Epidémiologie et maîtrise des Bactéries Multi-Résistantes à l’hôpital Introduction • Modification de l’épidémiologie des infections bactériennes depuis 30 ans – Explosion de la résistance • Chez les pathogènes « classiques » – S. aureus – S. pneumoniae – E. coli….. • Émergence de bactéries opportunistes – P. aeruginosa – A. baumannii – Enterococcus sp – XXI ème siècle: « l’ère pré-antibiotique est de retour » Food Animals Humans Humans Le monde de la résistance bactérienne R Pseudomonas aeruginosa R Acinetobacter baumannii SARM H R Salm. R E. coli R Camp. R E. coli R Strep. pneumoniae R Haem. influenzae R S. aureus R S. aureus Définition de la multi-résistance bactérienne • Pas de définition simple • Bactéries "labellisées" BMR – – – – – – Staphylocoques résistants à la méticilline (SARM) Entérobactéries productrices de BLSE (EBLSE) Entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) Pseudomonas aeruginosa multi-résistants Acinetobacter baumannii multi-résistants …….. P. aeruginosa multiR Fep Tzp Pip Ctx Amc Tic Tcc Mem Caz Ipm Gm Tm K Cs Cip Atm An A. Baumannii multiR SARM SARM SASM Epidémiologie générale des bactéries multi-résistantes Epidémiologie des principales BMR émergence dissémination Pression de colonisation = transmission croisée Pression de sélection par les antibiotiques Principales caractéristiques épidémiologiques des BMR (Régnier et coll, 1996) Réservoirs Patients Environnement Facteurs de diffusion de la résistance Épidémie de colonisation ++++ Antibiotiques SARM +++ ++ EBLSE +++ + ++ ++ Enterobactéries CASE +++ + + +++ P. aeruginosa multi-résistant + + + ++ ++ +++ ++ +++ ++ + +++ ++ +++ + Acinetobacter ERV + Epidémiologie des principales BMR • Monoclonale : Transmission croisée +++++ – SARM – ERV • Oligoclonale : Transmission croisée +++ – EBLSE • Mixte : Transmission croisée ++ – P. aeruginosa – A. baumannii TYPAGE BACTERIEN PROUVER LA CLONALITE entre des souches susceptibles d’être liées épidémiologiquement L ’idéal : séquençage, organisation de séquences et comparaison des séquences En pratique : comparaison de profils de bandes d’un échantillonnage du génome Savoir que le degré de similitude entre les souches est fonction: • de l ’espèce étudiée • du marqueur épidémiologique • du cadre spatio-temporel de l ’étude notion d’horloge moléculaire Résultats du génotypage 20 30 40 50 60 70 80 90 100 3624 Hémato 2005 3435 Hémato 2005 2852 Hémato 2003 3347 Hémato 2004 3657 Hémato 2005 3348 Hémato 2004 3535 Chir Dig 2005 3574 Néphro B 2005 3672 Réa Chir 2005 3681 Nephro B 2005 3733 Réa Med 2005 3641 Chir Poly 2005 3623 Réa Chir 2005 3498 Réa Chir 2005 3659 Hépato 2005 3620 Réa Chir 2005 3463 Hémato 2005 3575 Chir Poly 2005 A H C D 3558 B G 3080 E F Comparaison des performances des différents systèmes de typage Marqueurs Reproductibilité Pouvoir discriminant +++ ++ +/- Sérotype ++ ++ + Lysotype + + + Profil plasmidique + + +/- PFGE +++ + ++ +++ Ribotype +++ ++ + PCR + Restriction +++ +++ + PCR arbitraire +++ + ++ MLST/MLVA +++ +++ +++ Antibiotype Typabilité La transmission croisée, comment ça marche? Transmission croisée et antibiotiques • Le non-respect des pratiques d’hygiène est la base de la transmission croisée des BMR • Toutefois, les antibiotiques sont un facteur de risque majeur SARM : rôle des antibiotiques SARM et antibiotiques : échelon individuel • Deux études cas-témoins (Weber G et al., Emerg infect Dis, 2003): – 222 IN à SARM : délai moyen : 12.4 j., 68% sous FQ – 163 IN à SASM : délai moyen : 7.7 j., 23% sous FQ – 343 témoins sans Sa : même période et service, ajustement sur la période d’exposition DMS : 6.7 j., 21% sous FQ Facteurs de risque de SARM : ORa P - Lévofloxacine : 3.38 < 0.001 - Ciprofloxacine : 2.48 0.005 - Path. Pulm : 3.94 < 0.001 - Métronidazole : 1.92 0.02 - Réanimation : 5.33 < 0.001 - Adm. Urgence : 1.74 0.02 Facteurs de risque de SASM : ORa P - Lévofloxacine : 0.69 0.30 - Ciprofloxacine : 0.47 0.06 - Path. Pulm : 2.33 < 0.001 - Mal. rénale : 1.98 0.04 - Métronidazole : 1.29 0.46 - Réanimation : 4.60 < 0.001 - Adm. Urgence : 1.90 0.01 SARM : rôle des antibiotiques SARM et antibiotiques : analyse par séries chronologiques % MRSA, 1 mois Macrolides, 1-3 mois C3G, 4-7 mois FQ, 4-5 mois Monnet D, Emerg Infect Dis, 2004 ERV : rôle des antibiotiques Antibiotiques : survie des populations R ATB avec activité anti-anaérobie (dont vanco) Autres observations : - Sous traitement comportant