CHAPITRE IV TRAITEMENT DES DOULEURS PAR EXCÈS DE NOCICEPTION : LES ANTALGIQUES NON OPIOIDES ET LES ANTALGIQUES OPIOIDERGIQUES Bernard Chamontin et Nathalie Cantagrel Plan du Chapitre 1.Présentation des antalgiques : la classification OMS 2. Les antalgiques non opioïdes 2.1 Les antalgiques purs 2.2 Les antalgiques antipyrétiques 2.3 Les antalgiques antipyrétiques et anti-inflammatoires 3. Les antalgiques opioïdergiques 3.1 La classification des opioïdes 3.2 Les opioïdes faibles agonistes 3.3 Les opioïdes agonistes partiels 3.4 Les opioïdes agonistes-antagonistes 3.5 Les opioïdes forts 3.6 Utilisation des opioïdes forts dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses 3.7 Législation et modalités de prescription 1- PRESENTATION DES ANTALGIQUES : LA CLASSIFICATION OMS Le traitement antalgique des douleurs par excès de nociception chez l’adulte s’appuie en partie sur les recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé-WHO). Cellesci éditées en 1996 concernent initialement les douleurs d’origines cancéreuses et nociceptives. Les douleurs d’origine neuropathique font appel à d’autres thérapeutiques qui seront développées dans un autre chapitre (antidépresseurs et antiépileptiques). L’échelle de l’OMS à trois niveaux représente une méthode efficace et simple pour assurer une prise en charge médicamenteuse de la douleur. L’utilisation de coantalgique doit être envisagée à chaque niveau de l’échelle. Certains points sont à souligner : - le caractère détaillé de la prescription : prescription écrite, expliquée, anticipant les accès douloureux et les effets indésirables, - le premier niveau de l’OMS est représenté par le paracétamol et les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour traiter les douleurs évaluées comme faibles à modérées, - si la douleur persiste ou s’accentue, un opioïde faible est ajouté, - en cas d’échec, le recours aux opioïdes forts est indiqué, - le rythme d’évaluation et de changement de niveau doit être adapté au niveau de la douleur et à la durée d’action de l’antalgique, - la prescription d’opioïdes fort d’emblée est une possibilité en cas de douleurs très intenses. Il conviendra de s’assurer auparavant que le mécanisme principal de la douleur est bien nociceptif. 3 2 2 1 Antalgiques opioïdes forts Morphine et dérivés ± adjuvants Antalgiques opioïdes faibles Codéine, tramadol, dextropropoxyphène + antalgiques non opioïdes ± adjuvants Antalgiques non opioïdes Paracétamol Aspirine-AINS ± adjuvants - LES ANTALGIQUES NON OPIOIDES Les antalgiques non morphiniques regroupent l’ensemble des médicaments symptomatiques des douleurs dont le mécanisme d’action est indépendant des récepteurs opioïdes. Le néfopam, voire le paracétamol, mis à part, leur site d’action principal se situe au sein du foyer algogène d’où leur ancienne dénomination « d’antalgiques périphériques ». Ils sont classés en trois groupes selon leur profil pharmacodynamique : Les antalgiques purs Floctafénine (IDARAC®) Néfopam (ACUPAN®) Les antalgiques antipyrétiques Paracétamol Les antalgiques antipyrétiques antiinflammatoires Aspirine AINS Les antalgiques non opioïdes (niveau 1 OMS) peuvent être associés aux antalgiques opioïdes (niveau 2 et 3 OMS). 2.1 les antalgiques purs La floctafénine (IDARAC®) Cette molécule de la famille des fénines existe sous forme de comprimés à 200 mg. Elle a pour principal inconvénient le risque allergique, celui-ci ayant abouti au retrait de toutes les molécules de la même famille (glafénine). Ce risque allergique interdit les prises itératives qui favorisent la sensibilisation. Le néfopam (ACUPAN®) Il a un mécanisme d’action mal connu. Il inhibe la recapture de la noradrénaline, de la sérotonine et de la dopamine. Il présente des effets anticholinergiques indépendants de l’antalgie. Il n’existe que par voie injectable (20mg/2ml ; IM, IV). Il a un catabolisme hépatique à élimination rénale. Son effet antalgique est de 4 à 5 heures. Le néfopam et la floctafénine ne sont pas indiqués en première intention dans les douleurs cancéreuses chroniques (SOR 2002). 