Première rencontre des Sciences Humaines et Sociales avec Claire

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Première rencontre des Sciences Humaines et Sociales avec Claire Marin
Centre national de ressources (http://www.spfv.fr/)
Première rencontre des Sciences Humaines et Sociales
avec Claire Marin
Première rencontre des Sciences Humaines et Sociales
avec Claire Marin
Publié le 30 janv. 2013 à 17h34
Présentation de Claire Marin [1]
Liens:
[1] http://www.soin-palliatif.org/atelier-projets/rencontre-avec-science
s-humaines-et-sociales
Claire Marin, philosophe
La souffrance étant
sans doute ce que
partagent
les
personnes, patients,
entourage
et
professionnels,
impliqués en fin de
vie, il nous a semblé
utile de lancer cette
rubrique
en
rencontrant
Claire
Marin.
Cette
philosophe vient en
effet
de
co-diriger
avec
Nathalie
Zaccaï-Reyners
un
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Centre national de ressources (http://www.spfv.fr/)
livre
collectif
Souffrance
et
douleur. Autour de
Paul Ricoeur, publié
par
les
Presses
Universitaires
de
France.
L'ouvrage
réunit
des
contributions
de
philosophes,
médecins
et
sociologues
autour
d'un texte majeur de
Paul Ricoeur : "La
souffrance n'est pas
la douleur". A partir
d'une analyse de la
maladie psychique, ce
texte
apporte
des
repères précieux pour
mieux comprendre ce
qu'est la souffrance,
sans la juger.
Propos recueillis par
Jean-Christophe Mino,
médecin chercheur, directeur
du CNDR Soin Palliatif
Pouvez-vous nous
dire en quoi le texte
de Paul Ricoeur "La
souffrance n'est pas
la douleur" autour
duquel est composé
cet ouvrage est un
texte important ?
Tout simplement parce qu?il
montre que l?expérience de
la souffrance contamine le
sujet et la totalité de son
existence. Ce texte, bien que
partant d?une analyse de la
souffrance psychique, offre
les bases d?une réflexion plus
générale sur la souffrance et
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soulève la question d?une
nouvelle compréhension du
souffrir qui constitue l?un des
enjeux pour l?évolution de la
médecine aujourd?hui : la
souffrance ne se joue pas
seulement sur le plan
physique, mais est aussi
l?effet de représentations :
chaque souffrance s?inscrit
dans un imaginaire
particulier. Soigner un
individu demande de
comprendre le sens de sa
souffrance dans son parcours
singulier. On voit, notamment
grâce aux lectures de
médecins, de sociologues ou
de philosophes qui sont
proposées dans l?ouvrage, à
quel point le texte de Ric?ur
résonne de manière très
contemporaine pour ceux qui
travaillent de manière
théorique ou pratique sur ces
questions. Il offre des clefs
conceptuelles qui permettent
à la fois de repenser les
différentes formes de
violences dont un homme
peut souffrir, mais également
de réfléchir aux tensions dans
lesquelles le soignant est
pris.
Vous avez écrit sur
l'expérience de la
maladie - Hors de
moi, Allia,
2008 ; Violences de la
maladie, violence de
la vie, Armand Colin,
2008 - en montrant
notamment comment
c'est l'entièreté de
la vie même, dans
toutes ses
dimensions, qui se
trouve bouleversée
par le malheur
physique. D'autre
part, vous
travaillez le concept
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de "philosophie du
soin" pour lequel le
soin médical n'est pas
une tâche seulement
technique mais une
pratique
sociale plurielle - La
philosophie du
soin. Médecine,
éthique, société, PUF,
2010. Comment ces
deux perspectives,
l'expérience
individuelle du
malheur physique et
l'agir du soin
peuvent-elles
s'articuler (ou non) ?
C?est sans doute l?un des
enjeux essentiels pour la
médecine aujourd?hui, si elle
veut contrer des réactions de
défiance que manifestent les
patients, sensibles à la
violence des relations
humaines dans la pratique
des soins, notamment
hospitaliers (violence parfois
engendrée par les conditions
matérielles dans lesquelles le
personnel hospitalier se voit
contraint d?exercer). On voit
de plus en plus de signes qui
témoignent d?une certaine
distance des patients
vis-à-vis de l?autorité
médicale et cette distance
est à la fois justifiée, en ce
qu?elle n?est finalement
qu?une réaction à un certain
nombre d?abus par le milieu
médical d?une traditionnelle
position de pouvoir, mais
cette distance est aussi
inquiétante, car elle laisse
des patients perdus dans le
labyrinthe de données
médicales vulgarisées par
internet et appliquées dans
une logique
d?auto-médication
potentiellement dangereuse.
