GREENSPAN RESTE «PATIENT» Après les dernières déclarations plutôt « hawkish » du président de la FED, les marchés se demandent si le communiqué final du FOMC va être changé, tout en pariant sur le fait que les taux resteront à 1 %. GREENSPAN : UN TON PLUS OPTIMISTE- LA BOUTEILLE EST MI-PLEINE... Au cours de ses dernières interventions, Greenspan a paru beaucoup plus optimiste que dans le passé. En parlant à la Commission de la Chambre des Représentants, il a donné des prévisions économiques légèrement plus élevées que celles formulées par la communauté d’analystes. Après les derniers chiffres, relativement décevants, du marché du travail, il a souligné qu’il s’agit d’un indicateur « a posteriori » de l’activité économique. Il s’est même dit très confiant dans la reprise du marché du travail, qui est seulement un peu en retard, face à l’évolution très favorable de la conjoncture… On dirait que Greenspan veut absolument voir la bouteille mi-pleine par ses paroles optimistes, tandis que certains analystes voient toujours la bouteille mi-vide. Il est très évident que le président de la FED veut acheter un peu de liberté d’action, dans le cas où il fallait monter les taux. Avec la fameuse phrase « considerable period of time », la porte à une hausse des taux était fermée à double tour; avec l’introduction du concept de «patience», la liberté de manœuvre est bien supérieure, mais la porte reste toujours fermée à un tour. Probablement, la FED voudrait introduire dans le futur l’idée d’une porte qui peut être ouverte à n’importe quel moment, s’il le fallait. CROISSANCE FORTE ET DONC TAUX TROP BAS, MAIS… Il est très évident qu’une croissance forte (entre 4 et 5% pour le semestre en cours) demande des taux plus élevés. Mais deux éléments modifient cette règle simple: l’évolution de l’inflation et la capacité de créer des jobs de l’économie américaine. L’inflation reste sous contrôle, même si la «dévaluation» du dollar renchérit le coût des importations, pour une économie qui souffre d’un déficit commercial important. On connaît très bien les causes d’une inflation très modérée. Avant tout, elle ne tient pas compte de l’évolution des prix des actions et de l’immobilier, qui sont en forte hausse et devraient être pris en compte dans la composition du panier de calcul de l’inflation. Ensuite, il y a des phénomènes totalement nouveaux: l’arrivée massive de la Chine comme exportateur de produits de plus en plus sophistiqués et à des prix très compétitifs, la concurrence internationale pour exporter vers les USA, la concurrence très violente parmi les importateurs, distributeurs et producteurs américains pour occuper des niches du marché domestique et enfin la diffusion de l’Internet, comme formule très efficace pour comparer les prix et pour acheter. On peut envisager une hausse de l’inflation dans le futur (mais lointain), car les Banques Centrales, depuis six ans ,sont en train de fournir de la liquidité au système à un prix très faible (0% au Japon, 1% aux USA, 2% dans l’Europe continentale). Mais le phénomène de la globalisation, l’Internet, l’arrivée massive de la Chine (production industrielle) et de l’Inde (offre de services) modifient radicalement la donne. Et dans le cas de ces deux pays il faut tenir compte des dimensions, même si l’on peut considérer «seulement» 450 millions de Chinois qui vivent et produisent dans une bande d’une centaine de km sur la Côte, et peut-être une centaine de millions de personnes qualifiées en Inde, qui offrent des services dans l’informatique, la recherche, l’assistance commerciale, etc. CROISSANCE SANS CREATION DE JOBS ? Pour l’instant, tous les signes qui arrivent du marché du travail sont plutôt négatifs sur la corrélation directe entre croissance et création d’emplois. L’énorme effort des entreprises pour produire des profits (on peut gagner en vendant le produit, car le prix est cher, ou bien on peut gagner en le produisant à un coût inférieur) s’est transformé en une course à la productivité et donc à la réduction sensible de la masse salariale. Le fait que la capacité de production soit utilisée seulement à un taux de 76% n’encourage pas les entreprises à investir dans de nouveaux projets. Le ralentissement des gains de productivité pourrait forcer les entreprises à embaucher de nouveaux salariés, mais on a vu la grande prudence des entreprises à créer des emplois, et surtout leur orientation à investir à l’étranger, plutôt que sur le sol américain. Selon Greenspan, cette tendance devrait changer et le marché du travail devrait reprendre des couleurs. Mais il faut être sûr que l’économie continue dans sa lancée, autrement les anticipations sabotent toute volonté d’embaucher du personnel. DOUTES SUR LA CONJONCTURE Les dernières statistiques économiques américaines montrent que la conjoncture est en condition presque parfaite, mais que le trend n’arrive plus à s’améliorer et que des doutes commencent à se manifester sur la capacité de garder cette vitesse de croisière au cours du prochain semestre.. Sans parler des doutes importants sur le premier semestre 2005, quand beaucoup de problèmes qui ont été seulement retardés vont se présenter, avec des conditions difficiles pour les manœuvres fiscales et budgétaires. Si la bouteille est vraiment mi-vide, les prix actuels du marché obligataire ne sont pas trop élevés et ils pourraient même grimper encore plus, car beaucoup de gestions sont sous-investies. Par contre, si la bouteille est mi-pleine, les prix actuels du marché obligataire sont absurdes et les taux ne peuvent que monter. Voici un choix presque cornélien, pour les différents opérateurs des marchés…il reste seulement à souhaiter que le vin dans la bouteille soit très bon, avec une belle robe et une jambe de grande qualité… ALESSANDRO GIRAUDO