2.2 les antalgiques antipyrétiques Le paracétamol : Le mécanisme de son action antalgique n’est pas encore élucidé mais plusieurs arguments plaident pour l’existence d’un site d’action central. Les caractéristiques essentielles de la pharmacocinétique du paracétamol sont les suivantes : - Bonne disponibilité par voie orale (70 à 90 %) - Faible liaison aux protéines plasmatiques (10 %), ce qui exclut les risques d’interaction liés à cette propriété - Excrétion rénale importante (90 %) - Temps de demi-vie plasmatique d’environ 2-3 heures - Métabolisme hépatique. Les concentrations maximales sont atteintes environ 90 minutes après administration orale, voire moins pour les formes effervescentes. La durée d’action est d’environ 4 heures. La tolérance est excellente. La posologie habituelle est de 3 grammes par jour (cf AMM), pouvant être majorée à 4 grammes par jour (1g par prise, une prise toutes les 6 heures). La dose maximale admise par l’OMS est de 6 g par jour. Le paracétamol par voie intraveineuse (PERFALGAN®) peut être utilisé lorsque la voie orale est impraticable. Il peut avoir une toxicité hépatique en cas de surdosage ce qui justifie une précaution d’emploi en cas d’insuffisance hépatique. Les effets indésirables sont rares, les plus fréquents sont des manifestations cutanées de type allergique, rash avec érythème, urticaire et/ou prurit. Le paracétamol est disponible sous de nombreuses formes orales ou rectales dosées de 80 mg à 1000 mg. 2.3 les antalgiques antipyrétiques anti-inflammatoires (aspirine –AINS) L’effet antalgique des AINS résulte pour l’essentiel de leur action anti-inflammatoire médiée par l’inhibition de deux isoformes de la cyclo-oxygénase (COX1 et COX2). A dose équianalgésique, ils ne diffèrent entre eux que par leur pharmacocinétique. L’action sélective sur la COX2 des nouveaux AINS comme célécoxib, parecoxib, faisait espérer une diminution du risque de survenue d’effets indésirables gastro-intestinaux. Cependant le suivi national de pharmacovigilance de Celecoxib et Rofecoxib a fait apparaître nombre de notifications de perforations, ulcères et saignements digestifs. Ces complications digestives graves sont observées le plus souvent chez des patients d’âge supérieur à 70 ans, avec antécédents digestifs, et en cas d’associations à l’aspirine ou autre anti-agrégant ou un anticoagulant. Les Coxibs ont fait l’actualité en 2005 suite à la publication de 3 essais cliniques démontrant la majoration du risque cardiovasculaire chez les patients traités au long cours.(cf cours de Thérapeutique module 11 ,en D4) Les AINS possèdent 4 propriétés pharmacologiques dont l’expression dépend des doses utilisées et des produits : - anti-inflammatoire - antalgique - antipyrétique - antiagrégant plaquettaire (plus marqué avec l’aspirine) L’aspirine, au contraire des autres AINS, est un inhibiteur irréversible des isoformes 1 et 2 de la cyclo-oxygénase, ce qui lui confère une durée d’inhibition plus prolongée et participe au fait qu’elle soit plus anti-agrégante plaquettaire que les autres AINS. La pharmacocinétique peut avoir des spécificités individuelles, mais certaines généralités peuvent être retenues : - absorption digestive compatible avec une administration orale - métabolisme hépatique - liaison protéique importante d’où le risque d’interactions médicamenteuses - excrétion rénale Les effets indésirables sont communs à tous les AINS. Il peut s’agir d’effets considérés comme mineurs (dyspepsie, palpitations, nausées et vomissements, anorexie, constipation, épigastralgies, etc…) ou d’effets sévères (perforation, ulcère, saignement, syndrome de Lyell, etc). Les pyrazolés (BUTAZOLIDINE®) sont contre-indiqués en cancérologie en raison de leur toxicité médullaire potentielle. Hépatopathie et insuffisance rénale peuvent apparaître à tout moment et surtout lors de traitements prolongés. La prudence s’impose chez les personnes à risques et notamment chez les personnes âgées et/ou polymédicamentées. Des règles de prescriptions simples sont à respecter : - limiter les durées des prescriptions - ne pas associer les AINS entre eux - récuser les associations dangereuses (antiagrégants, anticoagulants) - respecter les précautions d’emploi en particulier chez les personnes âgées. AINS commercialisés comme antalgiques Plusieurs AINS sont commercialisés comme antalgique et antipyrétique : des spécialités d’aspirine, l’ibuprofène 200 mg (ADVIL®, NUROFEN®, …), le kétoprofene 25 mg (TOPREC®), le fénoprofène (NALGESIC®), le naproxène sodique 220mg (ALEVE®). Leur caractéristique commune est une restriction des doses unitaires et quotidiennes qui en principe les rend peu actif sur la composante oedémateuse de l’inflammation alors qu’ils sont efficaces sur la douleur (et la fièvre). L’utilisation des AINS est recommandée dans le traitement des douleurs inflammatoires, notamment les douleurs osseuses (SOR 2002). 