EN CE MOY DELICIEUX Jacques Arcadelt Joachim du Bellay Pauline LORIEUX Hadjar HAFSAOUI Hélène LAURENCEAU En ce Moys Delicieux, Joachim Du Bellay I. La poésie et sa place dans l’œuvre de DU BELLAY En ce moys delicieux est un poème appartenant au recueil des Divers jeux rustiques, et autres œuvres poëtiques que Du Bellay publie, après son voyage à Rome, en 1558. Au même titre qu’une grande partie de son œuvre, comme l’Hymne au roy sur la prise de calais, les Regrets et les Antiquités de Rome ; Divers jeux rustiques sera écrit et inspiré par son séjour en Italie de 1553 à 1557. Là bas, Du Bellay est déçu du pays qu’il découvre et se languit à Rome sans plaisir, attrapant des maladies qui l’ont rendu partiellement sourd, sensible à l’extrême, inquiet et mélancolique. On trouve cependant, dans ces œuvres, différents traits de caractère dans le style d’écriture. Ainsi, si l’essentiel des 191 sonnets des Regrets, dont le plus fameux est Heureux qui comme Ulysse où ce dernier cherche à revenir dans son pays natal, tournent autour de la mélancolie née de l’éloignement ; Divers Jeux Rustiques s’apparente à ces folastries (poésies légères) qu’écrit alors Ronsard ou aux passetemps de Baïf. Les sujets y sont plaisants, réalistes (comme dans La vieille courtisane), rustiques. Tout en se démarquant de ses réalisations antérieures, l’un des poèmes les plus célèbres de ces jeux est l’ode Contre les pétrarquistes, dont l’attaque (“j’ai oublié l’art de pétrarquiser / Je veux d’amour franche deviser“) semble vouloir en finir avec les métaphores fleuries du goût italien, auxquelles il ne renonce pourtant pas dans les Regrets par exemple. Divers Jeux Rustiques paraît d’ailleurs, à plus grande échelle, en contradiction avec la carrière de Du Bellay. En effet, ce dernier, qui se définit comme un poète de la petite muse, revendiquant sa position d’élite, est à l’origine, avec Pierre Ronsard, de la formation de la pléiade en 1949. Au cours de cette même année, il publie un manifeste des idées du groupe : la Deffence et illustration de la langue francoyse (texte de théorie littéraire). Leur objectif est de créer des chefs d’œuvres en français aussi bons que ceux des latins et des grecs. En guise d’exemple, il publie L’Olive entre 1549 et 1550, recueil d’inspiration italienne par l’utilisation des sonnets et des blasons. Il y célèbre une maîtresse imaginaire en s’inspirant de Pétrarque. Les Regrets, publié la même année que Divers Jeux Rustiques, prend ses sources dans la poésie italienne mais cela ne l’empêche pas, dans Divers Jeux Rustiques, d’aller jusqu’à railler grandement les pétrarquistes dans la pièce Contre les Pétrarquistes. L’inspiration antipétrarquiste est en fait un leitmotiv unificateur dans la majeure partie du corps du recueil. Il est exprimé comme dans le poème cité ci-dessus, directement par des attaques ouvertes mais aussi indirectement par la parodie et l’ironie, une forme de satire plus sophistiquée. C’est deux tendances ont leur origine dans la littérature italienne. Aux vues de ses autres œuvres, on ne peut pas parler d’une conversion de Du Bellay à un style tout autre, qui serait lié également à l’antiquité latine (avec Horace et ses odes, des thèmes anacréontiques) mais plutôt d’une lame de fond qui remonte à la surface et l’entraîne comme tous les poètes de cette époque (on citera Ronsard dont la position de poète de cour est encore plus ambigüe). Les poèmes courts et “rustiques“ sont d’ailleurs peu nombreux (au nombre de 14, principalement des traductions de Virgil et Navagero) et son regroupés au début du recueil. Les autres pièces ont très peu à voir avec une inspiration rustique. II. Une brève contextualisation historique En ce moys délicieux a été écrit entre les années 1553 et 1557, soit en plein règne de Henry II. Quelques dix années plus tôt, le roi de France était François Ier. Ce dernier, qui règne une grande partie de la première moitié du siècle (1515 à 1547) favorise grandement l’épanouissement de la renaissance française. Il fonde le collège royal en 1530 et l’imprimerie royale en 1539. Il est également un grand mécène en protégeant les savants, les écrivains (Marot, Rabelais), fait construire et