caractériser le Sénégal. Il existe une pluralité de cadres fédérateurs (fédérations d’artisans, confédérations des artisans, plate forme de acteurs non étatiques, CNCR, consortium des ONG, plusieurs centrale syndicales qui peut favoriser le dialogue entre ces différents acteurs pour faire face au risque d’émiettement et au fractionnisme qui a été un frein aux luttes syndicales. Une implication trop superficielle due à l’impréparation des associations et organisations non gouvernementales (ONG), accentuée par la rapidité de l’élaboration des documents, a contribué à limiter leur participation à de 54 simples mécanismes de consultation. Cela a pour effet de restreindre la participation effective d’une bonne partie de cette catégorie d’acteurs au profit des organisations non gouvernementales souvent plus visibles sur le terrain. On peut dés lors se poser la question sur le véritable rôle de la société civile soit en tant qu’acteur de la mise en œuvre ou en tant que évaluateur des politiques. Les rapports de pouvoir sont susceptibles d’évoluer si cette diversité d’acteurs réussi à développer des capacités d’autodétermination et d’alliances avec les collectivités locales, le secteur privé pour à la fois peser sur les orientations de développement et sur le nécessaire renouvellement des modèles de développement et des actions durables de lutte contre la pauvreté, et particulier la création de richesse pour le grand nombre. Dans cette perspective, les expériences des collectivités locales dans l’apprentissage de la maîtrise d’ouvrage et la coopération décentralisée suscitent de nombreux espoirs. Les populations C’est à travers la dernière catégorie d’acteurs communément appelés les « bénéficiaires ou les pauvres » que le décalage entre les principes fondateurs du DSRP et les pratiques est vraiment explicite. Il s’agit de mettre l’accent sur les groupes dits vulnérables souvent cités tels que : - Les femmes Malgré les progrès en terme de scolarisation des filles (taux d’admission des filles au CI 119% et le TBS à 92,4% en 2008), le maintien des filles à l’école pose toujours problème. Le confinement dans des filières peu valorisées pousse également les filles vers des métiers utilitaires et précaires : elles constituent toujours une réserve de main d’œuvre peu qualifiée destinée à pouvoir les emplois précaires et les filières professionnelles peu créatrices de richesses et de valeur ajouté. Cependant, plusieurs efforts allant dans le sens de la promotion et de la reconnaissance des droits de la femme, elles restent marginalisées même si quelques percées méritent d’être signalées. 55 Parmi elles, l’on peut citer la garantie fondamentale de « l’égalité de tous les citoyens devant la loi » ainsi, la femme a la pleine capacité juridique et peut aller en justice au même titre que l’homme, l’accès à la terre sans l’assistance de l’homme, y compris au niveau des communautés rurales avec les PAOS qui éliminent toute forme de discrimination entre hommes et femmes. L’adoption de la loi sur le traitement fiscal en 2008 en terme d’allégement de la pression fiscale sur femmes salariées (mariées ou célibataires) et la possibilité de prendre en charge médicale ses enfants et du conjoint, sont autant de mesures qui participent à une réduction des fortes inégalités de genre. Pourtant, les rôles socioéconomiques des femmes dans l'assurance des moyens de subsistance des ménages sont entrain de changer avec la crise actuelle. Les femmes issues des milieux défavorisés sont devenues les principaux gagne-pain pour leurs ménages grâce au petit commerce. Du fait de leur place de plus en plus importante dans la génération des revenus du ménage, et en tant que gestionnaire au quotidien de la crise les femmes ont tendance à réclamer une place plus importante dans le mécanisme de décision au sein des foyers. - Les jeunes En dépit d’un intérêt accru pour l’entreprenariat et le niveau d’auto organisation et les jeunes sont souvent des situations plus défavorables que leurs aînés. D’ailleurs, sur la population potentiellement active de 15 à 24 ans, près de quatre sur dix (38,5%) travaillent ou sont à la recherche d’un