D O N N É E S N O U V E L L E S Diagnostic biologique de la toxoplasmose pulmonaire Biological diagnosis of pulmonary toxoplasmosis ● P. Bastien* Résumé : La toxoplasmose pulmonaire est une affection rare mais gravissime survenant essentiellement chez des sujets immunodéprimés. Le diagnostic en est difficile et repose fortement sur la confirmation biologique de la parasitose. Pour cela, la sérologie spécifique est peu utile en cas d’immunodépression. L’analyse histologique des biopsies pulmonaires ne permet habituellement pas le diagnostic étiologique de l’infection. La recherche du parasite se fait alors essentiellement sur les liquides de lavage bronchioloalvéolaire (LBA), et souvent, aussi, dans le sang périphérique. Les méthodes classiques sont encore pratiquées, mais sont supplantées à l’heure actuelle par les méthodes moléculaires. L’examen direct est peu onéreux, mais aussi peu sensible ; l’inoculation à la souris comporte trop d’inconvénients dans le cadre de ce diagnostic ; la culture cellulaire est de moins en moins pratiquée. L’introduction de la Polymerase Chain Reaction (PCR) a permis d’obtenir un diagnostic biologique à la fois extrêmement sensible et spécifique, réalisable sur tous types de prélèvements. Cette analyse n’est réalisée que dans les grands centres de soins. Il est néanmoins essentiel que le clinicien prescripteur spécifie cette recherche au biologiste. Mots-clés : Toxoplasmose pulmonaire - Immunodépression - Diagnostic biologique - PCR. Summary: Pulmonary toxoplasmosis is a rare but severe disease which occurs essentially in immunosuppressed patients. Diagnosis is uneasy and greatly relies upon biological confirmation of the parasitic infection. For this, specific serological tests are of little utility in the frame of immunosuppression. The histopathological examination of lung biopsies usually does not allow a specific aetiological diagnosis. The parasite is searched for essentially in bronchioloalveolar lavage fluid (BAL), and also in peripheral blood. The classical methods are still in use, but are being replaced by molecular methods. Direct smear examination is inexpensive but lacks sensitivity; mouse inoculation suffers from too many drawbacks in the frame of this diagnosis; cell culture is being left away. The introduction of Polymerase Chain Reaction (PCR) has allowed both a highly sensitive and specific diagnosis, which can be carried out on any type of sample. This method is only performed in main health care centres. Still, it is essential that the prescriptor specify this diagnostic suspicion to the microbiologist. Keywords: Pulmonary toxoplasmosis - Immunosuppression - Biological diagnosis - PCR. a toxoplasmose est une maladie infectieuse endémique, de distribution mondiale, dont l’agent étiologique est le protozoaire parasite Toxoplasma gondii. Le cycle de ce parasite implique des hôtes très variés (chat, mammifères carnivores ou herbivores, oiseaux). Il comporte deux voies différentes produisant chacune un stade infestant particulier : l’une, chez une variété d’hôtes dits intermédiaires, dont l’homme, aboutit au portage chronique de kystes pouvant être hébergés dans tous les tissus (muscles striés, cœur, cerveau, foie, poumon, etc.) ; l’autre se déroule chez le chat et aboutit à l’excrétion d’oocystes résistants dans le milieu extérieur. La contamination humaine se fait classiquement par voie orale et est donc liée à l’ingestion soit de viande infestée mal cuite, soit de terre (nourrissons) ou d’aliments souillés par la terre. Les deux formes du L * Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU de Montpellier. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 parasite observées chez l’homme sont le tachyzoïte, qui se multiplie dans les tissus, et le bradyzoïte, forme “résistante” au sein des kystes. TOXOPLASMOSE La prévalence de cette endémie varie de 16 à 80 % selon la région du globe considérée ; elle se situe entre 40 et 70 % en France. L’infection est inapparente chez la grande majorité des sujets. Cependant, elle est à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité importantes chez le fœtus, d’une part, et chez le sujet immunodéprimé, d’autre part. La toxoplasmose congénitale est transmise par voie transplacentaire en cas d’infection au cours de la grossesse. Au contraire, la toxoplasmose de l’immunodéprimé est, en règle générale, due à la