Date: Samedi 10 septembre 2005 à 00:00:00 Sujet: Témoignage Magistratus et senatus: les magistrats et le Sénat Source: Vita latina numéro 53 (mars 1974) Le terme de magistratus désigne à la fois le magistrat et la magistrature. Comme magister, c'est un dérivé de magis ; il désigne un personnage ou une fonction de premier rang qui détient ou confère une autorité. Senatus vient de senex, adjectif et substantif, qui signifie "vieux et vieillard". C'est un conseil de notables choisis, à l'origine au moins, parmi des hommes âgés de 46 ans et plus, l'expérience de la vie apportant, en théorie du moins, la sagesse. Les magistrats, dotés du pouvoir exécutif, sont assistés par ce conseil: "Les consuls Cn. Fulvius Centimalus et P. Sulpicius Galba étant, aux ides de mars (15 mars) entrés en charge, convoquèrent le sénat au Capitole et le consultèrent sur la situation générale, la conduite de la guerre, la répartition des provinces et des armées."(Tite Live) Les magistratures, pour être légales, doivent être attribuées conformément à des règles, des lois et des rites religieux. A la mort des deux Scipions, en Espagne, un chef a été choisi par les soldats, mais il n'a pas été investi d'un pouvoir légal: "Près de l'Hèbre, il y avait les armées de ton père et de ton oncle, rendues, après la mort des deux généraux, plus intrépides par leur malheur même, et un chef irrégulier (dux tumultuarius) a été choisi temporairement par les soldats."(Tite Live) Elles sont annuelles, ce qui explique l'habitude de dater d'après les noms des consuls en charge. Dans l'exemple cité plus haut, l'année 211 av. J.-C.est celle de l'entrée en charge des consuls Cn. Fulvius Centimalus et P. Sulpicius Galba. Elles sont collégiales, c'est-à-dire qu'elles sont partagées entre plusieurs titulaires, deux au moins. Elles ne sont pas rétribuées. A l'origine, il y eut une seule magistrature, la royauté, un seul titulaire, le roi. Mais à partir de l'année 509 av. J. -C., pour, écarter tout pouvoir tyrannique, on eut deux consuls. Puis le consulat lui-même fut démembré, et, peu à peu, apparurent d'autres magistratures, qui font partie de la succession des charges - ou honneurs - dite cursus honorum, telle qu'on la trouve à l'âge d'or de la république. La préture fut créée en 366 av. J.-C.; le préteur est chargé d'aider les consuls, spécialement dans l'exercice de la juridiction civile; c'est une part de pouvoir enlevée au consulat. La censure, qui fut instituée en 443 av. J.-C., est également destinée à réduire l'importance du consulat. Le censeur est chargé de veiller sur la vie privée des citoyens et d'évaluer leur fortune, de les inscrire, en vue des élections dans telle ou telle classe sociale. Il dresse la liste des sénateurs. Il s'occupe également des contrats entre l'Etat et les fermiers des impôts d'une part, les entrepreneurs publics d'autre part. Les censeurs sont élus tous les cinq ans et restent en fonction dix-huit mois, tandis que toutes les autres magistratures sont annuelles, comme nous l'avons dit précédemment. Après Affichage dans une nouvelle Page 1 sur 4 le mercredi, 19 avril 2017 @ 03:26:23. leur abdication. les charges des censeurs sont partagées entre d'autres magistrats désignés par le sénat. Les deux questeurs existent depuis 447 av. J .-C.; ils furent créés pour aider les consuls à titre de secrétaires et de trésoriers. Les tribuns de la plèbe ne peuvent pas être considérés comme des magistrats. Ils sont nés de la crise de 494 av. J .-C. qui opposa la plèbe au patriciat. Leur rôle fut de protéger, au début, tout plébéien, plus tard tout citoyen romain. contre les abus de pouvoir des magistrats. Ils sont inviolables: quiconqne porte atteinte à leur pouvoir est passible de la peine de mort. Ce sont des tribuns qui, précisément à cause de leur caractère sacro-saint, sont chargés. en 204 av. J.