modifier de nombreux châteaux (Chambord, Louvre…) et attire en France d’illustres artistes italiens comme Léonard de Vinci. En effet, pendant que la France et l’Angleterre se ruinent par la guerre de cent ans (de 1337 à 1453), les villes italiennes du XIVème au XVIème siècle, s’enrichissent par le commerce et la banque. A la renaissance, de très grands artistes y vivent (architectes, sculpteurs, écrivains, peintres, musiciens). A la fin du XVème et au début du XVIème, les rois de France veulent conquérir cette puissance. Charles VIII, Louis XII, puis François Ier conduisent des expéditions, ils sont tantôt victorieux (Marignan, 1515) tantôt vaincus (Pavie, 1525). Finalement, la seule chose qu’ils ramènent d’Italie, c’est l’émerveillement devant la renaissance italienne qu’ils veulent aussitôt imiter. Ce contexte favorise bien sûr l’admiration de Du Bellay pour la poésie italienne. En même temps, au XVIème siècle, les artistes et intellectuels redécouvrent l’antiquité grecque et romaine et s’enthousiasment pour l’art, les lettres et les idées gréco-romaines. Ce sera particulièrement notoire en 1570 avec la fondation de l’académie de musique et de poésie par Baïf et Courville qui introduisent la musique mesurée à l’antique et une poésie régie par des longues et des brèves. Mais la deuxième moitié du XVIème siècle est aussi marquée par huit guerres de religion, véritables formes de guerre civile qui peuvent durer de quelques mois à quelques années et troublent les conditions de vie, l’édition et la production musicale. III. Analyse du poème Comme l’indique le titre qui précède le poème (voir ci-dessous), En ce moys délicieux est une villanelle, c'est-à-dire un poème à forme fixe composé de tercets, alternant avec un refrain de deux vers. Le poème assez court est écrit en octosyllabes. Il rappelle une odelette (poème chanté) de Ronsard : “En mon cœur n’est point escrite La rose, ni autre fleur, C’est toy, blanche Marguerite, Pour qui j’ay ceste couleur. “ Ronsard “Mais d’une rigueur despite Me faict pleurer mon malheur, Belle et franche Marguerite, Pour vous j’ay ceste douleur...“ Du Bellay ² En pleine pléiade, et malgré le renouvellement complet des formes littéraires, subsiste ainsi la tradition ancienne de la chanson toute simple et unie. En ce moys délicieux, dans un charme mélancolique, évoque la tristesse d’un homme trop vieux pour conquérir le cœur d’une jeune demoiselle, nommée ici sous la métaphore d’une “belle et franche Marguerite “. Les rimes alternent entre rimes croisées et plates (ABABBCBC) et restent pendant tout le poème en “-eux“, “-ite“ et “-eur“. L’organisation générale du poème est une alternance de deux tercets et d’un refrain écrit ci-dessous : “Belle et franche Marguerite Pour vous j’ay ceste douleur“ L’utilisation d’un refrain et la répétition d’un même vers au sixième tercet (écrit ci-dessous) “Je m’en iray en hermite Je m’en iray en hemite “ peuvent être des outils pour montrer la détermination et la souffrance du vieil homme mais montre aussi que ce poème est destiné à la chanson qui se chargera d’apporter une touche expressive supplémentaire au texte. En ce moys délicieux a notamment était mis en musique par Jacques Arcadelt et Pierre Certon. Sources • Dictionnaire Hachette encyclopédique, édition 2001 • Wikipédia (page sur Du Bellay) • Découvrir, Comparer, Connaître, Histoire, cours moyen, édition fernand nathan • Livre de Michel-E. Slatkine • Le catalogue de la chanson française à la renaissance (en ligne) • Anti-Petrarchism in Joachim du Bellay's "Divers Jeux Rustiques" , Yvonne Hoggan The modern Language Review, Vol. 74, No. 4(Oct., 1979) Portrait de Joachim Du Bellay (Pauline LORIEUX) En ce moy délicieux, Jacques Arcadelt Jacques Arcadelt (ou Jacob Arcadelt) flamand 1500 – 1568 compositeur franco- Comme pour nombre de ses contemporains, il est difficile de retracer la vie de Jacob ARCADELT (Jacques ARCADELT). Mais heureusement pour nous, ses œuvres ont, pour leur part, été bien conservées. Il fut connu et reconnu, même après sa mort, pour ces 3 Messes, 20 motets, 120 chansons et 200 madrigaux dans le style italien, considérés comme les pièces maîtresses de sa production. De nombreux