réactivation d’une infection ancienne à partir des kystes, en rapport avec une baisse profonde des défenses immunitaires (1, 2). Elle touche 33 D O N N É E S N O essentiellement les sujets sidéens possédant moins de 100 à 200 CD4+/µl, mais également les greffés de moelle et les transplantés, les sujets atteints d’hémopathies malignes et, exceptionnellement, les cancéreux sous chimiothérapie. La toxoplasmose était ainsi, avant l’arrivée des trithérapies, une des infections opportunistes majeures au cours du sida en Europe, avec un risque de survenue autour de 25-30 % en France (3, 4). Chez les greffés de moelle, elle est observée surtout chez des malades séropositifs avant greffe (5). La transmission par greffe d’organe concerne essentiellement les transplantations cardiaques ; elle concerne moins souvent les transplantations rénales et exceptionnellement les transplantations hépatiques ; elle survient avec une fréquence particulièrement élevée chez les receveurs séronégatifs avant greffe (3). Une prophylaxie systématique est d’ailleurs recommandée en cas de receveur séronégatif et de donneur séropositif au décours des greffes cardiaques. L’infection chez l’immunodéprimé est le plus souvent aiguë et généralisée. Elle touche essentiellement le cerveau, et plus rarement le poumon, qui en constitue la seconde localisation la plus fréquente. Elle peut survenir isolément ou en association avec une toxoplasmose disséminée, qui peut affecter les ganglions lymphatiques, la rate, le foie, les reins, le cœur, les surrénales, la moelle osseuse et le tube digestif (3, 6). Le taux de mortalité est élevé, supérieur à 50 % (5), et ce malgré l’existence d’un traitement spécifique relativement efficace. TOXOPLASMOSE PULMONAIRE La toxoplasmose pulmonaire se traduit le plus souvent par une pneumopathie interstitielle fébrile pouvant évoluer vers l’insuffisance respiratoire aiguë (7). Elle est associée à une toxoplasmose disséminée dans au moins la moitié, sinon la majorité, des cas, et à une toxoplasmose cérébrale dans un tiers des cas (8). La radiologie pulmonaire révèle des infiltrats bilatéraux, en général fins et diffus (9), mais également souvent irréguliers et nodulaires (10). La prévalence de l’affection chez le sujet sidéen avant l’ère des trithérapies était située entre 4 et 15 % (11, 12). Elle est devenue plus rare depuis, et s’observe aujourd’hui davantage chez les greffés. Le pronostic est fortement lié à la précocité de la mise en route du traitement. Le taux de mortalité a été estimé à 55 % (7). À noter la survenue exceptionnelle de cette maladie chez des sujets immunocompétents (7, 13). Le diagnostic de la toxoplasmose pulmonaire est souvent difficile, étant donné l’absence d’aspect pathognomonique, que ce soit sur le plan clinique ou radiologique. La toxoplasmose n’est pas non plus souvent considérée comme cause première de pneumonie, ce qui retarde d’autant le diagnostic. De plus, l’infection à Toxoplasma peut être masquée par d’autres pathologies infectieuses pulmonaires. Enfin, comme nous le verrons ci-dessous, le diagnostic biologique de cette affection peut être délicat. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Dans la toxoplasmose pulmonaire, comme dans tous les cas de toxoplasmose grave, un diagnostic précis et rapide est nécessaire afin de pouvoir mettre en route le traitement spécifique. Le 34 U V E L L E S diagnostic biologique classique est peu sensible : il repose sur la recherche d’anticorps spécifiques, d’une part, et du parasite luimême, d’autre part. Les techniques basées sur la biologie moléculaire ont apporté une nette amélioration à ce diagnostic. Sérologie Si la sérologie constitue la base du diagnostic chez le sujet immunocompétent (14), l’interprétation des tests sérologiques spécifiques de la toxoplasmose est particulièrement délicate chez l’immunodéprimé (3, 4, 7, 15). Étant donné que les toxoplasmoses cliniques sont en général dues à une réactivation, les patients sont le plus souvent porteurs d’IgG spécifiques : ainsi, l’absence d’IgG rend ce diagnostic peu probable (mais pas impossible). À l’inverse, un taux élevé d’IgG est en général considéré comme ayant une bonne valeur prédictive d’une toxoplasmose aiguë sévère (16). En revanche, chez la grande majorité des patients, la survenue d’une toxoplasmose grave ne s’accompagne pas d’une remontée du taux d’IgG (< 30 % des cas), ni de l’apparition