PHI4337 Philosophie et psychanalyse Automne 2014 Professeur Marc Djaballah PLAN DE COURS Horaire : mardi 18h-21h Salle : A-2575 Professeur Marc Djaballah [email protected] 514.987.3000, poste 4910 Bureau : W-5240 Rencontres sur rendez-vous Description selon l'annuaire Le cours vise à fournir une analyse philosophique du discours psychanalytique et de la marque qu'elle a laissée sur la discipline philosophique et sa pratique. En se fondant sur la lecture et l'analyse de textes philosophiques et psychanalytiques pertinents, il entend permettre aux étudiants de mieux saisir la nature des rapports théoriques et pratiques complexes qui peuvent unir philosophie et psychanalyse. Le cours pourra proposer une lecture philosophique de la pensée psychanalytique freudienne, une étude de l'apport philosophique d'autres figures marquantes du mouvement psychanalytique (par exemple Binswanger ou Lacan), une analyse des divers usages philosophiques de la psychanalyse (par exemple chez Sartre, Henry, Ricœur, Deleuze et Guattari, ou Derrida), ou encore une présentation des critiques épistémologiques ou méthodologiques adressées à la psychanalyse (par exemple chez Wittgenstein, Popper ou Grünbaum). Présentation et contenu du cours Pour des raisons qui seront évoquées ci-dessous, la philosophie et la psychanalyse ne peuvent pas être mises en relation directement, comme deux points de vue théoriques. Considérons-les plutôt d'un point de vue pratique. En tant que discipline, la philosophie contemporaine est une pratique discursive, orientée par des objectifs épistémologiques : l'acquisition de connaissances, le maintien de critères de vérité. La philosophie est conçue dans ce contexte exclusivement comme discours, ensemble de concepts et positionnements théoriques élaborés par un langage technique et établi par un argumentaire conventionné par la logique formelle. La discipline consiste à s'approprier du savoir dont il recèle. L'acquisition de ce savoir ne fait pas intervenir des facteurs 2 externes à ce discours, elle n'exige pas une transformation de soi. La méthode philosophique s'exerce de l'extérieur de son champ d'étude, comme une procédure établie selon un ensemble de critères prédéterminés. Sa dimension pratique d'entre pas en jeu, réprimée en quelque sorte. Tel n'a pas toujours été le cas. Les écoles philosophiques de la Grèce antique pratiquaient la philosophie non pas, en premier lieu, comme discours, mais comme ascèse, comme ensemble d'exercices spirituels orientés autour d'un mode de vie. Les objectifs principaux de la philosophie n'étaient pas discursifs, mais pratiques, éthiques : il y était question d'effectuer une transformation dans les relations à soi-même et aux autres, afin de vivre différemment, de vivre mieux. Le discours dans ce contexte jouait un rôle, certes, à des degrés variés selon l'école en question, mais ce rôle était déterminé par les objectifs pratiques caractéristiques du mode de vie philosophique, donc en fonction de considérations ontologiques plutôt qu'épistémologiques. L'accès au savoir philosophique exigeait une transformation de soi-même. Cette modalité de pratique philosophique disparait presque entièrement subséquemment, éclipsée par la pratique - dont l'étrangeté devrait être frappante - d'élaborer un discours, une théorie, un argument, etc., qui néglige sa propre dimension pratique. La psychanalyse, de son côté, est dès ses débuts une pratique mixte, autant exercice thérapeutique que déploiement d'un discours, d'un appareil conceptuel. On ne tient pas compte de toute l'ampleur de cette pratique en la considérant comme une théorie en abstraction de son contexte pratique. L'appareil conceptuel déployé par Freud et ses disciples est élaboré en fonction de son utilité thérapeutique, comme échafaudage d'une pratique clinique entreprise volontairement par le thérapeute et le patient, qui vise une transformation du soi de ce dernier. La méthode psychanalytique ne s'exerce pas de l'extérieur, elle s'élabore en relation circulaire avec le contexte thérapeutique dans lequel elle s'exerce : les concepts et les modèles théoriques de la psychanalyse sont mis au point en fonction des besoins sur lesquels s'estompent la thérapie, et la thérapie est subséquemment structurée par cet apparat discursif. Dans cette relation circulaire, Freud privilégie le côté pratique ; il apporte constamment des transformations - parfois majeures - à son appareil conceptuel en réponse à de nouveaux obstacles thérapeutiques. Les objectifs principaux de la psychanalyse sont donc franchement pratiques, et non discursives. En