Prothèses de hanche

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Laurent Sedel
Hôpital Lariboisière,
75010 Paris
Mots clés : arthrose,
prothèse articulaire
Abstract: Hip prosthesis
Hip replacement means to replace the load support which must stand repeated efforts, the function of friction
by materials compatible with the use of the muscles, this comes with a prosthesis that will stay embedded for
many years. The indication is primarily based on functional impairment of patients, on their life expectancy and
on the existence of a hip disease.
The result of a “pain free” hip is achieved in more than half the cases. The two main reasons leading to further
surgery are the mechanical complications and foreign-body reactions.
Key words: joint prosthesis; osteoarthritis
Prothèses de hanche
Données biomécaniques
Dans la plupart des affections précitées, la tête du
fémur a perdu une partie de son cartilage, il existe des
remodelages osseux, des ostéophytes, une calcification de la capsule, qui limitent le jeu articulaire. Pour
redonner indolence et mobilité, on sectionne le col du
fémur en enlevant la tête. On remplace la surface cotyloïdienne et la tête du fémur par une prothèse qui
vient habituellement prendre ancrage dans la cavité
médullaire du fémur.
La hanche normale supporte à chaque pas des efforts
de 3 à 4 fois le poids du corps, la descente d’un escalier, la course font passer les efforts à 6 ou 8. De plus,
le coefficient de frottement articulaire qui mesure la
résistance au frottement entre deux surfaces de cartilage est très faible, de l’ordre de 0,001 pour une articulation normale. Remplacer ce système revient donc à
remplacer pour aussi longtemps que possible le support de charge qui doit résister aux efforts répétés et la
fonction de frottement par des matériaux qui donneront des couples de frottement bas compatibles avec
la mobilisation par les muscles. De plus cette prothèse
devra rester ancrée pour de très nombreuses années.
La prothèse comporte : un système d’ancrage, une tige
centro-médullaire, un couple de frottement, souvent
reliés par un cône Morse et une fixation des pièces, soit
par du ciment acrylique (méthylmétacrylate), soit sans
ciment (la surface de l’implant, irrégulière, est généralement en alliage de titane parfois associé à un matériau
dit ostéoconducteur, l’hydroxyapatite). Les travaux les
plus récents [1] insistent sur la nocivité des débris
d’usure des prothèses qui activent la réaction macrophagique et sont à long terme la cause de la plupart des
descellements. Seuls les couples comportant de la céramique ou du métal frottant sur du métal paraissent
mettre partiellement à l’abri de ces réactions. L’expérience de plus de 20 ans des céramiques fait espérer
effectivement une diminution de ces réactions de destructions osseuses appelées « ostéolyse » entraînées
par les macrophages [2].
Indication
Elle repose essentiellement sur la gêne fonctionnelle
des patients, sur leur espérance de vie et sur l’existence d’une pathologie à ce niveau. Une des erreurs
DOI : 10.1684/med.2011.0759
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De nombreuses affections rhumatismales peuvent toucher la hanche : arthrose primitive ou secondaire, nécrose idiopathique ou secondaire à la prise de corticoïdes ou
d’autres étiologies, maladies diverses (synovites villonodulaires, luxation congénitale,
séquelles traumatiques des fractures du cotyle ou du fémur, maladie de Gaucher, hémochromatose, hémophilie...). Généralement, tout se résume à trois signes fonctionnels
associés à des degrés divers : la douleur, la perte de mobilité, la boiterie. Ces signes se
traduisent par des handicaps chiffrables en réduction du périmètre de marche, en degrés
d’angle de mobilité articulaire perdus, en nécessité de prendre une canne. Ce sont autant
de raisons d’aller consulter son médecin, son rhumatologue, qui jugeront de l’intérêt
d’adresser le patient au chirurgien orthopédiste. Nous tenterons ici de présenter brièvement les principes biomécaniques d’un remplacement prothétique articulaire, les biomatériaux en présence, les indications, les résultats attendus et les complications.