3- LES ANTALGIQUES OPIOIDERGIQUES 3.1 classification des opioïdes L’organisme dispose de différents mécanismes de contrôle des messages douloureux. Un de ces mécanismes fait appel aux opioïdes endogènes qui sont les ligands naturels des récepteurs opioïdes. Les opioïdes exogènes se fixent sur ces mêmes récepteurs et miment l’action des médiateurs endogènes. Aux sites d’actions médullaires et supramédullaires, s’ajoute une action périphérique de la morphine s’il existe une inflammation. Les opioïdes sont classés en trois catégories en fonction de leurs actions sur les récepteurs : - les agonistes purs activent surtout les récepteurs médullaires et supramédullaires mu, de façon totale, et n’ont pas d’effet plafond, - les agonistes partiels antagonistes (buprénorphine) n’activent les récepteurs mu que de façon partielle tout en antagonisant les récepteurs kappa. Ce caractère agoniste partiel limite leur efficacité, d’où leur effet plafond, et contre indique leur coadministration avec les agonistes purs, ce d’autant que la buprénorphine a une très forte affinité pour les récepteurs mu, - Les agonistes antagonistes (nalbuphine) activent les récepteurs kappa et antagonisent les récepteurs mu, ce qui explique qu’ils diminuent l’effet des agonistes purs donnés simultanément. Leur efficacité antalgique est également plafonnée parce qu’ils activent de façon partielle les récepteurs kappa. Les opioïdes agonistes antagonistes partiels et les agonistes antagonistes peuvent induirent un syndrome de sevrage si on les associe à des agonistes purs. Selon leur efficacité antalgique, on distingue les opioïdes dits « faibles » pour les douleurs modérées (niveau 2 OMS-inscription sur liste I) et les opioïdes dits « forts » pour les douleurs modérées à fortes (niveau 3 OMS- inscription sur la liste des prescriptions spéciales sauf la buprénorphine et la nalbuphine inscrites sur la liste I). Certains principes sont à connaître et à appliquer : - privilégier la voie orale - les prises médicamenteuses se font à intervalle régulier - la prescription est personnalisée 3.2 les opioïdes faibles agonistes DCI Les antalgiques opioïdes de niveau 2 OMS disponibles Forme BioD T max T 1/2 Elimination galénique Intervalle d’administr ation (heures) 4h Codeine phosphate Cp ou suppo de 10 à 60 mg réduit e 1h 3h Dihydrocodéine LP Dextropropoxyph ène (toujours en association) Tramadol (existe en association) Cp à 60 mg réduit e 70% 1h302h 1-5h moy :2 h 2h 4h Urinaire (80%) Fécale (20%) urinaire 6-12h urinaire 4h 5-7h Urinaire (95%) Fécale (5%) 4h Tramadol LP Gélule de 27 à 30 mg Suppo à 60 mg Cp ou gélule à 37,5 mg à 50 mg ou solution injectable à 100 mg Cp ou gélule de 100 à 200 mg 70-90 % 70-90 % 5h 12h 6h Urinaire 12h ou (95%) 24h Fécale (5%) DCI : dénomination commune internationale ; BioD : biodisponibilité par voie orale ; Tmax : délai pour obtenir le pic plasmatique ; T1/2 : temps de demi-vie d’élimination. Codéine et hydrocodéine : la codéine est métabolisée par le foie, ces propriétés antalgiques sont liées à sa biotransformation en morphine (10 %) par oxydation enzymatique. Chez 10 % des malades, cette enzyme est absente ce qui peut expliquer l’inefficacité du produit dans certains cas. Son addition avec le paracétamol entraîne un effet antalgique accru. La dihydrocodéine (DICODIN®LP) est aussi métabolisée par le foie. Un comprimé à 60 mg serait équivalent à 120 mg de codéine. Dextropropoxyphène : il n’est commercialisé que sous forme associée à du paracétamol. Il est métabolisé par le foie et son métabolite principal est le norpropoxyphène. Celui-ci possède une demi-vie d’élimination plus longue que le dextropropoxyphène d’où un risque d’accumulation. Il est aussi à l’origine d’effets secondaires : tremblements, convulsions. Chez les sujets