Les SAOS au 118e Congrès de la SFORL

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CONGRÈS
RÉUNION
Les SAOS
au 118e Congrès de la SFORL
Paris, du 15 au 17 octobre 2011
M. François*
Le 118e congrès de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la
face et du cou s’est tenu au Palais des congrès à Paris les 15, 16 et 17 octobre 2011 sous
la présidence du Pr D. Dehesdin (Rouen). Nous vous rapportons le résumé de la table
ronde “Quel bilan pour quels ronfleurs ?”, placée sous l’égide de l’Association française
du sommeil en ORL, présidée par le Pr F. Chabolle (Suresnes) et le Dr P.J. Monteyrol
(Bordeaux), ainsi que quelques communications orales sur la ronchopathie.
Valeur prédictive
de l’interrogatoire
pour le dépistage du syndrome
d’apnées du sommeil chez
le ronfleur : qu’en attendre ?
D’après la communication du Dr P.J. Monteyrol
(Bordeaux)
* Service d’ORL, hôpital RobertDebré, Paris.
Deux à 4 % des adultes ont un syndrome d’apnées
obstructives du sommeil (SAOS).
Le diagnostic ne peut être affirmé que par des
examens complémentaires difficiles à mettre en
œuvre, d’où l’importance d’un tri préalable par
l’interrogatoire et l’examen clinique, même si ceux-ci
ont une faible sensibilité et une faible spécificité.
Le premier motif de consultation de ces patients
est bien souvent le ronflement, dû à la vibration
des tissus pharyngés. Ce symptôme est très
fréquent : 63 % des hommes et 37 % des femmes
âgés de 40 à 65 ans sont des ronfleurs épisodiques.
Le ronflement est aggravé par le décubitus dorsal,
l’alcool, les hypnotiques, l’intoxication tabagique,
le surpoids (et la grossesse) et l’obstruction nasale.
Mais le ronflement pris isolément est peu prédictif
du SAOS ; en effet, 6 % des apnéiques ne ronflent
pas et, inversement, 3/4 des ronfleurs ne sont pas
apnéiques. Ce qui a le plus de valeur, c’est l’intensité
du ronflement et son association à d’autres signes
ou symptômes.
Le deuxième motif de consultation est la somnolence
diurne excessive (à distinguer de la simple fatigue,
12 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 329 - avril-mai-juin 2012
de la privation de sommeil, de la léthargie ou des
malaises). Elle est due aux microréveils multiples
dont le sujet n’a pas conscience et qui déstructurent
son sommeil. Elle peut être recherchée au moyen
d’autoquestionnaires comme l’échelle d’Epworth
(encadré), ou évaluée par des tests de maintien
de l’éveil (TME) ou des tests itératifs de latence
d’endormissement (TILE).
Remplissez le tableau ci-dessous en vous demandant
pour chaque situation quelles auraient été vos chances
d’assoupissement. Entourez le chiffre de la case correspondante. Enfin, calculez votre score final en additionnant tous
les chiffres entourés.
0 = jamais d’assoupissement
1 = faible chance d’assoupissement
2 = chance moyenne d’assoupissement
3 = forte chance d’assoupissement
Si le score est supérieur à 9, il y a risque de somnolence.
Assis en train de lire
En regardant la télévision
Assis inactif dans un lieu public
(cinéma, théâtre, réunion, etc.)
Passager d’une voiture ou d’un transport
en commun roulant depuis plus de 1 heure
sans interruption
Allongé dans l’après-midi
lorsque les circonstances le permettent
Assis en train de parler à quelqu’un
Assis au calme après un déjeuner sans alcool
Dans une voiture immobilisée
quelques minutes à un feu rouge
ou dans un embouteillage
0 1 2 3
0 1 2 3
0 1 2 3
0123
0 1 2 3
0 1 2 3
0 1 2 3
0 1 2 3
Encadré. Échelle de somnolence d’Epworth.
Le troisième motif de consultation est la constatation par le partenaire d’apnées avec des réveils
en sursaut.
L’interrogatoire doit alors rechercher d’autres signes
diurnes ou nocturnes (tableau) qui pourraient être
en rapport avec un SAOS, ainsi que des antécédents
familiaux de SAOS.
CONGRÈS
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Tableau. Signes diurnes ou nocturnes évocateurs d’un SAOS.