THÉRAPEUTIQUES
Spécial arthroplasties
MÉDECINE novembre 2011 393
THÉRAPEUTIQUES
Spécial arthroplasties
fréquentes est d’attribuer à la hanche un handicap qui relève
en fait d’un canal lombaire étroit, d’une arthropathie sacroiliaque, d’une sciatique ou d’une cruralgie, voire d’une hernie
crurale. Le risque d’erreur peut être limité par un examen
attentif, le caractère mécanique des troubles (ils disparaissent généralement au repos), la douleur à la mise en charge
et bien sûr les signes radiologiques (parfois absents au début, ou seulement visibles sur des clichés de profil ou un
scanner). Par ailleurs, une coxarthrose débutante à partir d’un
certain âge est bien banale et ne doit pas limiter la recherche
d’une autre étiologie.
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Cotation des résultats
Il existe plusieurs exemples de cotations chiffrées. Celle de
Merle D’Aubigné et Postel reste encore largement utilisée
dans le monde à côté de celle de Harris ou de Michel Lequesne, cette dernière étant plutôt un indice algo-fonctionnel.
Certains utilisent de plus en plus les indices de qualité de vie
de type Womac ou SF36. Des cotations radiologiques permettent d’anticiper sur des problèmes éventuels en mesurant
différents éléments : usure des pièces, liserés radiologiques,
modifications des angles témoignant de micro mobilité. Des
méthodes fines (RSA : Roentgenostereogrammétrie ; EBRA :
Ein Bilt Roentgen Analysis) permettent de mesurer des mobilités avec des précisions de 0,5 mm. Enfin, les courbes de
survie actuarielle (application des méthodes statistiques de
Kaplan-Meier) permettent de connaître les chances pour une
prothèse donnée et un groupe homogène de patients défini de
rester en place. Cette méthode tient compte des patients
décédés ou perdus de vue. Si leur nombre augmente, l’intervalle de confiance s’élargit et la précision diminue. Généralement, la survie à 10 ans est un bon critère de succès même si
des détériorations rapides peuvent survenir au-delà de cette
limite. De plus, la qualité du résultat en termes d’indolence, de
capacité à pratiquer des sports, à reprendre le travail, sont
autant d’éléments importants dans le contexte.
Les suédois ont mis sur un registre toutes les prothèses posées en Suède depuis 1979. C’est un outil très riche qui n’a
pas d’équivalent, même si les Norvégiens, les Anglais et
d’autres ont suivi cet exemple [3]. Il nous apprend que les
résultats de la prothèse de Charnley dite le « gold standard »
sont de 90 % de prothèses en place après 10 ans. Ce chiffre
mérite cependant quelques commentaires. Les résultats
avec cette prothèse sont nettement meilleurs chez les personnes âgés, les femmes, alors qu’ils se dégradent nettement chez les patients les plus jeunes ; d’autre part même
si la prothèse n’est pas réopérée, il semble qu’avec le temps,
il existe un certain inconfort : quelques douleurs, des images
radiologiques d’usure, de microgéodes, qui font penser à une
détérioration de la tenue de la prothèse due à des réactions
à corps étrangers sans qu’une réintervention ne soit envisagée chez ces personnes fatiguées et souvent âgées.
D’autres prothèses comportant des matériaux résistants à
l’usure comme les couples céramiques ont montré que cette
absence d’usure pouvait expliquer une excellente tenue mécanique après 20 ans (notre série trouve 91 % des prothèses
toujours en place après 20 ans avec ce type de prothèse).
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D’autre part, cela se confirme même si la prothèse est implantée chez des sujets jeunes et de ce fait soumise à des
efforts importants.
Choix de la prothèse
et intervention type
L’indication étant posée, le patient doit passer une consultation préopératoire anesthésique. Il n’est généralement plus
nécessaire de pratiquer une autotransfusion puisque les pertes sanguines, si l’intervention est conduite par voie postérieure et avec une incision limitée seront de l’ordre de 500 cc
au total, ce qui est compatible avec une substitution par remplacement volumique simple surtout si l’hématocrite préopératoire est dans les limites de la normale.