emploi : 32,8% occupent un emploi et 5,7% en cherchent (ESPS, 2005-2006). Au niveau national, le taux de chômage des jeunes au sens strict du BIT est estimé à 14,8%. Ce qui signifie que sur 100 personnes actives de 15 à 24 ans. Toutefois, une nouvelle de forme de citoyenneté est en pleine gestation notamment dans les quartiers périphériques et en zone rurale, quand les jeunes prennent en charge les problèmes d’inondations ou encore organisent la distribution du foncier et gèrent des champs collectifs. Le forte dynamique associative et l’engouement pour les TIC sont autant d’atouts qui favorisent l’accès à la culture universelle, aux fruits de la modernité ainsi qu’une forte connectivité et des relations horizontales au sein de la même génération. Ces synergies positives sont toutefois plombées par les crises scolaires successives qui entament significativement l’accumulation du capital humain surtout dans les couches défavorisées et réduisent fortement la mobilité 56 sociale. L’ouverture trop marquée vers l’extérieur, le changement de modèles et références et les logiques de gains immédiats ne sont pas à exclure dans l’analyse de la recrudescence des pratiques déviantes. A cela, l’on peut rajouter la passivité face à l’information que les jeunes s’approprient certes mais sans aucune analyse critique catégories sociales les mois élevées. et cela encore plus dans les Conclusion partielle Les rapports de pouvoirs entre ces différents acteurs sont organisés autour de deux types de légitimité : l’une technocratique et l’autre sociale qui entrave la pleine participation pour des politiques plus structurantes de lutte contre la pauvreté. La prise ne compte du jeu des acteurs devient pour mieux comprendre l’origine de la pauvreté ainsi que la façon dont les groupes sociaux s’organisent pour y faire face. La comparaison entre les objectifs prioritaires de la phase du DSRP (2003-2006) et le résultat de l’enquête sur le suivi de la pauvreté au Sénégal (2005-2006) témoigne nettement d’un certain décalage entre les aspirations et stratégies des acteurs et les politiques publiques. V/ Les dynamiques de changements Face à la crise, les acteurs dans leur diversité s’ajustent en mettant en œuvre des stratégies. La migration La migration est l’une de ces réponses qui a mobilisé un nombre considérable d’actifs à la fois dans les zones rurales et au sein des populations socialisées dans les villes. Les migrations internationales se sont généralisées tous profils confondus. Les estimations de 2006 mentionnent entre 2 à 2.5 millions sénégalais. La migration a cessé d’être relativement sélective car les profils se sont diversifiés. Ce ne sont plus seulement les réseaux migratoires qui entretiennent la migration, mais en plus les familles et les groupes sociaux de 57 toutes sortes s’impliquent pour organiser le départ et mettre les candidats au départ dans des conditions psychologiques, relationnelles et matérielles. La nouveauté réside effectivement dans la manière dont les risques liés au départ en migration ont été socialisés. Les analystes ont évoqué les suicides collectifs : 800 morts sur 3000 tentatives de rallier l’Espagne à partir des côtes sénégalaises16. En dépit des conditions de travail et de vie insécures dans les pays d’accueil, les migrants comptent énormément pour les ménages sénégalais. En milieu rural, sur de nombreuses décennies de crise agricole, ce sont les revenus non agricoles constitués principalement des flux financiers des migrants qui ont arbitré la survie des petits agriculteurs. Des villes comme Ourossogui, Louga, Touba entre entres doivent leur rang de cités au taux d’urbanisation les plus élevés du Sénégal aux envois de fonds des migrants et à leurs investissements. Les flux financiers des migrants sont tellement importants qu’ils sont considérés comme les premiers bailleurs de fonds de leur pays. Il faudra multiplier par trois l’aide public au développement pour avoir le montant de ces flux en 2008. Par le truchement des technologies de l’information et de la communication dont on sait combien elles ont un cachet populaire, les migrants communiquent avec leurs siens au