Signes nocturnes
Signes diurnes
✓ Ronflement
✓ Somnolence diurne excessive
✓ Pauses/apnées
✓ Asthénie matinale
✓ Étouffements
✓ Céphalées matinales
✓ Sommeil agité
✓ Irritabilité
✓ Réveils en sursaut
✓ Troubles de la mémoire
✓ Nycturie
✓ Sueurs
✓ Hypersalivation (bavage)
Évaluation des voies aériennes
du ronfleur : le contenant
D’après la communication du Dr J. Cohen-Lévy
(Paris)
L’inspection clinique peut être complétée par
une téléradiographie de profil et un panoramique
dentaire. Elle peut ainsi mettre en évidence des
facteurs favorisant un SAOS tels que :
➤➤une hyperdivergence : augmentation de l’angle
maxillo-mandibulaire, écart interdentaire incisif,
brièveté ou position postérieure des condyles, d’où
un recul de la mandibule et une augmentation du
surplomb, c’est-à-dire une classe II, parfois aspiration
de la lèvre inférieure et augmentation de l’angle
nasolabial, avec éventuellement une absence de
contact spontané des lèvres ;
➤➤une endognathie associée à un palais ogival ;
➤➤une face longue ;
➤➤un abaissement de l’os hyoïde avec effacement
de l’angle cervicomentonnier et augmentation du
tour de cou.
Évaluation des voies aériennes
du ronfleur : le contenu
D’après la communication du Dr C. Paoli
(Montreuil)
L’examen portera plus particulièrement sur le nez
et le pharynx.
La moitié des résistances respiratoires sont localisées
au niveau du nez ; il faut donc regarder si le nez n’est
pas malformé, bien inspecter la valve nasale pour
rechercher un collapsus et vérifier s’il est amélioré
par la manœuvre de Cottle, puis, avec un spéculum,
regarder la cloison nasale et les cornets et vérifier
l’absence de polypose ou d’une autre tumeur
endonasale.
L’examen de l’oropharynx permet d’apprécier la
longueur et l’épaisseur du voile du palais, le volume
et la position de la langue mobile, ainsi que le volume
des amygdales palatines.
L’ORL poursuit avec une nasofibroscopie permettant
d’évaluer la partie postérieure des fosses nasales,
le cavum et l’amygdale linguale. Chez le patient
suspect de SAOS, cet examen est complété par
l’observation du pharynx à la recherche d’un
collapsus anormal lors d’un Valsalva inversé
(manœuvre de Müller) et lors de la simulation
d’un ronflement bouche ouverte, et, inversement,
d’un élargissement du pharynx lors de la propulsion
mandibulaire ou linguale. De plus, comme il est
connu que le reflux gastro-œsophagien peut être
responsable d’une hypertrophie de l’amygdale
linguale, on recherchera les signes indirects laryngés
d’un tel reflux.
Bilan général clinique
et paraclinique du ronfleur,
en dehors des explorations
du sommeil
D’après la communication du Pr X. Dufour (Poitiers)
Cet examen a pour vocation de rechercher des
comorbidités respiratoires, cardiovasculaires, neurologiques et métaboliques dans le cadre du syndrome
métabolique.
L’examen commence par la mesure de la pression
artérielle et les mensurations : un indice de masse
corporelle (IMC) élevé est un facteur de risque de
SAOS. En effet, le risque de SAOS est 3 fois plus
élevé chez les obèses (IMC > 31 kg/m2) que chez
les adultes de corpulence normale (IMC compris
entre 18,5 et 24,9 kg/m2) et, inversement, 2/3 des
patients qui ont un index d’apnées/hypopnées (IAH)
supérieur à 30/h sont obèses. Le tour de taille est un
reflet de la présence d’une graisse viscérale. Un tour
de taille supérieur à 94 cm chez l’homme et 80 cm
chez la femme est très corrélé à des complications
cardiovasculaires.
Les examens biologiques les plus importants sont
la glycémie à jeun, la triglycéridémie et le dosage
du cholestérol. Les examens à la recherche d’une
hypothyroïdie ou d’une acromégalie, dont certains
symptômes sont voisins du SAOS, ne sont demandés
qu’en cas de suspicion clinique.
Le syndrome métabolique est défini par la coexistence
d’une obésité et de 3 des signes suivants : tour de
taille > 94 cm chez l’homme et à 80 cm chez la femme,
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 329 - avril-mai-juin 2012 | 13
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hypertension artérielle > 130/85 mmHg, glycémie
> 6,1 mmol/l (1,1 g/l), triglycérides > 1,7 mmol/l,
hypercholestérolémie HDL < 1,04 mmol/l.