d’IgM (< 6-12 % des cas) (17, 18). À noter la fréquence des rechutes dites sérologiques, en général non suivies de symptômes chez les greffés, mais annonciatrices de formes cliniques graves chez les patients sidéens (3). Au total, la sérologie est donc peu utile pour affirmer ce diagnostic, ce qui rend nécessaire la recherche directe du parasite. Deux techniques immunologiques récentes pourraient toutefois offrir un certain intérêt. Le WesternBlot (ou immunoblotting) a montré une prédictivité intéressante, malgré une spécificité faible (19). Quant au test IVAP (in vitro antibody production), intéressant pour le diagnostic des toxoplasmoses cérébrales (20), il n’a pas été évalué dans la toxoplasmose pulmonaire. Recherche du parasite L’avantage de l’observation directe du parasite est sa valeur prédictive positive de 100 %. Les toxoplasmes sont essentiellement recherchés dans les liquides de lavage bronchiolo-alvéolaire (LBA), et souvent, aussi, dans le sang périphérique, voire dans la moelle osseuse. La recherche d’ADN du parasite est également possible à partir de simples expectorations (21), à condition d’utiliser une méthode moléculaire. L’examen anatomopathologique d’une biopsie pulmonaire révèle généralement un aspect de pneumopathie nécrosante, en particulier chez l’immunodéprimé et le très jeune enfant. L’observation de tachyzoïtes est nécessaire pour affirmer le diagnostic. L’inflammation environnante est le plus souvent mononucléaire, mais divers aspects peuvent être observés (7). L’analyse histologique de la biopsie pulmonaire ne permet habituellement pas le diagnostic étiologique de l’infection. Les techniques classiques de parasitologie font appel à l’examen direct après coloration, à l’inoculation à l’animal et, plus récemment, à la culture cellulaire. L’examen direct se fait en général après concentration des cellules par cytocentrifugation (frottis appelé “spot”), puis coloration par le May-Grünwald-Giemsa (22). L’utilisation de l’immunofluorescence indirecte pourrait en améliorer les performances (23). La sensibilité de cet examen est aujourd’hui considérée comme médiocre, essentiellement en raison de la rareté des parasites sur les frottis : elle est estimée autour La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 de 15-20 %1 (12, 24, 25). C’est pourquoi l’examen direct était, jusqu’à récemment, associé à une inoculation à la souris et/ou à une culture cellulaire. La première, très classique, a l’avantage par rapport à la seconde d’être simple, de pouvoir être pratiquée avec n’importe quel prélèvement et d’avoir une sensibilité raisonnable, de l’ordre de 60 % (8, 26). Par contre, le délai de réponse de 6 semaines et la nécessité de disposer d’une animalerie constituent des inconvénients majeurs. La culture cellulaire est une technique délicate introduite pour ce diagnostic dans les années 1980 (27). Elle a constitué une nette amélioration par rapport à la technique précédente en raison de la rapidité du rendu de réponse (2-13 jours). Sa sensibilité à partir du LBA semble excellente, entre 90 et 100 % (9, 23, 24) ; à partir du sang, elle est de 60-70 % (8, 28). Cependant, ses performances médiocres dans le diagnostic prénatal de la toxoplasmose congénitale, ainsi que l’introduction des méthodes moléculaires, plus sensibles, ont fait qu’elle est de moins en moins pratiquée. Diagnostic moléculaire L’introduction des méthodes moléculaires (essentiellement la réaction d’amplification en chaîne, ou PCR) a considérablement amélioré le diagnostic de la toxoplasmose en général, et des formes pulmonaires et disséminées en particulier (29). La recherche d’ADN de toxoplasme par PCR n’est pratiquée que dans les CHU et dans quelques centres spécialisés. L’un des principaux problèmes posés par cette méthode est le fait qu’elle ne soit pas standardisée, ce qui entraîne des variations d’efficacité selon le laboratoire qui la pratique. Des variations de sensibilité “technique” d’un facteur de 1 à 100 peuvent être observées entre les laboratoires (30, 31, données non publiées). L’autre problème qu’est le coût très élevé prend moins d’importance dans le contexte clinique de ce type d’affection. Malgré cela, la sensibilité de la PCR à partir de LBA se situe autour de 100 % dans toutes les études publiées (29). Aucune donnée n’est disponible en ce qui concerne les expectorations induites, mais la détection