Sénégal et sont assez souvent sollicités pour toutes sortes de besoins. Ils interviennent de cette façon quasiment quotidiennement pour donner leur avis, vivre à distance les événements familiaux, arbitrer les conflits, réguler leurs ménages. La médiation comme recours Chaque acteur cherche son ou ses protecteurs car l’anonymat est un facteur d’exposition aux inégalités et à l’injustice. Les confréries se segmentent : des entrepreneurs socio-religieux offrent leur intercession, les associations religieuses initient des modes de protection sociale ; les chefs des branches confrériques instrumentalisent leurs talibés et l’Etat, ces derniers instrumentalisent également les religieux. Des entrepreneurs politiques surfent sur le populisme : le personnel politique se renouvelle en brouillant les repères élitistes. 16 Les migrations internationales sénégalaises : potentiel financier et changement social, IFRPDSR/FNUAP, 2007. 58 Auto-ajustement des ménages Les stratégies résidentielles changent. On observe la taudification de l’habitat, occupation des terrains non aédificandi, recul de l’âge au premier mariage et au premier emploi : retard de 7 ans 17; taux de divorce : 1/3 des mariages à Dakar18 ; changement de rôle des femmes de gestionnaires de l’économie domestique vers pourvoyeuses de ressources du ménage ; effritement des liens verticaux au profit des solidarités horizontales ; des aliments pour pauvres émergent : ndambe, aloo-aloo, pain rassis, aliments bourratifs et déficit nutritionnel, les gargottes supplantent les restaurants, les repas du soir et le petit déjeuner ne sont plus sur l’agenda des ménages, chacun se débrouille, les services domestiques sont privatisés : linge, coiffure, pédicure. Entreprenariat populaire La crise libère de l’espace à l’entreprenariat : les acteurs innovent et bricolent pour survivre ; l’accès au financement et le soutien sous forme d’incubateurs d’entreprises font défaut aux acteurs populaires. La crise économique érode les solidarités verticales et les facteurs de vulnérabilité qui font basculer les couches moyennes dans la précarité et enlève à celles-ci tout potentiel de soutien aux jeunes. Le capital social étant essentiel dans l’insertion professionnelle, il ne reste plus aux jeunes que la revitalisation des solidarités horizontales. C’est sous ce rapport que les stratégies de création de richesses par les jeunes des secteurs populaires réhabilitent les dynamiques communautaires et réactivent les liens sociaux. L’insertion professionnelle des jeunes à partir des stratégies économiques et culturelles de sortie de crise à des incidences dans la reconnaissance sociale. Elle se traduit par : 17 2002, Crise, passage à l’âge adulte et devenir de la famille dans les classes moyennes et pauvres à Dakar sous la direction de Phillipe Antoine et Abdou Salam Fall. (IFAN/IRD. 18 Fatou Binetou Dial, Mariage et divorce à Dakar ; Itinéraires féminins, Editions Karthala et Crepos, 2008. 59 – la prise de rôle dans le vécu communautaire qui fait du jeune un acteur économique qui compte, – la prise de position des jeunes qui s’inscrit dans un élan de cristallisation des aspirations sociales des populations avec les stratégies culturelles, – la « démarginalisation » par le transfert du pouvoir de la critique sociale aux jeunes rappeurs. L’insertion professionnelle des jeunes, qui se réalise via des occupations utilitaires à gains immédiats même si c’est peu, est en cause. Le rêve des enfants ne va pas au-delà de la reproduction des mêmes conditions que leurs ascendants précarisés. La mobilité sociale devient critique. Les jeunes veillent sur leurs pairs. Malgré l’érosion des solidarités verticales du fait de la crise économique et les facteurs de vulnérabilités qui limitent l’horizon du possible, les jeunes s’engouffrent dans les brèches à coup d’innovations pour l’affirmation d’une identité propre. Cette identité est faite de flexibilité dans les arrangements sociaux, de recomposition de certaines valeurs qui fondent les rapports sociaux et de revendication d’appartenance à une entité propre faite d’adaptations et de « débrouille ». La forte dynamique interne