-C., de se saisir de Scipion en Sicile et de le ramener à Rome: "Les tribuns de la plèbe partirent avec le préteur et les dix délégués du sénat... ; on leur donna un édile de la plèbe pour que, si Scipion, en Sicile, n'écoutait pas le préteur, ou s'il était déjà passé en Afrique, les tribuns pussent ordonner à l'édile de l'arrêter et de le ramener ainsi, grâce aux droits de leur puissance sacro-sainte." (Tite Live) Leur rôle s'accompagne d'un droit de veto, qui leur permet de paralyser l'action des autres magistrats; il arriva souvent, au moment où les luttes politiques troublèrent la vie publique, à Rome, qu'ils purent arrêter complètement le fonctionnement des institutions. Ils eurent comme auxiliaires deux édiles, dits plébéiens, qui, en 366 av. J. -C., furent doublés de deux édiles dits curules, créés pour s'opposer aux premiers et appartenant au patriciat. Les édiles furent chargés spécialement de la police de la cité et de l'organisation des jeux publics: "Cette année-là, pour la première fois depuis l'arrivée d'Hannibal en Italie, on couvrit_ nous dit-on, la place des comices, et les Jeux romains furent recommencés. pour un 5eul jour, par les édiles curules; aux Jeux plébéiens aussi deux journées furent recommencées par les édiles de la plèbe." (Tite Live) Telles sont les magistratures ordinaires. On peut y ajouter cette magistrature extraordinaire que fut la dictature: elle apparut pour la première fois en 498 av. J.-C., dit-on, et devait, en cas de situation critique, permettre de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme, le dictateur; il est assisté d'un "maître de cavalerie" (magister equitum); leurs fonctions durent six mois: "Dans la cité, troublée par l'attente de si graves événements, on parla pour la première fois de nommer un dictateur... Mais en quelle année? En quels consuls manqua-t-on de confiance? Qui fut, la première fois, nommé dictateur? On ne le sait pas sûrement... Ce premier dictateur nommé à Rome, quand on vit porter devant lui les haches, une grande crainte pénétra la plèbe, rendant chacun plus attentif à obéir à ses édits. Il n'y avait plus, en effet, comme avec les deux consuls, égaux en puissance, à demander secours au second, ni à en appeler au peuple, ni à chercher, ailleurs que dans le zèle à obéir, aucun secours." (Tite Live) Tous ces magistrats ont un pouvoir légal appelé potestas; certains seulement ont le pouvoir suprême ou imperium, à la fois militaire et civil, ce sont les consuls, les préteurs et le dictateur. Ils ont aussi un pouvoir religieux, celui de consulter les auspices (ius auspicii) ; mais ce droit est limité quand il s'agit des édiles curules et des questeurs; quant aux tribuns et aux édiles plébéiens, ils ne jouirent de ce privilège qu'à partir de 339 av. Affichage dans une nouvelle Page 2 sur 4 le mercredi, 19 avril 2017 @ 03:26:23. J.-C. Les magistrats se distinguent par leurs insignes. Les magistrats patriciens (consuls, préteurs, censeurs, édiles curules) sont revêtus ordinairement de la toge blanche bordée de pourpre (toga praetexta); dans les cérémonies importantes la toge est tout entière de pourpre. Ils ont droit à la chaise curule (sella curulis), tabouret sans dossier incrusté d'ivoire; les autres n'ont qu'un banc (subsellium). Les licteurs (lictores) portent devant chaque magistrat les faisceaux (fasces), sorte de botte faite de plusieurs baguettes liées par une courroie rouge. Ces baguettes symbolisent le droit qu'ils ont de punir et de se protéger. Dans certaines circonstances, on glisse au ieu faisceaux une hache, symbole de la peine capitale; dès l'année 509 av. J.-C., la hache fut supprimée à l'intérieur de la ville de Rome, sauf pour le dictateur, comme l'indique le texte sité plus haut. Le sénat (senatus), assemblée constitutive sans pouvoir effectif, fut une aide précieuse pour ceux qui gouvernaient l'Etat. Il constitue, avec l'assemblée du peuple, un organe permanent en face des magistratures qui changent chaque année de titulaire. Aussi, bien souvent, ces deux forces de la république sont-elles associées dans l'expression "le sénat et le peuple romain" (senatus populusque Romanus): "A Rome, le sénat et le peuple, après la reprise de Capoue, ne s'inquiétaient désormais pas moins de l'Espagne que de l'Italie." ( Tite Live) Les sénateurs, dès l'époque des rois, ont reçu le nom de "Pères" ( Patres ), terme de respect dont la valeur est surtout sociale et qui désignait les chefs des familles (gentes) primitives: "Les Pères romains (Romani Patres) donnent par décret à C. Néron six mille fantassins." (Tite Live) Le sénat a, dans les affaires de Rome, une part prépondérante tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, ainsi que le remarque Montesquieu: "Le peuple employait pour lui ses propres forces... Le sénat se défendait par sa justice, et l'amour qu'il inspirait pour la patrie; par ses bienfaits et une sage dispensation des trésors de la république; par le respect que le peuple avait pour la gloire des principales familles et les vertus des grands personnages." "Dans le cours de tant de prospérités, où l'on se néglige pour l'ordinaire, le sénat agissait toujours avec la même profondeur, et pendant que les armées consternaient tout, il tenait à terre ceux qu'il trouvait abattus." ( Montesquieu). Les membres du sénat furent choisis d'abord par les rois, puis par les consuls, enfin, à partir de 351 av. J.