chercheurs et spécialistes tentent de détailler sa vie, tel que Paul Moret, dans son excellent article Jacques Arcadelt , musicien Namurois (1507-1568). Mais malgré les efforts de reconstitution, on remarque que même sa date de naissance sème le trouble auprès des spécialistes; certains disent 1500, d’autres 1504 ou encore 1505. D’après Paul Moret, Jacques Arcadelt fut baptisé en 1507 à Namur, ville dans laquelle est établie sa famille depuis le XVe siècle. La famille Arche d’Elte est une famille influente, de grand bourgeois, des maîtres de forges. Il débute son apprentissage musical tout d’abord par le chant, instruit par Alexandre de Clèves à la Collégiale Saint-Pierre au château. Il est ensuite enfants de chœur « vicariots » de la Collégiale St Aubin chez le maitre Lambert Masson en 1519 puis auprès de Charles de Niquet, durant 4 ans à partir de 1522. On sait par les multiples documents mis à la disposition des chercheurs qu’il a été présent à la cour des Médicis à Florence vers 1530. En effet sa famille, notamment son père avait de bonnes relations et entretenait de grandes affaires avec des banquiers et notables de la ville des Médicis. On suppose que c’est pendant cette période qu’il s’est inspiré de l’esthétique musicale italienne si présente dans son œuvre. En 1538 il publie son premier recueil de madrigaux à Venise, chez Antoine Gardane Il primo libro di madrigali d’Archadelt a quatro. Même il est difficile de savoir si Jacques Arcadelt a séjourné a Venise, ou y a seulement édité son recueil. Grâce aux bonnes relations qu’il entretient avec son éditeur, il a le privilège de pouvoir rééditer ce recueil, alors considéré comme le recueil de madrigaux italiens le plus édité (ironique puisque Arcadelt est Belge). Cet important succès lui permet de s’imposer en tant que grand compositeur en Italie. Dans chaque édition de ces pièces, Jacques était aussi nommé « L’execellent et divin Arcadelt ». Après la cours des Médicis, il part à Rome, et prend un poste de chanteur et de compositeur à la chapelle Pontificale de Rome (Magister puerorum à Rome en 1539) sous Paul III. Il décide de rentrer en France en 1546 pour gérer de hautes affaires familiales, et revient à Rome l’année suivante. Mais c’est en 1555 qu’il rentre définitivement en France. Il rentre au service du Cardinal de Lorraine à Paris, où il créa une bonne partie de sa production de musique sacrée. On sait qu’il débuta son poste de musicien du roi « Regis Musicus » en 1557, comme nous l’informe l’édition d’une de ces pièces par Attaignant Jacques Arcadelt est mort le 14 Octobre 1568 à Paris. Il laissa une empreinte très marquée dans le patrimoine musical Français, mais aussi Italien et Européen, notamment au XVIIe et XVIIIe siècles. On le considère alors comme l’un des pionniers du madrigal italien, dans le sillon de Cyprien de Rore. Il a malgré tout su perpétuer l’héritage de la polyphonie FrancoFlamande. Jacques Arcadelt, son style et son esthétique. Comme dit précédemment dans la biographie du compositeur, Jacques Arcadelt su imposer son style et son esthétique dans toute l’Europe notamment en Italie et en France. A l’écoute de sa production, très variée, plusieurs éléments esthétiques semblent récurent. Tout d’abord la simplicité de son écriture, a laquelle est adjoint une certaine pureté et une élégance de la mélodie. Tout cela explique le succès qu’avait ce grand musicien, et la dimension « populaire » de sa musique. Mais l’élément le plus remarquable dans son œuvre est qu’il a su marier avec talent l’esthétique à l’Italienne avec l’écriture et la sophistication de la musique Franco-Flamande, et la grande tradition polyphonique. La production de Jacques Arcadelt débuta comme nombreux de ces contemporains par de la musique sacrée, plus précisément des motets. Motets qu’il composa dans sa période Florentine et Romaine, en poste à la cour des Médicis ou a la Chapelle Papale de Rome (on citera Deh dimmi amor sur un texte Michelangelo). Mais la musique sacrée n’était pas le domaine de prédilexion de ce compositeur. Son intérêt premier était porté pour la musique dite profane, notamment ces chansons, et ces nombreux madrigaux. C’est surtout comme