Magiciens de la publicité

publicité
Extrait de la publication
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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous les pays, y compris la Russie.
© 1956 bif Librairie Gallimard.
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AVANT-PROPOS
M. Dupont, Français moyen, lisant un matin son journal
habituel, y releva cette alléchante annonce, dont le cadre noir
attirait l'attention
« Tout ce qu'une jeune fille doit savoir avant le mariage.
Un ouvrage passionnant, illustré de hors-texte. Envoi discret
contre 350 francs.
»
M. Dupont, aimable plaisantin, mais aussi avide de con-
naître certains mystères de la vie, prit sa plus belle plume,
signa son chèque, et le glissa dans une enveloppe.
Deux jours plus tard, le facteur lui apporta un paquet anonyme dans lequel il trouva. un livre de cuisine.
Depuis cette mésaventure, M. Dupont est fâché avec la
publicité. Quand on en parle devant lui, il professe un
mépris souverain, crie à l'escroquerie, au viol moral. Devant
une affiche, il s'esclaffe « C'est inesthétique, et scandaleux.»
Au cinéma, il arbore une moue ennuyée
ces filmlets sont
tout simplement ineptes. A la radio, c'est encore pire ces
slogans obsédants, ces citations laudatives, ces refrains insi-
pides, lui gâchent toute émission, et il se réfugie sur les ondes
officielles où il écoute de la musique de chambre. Quant à
son quotidien, il lui voue maintenant une solide aversion.
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DE
LA
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« Ce n'est que de la réclame.» Il parle de s'abonner au
Journal officiel.
Et pourtant, l'an dernier, quand M. Dupont décida de
refaire son appartement, il se rendit tout droit chez Lévitan.
Il n'écrit qu'avec une « vraiepointe Bic, ne fume que des
Gitanes, et prend chaque jour son verre de Quintonine. Est-il
malade ? Il se précipite chez le pharmacien, et ressort avec
des Petites Pilules Carter, de la Boldoflorine, et des sels
Kruchen. Pour lui, il n'est de dentifrice qu'à la chlorophylle, de moutarde que de Dijon.
Car M. Dupont, bien qu'il s'en défende, est le jouet docile
de cette machination moderne, de ce complot permanent
qui guette chaque individu à tout instant de sa vie, qui prend
les formes les plus diverses, mais toujours tentatrices la
publicité.
La publicité ?On en a donné mille définitions, on l'a présentée sous de multiples aspects, les uns bénéfiques, les autres
moins favorables.
Pour Georges Duhamel, c'est « une formidable entreprise
de contrainte et d'abrutissement », cependant que André Sieg-
fried pense qu'«elle correspond à un aspect essentiel, indispensable, non seulement de la production industrielle moderne, mais de la vie même des sociétés évoluées ».
Entre ces affirmations aussi éloignées, il y a place pour
un large éventail d'opinions, mais qu'il se félicite de l'essor
de la publicité, qu'il l'admette ou qu'il la combatte, M. Dupont, à moins qu'il ne rejette dans son ensemble tout notre
système économique, est bien obligé de tenir compte de son
existence et de la subir. La publicité est un de ces phénomènes de la vie moderne, devant lequel on ne peut passer
indifférent.
Depuis la création du monde, il a toujours été nécessaire
de faire savoir à un certain nombre d'individus qu'il existe
quelque chose qu'ils ont besoin de connaître. Elle est un
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moyen de pousser à l'achat et tend au plein emploi du
revenu de chacun pour l'amélioration de ses conditions
d'existence.
« La publicité, a dit Pierre Picherit, c'est le pain quotidien
de l'espoir humain.»
Bruce Barton, journaliste de notoriété internationale, aime
à se remémorer cette anecdote, qui illustre parfaitement l'importance capitale que peut revêtir l'annonce la plus modeste
« J'étais encore novice en matière de publicité, raconte-t-il,
lorsqu'un jour je glissai une feuille de papier dans ma machine à écrire et tapai, pour le compte d'une compagnie d'assurances sur la vie, une annonce à l'intention des jeunes gens
mariés et pères de famille. Je reçus, entre autres, une réponse
d'un voyageur de commerce âgé de trente-huit ans, marié
et père de trois enfants. Il désirait connaître les conditions
d'une police qui, au cas où il viendrait à disparaître, assurerait aux siens une pension annuelle de trois mille dollars.
Comme suite à sa demande, il effectua un premier versement, et signa ladite police. »
Quelques jours plus tard, le voyageur de commerce allait
chez son dentiste et se faisait arracher une dent de sagesse.