un anti-anaérobie, 40/42 maintiennent une concentration élevée d’ERV (7.8 ± 1.5 log/g.) - A l’arrêt de ces antibiotiques (n= 19), la concentration décroît toujours, en 6 - 16 semaines - Contamination de l’environnement : ATB sans activité anti-anaérobie - > 4 log/g. : - < 4 log/g. : 83% 11% Donskey CJ, NEJM, 2000 SARM Lipsitch & Samore. Emerg Infect Dis 2002 MRSA La stratégie de prévention des infections BMR • " Précautions standards " • Stratégie spécifique : – Identification des patients porteurs de BMR • Détection • Notification • Signalisation – Précautions complémentaires – Mesures complémentaires • Dépistage • Traitement des réservoirs humains La transmission croisée par le personnel médical ou paramédical 1 – MANUPORTAGE +++ 2 - MATERIEL 3 - AIR Précautions contact pour les porteurs de BMR Recommandations • Chambre individuelle, regroupement VA (SARM, 1993) HICPAC (ERV, 1996) HIS/BSAC (SARM, 1998) CTIN (1999) • Gants - Mat. Contam. - Toujours • Tablier - Tout contact - Pt + Env. - Contact large - Tout contact - Pt + Env. - Patient • LdM - Après - Sd ou SAS - Pt + Env. - Après - SAS - Pt + Env. - Avant + après - Après - SAS - SAS ou SHA - Pt + Env. - Patient - Non - Aérosols • Masque - Aérosols/proj. - Mat. Contam. - Mat. Contam. - Contact large - Patient - Dissémin./proj. Contrôle des BMR, CHU Besançon Précautions standard Précautions “contact” - Recommandée ou regroupement Entre deux patients, deux activités, deux soins chez un même patient si l’un des soins est contaminant Désinfection par friction avant de sortir de la chambre Gants S’il y a un risque de contact avec des liquides biologiques Pour tout contact avec le patient ou son environnement proche Masque, lunettes S’il y a un risque de projections de liquides biologiques Précautions standards Surblouse S’il y a un risque de projections de liquides biologiques Pour tout contact avec le patient ou son environnement proche Immersion ou désinfection de contact après le soins Double nettoyage Procédures adéquates pour le nettoyage et la désinfection des sols et des surfaces - Double nettoyage Placement du patient en chambre individuelle Désinfection par friction Matériel médicochirurgical souillé Contrôle de l’environnement Transport du patient A limiter + notification La place du dépistage ? Les patients infectés représentent LE SOMMET DE L’ICEBERG. le ratio des patients colonisés vs infectés varie : De 2-3/1 (MRSA) à 10-15/1 (ERV) Efficacité du dépistage en réa Nombre % Patients admis 3686 Patients dépistés 1390 38 SARM + à l’admission 150 4,1 Dépistage + 104 2,8 Au total 70% des porteurs n’auraient pas été identifiés en l’absence de dépistage Girou, CID 1998 Efficacité du dépistage en moyen séjour Nombre % 516 99,4 + SARM à l’admission 60 11,6 Dépistage + (exclusivement) 54 10,5 Déjà connus SARM + 16 3,1 6 1,2 Patients admis et dépistés Prél Diag + (48 h) Au total 70% des porteurs n’auraient pas été identifiés en l’absence de dépistage Talon, ICHE 2002 Quelle stratégie de dépistage : systématique versus ciblée Nbre +/nbre de dépistés % de positifs 0 6/146 4 1 21/136 15 21/68 31 Score de risque de portage > Ou = 2 Facteurs : trt atb récent, transfert inter-hospitalier, hospitalisation dans les 2 ans Sax, Age and Ageing, 2005 Contrôle du SARM en réanimation Huit services de réanimation, 01/96-12/04 Attendu . . Observé Huang SS et al., Clin Infect Dis, 2006 Quelle stratégie de dépistage ? systématique versus ciblée • En réanimation : Systématique • En service de court-séjour hors réanimation: ciblée • En moyen et long séjour: ??? • Ne pas oublier de raisonner en ‘filière de soins’ Une place pour la chimiodécolonisation ? Efficacité de la chimiodécolonisation S. aureus • Étude randomisée, double aveugle, mupirocine vs placebo • 93 % groupe mupi • 15 % groupe placebo Mody, CID, 2003 Réduction des IN à SARM -Efficacité de la décolonisation : 86 % (P1) vs 46% (P2) Colonisations/infections par SARM Infections profondes Autres Importés Infections profondes Autres Cas exogènes Infections profondes Autres Cas endogènes Infections profondes Autres Période 1 Période 2 p 22 26 0,87 7 (5+2) 13 (6+7) 0,34 15 13 0,68 13 8 0,28 4 (3+1) 4 (2+2) 1 9 4 0,20 6 4 0,65 2 (2+0) 0 0,44 4 4 1 3 14 0,016 1 (0+1) 9 (4+5) 0,02 2 6 0,25 Muller, 2005, Crit care Absence de réduction des IN à SARM Etude mupirocine vs placebo, randomisée, double aveugle • Patients non infectés, non traités par