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www.depecheveterinaire.com
Animaux de compagnie
Intérêts et limites
de la mesure
de la pression
intra-oculaire
Charles CASSAGNES
>>
D.R.
La mesure de la pression
intra-oculaire constitue
un examen complémentaire intéressant
en ophtalmologie, aux intérêts diagnostique et pronostique. En dehors de
la mesure digitale, trois types d’appareils peuvent être utilisés. Leur fiabilité
est similaire à condition que l’opérateur
connaisse et entretienne son matériel.
La pression intra-oculaire, également appelée tension oculaire, est définie comme
la pression régnant au sein du globe oculaire. Celle-ci est liée à la présence de l’humeur aqueuse dans le segment antérieur.
L’équilibre entre la formation de l’humeur
aqueuse (par les procès ciliaires) et son
élimination (au niveau de l’angle irido-cornéen essentiellement) participe au
contrôle de la PIO. La tonométrie est une
méthode de mesure indirecte, non invasive, de cette pression intra-oculaire.
Il existe différentes méthodes de mesure
de la pression intra-oculaire en médecine
vétérinaire.
La tonométrie digitale
Elle est extrêmement simple puisqu’elle
fait appel à la palpation transpalpébrale des
globes oculaires, à l’aide de l’index. Elle
est néanmoins toujours intéressante à réaliser, dans le premier temps de l’examen
oculaire, ou lorsque le tonomètre n’est pas
disponible, ou si des lésions cornéennes
importantes empêchent son utilisation. Le
résultat de la tonométrie digitale est éminemment subjectif, ne permet pas de suivi,
mais un praticien expérimenté pourra déja
en tirer quelques enseignements, surtout
en comparant les 2 yeux.
La tonométrie par indentation
Cette méthode ancienne de mesure de la
PIO est toujours valable. Elle nécessite un
Mesure de la PIO
avec le tonomètre
de Schiötz.
tonomètre de Schiötz (ou de SchiötzComberg, version plus sophistiquée de
l’appareil qui n’est malheureusement plus
commercialisée), dont le principal avantage est son coût modique.
On mesure la profondeur de la dépression
cornéenne produite par un poids donné,
et on en déduit la valeur de la PIO grâce
à des tables spécifiques du chien et du
chat (les tables fournies avec l’appareil
sont généralement réservées à l’usage
humain). Plus la dépression est importante, plus la valeur de la PIO est faible.
L’appareil est constitué d’une tige métallique qui coulisse le long d’un axe; la tige
et la vis pèsent 5 grammes. On peut ajouter un poids supplémentaire pour avoir un
poids total de 7,5 ou 10 grammes. Il est
impératif de nettoyer le système et de tester la calibration de l’appareil avant chaque
utilisation, sous peine d’obtenir des résultats peu fiables.
La cornée du patient doit être anesthésiée
au préalable (avec un collyre à la tétracaïne
ou l’oxybuprocaïne). La position du patient
pour la mesure est peu confortable : la tête
doit être basculée afin que le plan de l’iris
soit horizontal, ce qui rend son utilisation
délicate chez des patients peu coopératifs
ou sur les chevaux. Pour certains patients,
il est utile de les placer sur le dos pour obtenir une bonne position de l’oeil. Il faut prendre garde d’écarter les paupières sans exercer de pression sur le globe oculaire, il faut
également éviter que la membrane nictitante ne s’interpose entre la cornée et le
Les Cahiers Pratiques
Charles Cassagnes
Ophtalmologie
tonomètre (d’ou certaines difficultés de
mesure lors d’enophtalmie/exophtalmie où
la membrane est procidente).
Une pression importante sur les jugulaires
(collier trop serré par exemple) peut également entrainer une élévation de la PIO,
particulièrement chez les brachycéphales.
Le rayon de courbure de la cornée a également une influence sur le résultat. La
valeur de PIO obtenue sera surestimée
sur des petits yeux et des yeux dont la rigidité sclérale est élevée, elle sera sous-estimée sur des gros yeux et des yeux dont
la rigidité sclérale est basse. Un oedème
cornéen ainsi que la répétition de plus de
3 mesures augmenteront l’indentation et
diminueront la valeur de PIO obtenue. Les
valeurs usuelles de la PIO par cette méthode
sont de 15 à 25 mm Hg.
La tonométrie par aplanation
Cette méthode de mesure fait appel à la loi
de Imbert-Fick qui stipule que la pression
dans une sphère remplie de liquide et entourée d’une membrane infiniment mince et
flexible peut être mesurée par la contrepression qui aplanit cette membrane.
L’aplanissement d’une partie de la cornée
autorise ainsi une mesure de la PIO. La
mesure obtenue est indépendante de la
rigidité sclérale et du rayon de courbure cornéen. L’appareil utilisé pour cette technique
est le Tonopen ND. Son prix est élevé, mais
son utilisation est plus facile que le tonomètre de Schiötz, car la tête peut être dans
n’importe quelle position.