La voie d’abord est le plus souvent postérieure (certaines
équipes préfèrent des voies différentes, transtrochantérienne ou antérieure). L’intervention dure 60 minutes en
moyenne pour un cas standard. Elle est menée sous anesthésie locorégionale de type rachianesthésie ou générale
avec des procédures d’antalgies très au point. Une antibiothérapie prophylactique est de règle, de même qu’un traitement anticoagulant préventif 1. Certains discutent actuellement de l’efficacité comparable des manœuvres mécaniques
parfois aidées de pompes et de bas de contention.
Le choix de la prothèse dépend de l’opérateur et du patient.
Dans notre équipe, chez un patient âgé dont l’exigence fonctionnelle est limitée, une prothèse cimentée simple comportant
un cotyle en polyéthylène massif et une tige en titane scellée
par du ciment acrylique est mise en place ; chez un patient plus
jeune, actif, qui souhaite continuer sa pratique du sport ou un
métier comportant le port de charges lourdes, avec une espérance de vie plus longue, nous implantons une prothèse
comportant des pièces sans ciment en alliage de titane recouvertes d’une surface irrégulière et parfois d’hydroxyapatite (figures 1 et 2). La coque intra cotyloïdienne et la tige centromédullaire comportent des pièces en oxyde d’aluminium (Al2O3),
matériau inerte biologiquement, extrêmement résistant à
l’usure. Ces prothèses implantées maintenant depuis plus de
10 ans donnent après 10 ans des taux d’échecs mécaniques de
l’ordre de 3 %. Un des risques est la survenue d’une fracture,
dont la fréquence est inférieure à 1/2 000 sur une période de
10 ans. Ces prothèses ont parfois été décrites comme bruyantes, mais ce bruit n’entraînent généralement aucune gêne sérieuse, dans la mesure où il ne résulte pas d’un contact anormal
ou d’un dessin particulier des pièces prothétiques.
Les complications infectieuses sont de l’ordre de moins de
1 %. Une prise en charge adaptée permet généralement d’en
venir à bout au prix d’une ou deux réinterventions.
La mobilisation doit se faire en post-opératoire immédiat, la
mise au fauteuil le lendemain et la mise en charge sous couvert de deux cannes au 2e jour. Une rééducation est indispensable dans les premiers jours pour redonner le plus rapidement possible une fonction, assurer les soins de siège,
1. Son efficacité est démontrée sur la prévention de la maladie post-phlébitique, mais pas sur la prévention des embolies pulmonaires mortelles.
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Résultats et problèmes
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Le résultat d’une hanche « oubliée » est obtenu dans plus
de la moitié des cas (figure 3). Quelques douleurs non gênantes peuvent parfois persister plus longtemps ou survenir
aux changements de temps sans que cela n’entraîne une
gêne fonctionnelle notable.
Figure 1. Tige de prothèse totale sans ciment Ceraver™.
Figure 3. Excellent résultat à 28 ans de recul chez un patient qui avait
47 ans lors de l’introduction de ces prothèses à couple alumine cimentées.
Figure 2. Aspect du composant cotyloïdien actuel.
le lever, et la mobilisation des membres inférieurs, meilleure
prévention des complications thromboemboliques. La reprise des activités normales se fait aux alentour du 3e mois
et celle du sport sans limitation vers le 6e mois.
Les deux raisons principales conduisant à une réintervention sont les complications mécaniques d’une part, les réactions à corps étrangers d’autre part. Les complications mécaniques sont de survenue relativement précoce,
essentiellement liées à des défauts de positionnement pouvant entraîner des luxations récidivantes ou des défauts de
fixation immédiate : la prothèse prend progressivement du
jeu ce qui conduira à son descellement. Les complications
liées à des réactions à corps étrangers sont de survenue
plus tardive (quelques années) et progressive (apparition de
douleurs, images radiologiques de géodes, de liserés qui
s’aggravent). L’ensemble conduit à une réintervention dont
la conduite est souvent rendue difficile en raison des destructions osseuses qui nécessiteront pour leur traitement la
mise en place d’une nouvelle prothèse et la reconstruction
de l’os par des greffes. D’autres critères sont importants
pour le chirurgien : difficultés d’enlever des tiges trop bien
incluses dans l’os, de reconstruire l’os lorsque les macrophages ont détruit une bonne partie du support osseux entraînant des ostéolyses, des fractures. Il est alors nécessaire pour la reprise d’avoir recours à des techniques
difficiles, des prothèses spéciales, des greffes, sans pouvoir assurer une conservation satisfaisante de l’appareil
musculaire.