Que se passa-t-il au juste ? Toujours est-il que l'infection
se mit dans l'alvéole et se généralisa. Il mourut.
« Cet incident fit sur moi une profonde impression, dit
Barton. Bien souvent je me suis souvenu qu'il est quelque
part une mère et trois orphelins, aujourd'hui adultes, qui,
sans soupçonner le moins du monde mon existence, me
doivent des conditions de vie très différentes de ce qu'elles
auraient dû être. Tout cela parce qu'un jour, j'ai assemblé
quelques mots qui tombèrent sous les yeux du chef de famille
et l'incitèrent à suivre mes conseils.»
Voici, plus caractéristique encore
Elias Howe, inventeur de la machine à coudre, était encore jeune lorsqu'il prit
son brevet en 1846. Il n'en passa pas moins la majeure partie
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de son existence dans la pauvreté et le découragement
per-
sonne n'achetait sa machine, parce que personne ne la connaissait. La publicité n'était pas encore assez développée pour
propager la bonne nouvelle. Toute une génération de ménagères, dont le travail aurait pu s'en trouver allégé et agrémenté, mourut sans avoir su qu'un merveilleux auxiliaire
avait vu le jour.
La publicité n'a pas, sans doute, inventé les produits et les
services qui, dans notre xx" siècle, ont donné lieu à la création
de tant de millions d'emplois, ont soulagé tant de maux et
apporté la solution à des problèmes cruciaux. Elle n'a pas
davantage inspiré le courage et l'esprit d'initiative qui ont
présidé à la construction des grands monuments, des usines,
ou de l'outillage nécessaire. Mais son rôle a été de stimuler
l'ambition et le désir, et de créer cette soif ardente et insa-
tiable de posséder, qui est le plus puissant ressort de la production.
Certes, la publicité a eu ses enfants terribles
« Voici le fondement de ma doctrine, mise au point après
cinq années d'études solitaires et difficiles Ne jamais faire
appel à l'intelligence du client. Le public n'aime pas penser.
Evitons-lui cette fatigue. Substituons notre pensée à la
sienne. Tous les hommes ont une nette tendance à la paresse
cérébrale. Cultivons donc la paresse cérébrale. C'est la grande
culture de notre temps.
» Je veux créer un monde moderne où l'humanité inté-
ressée par la seule puissance de mes slogans, s'agitera devant
mes affiches, le visage morne et en ordre comme dans un
congrès de gymnastique.»
Ainsi s'exprimait, quelques années avant la guerre, Armand
Salacrou, par la bouche de Poof, personnage de comédie.
C'était l'époque où la publicité, lancée depuis peu à la conquête du monde, découvrait avec étonnement l'étendue de
son pouvoir; éblouie par cette révélation, tel un jeune chien
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lancé dans un salon bourgeois, elle tentait de vaincre par sa
turbulence les résistances et les oppositions qu'elle pressentait.
Mais les années ont passé. Poof, le publicitaire frénétique,
a vu ses tempes s'argenter. Son cheval de bataille, qu'il menait
si rudement au combat, s'est aguerri en même temps que le
cavalier. Il a renoncé à quelques-uns des buts diaboliques qu'il
poursuivait et son action s'est disciplinée en même temps qu'il
mettait au point une technique plus efficace.
C'est le portrait de Poof de ce milieu du siècle que ce livre
se propose de tracer de la Bastille aux Champs-Elysées, des
bureaux à l'atmosphère enfiévrée abritent des hommes qui
ont pour mission de mettre en mouvement ce monde étrange
et agressif, de lui conférer ce souffle de folie qui va secouer
la masse, l'arracher à ses soucis terrestres, la mettre en présence d'autres problèmes et d'autres besoins. Ils sont les magiciens d'une alchimie moderne où le génie a remplacé les
sortilèges. Ils ne fabriquent plus de l'or dans de savantes cornues, mais de la réussite à des milliers d'exemplaires.
De Poof 1930, ils n'ont conservé que la seule profession de
foi
ils vendent le bonheur sous la forme la plus simple, les
mains vides.
Paris,
janvier-septembre
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1955.
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CHAPITRE
PREMIER
LA PUBLICITÉ
CETTE GRANDE DAME.
« Vendre bon marché, pour vendre beaucoup.
Vendre beaucoup, pour vendre bon marché.»
Emile
de
GIRARDIN.