Intérêts et limites
de la polygraphie ventilatoire
D’après la communication du Dr O. Gallet
de Santerre (Paris)
L’American Sleep Disorder Association (ASDA)
reconnaît 4 types d’enregistrements :
➤➤la polysomnographie à 7 signaux, avec une surveillance nocturne au laboratoire par du personnel formé
à cette technique ;
➤➤la polysomnographie à 7 signaux, à domicile ;
➤➤la polysomnographie à 4 signaux à domicile ou
“polygraphie ventilatoire” ;
➤➤l’enregistrement de 1 ou de 2 signaux respiratoires,
le plus souvent oxymétrie et débits aériens.
La polygraphie ventilatoire est un examen de type 3
de la classification de l’ASDA. Elle comporte au
minimum un enregistrement des flux aériens nasal
et buccal, des mouvements thoraco-abdominaux,
du pouls et de l’oxymétrie. Elle permet de détecter
et de quantifier les apnées et les hypopnées ainsi
que leur retentissement sur la saturation en oxygène
et sur la fréquence cardiaque. Mais il n’y a pas de
capteur EEG pour analyser le sommeil. La mauvaise
appréciation du temps de sommeil réel (insomnie,
microréveils non pris en compte car sans désatuRonfleur non somnolent
Calcul de l’IMC
Facteurs de risque cardiovasculaires ou pulmonaires
Asthénie
Apnées
IMC < 30 kg/m2 et pas de facteurs de risque
IMC > 30 kg/m2 ± facteurs de risque
Pas de traitement envisagé
Traitement envisagé
Pas de polysomnographie
surveillance
Polysomnographie
Enregistrement
des ronflements
IAH > 30/h = SAOS
Traitement adapté
en fonction des résultats
Traitement
(requis)
Polygraphie ventilatoire
IAH < 30/h
Faire une polysomnographie
avant de prendre une décision
IAH : index d’apnées/hypopnées ; IMC : indice de masse corporelle.
Figure. Algorithme décisionnel chez un adulte ronfleur non somnolent.
14 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 329 - avril-mai-juin 2012
ration) peut entraîner une sous-estimation de l’IAH.
Par ailleurs, cet examen n’explore que les pathologies
respiratoires pures ; il ne permet pas le diagnostic
d’une pathologie neurologique associée.
La polygraphie ventilatoire est un examen simple,
qui peut se faire en ambulatoire. Il existe divers
modèles d’appareils, qui peuvent être posés par le
médecin, une infirmière, un technicien, au cabinet ou
au domicile, voire par le patient lui-même. Il s’agit
d’un acte médical : l’interprétation en revient au
médecin. Il ne faut pas se contenter d’une interprétation automatique ; il faut relire les tracés, ce
qui demande en moyenne 20 minutes. Cet examen
est remboursé par les caisses de Sécurité sociale.
Stratégie diagnostique
chez l’adulte ronfleur :
recommandations
professionnelles
D’après la communication du Pr F. Chabolle
(Suresnes)
Le rapport de la SFORL de 2006, “ORL et troubles
du sommeil”, a valeur d’avis d’expert.
La Société de pneumologie de langue française, les
Sociétés françaises de cardiologie, de médecine du
travail, d’ORL, de physiologie et de la recherche
et médecine du sommeil ont édité en 2010 des
recommandations professionnelles pour la pratique
clinique du syndrome d’apnées/hypopnées obstructives du sommeil de l’adulte (1).
Deux situations doivent être distinguées : le ronfleur
non somnolent (figure) et le ronfleur somnolent
(score > 10 sur l’échelle d’Epworth). Dans ce dernier
cas, il faut toujours faire une polysomnographie
avant de proposer un traitement.
Diagnostic du SAOS
chez le jeune enfant :
intérêt de la polygraphie
ventilatoire nocturne corrélée
à l’examen clinique
D’après la communication du Dr V. Bouvier
(Poitiers)
L’examen de référence pour le diagnostic d’un SAOS
chez l’enfant est la polysomnographie. Mais il est
difficile d’obtenir cet examen, les délais d’attente
étant très longs. Les auteurs ont évalué la faisa-
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bilité et la valeur diagnostique d’un enregistrement
simplifié effectué à la maison : la polygraphie
ventilatoire, comparée à un interrogatoire ciblé.