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Conclusion
Chirurgie éminemment fonctionnelle, la prothèse de hanche
doit pouvoir assurer un résultat excellent à une grande proportion des patients qui la réclament. Cependant il reste un
certain nombre d’inconnues que les techniques modernes,
les recherches, tentent de mieux circonvenir : le risque infectieux (moins de 1 %), le risque de fracture, le risque d’embolie pulmonaire, les douleurs, les réactions à corps étrangers, l’insuffisance musculaire. Sachant que les risques sont
un peu différents selon l’âge du patient, on préférera des
prothèses dites rétentives ou à double mobilité chez le sujet
âgé où le risque principal est celui de luxation. Ces prothèses
de dessin particulier assurent une bonne prévention de ce
risque. Chez le sujet jeune, on préférera les prothèses qui ne
s’usent pas, comme celles comportant des couples en céramique d’alumine. Il faut aussi savoir que le résultat sera d’autant plus favorable que la hanche est vierge, qu’il ne s’agit
donc ni de la reprise de prothèse au résultat beaucoup plus
problématique, ni de la reprise d’une intervention dite conservatrice. La première intervention doit être la bonne, pour cela
les matériaux doivent être sélectionnés sur des bases scientifiques et non sous les poussées du marketing industriel
(figure 4). Les pouvoirs publics doivent aussi comprendre
qu’un résultat optimal sans ré interventions, sans nécessité
de médications, qui dure toute la vie du sujet est une gestion
économique du problème ; qu’une réintervention coûte 4 à
10 fois plus qu’une intervention primaire, sans compter les
années de difficultés qui se payent par des années d’improductivité, de traitements médicamenteux ou de rééducation
qui ont un coût qui alourdit singulièrement le coût de la prothèse initialement choisie.
Figure 4. Luxation spontanée due à l’usure du polyéthylène 21 ans
après pose de cette prothèse de Charnley™.
Conflits d’intérêts : Laurent Sedel est consultant pour la société Ceraver (Roissy, France).
Références :
1. Migaud H, Girard J, May O, Jobin A, Pinoit Y, Laffargue P et al. Résultats de couple de frottement métal-métal en grand diamètre au cours des arthroplasties totales de hanche :
avantages et inconvénients. Rev chir orthop. 2007;93:288-312.
2. Migaud H, Pinoit Y, Herent H, Soenen M, Bachour F, May O et al. Méta-analyse : les prothèses de hanche non cimentées. Effet de surface physique et biologique ». In: Prothèse
Totale de Hanche, les Choix (coord. Puget J). Cahiers d’enseignement de la SOFCOT (90), pp. 22-35. Paris: Elsevier Masson; 2005.
3. HAS. Évaluation des prothèses de hanche. Septembre 2007.
En résumé : Prothèses de hanche
h Remplacer la hanche revient à remplacer le support de charge qui doit résister aux efforts répétés, la fonction de frottement
par des matériaux compatibles avec la mobilisation par les muscles, ceci par une prothèse qui devra rester ancrée pour de
très nombreuses années. L’indication repose essentiellement sur la gêne fonctionnelle des patients, sur leur espérance de
vie et sur l’existence d’une pathologie à ce niveau.
h Le résultat d’une hanche « oubliée » est obtenu dans plus de la moitié des cas. Les deux raisons principales conduisant à
une réintervention sont les complications mécaniques d’une part, les réactions à corps étrangers d’autre part.
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