La publicité, sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui, est une invention du monde moderne, au même titre
que le téléphone ou l'électricité. Liseron capricieux, à la gestation laborieuse, elle a fleuri dans la première moitié du
xx" siècle, multiplié ses tentacules et ses rejetons, monopolisant tous les nouveaux moyens d'expression, s'insinuant
dans tous les compartiments de la vie de la cité.
Pourtant, la publicité est vieille comme le monde. Fille
de la propagande, elle est apparue dans les temps les plus
reculés de l'histoire de la planète. Dans leur petit ouvrage
La Publicité, Bernard de Plas et Henri Verdier affirment
que l'on trouve ses premières manifestations dans les inscriptions par lesquelles les pharaons égyptiens commémoraient leurs fastes et leurs victoires au fronton des pyramides.
Pierre-André Chavane, quant à lui, aime à évoquer la
Grèce antique
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« La publicité est la base de tout commerce. Comme témoignage la publicité des femmes grecques sur l'Acropole, qui
inscrivaient leur nom et leur tarif, ce qui a permis le si
beau développement de la prostitution en Grèce.»
On trouve d'autres traces de la publicité dans l'antiquité
romaine. Non loin du grand livre des licteurs, au Forum,
étaient exposées des tablettes annonçant des ventes ou des
manifestations théâtrales. Les légions de César l'apporteront
jusqu'à la Gaule où l'on trouve (c'est aux environs de Nîmes)
cette gracieuse et galante formule, arborée par une fleuriste
Non vendo nisi amantibus coronas
(Je ne vends des couronnes qu'aux amants)
Marcel Galliot, qui rapporte cette enseigne, ne précise pas
de quelles couronnes il s'agit.
Au moyen âge, la propagande personnelle des grands de
ce monde s'effectuait par la voix des trouvères, troubadours
et baladins qui allaient de château en château chanter les
hauts faits d'un Robert d'Artois ou d'un Charles d'Anjou.
Le moyen âge ne nous offre d'ailleurs guère d'exemple
de publicité écrite elle devait revêtir la seule forme orale,
par l'organe des crieurs publics, qui formaient une corporation importante.
C'est ainsi que l'on relève dans les Cris de Paris quelques
apostrophes et couplets, mi-chantés, mi-clamés, dont certains
ne manquent pas de piquant ni de. gauloiserie
Artichault
Artichault
C'est pour Monsieur et pour Madame,
Pour réchauffer le corps et l'âme
Et pour avoir le cul plus chault
Pour un marchand de cidre ambulant
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LA PUBLICITÉ CETTE GRANDE DAME.
Du doux, du doux, pour les filles
pour les faire pisser roide.
ou encore
Ramonez vos cheminées,
Jeunes dames, haut et bas.
Toutefois, les étendards, armoiries, fanions et blasons
étaient déjà des formes dont devaient dériver l'enseigne,
appelée à jouer un grand rôle dans la publicité.
L'enseigne naquit aux xvie et xvie siècles
elle chercha à
allécher, par des artifices de présentation. Son exécution fut
confiée à de véritables artistes et sa lisibilité fut sacrifiée à
l'élégance. L'enseigne de cette époque donnera aux temps
modernes le panonceau, infiniment moins pittoresque.
L'affiche parut au xve siècle la première dont on retrouve
la trace fut imprimée à Paris, en 1482, pour le chapitre de
Reims
il s'agissait d'annoncer le grand pardon de NotreDame. L'Eglise se trouve, de ce fait, l'ancêtre de nos annonceurs.
Vers la fin du xve siècle, apparurent les premières « nouvelles à la mainet les « feuilles volantes ». C'est en 1631
que Théophraste Renaudot, avec sa Gazette, apporta en
France l'habitude du journal, à l'exemple de ce qui se pratiquait déjà en Hollande, en Allemagne, à Venise. Renaudot
innova aussi en créant un « bureau d'adressesqui devait
faciliter les menues ventes et les échanges. Montaigne,
d'ailleurs, avait eu également cette idée, puisque l'on retrouve
dans un de ses essais D'un défault de nos polices, le passage
suivant
« Feu mon père, homme pour n'estre aydé que de l'expérience et du naturel, d'un jugement bien net, m'a dit aultre-
fois qu'il avoit désiré mettre en train qu'il y eust es villes
certain lieu désigné, auquel ceulx qui auroient besoing de
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quelque chose se peussent rendre et faire enregistrer leur
affaire à un officier estably pour cet effet Comme
« Je
cherche à vendre des perles; je cherche des perles à vendre.