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La restauration de la
confiance dans la relation
thérapeutique, l?attention
individualisée accordée au
patient sont essentielles pour
que celui-ci n?ait pas
l?impression de n?être qu?un
dossier sur la pile qui
s?entasse sur le bureau du
médecin. Autrement dit, si la
médecine est techniquement
performante, elle reste
humainement défaillante.
C?est sur ce point que la
formation médicale est à
améliorer et que les
conditions matérielles
doivent être revues pour
permettre que cette relation
de confiance s?instaure. Cela
demande du temps au
soignant. Or aujourd?hui, très
souvent, ses relations sont
minutées. Cela paraît
incompatible avec une
humanisation du soin
médical.
La philosophie a-t-elle
quelque chose à dire
de la médecine et du
soin ? A-t-elle
quelque chose à dire
à la médecine et au
soin ?
Oui, bien sûr, dans la mesure
où elle s?interroge sur les
principes de subjectivation,
c?est-à-dire ce qui permet au
sujet de se construire, mais
aussi sur tout ce qui
l?ébranle. Or la médecine et
le soin renvoient a priori à ce
qui répare, ce qui restaure,
ce qui réassure l?individu
dans son être. Mais aussi, et
c?est en cela qu?elles sont
philosophiquement
passionnantes, médecine et
soin ont en commun d?être
potentiellement des relations
destructrices, dans la mesure
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où elles s?adressent à des
individus fragiles ou
vulnérables. Elles peuvent
alors se renverser en rapport
de pouvoir et accentuer la
faiblesse et le désarroi de
ceux qui ont besoin d?aide.
Parfois même, ce processus
se produit à l?insu de ceux
qui exercent des fonctions de
soin, qu?il soit médical ou
autre. Le rôle de la
philosophie est de l?ordre de
la vigilance, son regard
critique doit signaler les
risques de renversement du
soin en son contraire. Sa
perspective extérieure lui
permet d?identifier la
violence que la routine et la
répétition ont rendue
« banale ». Mais elle doit
également offrir des pistes
pour repenser ce qu?elle
critique, notamment il me
semble, en travaillant en
amont, au coeur de la
formation des étudiants en
médecine. On peut les
sensibiliser à la situation des
patients, les amener par
l?étude de récits ou de films
à entrer dans la peau du
malade. Canguilhem disait
que cette sensibilité du
médecin au vécu du malade
était une des dispositions
nécessaires à un bon
exercice de ce métier.
Quelle en est alors
l'implication pour le
soin en fin de vie ?
En ce qui concerne le soin en
fin de vie, ce risque est
accentué, car la vulnérabilité
du patient est extrême, mais
aussi celle de ses proches. La
défiance que l?on évoquait
précédemment est latente, à
la fois du côté de la famille et
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du côté médical : les uns et
les autres peuvent se
suspecter de vouloir hâter la
fin de vie ou de la laisser se
prolonger dans des
conditions insoutenables.
Plus que dans n?importe
quelle situation, la qualité de
la relation et du dialogue
entre le personnel soignant et
le patient et sa famille
semble essentielle pour que
l?exercice du soin ne soit ne
soit pas miné par le doute.
Il me semble que pour penser
la question de la fin de vie,
Ricoeur dans cet ouvrage,
nous offre une distinction
conceptuelle subtile, entre
d?une part le patient qui est
dans le « désir d?être et
l?effort pour exister en dépit
de..», qui est dans cette
souffrance-endurance qui
s?articule au désir de
persévérer dans l?être et
d?autre part ceux qui ne
« sont même plus des
personnes pour souffrir leur
souffrance », c?est-à-dire
ceux que la souffrance
dépossède à ce point que
leur vie ne leur appartient
plus, qu?elle n?est plus qu?un
pur subir de souffrance. Si
l?on comprend bien le sens
d?un soin qui soutienne le
désir de continuer à exister
en dépit de conditions de vie
même très éprouvantes,
c?est bien le deuxième type
d?existence, à la limite de
l?humanité qui laisse ouverte
une question décisive pour la
réflexion éthique.
Présentation de la rubrique
"Rencontre avec les Sciences
Humaines et Sociales"
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