contre la faible mobilité vers l’extérieur de la banlieue du fait du jeu des alliances se traduit par l’attachement au milieu : les gens changent de maison ou de quartier mais quittent rarement la banlieue. Mais l’entreprenariat populaire n’est pas sans risque. Les abus sexuels s’installent au cœur des familles. Cette problématique des abus sexuels est sous tendue par l’existence de réseaux et de situations socio économiques qui la favorisent. Les abus sexuels ne sont pas effectifs que dans les milieux touristiques mais, bien plus souvent, au sein de la population locale. Le système de coveillance de l’enfant est réalisé par son seul groupe de pairs. Mais il est parallèlement relayé par un réseau de soutien plus étoffé notamment par les adolescents et les talibés (liens mixtes forts). Ces liens sont en revanche plus fréquents avec des acteurs avec lesquels les enfants sont dans une situation d’évitement, s’ils ne se sentent pas menacés. Autrement dit, les risques sont élevés dans leurs relations avec les maîtres coraniques, antiquaires, touristes. La densité relationnelle est observable dans l’espace de vie de l’enfant dans les quartiers. Les enfants ne sont pas non plus en sécurité avec les voisins (populations locales), les tuteurs et les parents. Autrement dit, 60 les quartiers sont tout aussi dangereux sinon plus menaçants que les milieux touristiques. On observe donc des adultes qui dressent des enfants et abusent de leur rôle. En effet, la crise identitaire s’accompagne de la stigmatisation qui frappe les enfants et jeunes des cités urbaines. C’est aussi une situation propice à l’émergence d’une forme d’exploitation des enfants par le jeu de la manipulation du pouvoir spirituel. Ce sont des adultes marabouts qui finissent par transformer leur savoir en une activité économique, conformant leur pratique spirituelle aux règles du marché. Leur ruse consiste à dresser des enfants en talibés qui passent leur temps à mendier dans les rues de la ville. Ainsi la misère devient une position de rente pour une « élite » locale. Le talibé (disciple-mendiant de l’école coranique) est placé dans un environnement plein de risques pouvant aller des abus sexuels (risque de plus en plus élevé d’être infecté par le virus du Sida), aux accidents de la route en passant par les risques de déviance surtout lorsque celui-ci atteint l’étape de l’adolescence. Par ailleurs, l’éclatement et la reconfiguration de la famille combinés aux autres facteurs aggravants de la précarité rendent obsolètes les barrières érigées à travers les valeurs morales et sociétales proposées par les objecteurs de conscience. Dés lors que ces valeurs peinent à être opératoires, la porte reste ouverte aux violences et abus en particulier les abus sexuels. Changement du modèle de réussite sociale Les jeunes renoncent à l’apprentissage normé et aux carrières organisées sur la durée, la société valorise les exploits et les gains immédiats sans se soucier des conditions de mobilisation des ressources. Les valeurs de réussite sociale demeurent inversées car à la place l’apprentissage dans la durée, se dressent les faiseurs de miracles. En effet, l’école n’est plus vécue comme le lieu d’affirmation de la créativité des jeunes où la finalité offrirait une vie meilleure. Cette décrédibilisation du système d’enseignement classique le rend obsolète. L’accompagnement des enfants pose de nouveaux défis à travers l’émergence de nouvelles valeurs et figures de réussite sociale. Les jeunes renoncent au modèle de réussite par les longues études, les carrières construites dans la durée ou la maîtrise d’un métier par un apprentissage normé. Ils sont portés aux miracles que sont les jeux de hasard, l’émigration, le commerce et les rentes de situation ou les réussites spectaculaires par les sports d’élites (football, basket-ball, lutte) ou par la musique (le showbiz). 