atteints d’une cirrhose hépatique, le dextropropoxyphène peut entraîner une sédation importante et des troubles cardiaques. Il existe un risque d’hypoglycémie notamment chez les patients diabétiques, les sujets très âgés ou insuffisants rénaux. Il est recommandé de ne pas l’utiliser en association avec la carbamazépine. Tramadol : son effet antalgique est dû à une activité opioïde agoniste mu préférentielle, associé à un effet monoaminergique central par inhibition de la recapture neuronale de la sérotonine et de la noradrénaline. Ce mécanisme est impliqué dans le contrôle de la transmission nociceptive centrale avec un intérêt potentiel dans le traitement des douleurs neuropathiques. Il ne doit pas être associé aux inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Il existe un risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique majoré si on l’associe avec certains anti-dépresseurs. Les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés sont : nausées, vomissements, somnolence, céphalées, hypersudation, constipation. La posologie maximale par voie orale est de 400 mg par jour et de 600 mg par voie injectable (disponible seulement en milieu hospitalier). 3.3 les opioïdes agonistes partiels La buprenorphine est prescrite comme antalgique sous le nom de TEMGESIC® (glossette à 0,2 mg ; ampoule à 0,3 mg). La voie sublinguale évite l’important effet de premier passage hépatique et permet une pharmacocinétique proche de la voie parentérale. Le délai d’action de la voie sublinguale est de 15 à 60 mn, la durée d’antalgie est en moyenne de 8 heures. Elle est métabolisée par le foie en métabolites inactifs et éliminée par voie fécale (2/3) et urinaire (1/3). Il existe un effet antalgique plafond au-delà de 1mg par voie sublinguale et 0,6 mg par voie IM. Son effet analgésique n’augmente pas si on dépasse ces posologies. Si le risque de dépression respiratoire est faible mais en cas de dépression grave l’antagonisme par la naloxone est très difficile à obtenir. Son utilisation chez des patients présentant une dépendance aux opiacés peut entraîner un syndrome de sevrage. Il faut attendre un délai de 4h pour son utilisation après arrêt de la morphine, et 8H après la dernière prise de buprénorphine pour introduire de la morphine. Ses effets indésirables sont de type opiacé avec peu d’effet hémodynamique. 3.4 Les opioïdes agonistes-antagonistes Chez les patients non traités par la morphine ils agissent comme des agonistes antalgiques, s’ils sont associés à de la morphine, ils agissent comme des antagonistes. Leur association avec un morphinomimétique est donc contre-indiquée. Nalbuphine (NALBUPHINE®) : elle ne modifie pas les paramètres hémodynamiques ou cardiaques. Elle n’existe que sous forme injectable (sous-cutanée, IM, IV). Les effets secondaires les plus gênants sont : nausées, vomissements, somnolence et vertiges. 3.5 les opioïdes forts La morphine orale : La morphine reste la substance de référence dans la famille des morphiniques. Elle représente 10 % des alcaloïdes de l’opium. On peut résumer les activités pharmacologiques de la morphine comme suit : - effet antalgique - effet psychodysleptique (état de bien être, euphorie, hallucination) - effet respiratoire (dépression, bradypnée) - effet vomitif (par stimulation de l’area postrema, plancher du IVème ventricule) - effet sur la musculature lisse (myosis, constipation, dysurie, rétention urinaire) effet cardio-vasculaire (hypotension orthostatique) effet sur le système immunitaire (action immuno-modulatrice) L’action de la morphine passe par l’activation des récepteurs mu au niveau médullaire et supramédullaire ; sa biodisponibilité orale est de 20 à 40 %. La fixation aux protéines plasmatiques est de 30-35 %. Elle est métabolisée au niveau hépatique par glucuronoconjugaison en dérivé 3 glucurono-conjugué (M3G) et un dérivé 6 (M6G). La M3G est quantitativement majoritaire et inactive, la M6G est un puissant antalgique avec une demi-vie plasmatique longue. La morphine est peu liposoluble, elle diffuse assez difficilement à travers la barrière hemato-méningée. Son élimination est urinaire. Le malade doit être prévenu de la survenue d’effets indésirables notamment les plus fréquents : somnolence, nausées, constipation. Sauf