madrigaliste et auteur de chansons qu’il fut le plus reconnu. Il composa environ 200 madrigaux entre 1539 et 1544, et plus de 120 chansons, dont il débuta la composition a partir de 1537. Sa production de chansons débuta dans une tradition de l’écriture et de l’esthétique FrancoFlamande. En effet ces premières chansons suivent les conventions et les règles de l’école qui l’a tant influencée. On retrouve une écriture très syllabique, qui donne cette grande pureté à sa musique, ainsi que les cadences typiques des chansons franco-flamandes, cadences qui suivent la construction poétique. Cette façon de faire est le reflet même de l’influence qu’a pu avoir Josquin Des Près (1440-1521) (considéré comme le maitre de Jacques Arcadelt), sur l’esthétique de son élève. On remarque la dominance des styles et contrepoints imitatif, qui donnent cet esprit de canon, si présent chez Josquin. Il semble vouloir assembler dans ces chansons le style imitatif et homorythmique, créant cet important contraste dans ces chansons (on le remarquera lors de l’analyse de la chanson En ce moy délicieux). Il tenta de cultiver l’esprit de l’héritage Franco-Flamand sans jamais se rapprocher de l’esprit léger, humoristique voire grivois de la chanson Parisienne, et du leadershiep de Sermisy Claude (1490-1562) et Jannequin Clément (1485-1558), tout en intégrant l’élégance du grand style parisien. Toutes ces chansons sont très sentimentale, de part le texte mis en musique (une grande collaboration avec deux des plus grands poètes de l’époque que sont Clément Marot (1496-1544), et Joachim du Bellay (1522-1560)), mais aussi sentimentalité de son écriture. Sa musique et ses mélodies sont très harmonieuses et sentimentales même lorsqu’il aborde des sujets plus légers et moqueurs comme la fameuse chanson Margot, Labourez les vignes. Arcadelt ne semble jamais avoir été influencé par les divers modes et esthétiques de ces contemporains, même s’il en avait conscience. Au travers de son œuvre toute entière, mais surtout ces chansons, on comprend qu’il souhaitait respecter et perpétuer le style, les preceptes et les exemples de son maitre, Josquin des Près, et de l’esthétique FrancoFlamande qui l’a tant influencée. Contexte historique En ce moy délicieux de Jacques Arcadelt sur un poème de Joachim du Bellay. Cette chanson de Jacques Arcadelt date de 1665, c'est-à-dire 3 ans avant la mort du compositeur. On peut considérer En ce moy délicieux comme étant une œuvre de maturité. Elle est éditée par les éditeurs Parisiens, Le Roy et Ballard. Le Roy et Ballard sont des éditeurs importants à Paris, à partir de la seconde moitié du XVIème siècle. C’est en 1551 que Robert Ballard créa son atelier d’imprimerie, en s’associant avec le luthiste Adrian Le Roy. Ils reçoivent le privilège du roi de l’époque, Henri II (règne de 1547 à 1559). Privilège qui sera reconfirmé par Charles IX (règne e 1560 à 1574). C’est a partir de cette date de création que ce distingue la famille d’éditeur et d’imprimeur Ballard, ainsi de père en fils, jusqu’au XIXème siècle. En ce moy délicieux de Jacques Arcadelt éditée par Le Roy et Ballard en 1565 a donc été composée sous le règne de Charles IX. Comme dit précédemment, cette chanson est composée sur un texte du grand poète de l’époque, Joachim du Bellay, qui composa ce poème entre 1553 et 1557, environ plus de dix ans avant que Arcadelt ne le mette en musique. Malgré une période très rude dut aux multiples guerres de religions et d’instabilité politique, on remarque l’épanouissement de la Renaissance Française, spécialement de la musique et de la poésie, qui débuta sous le règne de François Ier. Celle-ci semble s’être perpétuée malgré toutes les difficultés qui s’abattent sur le royaume de France. En effet, cinq ans plus tard, Jean Antoine De Baif (1532-1589) et Joachim Thilbault de Courville ( ?1581) créent sous l’impulsion de nombreux artistes l’Académie de musique et de poésie. Commentaire formel et analytique de la chanson En ce moy délicieux 1565 Jacques Arcadelt Pour ce faire, nous avons deux documents à l’appui. La partition en édition moderne de cette chanson : CORPV MENSVRABILIS MVSICAE/JACOBI ARCADELT/OPERA OMNIA/Edidit/Albertus