61 Alternativement, d’autres résistent et élaborent des stratégies différentielles. Les contextes d’espace confiné peuvent s’accompagner de quête continue d’affirmation et de reconnaissance. C’est : – l’émission d’une parole publique non censurée à travers les « rappeurs » (chanteurs de rap) en tant que porte voix des populations, – le droit à l’expérimentation et à l’innovation des jeunes avec la création d’espaces de créativité et d’expression culturelle, – la demande de soutien aux dynamiques associatives et le développement d’institutions sociales fortes – le développement de politiques sociales locales, – le contrôle citoyen effectif sur les affaires de la cité. Les transformations sociales observées font état d’écarts notoires dans les rôles sociaux qui indiquent un besoin de médiation autre que celles habituelles. Pourtant, Il faut noter qu’une dynamique initiative forte portée par une pluralité d’acteurs, est en pleine gestation (ex : des marabouts (imams de Guédiawaye) et clergé catholique qui adoptent des positions avant-gardistes. L’on peut citer également, le processus des assisses nationales en tant que dynamique de concertation large autour d’une charte de gouvernance démocratique ou encore les élections locales comme dynamiques de changements. En résumé, un processus de démocratisation avec un intérêt pour des instruments de régulation et des chartes (ex : charte de l’eau en zone rurale, plan d’affectation et d’occupation des sols et charte de l’eau ou plan d’occupation des espaces pastoraux dans d’autres zones. VI/ le Sénégal et ses voisins Tenant compte de l’évolution de la situation actuelle et de l’impact de la politique d’intégration africaine, le Sénégal devrait renforcer son leadership, cela d’autant plus qu’il a été au premier plan dans la création et l’évolution des différentes structures sous-régionales (CEDEAO, UEMOA, NEPAD). Les caractéristiques de la sous-région (en terme d’insécurité, d’instabilité 62 politique, d’interdépendance forte entre Etats avec des ressources transfrontalières communes et d’incertitudes sur la gouvernance) ne font que renforcer le rôle prééminent que le Sénégal peut jouer dans la stabilité des institutions pour le développement sous-régional et régional. Cependant, de par sa position géographique, les incertitudes dans les relations avec les voisins restent assez préoccupantes : - Le risque d’instabilité liée la Casamance reste assez important, appelle des solutions concertées avec les Etats voisins de la Gambie et de la - - Guinée De même, des stratégies idoines doivent voir le jour afin d’éviter le basculement de la Guinée Bissau en un état narco-trafiquant La gestion des ressources halieutiques avec la Mauritanie commande une renégociation des accords plus en faveur des pêcheurs pour éviter les situations de 1989 et éviter des arrangements et autres actes de corruption entre pêcheurs et gardes cotes. Quant aux relations avec la Cote d’ivoire, les enjeux relèvent de la stabilité monétaire régionale, de circulation et de sécurité des biens. Au niveau des pays membres de l’UEMOA, le Sénégal est l’un des pays les mieux classés selon cette approche, avec le Togo. Dans une vision ouest africaine, le Sénégal reste derrière les pays à indice moyen comme le Ghana, la Mauritanie ou encore la Gambie. Cependant, la progression du Sénégal est restée constante au cours du temps. En effet, situé à 0,342 en 1975, l’IDH du Sénégal a atteint 0,499 en 2005, soit une progression relative de 46% sur la même période. Cependant, la progression annuelle, en termes de développement humain, reste faible (0,5% par an). C’est un pays qui est fortement aidé dans le cadre de la coopération multilatérale comme bilatérale. Il sert souvent de « pays test » pour les programmes de la banque mondiale et du FMI et de quelques bailleurs bilatéraux. On peut citer l’initiative Gleaneagles à laquelle le Sénégal est éligible est une opportunité de taille qui permettra d’engranger des ressources pour faire face aux changements climatiques et mettre en place une politique de protection sociale. Plus anciennement, en 2005, le Sénégal s’est qualifié pour un allégement supplémentaire de la dette au titre de l'IADM lorsque le Fonds monétaire international (FMI), l'Association Internationale de Développement (IDA) et le Fonds Africain de 63 Développement (FAD) ont annulé leurs créances, pour un montant d’une valeur d'environ US $ 1,4 milliard