la constipation qu’il faudra systématiquement prévenir par des règles hygiéno-diététiques et des laxatifs, les autres effets indésirables s’atténuent ou disparaissent au bout de quelques jours. Le myosis est un signe d’imprégnation morphinique et non de surdosage. L’initiation d’un traitement par morphine passe actuellement par une titration (méthode d’ajustement des posologies). Il existe deux modalités de prescription de titration : initiation par morphine à libération immédiate (MLI) ou par morphine à libération prolongée (MLP). L’initiation par MLI correspond à une dose de départ de 10 mg par prise toutes les 4 heures, soit 60 mg par jour. En cas de douleur mal soulagée, le malade peut prendre une dose de 5 à 10 mg toutes les heures, sans dépasser 4 prises successives en 4 heures avant d’en référer au médecin. Si le malade prend régulièrement plus de 3 à 4 doses supplémentaires réparties dans la journée, elles seront intégrées dans la dose totale quotidienne après 1 à 2 jours de traitement. Chez les patients fragiles, les doses sont réduites et/ou espacées. Chez les patients équilibrés depuis 2 à 3 jours sous MLI, il faut leur prescrire une MLP. Toutefois la MLI doit être prescrite parallèlement pour prévenir ou traiter les accès douloureux prévisibles ou non. L’initiation par MLP commence par 30 mg de morphine toutes les 12 heures en association avec de la MLI. Ces doses seront réduites chez le patient fragile. Patients fragiles Grand âge Mauvais état général Insuffisance rénale Insuffisance hépatique Hypoprotidémie Modalités de prescription de la morphine orale Forme prescrite Libération immédiate Libération prolongée Intérêt indications Equilibration rapide Gestion des accès douloureux Moins de risque de surdosage Commodité de prescription 2 prises par 24h Titration Douleurs très instables Accès et soins douloureux Malade fragile Situations autres que celles nécessitant la forme LI seule Malade bien équilibré par la forme LI Dose initiale 10 mg/4h 5 mg/4h si fragile Adaptation de la posologie Toutes les 24 à 48h 30 mg/12h 10-20 mg/12h si fragile Toutes les 48 à 72 h Conduite à tenir en cas de surdosage : le surdosage par morphine et par les opioïdes en général, est caractérisé principalement par une somnolence croissante. Elle s’accompagne d’une bradypnée qui peut aboutir à une insuffisance respiratoire. Le recours à la naloxone est indiqué en cas de dépression respiratoire sévère (fréquence respiratoire inférieure à 8/mn). Il faut y associer l’arrêt de l’opioïde, la stimulation du malade, une oxygénothérapie, une surveillance permanente. La naloxone (NARCAN®, NALONE®, NALOXONE®) a une durée d’action de 30 mn par voie IV et 2 à 3 heures en sous cutanée. Arrêt de la morphine : elle doit se faire de façon progressive pour éviter un syndrome de sevrage. La diminution de posologie doit être au maximum de 1/3 de la dose précédente chaque jour, au mieux chaque semaine en cas de traitement prolongé. L’hydromorphone (SOPHIDONE® LP) : est un dérivé semi-synthétique de la morphine, il agit sur les récepteurs mu et delta. Ses caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacologiques sont proches de celles de la morphine. Il n’a pas été mis en évidence d’activité pharmacologique de ses métabolites. Le produit est commercialisé sous forme de gélules qui peuvent être ouvertes. Son indication est : traitement des douleurs intenses d’origine cancéreuse en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine (AMM). L’oxycodone : après absorption orale son premier passage hépatique est faible, il a donc une biodisponibilité de 60 à 87%. Il est métabolisé au niveau hépatique en plusieurs métabolites dont un (oxymorphone) est un puissant antalgique. Son élimination est rénale. Son AMM est : douleurs intenses d’origine cancéreuse ou en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine chez l’adulte de plus de 18 ans. Il est commercialisé à ce jour sous quatre formes : - suppositoire (EUBINE®) dosé à 20 mg - forme à libération prolongée (OXYCONTIN®) - forme à libération immédiate (OXYNORM®) - forme injectable à usage hospitalier (OXYNORM® INJECTABLE), prescription limitée à 28 jours. Sortie en 2009-2010 d’une forme mixte associant oxycodone plus