Seay/IX/Chansons II/AMERICAN INSTITUTE OF MUSICOLOGY/In collaboration with the American musicological society/1968. Il s’agit d’une édition moderne faite par l’institut Américain de Musicologie en 1968 (que vous trouverez en annexe de ce dossier). Nous nous aiderons d’un enregistrement de cette chanson, que l’on peut trouver en écoute gratuite sur la plateforme d’écoute musicale en ligne Spotify. Il s’agit d’un enregistrement du groupe de musique ancienne The Scholars of London, dans un disque dédié à la musique Française de la seconde moitié du XVIe siècle French Chansons qui date de 1998. C’est l’un des rares enregistrements de bonne qualité que l’on trouve en ligne. Ces deux éléments de source, la partition et l’enregistrement, sont indispensables pour mener à bien notre analyse. A la première écoute, la pièce nous apparait très simple, ce qui est fréquent dans l’œuvre de Jacques Arcadelt. Il s’agit d’une chanson à 4 voix mixte (Soprano-Alto-Tenor-Basse) [S-A-T-B], d’une durée de 2m43. Elle est très contrastée et variée, tant d’un point de vue de l’écriture que de son atmosphère. D’un point de vue formel, cette chanson est construite en deux parties bien distinctes, figurées par un repos entre les deux. Ce dernier étant indiqué sur la partition par une double barre de mesure. Cette chanson suit plus ou moins la construction du poème éponyme de Joachim du Bellay, c'est-à-dire la présence d’un refrain de 2 vers qui fait suite à 6 vers que l’on considérera comme des couplets. Il ne s’agit pas là d’une mise en musique du poème en intégralité, mais seulement des 16 premiers vers. Ces 16 vers sont alors découpés, en deux couplets, de chacun 6 vers, alternant au refrain, qui apparait deux fois, quand a lui construit en deux vers qui sont « Belle et franche Marguerite, Pour vous j’aye ceste douleur ». Cette musique nous semble aussi très répétitive. Cette vision de répétition nous apparait d’un point de vue macroscopique dans la construction de la pièce. En effet, la forme de chanson couplet/refrain, impose une certaine dynamique répétitive. Mais aussi d’un point de vue microscopique, l’utilisation récurrente d’un style d’écriture imitatif (répétition très rapproché de même thème/sujets). Précédemment nous avons évoqué la dimension de diversité dans cette chanson de Jacques Arcadelt. Il semblerait que celle-ci soit du à la mixité des styles d’écritures utilisés. En effet, on observe un important travail appliqué à l’écriture polyphonique, influence de l’école Franco-Flamande. Le contrepoint est subtilement travaillé pour figurer au mieux le texte, et ainsi favoriser sa compréhension. Mais l’utilisation subtile du contrepoint n’est pas l’unique caractéristique qui permet de figurer aussi bien le poème de Joachim Du Bellay. On note un important travail harmonique (dissonance et consonance) pour figurer les différentes émotions qui transcendent le narrateur. Le figuralisme le plus remarquable est celui utilisé sur le deuxième vers du refrain « Pour vous j’aye ceste douleur ». Arcadelt semble vouloir exprimer la douleur d’un point de vue harmonique, comme on le remarque mesure 33. On observe, de la mesure 30 à la cadence finale, que toutes les voix sont écrites en mouvement descendant. De plus, harmoniquement, apparait une dissonance à la voix de basse, par l’apparition d’un mib en ficta. D’un point de vue plus général, on remarque d’autres éléments de figuralisme. Dans le premier vers, l’évocation du mois délicieux est figuré musicalement par un mouvement mélodique ascendant à toutes les voix. Ou encore dans le traitement du cinquième vers « Mais une rigueur despite » l’idée de rigueur évoquée textuellement, est figurée par la rigueur du contrepoint utilisé. Il s’agit d’un contrepoint homorythmique, reprit par la suite en style imitatif, en valeurs relativement courtes, avec un accent tonique placé sur le mot « Despite ». La consone S (sifflante) impose aussi un esprit de rigueur. L’évocation de l’amour et de la douceur, dans la première partie de la chanson sont, quant à elles, figurées musicalement par plus d’ornementation à la voix de soprano (mesure 5-6 pour Amour, et mesure 10 à 13 pour douceur). Jacques Arcadelt