en termes nominaux. À la suite de ces deux initiatives, la valeur actuelle nette (VAN) de la dette extérieure publique et publiquement garantie (PPG) a été substantiellement réduite, passant de 33,1% du PIB à la fin 2005 à environ 18,3% du PIB à la fin de l’année 2007 (FMI, 2008). Le Sénégal continue de recevoir d'importants flux d'aide, avec une aide représentant 8,5% du RNB en 2005 (la moyenne pour l'Afrique sub-saharienne est de 5,5% 19. Il est évident que les engagements du Sénégal dans le DSRP s’inscrivent dans les fondements des options partagées sur le plan international de démocratie et de justice sociale traduites dans les OMD, du plan stratégique de l’Union africaine, du NEPAD, de la CEDEAO et de l’UEMOA. Pour les autres organisations spécialisées telles que l’OMVS, l’OMVG et le CILSS qui ont en charge la réalisation de politiques sectorielles dans les aménagements hydroagricoles, les infrastructures et le transport, il est fortement attendu du Sénégal de travailler à leur intégration dans des cadres plus élargis. Le Sénégal essaie d’élargir et de diversifier ses partenaires, marquant ainsi une plus grande autonomie des Etats dans le choix de leur politique de coopération et de leurs partenaires dans les domaines économiques, sociaux et culturels. C’est ainsi que le Sénégal a beaucoup soutenu au cours des dix dernières une coopération plus poussée avec des pays du Sud relativement avancés (Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie….) et celui de pays riches qui n’étaient pas très visibles sur le plan de l’aide (Japon, et Canada). L’importance de ces apports extérieurs et la volonté politique du Sénégal à eux seuls ne suffisent pas à briser les inégalités fortes entre les différentes régions du pays et entre les différents groupes de population ? La connaissance du phénomène dans son ampleur, sa dynamique et ses manifestations devrait permettre de mieux comprendre la persistance d’un tel fléau. Conclusions et recommandations En somme, depuis la mise œuvre du DSRP, des reformes considérables ont été réalisées. Ainsi, sur le plan du suivi, la mise en place d’une liste d’indicateurs 19 World Bank 2007 World Development Indicators: Aid Dependency http://siteresources.worldbank.org/DATASTA TISTICS/Resources/table6_11.pdf. 64 pour le suivi des grandeurs macro-économico-sociales permet aujourd’hui de faire l’état des lieux des performances réalisées et éventuellement du gap par rapport à l’objectif fixé par le Gouvernement. Au niveau budgétaire, les réformes issues des plans CFAA-CPAR ont conduit à la réalisation du CDMT (2006-2008) et à la mise en place des CDSMT des ministères dépensiers (éducation, santé, environnement et justice). La liste des reformes pour le renforcement du dispositif de mise en œuvre du DSRP n’est pas exhaustive, mais l’on pourrait y ajouter la mise en place d’un canal d’harmonisation et d’alignement des partenaires techniques et financiers du Sénégal sur le DSRP et les autres composantes du processus de développement. Il est vrai qu’il faut reconnaître la volonté de structurer les interventions sectorielles et de leur donner une cohérence d’ensemble. Cependant, le bilan de juillet 2009 comme celui de 2008 révèle des décalages importants des politiques sectorielles notamment pour le renseignement des indicateurs. Aussi, dans un contexte où la planification n’est pas le point fort du système et que la présidence qui concentre le pouvoir ne donne pas des signes d’adhésion au DRSP, cet instrument reste un levier de mobilisation de ressources du désendettement dans le cadre de l’initiative PPTE. Notons aussi qu’en dépit d’une large concertation avec la diversité des acteurs et des axes stratégiques assez pertinents pour la lutte contre la pauvreté, la contrainte majeure reste la volonté de faire du DSRP des stratégies de politiques économiques à part entière. Le cycle programmatique échappe au contrôle des agendas nationaux, ce sont les Institutions de Brettons Woods qui décident d’arrêter ou de poursuivre les politiques. Il apparaît nettement que des difficultés de passer aux réponses aux actes concrets. Cela se traduit pas une multitude d’actions éparses qui n’utilisent pas toujours le potentiel des ressources. L’existence d’un cadre fédérateur ne suffit pas à initier une mutualisation des ressources, la preuve en est que certains secteurs manquent des ressources alors que d’autres sont excédentaires. La rigidité du système pour la lutte contre la pauvreté et la forte dimension stratégique du document de réduction de la pauvreté, ne favorisent pas l’absorption, ni l’utilisation optimale des ressources pour les actions sur le terrain. 