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Charles Cassagnes
Animaux de compagnie
Médecine et chirurgie
Mesure de la PIO avec
le Tono-Vet ND.
Il faut que la surface de contact de
l’appareil soit bien parallèle à la surface
cornéenne. La cornée doit également être
anesthésiée au préalable. Les valeurs
usuelles obtenues avec le Tonopen ND
sont légèrement plus basses qu’avec le
tonomètre de Schiötz. Les valeurs de PIO
seraient également sous-estimées lors de
pressions basses.
La tonométrie par rebond
On mesure ici la vitesse de retour d’une
fine tige métallique dans son logement
après un impact sur la cornée. La tige suspendue par un champ magnétique a une
extrémité arrondie en forme de petite bille.
Plus la PIO est élevée, plus la vitesse du
rebond sera importante. L’appareil utilisé
pour cette technique est le Tono-Vet ND.
C’est l’appareil le plus récemment commercialisé. Il est pré-calibré pour la mesure
chez le chien, le chat et les chevaux. Il ne
faut pas réaliser d’anesthésie locale (qui
pourrait entrainer un résultat de pression
inférieur a la réalité), la tige doit être parfaitement horizontale, et son extrémité à
moins d’1 cm du globe oculaire. Cette technique a l’avantage d’être utilisable sur des
yeux de très petites tailles (ce qui est utile
pour certains NACs). Les valeurs usuelles
de PIO sont légèrement plus basses
qu’avec le Tonopen ND, et les valeurs
basses de PIO semblent plus fiables.
Mise en œuvre et intérêts
Les 3 principaux appareils disponibles sur
le marché utilisent donc 3 techniques de
mesure différentes ; toutes sont fiables,
à condition que l’opérateur connaisse et
entretienne bien son matériel.
Quelle que soit la méthode retenue, il est
important de multiplier les mesures pour
s’assurer qu’elles soient répétables. Il est
préférable de réaliser la mesure avant l'instillation de mydriatiques, car la mydriase
augmente la PIO par fermeture de l'angle
irido-cornéen. Les valeurs usuelles sont
habituellement comprises entre 10 et
20 mm Hg,
Il est important de connaître les variations
physiologiques de la PIO. Il existe des
variations nycthémérales de la PIO : chez
les espèces diurnes, la valeur maximale
de la PIO est observée le matin, la valeur
minimale l’après-midi, et inversement pour
les espèces nocturnes. Par ailleurs, les
tranquilisants et les anesthésiques entrainent une diminution de la pression, sauf
la kétamine qui l’augmente.
La tonométrie est un examen complémentaire fiable, rapide, qui n’a presque
aucune contre-indication, qui fait partie
intégrante de l’examen oculaire. Elle présente un intérêt :
- diagnostique, dans le cadre des uvéites
moyennes (atteintes inflammatoires des
corps ciliaires entrainant une diminution
de la production d’humeur aqueuse et
donc une diminution de la PIO), et des
glaucomes (élévation de la PIO par défaut
d’évacuation de l’humeur aqueuse, jamais
par augmentation de sa production) ; le
tonomètre est donc un outil indispensable pour le diagnostic différentiel de l’œil
rouge et de l’oeil douloureux ;
- pronostique, dans le suivi thérapeutique
de ces uvéites et glaucomes ; le rétablissement d’une PIO dans les normes usuelles
sera le garant de l’efficacité du traitement.
La tonométrie reste cependant un examen
complémentaire et la valeur de la PIO doit
être confrontée à l’ensemble de l’examen
oculaire pour conclure. De même que l’on
ne traite pas un ECG mais un animal, on ne
traite pas une valeur de PIO, mais un œil !
En effet, l’équation hypotension=uvéite,
hypertension=glaucome a ses limites. Le
meilleur exemple est l’uvéite hypertensive :
les phénomènes inflammatoires de l’iris et
des corps ciliaires à l’origine d’une production fibrineuse en chambre antérieure peuvent entraîner secondairement une hypertension oculaire par obstruction de l’angle
irido-cornéen. L’œil sera alors à la fois le
siège d’une uvéite et d’une élévation de la
PIO. Par ailleurs, certaines uvéites ne modifient pas ou peu la valeur de la pression
intra-oculaire.
Il faut donc toujours relativiser la valeur
du résultat par rapport à l’examen oculaire. Il faut également toujours comparer
les valeurs des 2 yeux lorsque c’est possible. La différence entre les 2 yeux ne
doit pas excéder 20 %. ■
Comparaison des trois types de tonomètres
Prix d’achat
Technique utilisée
Espèces cibles
Anesthésie locale
Facilité d’utilisation
Fiabilité de la mesure
Tonomètre de Schiötz
Modique
Indentation
Cn, Ct
Oui
+
++
Tonopen ND
Elevé
Aplanation
Cn, Ct,Cv
Oui
+++
+++
La tonométrie est un examen complémentaire fiable et rapide, presque dénué de contre-indication.
Les Cahiers Pratiques
Tono-Vet ND
Elevé
Rebond
Cn, Ct, Cv, Nac
Non
+++
++++
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