d’ADN de toxoplasmes dans de simples crachats a été signalée (21), et les deux types de prélèvements mériteraient une évaluation. Enfin, de par son association fréquente à une toxoplasmose disséminée, la recherche par PCR de parasites circulants dans le sang périphérique s’avère positive dans 75 % des cas si la toxoplasmose pulmonaire est isolée, et dans 100 % des cas s’il s’agit d’une toxoplasmose disséminée (29). Dans tous les cas, la spécificité est égale ou à peine inférieure à 100 %. Il est important de noter que la mise en route du traitement spécifique entraîne une disparition des parasites dans les prélèvements en quelques jours (29). on peut dire qu’elle a grandement amélioré celui de la toxoplasmose pulmonaire. Il faut toutefois pour cela deux conditions : la première est que le patient soit vu dans un centre où ces méthodes sont pratiquées ; la seconde est surtout de penser à ce diagnostic… et de le mentionner ! En effet, sans mention de toxoplasmose, il est fréquent que l’examen direct ne détecte pas les tachyzoïtes présents sur un frottis lorsqu’ils sont rares, a fortiori dans un laboratoire non spécialisé. Par ailleurs, même dans un laboratoire spécialisé, il n’est pas possible, pour des raisons de coût, de réaliser une PCR sur tous les liquides de LBA reçus. Si le biologiste n’a pas été contacté ou si aucun renseignement clinique n’est indiqué, la recherche dite systématique ne comportera que l’examen direct, de sensibilité inférieure à celle des autres techniques. À l’inverse, la simple mention de “toxoplasmose” peut suffire à alerter le biologiste pour faire réaliser une PCR, et ainsi améliorer le diagnostic de cette infection au pronostic redoutable. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Oksenhendler E, Cadranel J, Sarfati C et al. Toxoplasma gondii pneumonia in patients with the acquired immunodeficiency syndrome. Am J Med 1990 ; 88 : 18N-21N. 2. Luft BJ, Remington JS. Toxoplasmic encephalitis. Clin Infect Dis 1992 ; 15 : 211-22. 3. Derouin F. Aspects cliniques, diagnostiques et thérapeutiques de la toxoplasmose chez les malades immunodéprimés. Rev Fr Lab 1988 ; 178 : 71-80. 4. Leport C, Remington JS. Toxoplasmose au cours du sida. Presse Med 1992 ; 21 : 1165-71. 5. Martino R, Maertens J, Bretagne S et al. 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Le nombre de cas de toxoplasmose pulmonaire étant très faible (par opposition aux toxoplasmoses cérébrales) dans les études publiées, il est difficile de chiffrer la sensibilité des différentes méthodes utilisées pour ce diagnostic. Les chiffres sont donc donnés ici à titre indicatif seulement. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 16. Derouin F, Leport C, Pueyo S. Predictive value of Toxoplasma gondii antibody titres on the occurrence of toxoplasmic encephalitis in HIV-infected patients. AIDS 1996 ; 10 : 1521-7. 17. Zufferey J, Sugar A, Rudaz P et al. Prevalence of latent toxoplasmosis and serological diagnosis of active infection in HIV-positive patients. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1993 ; 12 : 591-5. 35 O N N É E S N O U V E L L E S 24. Contini C, Romani R, Magno S, Delia S. Diagnosis of Toxoplasma gondii infection in AIDS patients by a tissue-culture technique. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1995 ; 14 : 434-40. 25. 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ABONNEMENT : 1 an FRANCE/DOM-TOM/EUROPE ❐ ❐ ❐ TARIF 2004 ÉTRANGER (AUTRE QU’EUROPE) 100 € collectivités 80 € particuliers 50 € étudiants* ❐ ❐ ❐ *joindre la photocopie de la carte *joindre la photocopie de la carte + ❏ Particulier ou étudiant M., Mme, Mlle ................................................................................ Prénom .......................................................................................... Pratique : ❏ hospitalière 120 € collectivités 100 € particuliers 70 € étudiants* ❏ libérale ET POUR 10 € DE PLUS ! ❐ 10 €, accès illimité aux 26 revues de notre groupe de presse disponibles sur notre site vivactis-media.com (adresse e-mail gratuite) + ❏ autre........................... Adresse e-mail ............................................................................... RELIURE ❐ 10 € avec un abonnement ou un réabonnement Adresse postale ............................................................................. 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