est un compositeur qui souhaite mettre sa musique au service du poème. Pour cela, il utilise subtilement le contrepoint, les mouvements mélodique, mais il joue également sur les sonorités du texte, et l’évocation de chaque mot, ainsi que sur les affects du narrateur. (Hadjar HAFSAOUI) LEXIQUE par ordre d’apparition dans le dossier Motets : pièce musicale qui apparu au XIIè siècle. Polyphonie a capella ou accompagnée, elle peut être profane ou sacrée. Madrigaux : pièce musicale polyphonique (entre 2 et 6 voix), qui connu un grand succès à la Renaissance, notamment en Italie. Ecrite sur des poèmes de qualité, on citera ceux du Tasse ou de Guarini. Cours des Médicis (~1530) : C’est la grande famille des Médicis qui dirige Florence dans les années 1530, en effet ils deviennent duc de Florence. Grande famille qui encourage le développement de l’art, et de la Renaissance Italienne. Esthétique Musicale Italienne (à la Renaissance) : L’esthétique Italienne de la Renaissance est dominée par deux idées. Renouer avec l’antiquité perdue, notamment d’un point de vue poétique, en mettant Platon et ces contemporains sur un pied d’éstalle. Mais aussi l’importance donnée à la voix humaine, et par conséquent au chant, qui est à cette époque, considéré comme au centre de la musique et de l’art. Ecole (polyphonie) Franco-Flamande : Il s’agit d’un des mouvements musical les plus importants de la Renaissance, qui débuta au XVe siècle. On considère que se sont les compositeurs Franco-Flamand qui mettent en place les bases de la polyphonie dite « moderne ». Grace au développement de l’imprimerie aux alentours des années 1538, cette esthétique a put se développer, et ainsi s’imposer, dans toute l’Europe. La chanson Parisienne : Le grand maître de la chanson Parisienne est Clément Jannequin. La chanson Parisienne se veut très « libérée, tant d’un point de vue formel que dans son interprétation. Les sujets en sont beaucoup plus léger (amoureux, humour, grivois). On remarque aussi l’importance du figuralisme dans ces chansons. Comme on le remarque dans l’une des fresques les plus connues de Clément Jannequin qu’est La guerre. L’académie de musique et Poésie : Dans le sillon de la Pléiade, De Baif ainsi que de Courville décident de créer une Académie de musique et de poésie. Cette académie est un moyen de rassembler poètes et musiciens, pour qu’ils travaillent ensemble, afin développer l’art poétique et Musical en France à la deuxième moitié du XVIe siècle. Figuralisme : ou Madrigalisme. C’est un terme musical expliquant la démarche du compositeur de vouloir exprimer voire décrire une émotion, un affect, ou un événement évoqué dans le texte qui accompagne la musique. Comme évoqué dans notre analyse, le figuralisme de la douleur. Arcadelt crée une dissonance pour montrer cette sensation. Hadjar HAFSAOUI Très bel enregistrement du SCHOLARS OF LONDON Bibliographie Dictionnaire biographique des musiciens. Théodore Baker & Nicolas Slominsky. Edition Robert Laffont. The Now Grove dictionary of music and musicians. Edited by Stanley Sadie. (Arcadelt) La Musique de la Renaissance . Philippe Vendrix. Edition Puf. Encyclopédie Universalis en ligne. Edition Moderne de la Chanson En ce moy délicieux American institute of Musicoly. 1968 Enregistrement de En ce moy délicieux, par Le Scholars of London extrait de French Chansons. En ce Moys délicieux, de Joachim Du Bellay Les relations entre Arcadelt et Du Bellay Jacques Arcadelt et Joachim Du Bellay sont deux artistes du XVIème siècle. Le premier est né vers 1505 et mort en 1568, et le deuxième est né vers 1522 et mort en 1560. Arcadelt, bien que franco-flamand, passe le plus clair de sa vie en Italie. En effet, au début de sa vie il part à Florence, mais revient s’exiler à Lyon, ville des artistes et de l’imprimerie, pour échapper aux troubles florentins. Puis en 1547, il retourne à Rome. Les parents de Du Bellay meurent lorsque celui-ci n’a que dix ans. C’est pourquoi en 1553, il quitte la France pour accompagner le cardinal Jean Du Bellay, un cousin de son père, à Rome. Là, il fréquente la Cour pontificale. A cette époque déjà, Arcadelt s’est créé une sorte de notoriété, notamment à Rome. Il est