naloxone (TARGINACT®). L’ajout d’un antagoniste doit permettre de diminuer les effets secondaires périphériques de cet opioïde notamment sur le tractus digestif (diminution de la constipation sans diminution des effets antalgique). Ordre d équivalence des doses selon la voie d’administration : Voie orale Sous cutanée Intra veineuse 1 mg 0,5 mg 0,5 mg Le fentanyl : il est métabolisé par le foie et éliminé par le rein. Sa cinétique semble peu modifiée par l’insuffisance rénale et par l’épuration extrarénale. Il est commercialisé sous trois formes : injectable (à utilisation anesthésique), patchs transdermiques, , comprimés. Fentanyl en patch de 72 heures Fentanyl transdermique (DUROGESIC®, MATRIFEN®, FENTANYL RATIOPHARM®) : AMM pour les douleurs chroniques intenses nécessitant l’utilisation d’un antalgique opioïde. Il est intéressant lors : - d’une voie orale impossible (nausées, vomissements, dysphagie, fausse route…) - risque occlusif - malabsorption digestive - polymédication orale gênante pour le patient. En dehors de ses situations l’initiation d’un traitement opioïde par fentanyl n’est pas recommandé car l’adaptation fine des posologies est délicate (plateau plasmatique en 24 à 72 heures minimum) et notamment chez les sujets fragiles. Les patchs permettent une délivrance du produit de façon continue et constante sur 72 heures. Une modification des conditions cutanées peut accroître son absorption (source externe de chaleur, hyperthermie, irradiation, sueurs…). Les patchs doivent être appliqués sur une peau glabre, plane, propre, non irradiée, non irritée et sèche. Son emplacement doit être changé à chaque pose. Certains malades présentent, alors qu’ils sont traités depuis plusieurs jours avec une bonne tolérance, une antalgie de moins de 72 heures (changement à 48h pour 3,2 % des patients). Au-delà de 4 patchs à 100 µg/h il convient de discuter un changement d’opioïde et/ou de voie d’administration. Fentanyl à action immédiate Fentanyl transmuqueux ACTIQ® : comprimés avec dispositif pour application buccale. Citrate de fentanyl ABSTRAL® : comprimé sublingual EFFENTORA® : comprimé oravescent (disponible fin 2009) INSTANYL® : spray nasal (disponible 2010) Pharmacocinétique : 25 % de la dose totale de fentanyl est absorbée en 5 à 10 mn par la muqueuse buccale et est disponible sur le plan systémique, d’où une action antalgique très rapide, les 75 % restant sont déglutis avec la salive. Un tiers de cette fraction échappe à la métabolisation et se rend donc immédiatement disponible sur le plan systémique ce qui explique le maintien d’une antalgie pendant au moins 2 heures. AMM est : traitement des accès douloureux paroxystiques chez les malades recevant déjà un traitement de fond morphinique pour des douleurs chroniques d’origine cancéreuse. Il n’a pas été établi de relation entre la dose de fentanyl efficace dans les accès douloureux et la dose du traitement opioïde de fond. La pethidine (PETHIDINE RENAUDIN®) : utilisable seulement en injectable (100 mg/2ml). Elle a très peu d’intérêt dans la prise en charge des douleurs. Elle aurait un avantage par son action antispasmodique lors des carcinoses péritonéales. Sa prescription est limitée à 7 jours. Tableau des principaux opioïdes et durée maximale de prescription Spécialités concernées Morphine injectable (chlorhydrate de morphine) ampoules de : 10-20-50-100-200-400-500 mg Morphine buvable (sulfate de morphine) - ampoules : 10-20 mg - Morphine sirop : 5mg/ml - ORAMORPH ® : Flacon compte goutte : 20 mg/1 ml Unidose : 10-30-100 mg/5ml Formes Durée maximale Ampoules injectables 7J avec système actif de perfusion : 28J Morphine orale cp ou gél (sulfate de morphine) ACTISKENAN® gél : 5-10-20-30 mg SEVREDOL®cp sécable : 10-20 mg MOSCONTIN® cp : 10-30-60-100-200 mg SKENAN LP® gél : 10-30-60-100-200mg KAPANOL® gél : 20-50-100 mg OXYNORM® INJECTABLE (chlorhydrate d’oxycodone) ampoule de : 20 mg OXYCONTIN® cp : 5-10-20-40-80 mg (chlorhydrate d’oxycodone) OXYNORM® gél : 5-10-20 mg (chlorhydrate d’oxycodone) SOPHIDONE® gél : 4-8-16-24 mg (chlorhydrate d’hydromorphone) Fentanyl transdermique DUROGESIC® MATRIFEN® FENTANYL RATIOPHARM® 12-25-50-75-100 µg/h (fentanyl) fentanyl ACTIQ® : 200-400-600-800-1200-1600 µg Citrate de fentanyl