Tel veult compaignie pour aller à Paris; tel s'enquiert d'un
serviteur de telle qualité; tel d'un maistre; tel demande un
ouvrier, qui cecy, que cela, chascun selon son besoing.
« Et semble que ce moyen de nous entr'advertir apporteroit non légière commodité au commerce public, car à touts
coups, il y a des conditions qui s'entrecherchent, et pour ne
s'entr'entendre, laissent les hommes en extrême nécessité.»
En 1741, l'abbé Aubert lança le journal Les Petites
Annonces où l'on trouve des offres de maisons à vendre, à
louer, des charges à céder, etc. Sous le Consulat, il parut trois
journaux de ce genre Journal d'AnnonCes, Journal d'Aff iches et Petites Affiches.
Cependant, Law s'était servi d'affiches proprement dites
pour annoncer le cours de ses actions. L'année 1772 voyait
naître une affiche vantant les qualités d'un nouveau modèle
de parapluie.
La publicité pharmaceutique commence à tenir une place
non négligeable beaucoup de « réclamesen faveur de
divers traitements, contre les « maladies secrètes », vogue de
« la Pommade Mélaïnocome », des « Pastilles de Calabre »,
du « Topique Coristique» contre les cors et oignons, mais
surtout, et partout, cette « Pâte pectorale de Regnault aîné»
qui, jusqu'à la fin du siècle, multipliera sa publicité dans les
journaux les plus divers.
En 1827, la Gazette de France publia la première annonce
matrimoniale
Une Demoiselle d'un physique agréable, ayant 6 000 fr.
de rente et des espérances, désire se marier à une personne
d'un état honorable. S'adresser.
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LA PUBLICITÉ CETTE GRANDE DAME.
Les journaux de l'Empire connaissaient déjà sous une
forme rédactionnelle une publicité vraiment commerciale.
Mais c'est l'initiative d'Emile de Girardin qui devait être
décisive dans l'histoire de la publicité.
Cet inventeur de la presse à bon marché, du journal à la
portée de tous, partit en guerre dans le numéro de La Presse
du 29 avril 1845 contre la publicité déguisée des petites
annonces.
« L'annonce, disait Girardin, doit être franche, simple et
concise. La publicité ainsi comprise se réduit à dire Dans
telle rue, à tel numéro, on vend tel produit à tel prix. »
Emile de Girardin ne semblait nullement prévoir les artifices auxquels cent ans plus tard les annonces devraient
avoir recours pour se rendre plus attrayantes.
Heureuse époque où la publicité n'avait pas, comme de
nos jours, à forcer l'attention d'un acheteur en proie à mille
sollicitations.
Les annonces des journaux prirent dès lors une importance sans cesse croissante; elles étaient, en général, réunies
en dernière page. L'annonce de grand format, par contre,
était encore rarement utilisée et avec une certaine naïveté.
On relevait toutefois de savoureuses invites, telle celle ima-
ginée par un marchand de potion contre la calvitie
Depuis la paix, les hommes sont bien plus souvent auprès
des femmes, et elles n'aiment pas les chauves.
Le texte était le principal élément de l'annonce. Peu à peu,
toutefois, le dessin fit son apparition avec Jep on présenta le
produit par un graphique attrayant; parfois aussi, mais excep-
tionnellement, la fabrique ou l'usine.
Le personnage humain (silhouette féminine pour le rayon
de couture des grands magasins) n'apparut que plus tard
encore.
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LA
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On peut dire qu'entre 1845 et 1900, la technique de l'annonce ne fit pas grand progrès. Toutefois, l'importance de
la publicité dans l'économie ne fit que croître très vite avec
le développement industriel. Dans une large mesure, c'est le
machinisme et la production en série qui ont donné naissance à la publicité telle que nous la connaissons. A partir
de 1880, les agences de publicité se multiplièrent et devinrent
davantage de véritables entreprises de création et de distribution.
L'influence de l'Amérique en matière de publicité commença à se faire sentir sur le vieux continent à la fin du siècle
précédent, notamment par l'exemple d'un homme qui a, plus
que tout autre, personnifié l'esprit de la « réclame » Phineas Taylor Barnum. M. R. Werner a mis en lumière le sens
publicitaire du célèbre directeur de cirque, la hardiesse et
l'originalité de ses initiatives et la profonde influence qu'il
a exercée, à cet égard, sur ses contemporains. C'est à cette
influence, peut-être, qu'il faut rapporter le caractère outrancier
qui a, pendant si longtemps, marqué la publicité américaine.