antibiotiques : mupirocine 2/j. x 5j. + toilette antiseptique • Sites de colonisation – – – – nez aine peau urine • Éradication du SARM, tous sites • Éradication de SARM nasal • IN à MRSA Mup Pl (n= 48) (n= 50) 54% 38% 54% 19% 62% 38% 38% 22% 25% 44% 6% 18% 25% 14% P 0.40 0.06 0.32 Harbarth et coll., AAC, 1999 Décolonisation du portage de SARM • • • • • Réduction des IN liées à SARM ? Pas de réduction de la transmission croisée Absence d’autres sites de portage Indication: épidémie localisée Partie intégrante de la stratégie "Search and destroy" Précautions complémentaires (précautions contact) • • • • • • • Hygiène des mains Port de gants Tablier ou surblouse Masque Matériel et DM Nettoyage de l’environnement Excreta et déchets Hygiènes des mains et solutions hydro-alcooliques (SHA) • Pittet et al. Lancet , 2000 • HUG • Lorsque la consommation de SHA passe de 3,5 à 15,4 L/ 1000 JH La prévalence des IN passe de 16,9 à 9,9 % et le taux de transmission de SARM décroît de 2,16 à 0,93 / 10 000 JH Évolution 1993-2007 de l’incidence des SARM et du % de SARM chez S.aureus (court séjour, AP-HP) Campagne SHA 45,0 39,4 1,4 1,16 35,0 1,2 30,0 1 25,0 21,8 0,90 0,8 20,0 0,57 0,6 15,0 0,44 0,4 10,0 % de SARM incidence pour 100 admissions incidence pour 1000 JH CS 5,0 0,2 0 0,0 93 19 incidence pour 100 admis ou 1000 jours % de SARM parmi les S.aureus 40,0 1,6 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 19 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 - 50 % (en 15 ans...) 07 20 année V. Jarlier Consommation de SHA et incidence SARM acquis 1 service de réanimation, CHU Angers Eveillard, JHI 2009 Consommation de SHA et incidence SARM, CHU Besançon Incidence of acquired MRSA (per 1000 patient-days) Index of consumption for hand-rub disinfection (%) 0,6 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0,5 0,4 0,3 0,2 Effet seuil? 0,1 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Précautions contact, oui ou non? Si les précautions standard sont respectées, les précautions contact sont inutiles, mais... L’observance des mesures d’hygiène des mains ne dépasse pas 50-60% Aucune preuve scientifique de l’efficacité des précautions contact, mais… Est-il possible de prouver leur efficacité? Ce qui est sûr (ou presque) C’est que l’application d’une stratégie globale permet de réduire l’incidence des BMR Coût des précautions Diminution de la qualité des soins? Stratégies de contrôle des BMR • En réanimation – L’association dépistage-précautions contact est efficace – Observance de l’hygiène des mains – Précautions contact : tirent l’hygiène « vers le haut » – Attention à ne pas changer « une équipe qui gagne » – Importance des audits de pratiques Stratégies de contrôle des BMR • En court séjour hors réanimation – Plus difficile: probablement dépistage/ P contact + P standard, quel dosage? – P contact sans identifier tout ou partie du réservoir : quid du dépistage? – Stratégie globale = sensibilisation – Audits Stratégies de contrôle des BMR • En SSR-SLD – Difficultés d’appliquer les P. contact – Obstacles matériels et humains – Nécessité d’une « socialisation » des patients – Faible impact clinique des BMR – Précautions à vie? – P. standard >>> P. contact – Dépistage: indicateur de la qualité des soins Stratégies de contrôle des BMR • Conclusion – Il est « impossible » de recommander une stratégie unique de maîtrise des BMR pour tous les secteurs de soins et toutes les situations épidémiologiques – Démarche à la « carte » – Contradictoire avec des messages simples – Nécessite une évaluation préalable – Une réflexion locale – Une appropriation de la stratégie – L’évaluation de l’observance de l’hygiène des mains est l’élément essentiel. Et demain? • SARM : évolution française favorable Et demain? Pourcentage de l'espèce parmi l'ensemble des EBLSE • EBLSE : évolution française inquiétante 60 54,2 50 Enterobacter aerogenes Klebsiella pneumoniae Escherichia coli Enterobacter cloacae Autres 40 30 20 10 0 43,3 23,3 22,5 13,9 11,5 5,5 3,1 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Signalement ERV France 2004 et 2007 2004 N = 13 2007 N = 130 Comparaison consommation ATB en Europe Pneumocoque et Erythromycine 37% S. aureus et oxacilline 26% E. coli et amoxicilline 56% E. coli et fluoroquinolones 15% Il faut suivre des règles beaucoup plus précises de prescription d’antibiotique SINON …. Dessin de Konk, Le Monde, 20-21 avril 1975