surnommé « le plus excellent divin » Arcadelt. C’est ainsi que Du Bellay commence à entendre parler d’Arcadelt. Arcadelt est obligé de fuir Florence du fait de la diaspora. Celle-ci à lieu durant les deux passages où florence a tenté de devenir une République. Les communautés florentines vont alors à Venise, mais aussi à Rome ou à Lyon, centre culturel français, là où fuit Arcadelt. Du Bellay parle de ces exils de peuples italiens dans Les Regrets. Comme Arcadelt a passé une bonne partie de sa vie en Italie, son œuvre est en grande partie d’inspiration italienne, notamment florentine. Notamment, il prit pour point de départ la « frottola » et la chanson populaire italienne pour donner sa forme classique au madrigal à trois ou quatre voix, dans lequel on peut ressentir toute la simplicité du modèle italien. Du Bellay également a passé environ quatre années de sa vie en Italie, à Rome puis à Florence. Sa poésie est donc également d’inspiration italienne, romaine et florentine en même temps. En effet, certain de ses poèmes possèdent des caractéristiques romaine, comme son poème Antiquités de Rome, ou Regrets. Dans Les Regrets, un recueil de poème qu’il écrit durant son voyage à Rome (1553 à 1557) et publié lors de son retour en 1558, il critique la vie romaine et montre qu’il souhaite rentrer dans sa ville natale en France. Il fut en effet très déçu de la vie italienne en arrivant à Rome. Il pensait trouver une ville aux accents antique et se retrouve seulement dans les complots de la vie à la Cour du Pape, c’est ainsi qu’il écrivit Antiquités de Rome (édité également à son retour en 1558). Autres de ses poèmes possèdent des caractéristiques florentines, comme le Pétrarquisme, notamment dans l’Olive, qui raconte l’histoire d’une maîtresse imaginaire. Pétrarque (1304-1374), contrairement à Du Bellay, idolâtrait Rome où il avait été couronné. Ce dernier s’inspire de son style typiquement italien dans son œuvre Olive. A l’origine, le Canzionere de Pétrarque était utilisé pour louer son amour pour Laure. Composé de sonnets, le recueil devient ensuite un genre pour chanter les beautés de sa dame, l’amour, ou l’amour à sens unique. Il est caractérisé par des métaphores amoureuses, pratiquement toujours utilisées de la même façon. On pense maintenant que Du Bellay fut un élément majeur de la liaison culturelle et artistique entre la France et l’Italie au XVIème siècle. Il importa le Pétrarquisme en France, et son « italianisme français » fut très apprécié, et recherché par les princes. Arcadelt lui-même se trouvait déjà au service de ces princes. Arcadelt donc était employé de Charles de Guise, cardinal de Lorraine. Il était son maître de Chapelle. Vers 1557 il lui consacra un livre de messes. Un autre artiste du XVIème siècle peut être un point commun entre Du Bellay et Arcadelt. Il s’agit de Pietro Bembo (1470-1547). Ce cardinal en effet avait, un peu comme Du Bellay, encouragé la langue italienne aux compositeurs pour mettre en musique les textes de Pétrarque. Du Bellay également utilise le style de Pétrarque. C’est donc un précurseur de Du Bellay. En effet, Joachim Du Bellay est l’auteur d’un manifeste dans sa Défense et Illustration de la langue française qui préconise l’usage du français au lieu du latin, manifeste très célèbre au XVIème siècle. Tous les autres membres de la Pléiade donnaient leur approbation sur ce point, c’est l’un des manifestes les plus importants de leur groupe. Pietro Bembo encourageait les musiciens à composer sur des poèmes italiens plutôt que sur des poèmes latins car ainsi l’attention portée au sens du texte est différente. Du Bellay lui étant français continua cette théorie en France, pensant que du coup les musiques françaises seraient plus représentatives du poème utilisé. Bembo était un cardinal très influent avec un fort pouvoir de persuasion. Il écrit La prose della Volgar lingua, théorie du langage parut en 1525 à Venise qui débat sur la valeur de l’italien comme langue littéraire. Il prouve l’aptitude de l’italien comme langue sophistiquée. C’est un hymne de la poésie en « langue vulgaire ». A partir de ce moment-là, bon nombre de compositeurs se mirent à s’éloigner du latin