Trente-six enfants de 3 à 8 ans, adressés pour
suspicion de SAOS, ont été inclus. Il y avait
28 garçons et 8 filles et l’âge médian était de
4 ans. Les parents ont rempli un questionnaire lors
de l’inclusion, puis à distance. L’enregistrement de
la polygraphie ventilatoire nocturne à domicile,
après mise en place de l’appareil dans le service de
neurophysiologie, n’a été de bonne qualité que dans
la moitié des cas ; dans 1/4 des cas, il était même
inexploitable. L’obstruction nasale, la respiration
buccale et les infections rhinopharyngées étaient
plus fréquentes chez les enfants qui avaient un
IAH ≥ 1/h (p < 0,05). Les enfants qui avaient un
IAH > 5/h ont eu une adéno-amygdalectomie. Chez
ces enfants, le score du questionnaire parental s’est
nettement amélioré en postopératoire par rapport
au score initial.
Valeur prédictive de l’évolution
de l’intensité du ronflement
après une première séance
de radiofréquence vélaire
D’après la communication du Dr M. Blumen
(Suresnes)
La radiofréquence vélaire est un des traitements
possibles du ronflement. Elle se fait sous anesthésie
locale, en une ou plusieurs séances. Mais comment
prédire si cela va être efficace ou pas ?
Les auteurs rapportent une série de 150 patients,
117 hommes et 33 femmes, dont l’âge moyen
était de 51 ans ; ils avaient un ronflement sonore
gênant leur conjoint, avec un IAH préopératoire
moyen de 6,6/h et un IMC moyen de 24,7 kg/m2.
Le conjoint évaluait l’intensité du ronflement sur
une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 10.
Une EVA inférieure à 3 était considérée comme un
succès. Plus de 4/5 des patients ont été satisfaits du
traitement. La comparaison des patients qui avaient
une EVA < 3 à ceux qui avaient une EVA > 3 montre
que le niveau sonore du ronflement était significativement abaissé après la première séance dans le
groupe succès. Inversement, une EVA > 7 après la
première séance était de mauvais pronostic, avec
un taux d’échec de l’ordre de 70 %.
Neurostimulation unilatérale
du nerf grand hypoglosse
dans le SAOS
D’après les communications du Dr P. Rombaux
(Bruxelles, Belgique) et du Pr K. Hörmann
(Mannheim, Allemagne)
La contraction d’une hémilangue pendant le sommeil
par neurostimulation unilatérale du nerf grand
hypoglosse est une alternative au traitement des
SAOS chez les patients qui ne supportent pas un
appareil de ventilation nocturne nasale en pression
positive continue.
P. Rombaux (Bruxelles, Belgique) a rapporté son
expérience de stimulation continue pendant le
sommeil avec le système Aura6000™ développé
par la firme ImThera (San Diego, États-Unis) chez
15 patients atteints de SAOS modéré à sévère. Sous
anesthésie générale, une électrode active a été
implantée autour du nerf grand hypoglosse, avec
un câble sous-cutané en région cervicale connecté
au générateur électrique positionné en préthoracique. La recharge de la batterie se faisait tous
les 2 à 3 jours par radiofréquence. La titration de
l’électrode était réalisée en hospitalisation, pendant
une nuit, pour vérifier l’efficacité et l’absence de
douleur due à la stimulation. Le patient déclenchait
et arrêtait la stimulation par télécommande. Aucun
patient ne s’est plaint de fatigue (au niveau de la
langue). Les index polysomnographiques ont diminué
en moyenne de plus de 60 %.
Le Pr Karl Hörmann (Mannheim, Allemagne), chef
d’un service d’ORL de 100 lits – dont 20 consacrés
aux pathologies du sommeil –, président de
l’European Academy of Sleep Medicine (EASM),
utilise un système différent, avec un pacemaker qui
déclenche la stimulation du XII par une électrode
implantée à demeure, en fonction des mouvements
respiratoires. La contraction de l’hémilangue est
donc discontinue. ■
Référence bibliographique
1. Vecchierini MF, Laaban JP, Desjobert M et al. Therapeutic
strategies of obstructive sleep apnea syndrome integrating
combined treatments? Rev Mal Respir 2010;27(Suppl. 3):
S166-78.
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