C'est devenu un poncif, pour les Européens, que de citer les
exagérations les plus grosses, et parfois bouffonnes, de la
publicité d'outre-Atlantique. En voici deux exemples macabres une annonce parue au début de ce siècle dans The Indianapolis News
Fours crématoires d'Indianapolis
320 N. Illinois Street
Visiteurs bienvenus à toute heure.
Demandez le livret.
Une épitaphe relevée en Amérique par un journaliste
français
Ci-gît Anny Henkins, enlevée prématurément à la vie,
après avoir perdu sa beauté. Elle serait restée jeune si,
LA PUBLICITÉ CETTE GRANDE DAME.
chaque soir, elle avait fait usage de la crème Carton and
Son.
En France, heureusement, pas de semblables déborde-
ments. Les illustrés, les journaux quotidiens, les prospectus,
la peinture murale, les affiches furent les moyens courants
de la publicité de cette époque. Mais la technique restait fai-
ble
on ne se préoccupait guère de l'étude préalable d'un
marché, ni de la psychologie d'une clientèle, moins encore
des normes rationnelles de la typographie et de la mise en
page.
L'affichiste s'attachait avant tout à mettre sous les yeux
du public une image susceptible de lui plaire. Mucha et
Chéret furent le fin mot de la publicité 1900. Celle-ci n'était
pas une science, mais un art.
Puis on assista à une nouvelle évolution
Méliès, cet éton-
nant cerveau, inventa le cinéma dans les premières années
de ce siècle. Cet art nouveau allait vite devenir un moyen de
publicité efficace.
En France, la publicité fut étudiée de façon plus métho-
dique
ce fut l'époque de O.-J. Gérin, ce fils de modeste quin-
caillier, dont le remarquable ouvrage Précis intégral de
Publicité devait être le livre de chevet de plusieurs générations de publicitaires, puis de ses élèves, Francis Elvinger,
qui dirige aujourd'hui une des plus importantes agences de
Paris, Louis Merlin, qui se spécialisa par la suite dans la
radio et la télévision, Etienne Damour enfin, qui créa, en
1918, la fameuse équipe DAM dont sont sortis tant de publi-
citaires maintenant illustres et aussi de fameuses campagnes
qui sont encore aujourd'hui présentes à la mémoire le lancement de la Vache qui Rit, Bibendum, et bien d'autres.
Etienne Damour créa, en 1923, la revue Vendre, qui
sous la direction de Paul Nicolas, apporte toujours fidèlement la bonne parole publicitaire. Il devait mourir subite-
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ment en 1931, laissant son agence entre les mains de son
frère Léon Damour, et après avoir lancé dans le « grand
bain» des hommes comme Marcel Mancey, R.-L. Dupuy,
Jacques Grizeaud.
La publicité, cependant, poursuivait son développement,
fortement aidée par l'essor des nouvelles industries néon,
cinéma, radio. La venue de cette dernière permit à Mar-
cel Bleustein et à Louis Merlin d'atteindre les prospectés
par l'ouïe, alors que les moyens précédents s'adressaient
presque exclusivement à la vue, et porta le message publicitaire au coeur même des foyers.
Aujourd'hui, la télévision commence à lui prêter son
visage, cependant que la technique publicitaire, utilisant les
sondages d'opinion, les enquêtes, les tests, tend à adopter
un processus plus scientifique qui garantit les résultats.
Nous sommes bien loin des cris de Paris, naïfs et grivois,
et aussi des simples formules prônées par Emile de Girardin.
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CHAPITRE
II
ENFONCEZ-VOUS BIEN ÇA
DANS LA TÊTE
« Vous vendez des sirops. Or, ce qu'on vous
achète, c'est la santé.
»
Armand SALACROU (Poof).
Chaque fois que l'on entreprend de retracer l'histoire de
la publicité française à travers ses grandes figures de la moitié
du siècle, on ne peut ignorer le rôle de tout premier plan qui
revient dans cette évolution, à l'Agence Jep et Carré (ancien-
nement Hemet, Jep et Carré). Peu d'agences, en effet, ont
été aussi nettement associées, et d'aussi bonne heure, au déve-
loppement de la technique publicitaire française.
C'est en 1898 que l'Agence Hemet, Jep et Carré fut fondée
par celui que l'on reconnaît comme le pionnier en France de
la publicité méthodique, le chef de l'école française de la
publicité M. D. Hemet.
Hemet fut le premier à comprendre la publicité comme
une véritable technique rationnelle et une discipline susceptible d'enseignement; le premier aussi à transporter sur le
terrain de la pratique les notions qu'il avait puisées dans sa
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