-C., par les censeurs. Ils étaient pris surtout parmi les anciens magistrats et sans doute nommés à vie; ils ne cessaient d'exercer leurs fonctions que s'ils en étaient jugés indignes par les censeurs. A l'origine, ils étaient tous patriciens; mais, à mesure que les magistratures s'ouvraient à la plèbe, on recruta des sénateurs plébéiens. Le sénat est présidé par le magistrat qui l'a convoqué. Le personnage nommé "prince du sénat" (princeps senatus) est probablement le plus élevé en grade, inscrit le premier sur la liste, puisque princeps, formé de primus et de capio, signifie "qui occupe la première place". Le sénat siège habituellement dans la curie ( curia Hostilia), sur le forum. Mais il peut tenir séance dans un temple, au Capitole, comme le prouve le texte de Tite-Live que nous avons cité, ou dans le temple de Jupiter Stator, comme ce fut le cas au moment de la conjuration de Catilina. Affichage dans une nouvelle Page 3 sur 4 le mercredi, 19 avril 2017 @ 03:26:23. Les sénateurs se distinguent par la tunique laticlave ( tunica laticlava) ornée de larges bandes de pourpre, qu'ils portent sous la toge, par des chaus sures spéciales (calceus patricius) et un anneau d'or. L'avis du sénat, en réponse à une question posée par un magistrat, constitue, s'il est rédigé, un acte officiel appelé "sénatus-consulte" (senatus consultum) : "Au sujet des Tarentins, il y eut au sénat une grande discussion en présence de Fabius... Un sénatus-consulte, conforme à l'avis de M'Acilius, décida que la place serait surveillée par une garnison, tous les Tarentins gardés entre leurs murailles, et que, sur l'affaire entière, on en référerait à nouveau au sénat, quand la situation de l'Italie serait plus tranquille." (Tite Live) Mais l'opposition d'un magistrat ( intercessio) peut y faire obstacle: "Alors que tous les coeurs penchaient pour la paix, le consul Cn. Lentulus s'opposa à ce que l'on fît un sénatus-consulte." ( Tite Live)... ... Nous avons des magistrats, nous avons un sénat; ces deux termes sont passés, sans grandes transformations phonétiques, du latin au français. "Magistrat" apparaît au XIVe siècle avec les deux sens du latin magistratus. Mais, au XVIIe siècle, un dérivé, "magistrature", met fin à cette double acception. "Sénat" et "sénateur" se trouvent déjà dans notre langue au XIIIe siècle, lorsqu'il s'agit des institutions romaines. Ce n'est qu'à partir du Consulat et de l'Empire qu'ils ont été appliqués aux institutions politiques des Etats modernes. De "sénat" on a tiré "sénatorial". Le composé "sénatusconsulte", utilisé pendant la Révolution et sous l'Empire, ne subsiste guère que pour désigner les décrets du sénat romain. Magistratus et senatus appartiennent à la 4e déclinaison, dont le type est généralement manus, dans les manuels. Il faut se garder de confondre ces mots avec les masculins de la seconde déclinaison (dominus). Nous proposons quelques phrases pouvant servir de point de départ à des commentaires linguistiques : Sunt Romae magistratus et senatus (sunt, ainsi placé en tête, signifie: "il y a" - Romae est un exemple de locatif). Senatores, Romae, Patres appellati sunt (appellati sunt permet une rapide connaissance du parfait passif). Patres in sella curuli sedebant ; senatus in curia Hostilia sedebat (sedeo: "être assis", ou bien: "tenir séance" - in : "sur" ou "dans", à l'ablatif, sans mouvement). Consul et praetor imperium, censores, aediles, quaestores, tribuni plebis potestatem habent. Suzanne BAILS Publication de Locutio: citations latines, expressions, locutions, aide au latin, traduction, theme, version: http://www.locutio.net/locutio/ URL de cette publication http://www.locutio.net/locutio//modules.php?name=News&file=article&sid=45 Affichage dans une nouvelle Page 4 sur 4 le mercredi, 19 avril 2017 @ 03:26:23.