ceci, la relation entre la philosophie et la psychanalyse est manifestement en déphasage. Il faut en tenir compte, et se 3 garder de déraciner les propos théoriques de la psychanalyse de leur contexte thérapeutique, qui est leur source. Cette relation multidimensionnelle ne sera pas traitée en tous ses aspects dans le cours. La position de Freud lui-même envers la philosophie n'est déjà pas facile à cerner. Lors de ses études de médecine, il suivit les cours de philosophie de Brentano (à partir de 1874), et il s'intéressa à la philosophie dans les années suivantes au point d'envisager d’y préparer un doctorat. Cet engouement du jeune Freud pour la philosophie, en tension directe avec ses inclinations empiriques, étroitement scientifiques à l'époque, ne dura pas longtemps. En 1914, on constate une volte-face : Freud nie avoir ou avoir eu le goût de l'étude de la philosophie, et pendant des années les références de Freud à la philosophie sont systématiquement péjoratives. Il caractérise typiquement la position « des philosophes » de façon très générale, les écartant en raison de leur niveau d'abstraction, leur idéalisme et leur volonté de systématisation. Dans certains contextes, il déploie des éléments d'une psychanalyse de la pratique philosophique elle-même, dévoilant des motivations psychiques latentes (et névrotiques) qui la meuvent. Plus tard dans sa vie, il change à nouveau d'attitude, adoptant une disposition plus favorable à la philosophie, à la spéculation, attribuant notablement une importance considérable à Schopenhauer, Kant, et Platon. Sans minimiser pour autant la pertinence de cerner les positionnements explicites de Freud face à la philosophie, cet aspect de la question ne sera pas foncièrement examiné dans le cours. Au niveau du rapport de Freud à l'histoire de la philosophie, nous nous attarderons plutôt aux problèmes philosophiques suscités directement ou indirectement par l'étude de la psychanalyse, afin d'examiner sa contribution à la tradition philosophique. Parmi ces problèmes, on pourra considérer le dualisme, la question de la liberté et de la responsabilité, la conscience et l'inconscient (la transparence à soi), le systématique théorique, le rêve, le langage (l'expression, les symboles, l'interprétation), le désir et la sexualité, la pratique théorique, le corps (l'incorporation de la connaissance), la fonction de la religion et des croyances. Nous discuterons les rapports entre Freud et une variété de figures dans l’histoire de la philosophie, tel que Platon, Nietzsche, Kant, Hegel, Schopenhauer, etc.. De façon générale, dans la perspective adoptée dans le cours, la psychanalyse s'insère historiquement parmi les façons de concevoir le soi, les conceptions du sujet. Elle est 4 représentative de la conception du sujet la plus caractéristique de son époque, et toujours de la nôtre. Il s'agit du sujet conçu comme animal qui s'interprète soi-même, pour reprendre la formule de Charles Taylor. L'étude philosophique de la psychanalyse doit tenir compte de cette dimension historique : le soi freudien est un soi déterminé historico-culturellement, la théorisation d'une modalité d'existence de naissance récente, et qui périra sans doute un jour, peut-être pas si lointain. L'analyse historique de Michel Foucault montre de façon convaincante comment la subjectivité se constituait de façon fondamentalement différente chez les Grecs. On constate en effet que leurs pratiques éthiques, leurs pratiques de transformation de soi en vue de vivre mieux, ne supposent pas - comme c'est le cas chez Freud - que le soi est quelque chose à découvrir, à dévoiler, à rendre manifeste, à déchiffrer comme un texte de prime abord incompréhensible. Il n'est pas question d'illuminer les parties les plus profondes, les plus enfouies, les parties obscures et ténébreuses de nous-mêmes, mais plutôt de se constituer soi-même en s'avérant de la force de la vérité, où la vérité n'est pas conçue comme correspondance avec la réalité, mais plutôt comme puissance des capacités mnémoniques qui effectuent le discours. Le but était de faire en sorte que le soi puisse être un lieu apte à accueillir la vérité. L'examen de soi, l'observation de soi, l'interprétation de soi ne figurent pas dans ce contexte. Il était question plutôt d'une constitution de soi par la superposition de la volonté et la vérité. Foucault identifie une transformation décisive de la conception du soi dans le contexte du christianisme, plus particulièrement dans le sacrement de la pénitence et la confession des péchés, et même avant dans les rites pénitentiels et la vie