ABSTRAL® : 100-200-300-400-600-800 µg LP/12h LP/24h Ampoules injectables LP/12h LP/12H Patch transdermique /72H Prescription 28J Délivrance fractionnée 14J comprimés Prescription 28J Délivrance fractionnée 7j 3.6 Utilisation des opioïdes forts dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses Si l’intérêt du recours aux opioïdes forts est aujourd’hui reconnu dans le traitement des douleurs chroniques nociceptives d’origine cancéreuse, le rapport bénéfice/risque d’une telle prescription dans le traitement de douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC) doit être évalué avec précision afin de ne pas utiliser un médicament qui pourrait être soit inefficace, soit provoquer des effets secondaires délétères voire entraîner le patient vers un état de dépendance physique et/ou psychique. Il s’avère donc nécessaire avant institution d’un tel traitement de vérifier : - que la cause somatique est clairement identifiée - que le mécanisme d’action est nociceptif - que les traitements antérieurs ont été inefficaces malgré une prescription correcte - que le contexte psychologique, familial et socio-professionnel a été évalué - une évaluation pluridisciplinaire est indispensable en cas d’antécédents d’abus, de dépendance, de toxicomanie ou de trouble grave de la personnalité. Le traitement opioïde doit être intégré dans une prise en charge globale du patient. Un seul médecin doit centraliser et coordonner la prescription et il est souhaitable que le patient s’adresse au même pharmacien. Le traitement doit être interrompu en cas : - d’absence d’efficacité d’épuisement de l’effet en dehors d’une aggravation de la pathologie somatique responsable de l’état algique d’effets indésirables importants de la survenue d’un comportement incompatible avec une prescription au long cours. 3.7 Législation et modalités de prescription Législation : La Loi n° 2003-87 du 3 Février 2003 stipule : art.L.235-1: Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4500 euros d’amende. Il est donc recommandé : - de contre-indiquer la conduite automobile en cas de signe manifeste de dépression du système nerveux central (SNC) - de déconseiller au patient la conduite automobile même en l’absence de signe de dépression du SNC en raison des dangers potentiels d’une diminution des réflexes et d’une altération de la vigilance Dans tous les cas le praticien doit être en mesure de pouvoir prouver qu’il a informé le malade. Le transport personnel de médicaments stupéfiants détenus dans le cadre d’un traitement médical est réglementé. Il est différent selon l’endroit où se situe le transport : Dans l’espace de Schengen : - 24 Etats : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Suède, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovenie, Slovaquie, République Tchèque. - Décret n° 95-304 du 21 mars 1995 - Toute personne résidant en France, quelle que soit sa nationalité, doit se munir d’une autorisation de transport lors d’un déplacement dans un pays appliquant la convention - Autorisation délivrée à la demande du patient, au vu de l’original de la prescription médicale, par la DDASS du département où le médecin prescripteur est enregistré - Elle est valable 30 jours et les quantités transportées ne doivent pas dépasser la durée maximale de prescription. En dehors de l’espace de Schengen : - Chaque pays applique ses propres dispositions - En France 2 procédures sont prévues : Si la durée du séjour est ≤ durée maximale de prescription , la prescription médicale reste le seul document requis Si la durée du séjour est > durée maximale de prescription, le patient doit être muni de l’original de la prescription médicale et d’une attestation de transport délivrée par l’Agence française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé (Afssaps) sur demande du patient. La demande comporte l’indication du pays de destination, la durée de séjour, la quantité et le dosage du médicament transporté, la prescription médicale et un certificat médical dans lequel le médecin ne s’oppose pas au déplacement du patient. Lorsque le déplacement est de très longue durée, le patient peut obtenir, si besoin, une prolongation de son traitement dans le pays d’accueil. Modalités de prescription : les