65 Toutes ces insuffisances posent la question du ciblage et d’une meilleure concentration des interventions dans les sens de l’atteinte des objectifs. Pour cela, le déficit en termes de données sur la dynamique de la pauvreté au Sénégal, devrait être comblé. Pour l’heure, au regard du taux actuel de croissance, il faudra attendre 30 ans pour que la pauvreté soit réduite de moitié (Daffé, Diagne 2008). Cinq ans après la mise en œuvre, une évaluation approfondie des effets sur la pauvreté n’a pu être réalisée. Les résultats de l’enquête de suivi de la pauvreté 2007 ne suffisent pas à établir le lien entre l’évolution des indicateurs de suivi et la croissance ni aux politiques macroéconomiques et sectorielles. Le Sénégal semble se diriger à nouveau vers de nouveaux programmes d’ajustement structurel (Diop, 2009) dont les conditions ne seront que plus dures, l’amélioration de la gestion des ressources nationales attendu en 2000, ne s’étant pas produite. Dans un contexte aussi marqué par la crise et la rareté des ressources, les recommandations s’inscrivent dans le sens de : - Mettre l’accent sur la gouvernance par la refondation des institutions pour des formes de gouvernance plus inclusives. Dans cette perspective, il faut noter que la force d’un mouvement social qui émerge avec une volonté de construire la démocratie par le bas (associations des jeunes, femmes, etc…). L’expression du pluralisme politique issu des élections locales en influant directement sur l’agenda local, montre que le renforcement de ce mouvement social est porteur. - Adresser les inégalités structurelles pour éviter des phénomènes d’accaparement des ressources par les gros investisseurs au détriment des petits producteurs (accaparement des terres avec la GOANA). Le ciblage est essentiel afin de distinguer les pauvres chroniques (qui cumulent plusieurs formes de vulnérabilités, l’insécurité alimentaire, les positions de marginalité, et la relégation sociale) et la grande masse des précaires des couches moyennes où on recrute de plus en plus les nouveaux pauvres. 66 - Développer plus de prévisibilité par la mise sur pied d’observatoires permet une visibilité au quotidien et des prévisions stratégiques. - Accroître la participation des autres acteurs devant la prépondérance des acteurs institutionnels dans la lutte contre la pauvreté. Ainsi, en dépit de la place qui lui est accordée par l’Etat, le secteur privé dont le rôle est primordial pour l’amélioration de la productivité, n’a été que faiblement représenté. il conviendrait de penser un appui direct aux organisations de la société civile et au secteur privé, impliqués dans la mise en œuvre du DSRP. Cela permettrait que à tous les acteurs de participer autour de la mobilisation des ressources affectées à la lutte contre la pauvreté. Cela aura pour effet d’améliorer le cadre institutionnel des ONG, et de lever les contraintes de compétition autour de ressources par l’opportunité des plateformes des acteurs non étatiques à l échelle locale et nationale. - Développer des alliances stratégiques entre acteurs non étatiques qui permettent de passer de l’échelle, de projet pilote, à des actions intensives et durables de grande envergure, mais également de mettre en place un dispositif de suivi pour influencer les stratégies et politiques de lutte contre la pauvreté. Bibliographie • • • • • • • Adeanauer Isabell (2008), Faire face à la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie au Sénégal, FMI. Azam, J-P. et M. Dia (2004). Pro-Poor Growth in Senegal, IDEI Working Paper, n. 325. Badji, S. et G. Daffé (2003). 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