monastique. C'est dans le contexte de ces pratiques religieuses qu'émerge une conception du soi comme matière à interprétation, comme champs objectif à interpréter. Elle s'organise autour de l'obligation de rendre la vérité à propos de soi-même manifeste, d'exprimer, de verbaliser la vérité de son être en tant que pécheur. Il s'agit de ce que Foucault appelle une herméneutique de soi. Or, alors que dans le contexte du christianisme, cette herméneutique de soi exigeait un sacrifice de soi, on constate que le problème majeur dans les tentatives séculaires de concevoir le soi est de fonder l'herméneutique de soi sur un soi positif, plutôt qu'un sacrifice de soi. Ce tournant anthropologique est caractéristique du sujet moderne, et on y trouve une version décisive chez Freud. L'optique du cours consiste donc non pas à faire la psychanalyse de la philosophie, mais de considérer la psychanalyse dans un contexte généalogique. 5 Le cours sera divisé en trois parties : une lecture de textes de Freud dans le contexte de l'histoire de la philosophie ; une étude de discours philosophiques qui ont intégré des éléments de la psychanalyse ; et, pour conclure, l'examen de deux films qui mettent Freud et la psychanalyse en scène, considérés comme représentations historico-culturelles de cette pratique. Les objectifs du cours sont donc de se familiariser avec la théorie psychanalytique de Freud en fonction de son interpénétration avec son déploiement thérapeutique, de la situer dans l'histoire de la philosophie, de parcourir un choix d'appropriations philosophiques de sa théorie, et d'entamer une réflexion sur la représentation et la pertinence de la psychanalyse dans la culture contemporaine. Plan 1. 2 septembre - Présentation du cours 2. 9 septembre - Freud dans l'histoire de la philosophie I : Cinq leçons de psychanalyse 3. 16 septembre - Freud dans l'histoire de la philosophie II : Psychopathologie du quotidien 4. 23 septembre - Freud dans l'histoire de la philosophie III: Métapsychologie 5. 30 septembre - Freud dans l'histoire de la philosophie IV: Au delà du principe de plaisir 6. 7 octobre - Freud dans l'histoire de la philosophie V: Le moi et le ça 7. 14 octobre - Freud dans l'histoire de la philosophie VI : Malaise dans la civilisation 8. 21 octobre - semaine de lecture 9. 28 octobre – Binzwanger 10. 4 novembre - Jung 11. 11 novembre – Lacan/Zizek 12. 18 novembre – Ricœur 13. 25 novembre - Deleuze 14. 2 décembre - Huston, Freud: The Secret Passion 15. 9 décembre - Cronenberg, A Dangerous Method Eléments d'évaluation 2 explications de textes : 30%x2 (à remettre par courriel le 17 octobre et le 30 novembre) Examen final maison: 40% (distribué le 9 décembre, à remettre le 14 décembre) Règlement no 18 sur les infractions de nature académique Tout acte de plagiat, fraude, copiage, tricherie ou falsification de document commis par une étudiante, un étudiant, de même que toute participation à ces actes ou tentative de les commettre, à l’occasion d’un examen ou d’un travail faisant l’objet d’une évaluation ou dans toute autre circonstance, constituent une infraction au sens de ce règlement. La liste non limitative des infractions est définie comme suit : la substitution de personnes ; l’utilisation totale ou partielle du texte d’autrui en le faisant passer pour sien ou sans indication de référence ; la transmission d’un 6 travail pour fins d’évaluation alors qu’il constitue essentiellement un travail qui a déjà été transmis pour fins d’évaluation académique à l’Université ou dans une autre institution d’enseignement, sauf avec l’accord préalable de l’enseignante, l’enseignant ; l’obtention par vol, manœuvre ou corruption de questions ou de réponses d’examen ou de tout autre document ou matériel non autorisés, ou encore d’une évaluation non méritée ; la possession ou l’utilisation, avant ou pendant un examen, de tout document non autorisé ; l’utilisation pendant un examen de la copie d’examen d’une autre personne ; l’obtention de toute aide non autorisée, qu’elle soit collective ou individuelle ; la falsification d’un document, notamment d’un document transmis par l’Université ou d’un document de l’Université transmis ou non à une tierce personne, quelles que soient les circonstances ; la falsification de données de recherche dans un travail, notamment une thèse, un mémoire, un mémoire-création, un rapport de stage ou un rapport de recherche. Les sanctions reliées à ces infractions sont précisées à l’article 3 du Règlement no 18. Pour plus d’information : www.integrite.uqam.ca sur les infractions académiques et comment les prévenir