prescriptions de médicaments classés comme stupéfiants doivent être faites sur des ordonnances sécurisées. Elles doivent préciser outre les mentions légales : - le nombre d’unités thérapeutiques par prise, le nombre de prises et le dosage, concentration, volumes et nombres d’unités pour les préparations, inscrits en toutes lettres, - le nombre de médicaments différents. Les renouvellements d’ordonnance ne sont pas autorisés et la prescription ne doit pas dépasser 28 jours. L’ordonnance ne peut être exécutée pour la totalité de la durée ou fraction que si elle est présentée dans les 3 jours à la pharmacie. Au-delà, elle ne peut être exécutée que pour la durée restante. Une nouvelle ordonnance ne peut être établie pendant la période couverte par une ordonnance précédente sauf mention expresse portée sur l’ordonnance (chevauchement). Le pharmacien doit préciser sur l’ordonnance les quantités délivrées en unité de prise. (Décret nº 2007-596 du 24 avril 2007 art. 1 IV Journal Officiel du 26 avril 2007) Il est interdit de prescrire et de délivrer des substances classées comme stupéfiants lorsqu'elles ne sont pas contenues dans une spécialité pharmaceutique ou une préparation. Outre les mentions prévues aux articles R. 5132-3 et R. 5132-4 ou, pour les médicaments vétérinaires, au I de l'article R. 5141-111, l'auteur d'une ordonnance, comportant une prescription de médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants, indique en toutes lettres le nombre d'unités thérapeutiques par prise, le nombre de prises et le dosage s'il s'agit de spécialités, les doses ou les concentrations de substances et le nombre d'unités ou le volume s'il s'agit de préparations. (Décret nº 2007-157 du 5 février 2007 art. 5 VIII Journal Officiel du 7 février 2007) Il est interdit de prescrire des médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants pour un traitement d'une durée supérieure à vingt-huit jours. Cette durée peut être réduite pour certains médicaments désignés, après avis du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, par arrêté du ministre chargé de la santé. La délivrance fractionnée d'un médicament classé comme stupéfiant ou soumis à la réglementation des stupéfiants peut être décidée, après avis du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, par arrêté du ministre chargé de la santé. L'arrêté mentionne la durée de traitement maximum correspondant à chaque fraction. Le prescripteur mentionne sur l'ordonnance la durée de traitement correspondant à chaque fraction. Toutefois, il peut, pour des raisons particulières tenant à la situation du patient, exclure le fractionnement en portant sur l'ordonnance la mention "délivrance en une seule fois". (Décret nº 2007-157 du 5 février 2007 art. 5 IX Journal Officiel du 7 février 2007) L'ordonnance comportant une prescription de médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants ne peut être exécutée dans sa totalité ou pour la totalité de la fraction de traitement que si elle est présentée au pharmacien dans les trois jours suivant sa date d'établissement ou suivant la fin de la fraction précédente ; si elle est présentée au-delà de ce délai, elle ne peut être exécutée que pour la durée de la prescription ou de la fraction de traitement restant à courir. Une nouvelle ordonnance ne peut être ni établie ni exécutée par les mêmes praticiens pendant la période déjà couverte par une précédente ordonnance prescrivant de tels médicaments, sauf si le prescripteur en décide autrement par une mention expresse portée sur l'ordonnance. (Décret nº 2007-157 du 5 février 2007 art. 5 XI Journal Officiel du 7 février 2007) Une copie de toute ordonnance comportant la prescription d'un ou plusieurs médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants, revêtue des mentions prévues à l'article R. 5132-13 est conservée pendant trois ans par le pharmacien ou le vétérinaire. Pour les spécialités pharmaceutiques, les quantités délivrées sont formulées en unités de prise. Ces copies sont présentées à toute réquisition des autorités de contrôle. Sans préjudice des transcriptions mentionnées à l'article R. 5132-10, le pharmacien enregistre le nom et l'adresse du porteur de l'ordonnance lorsque celui-ci n'est pas le malade.