pour composer sur des poèmes de langues plus « parlées ». Le Pétrarquisme fut alors une très bonne source pour mettre en pratique cette théorie. Pour Arcadelt, Pietro Bembo est l’un des poètes qu’il a le plus mis en musique, avec Pétrarque (que Du Bellay utilise également), Sannazar, Michel-Ange… Arcadelt met donc en musique les poèmes de Bembo car celui-ci insiste sur la sonorité et la place des mots dans les vers, sur le raffinement du texte qui doit avoir des sujets sérieux mais avec une forme libre. Il publie son premier livre de madrigaux à Venise en 1539. Il deviendra célèbre et sera imprimer longtemps dans toute l’Europe. Sa musique, contrairement à Du Bellay, est plus proche de la chanson française que de la frottola italienne. Il sera cependant comme Du Bellay sensible aux théories de Bembo sur l’attention portée au sens du texte. Cela en deviendra donc une musique descriptive. Arcadelt a mis en musique une œuvre de du Bellay. Il s’agit d’un des Jeux rustiques (1568). Il illustre la théorie de la Pléiade concernant l’union de la poésie et de la musique, et fut très connu par les musiciens et poètes du XVIème siècle. C’est l’un des grands recueils qu’il a écrit durant son voyage à Rome. Celui-ci s’inspire d’un style anacréontique, issu de l’Antiquité latine. En effet, le poète Anacréon (seconde moitié du VIème siècle avant J.-C.) inventa un système de déterminisme des sons. A l’aide de symboles, il distinguait les différentes sortes de syllabes. Les thèmes abordés sont alors la volupté, la légèreté, les plaisirs éphémères… Arcadelt respecte donc cette métrique lorsqu’il met en musique les vers de du Bellay. Comme point commun, Pétrarque était également célèbre dans ce style. Il permet de bien distinguer et comprendre ce que le poète a voulu mettre en avant, ce à quoi il pensait lorsqu’il a écrit son poème, comment il veut qu’il « sonne ». il est courant dans la poésie amoureuse du XVIème siècle. Du Bellay s’inspire donc d’Anacréon, mais comme figure Antique il s’inspire également d’Horace pour ses odes. En effet, lorsqu’il entame une satire de Rome ont il a été déçu, il utilise les procédés d’Horace, avec une poésie proche de la prose. Il sort du langage noble pour exprimer son mécontentement. Il se réfère aux codes de la satire latine. Il dénonce implicitement, mais comme pour Horace, la société sait qui sont les personnes qu’ils visent. Les satires sont des poèmes assez longs, d’inspiration morale. Arcadelt lui a mis en musique les Vers lascifs d’Horace, il a donc comme Du Bellay un rapport d’étude avec lui. D’autre part, Du Bellay suit également les procédés de Martial (vers 40- vers 104), car ensuite ses satires se raccourcissent considérablement, pour se rapprocher plus de l’épigramme, comme Martial le fait. Martial est également un poète latin, il est surtout connu pour ses épigrammes, qu’il écrit en général de manière flatteuse pour s’attirer de bonnes grâces. Il s’attaque également ainsi à tous les bords de la société romaine, comme Du Bellay le fera plus tard qui est déçu de Rome. Alors les épigrammes de Martial prennent une tournure grivoise et critique, comme le fait parfois Du Bellay. Celui-ci utilise donc ce procédé d’épigramme, procédé très bref mais accusateur ou flatteur. En conclusion, on peut dire qu’Arcadelt a suivi le modèle franco-flamand d’aller en Italie, région riche culturellement, et y a vécu une grande partie de sa vie. Du Bellay lui est un français qui a suivi sa famille en Italie, avec les rêves de ce qu’il s’imaginait être Rome. Arcadelt revient de Rome avant Du Bellay, mais tous deux ont vécu longtemps en Italie en même temps, ils ont donc tous deux connus la même chose. Ils furent très influents en Italie notamment dans le madrigalisme, et ont connu un succès considérable après leur mort. Jacques Arcadelt Joachim Du Bellay Couverture de Joachim du Bellay Sources • • http://michelinewalker.com/tag/joachim-du-bellay/ • Wikipédia http://www.scribd.com/doc/35425904/Du-Bellay-Defence • http://philo-lettres.pagesperso-orange.fr/regrets.htm • http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article603 • http://www.cosmovisions.com/textAnacreontique.htm (Hélène Laurenceau)