SOCIÉTÉ BELGE DE PHILOSOPHIE PEGGY AVEZ (UNIVERSITÉ DE NAMUR) APPROCHE HISTORICO-PRATIQUE DE LA LIBERTE Que la théorisation philosophique de la liberté relève de la pratique sociale et de ses intérêts immédiats, que l’histoire de l’idée de liberté nous renseigne moins sur les antinomies de la raison que sur le devenir indissociablement théorique et pratique du désir d’émancipation et qu’enfin, l’écart entre l’expérience subjective de la liberté et sa rationalisation philosophique témoigne d’une constitution réciproque plus que d’une rupture : telles sont les coordonnées d’une approche dont nous expliciterons la portée heuristique sous deux angles. Sous le premier, d’ordre généalogique et herméneutique, les concepts paradigmatiques de liberté sédimentés dans notre culture contemporaine apparaissent – une fois replacés dans leur contexte philosophique d’émergence – comme les projections en positif d’expériences de non-liberté. Dans cette perspective, l’histoire de la philosophie ne retrace pas le devenir linéaire de formulations conceptuelles successives. Bien plutôt conserve-t-elle, déposée en ses textes, la formulation d’une souffrance, d’une aliénation historiquement et culturellement surdéterminée. C’est par la mise en évidence de ce lien entre la redescription d’une expérience première et douloureuse et l’émergence progressive d’une nouvelle conception de la liberté, que se laisse entrevoir la logique pour ainsi dire affective de ce concept. Sous le second angle, d’ordre critique, la dimension pratique de l’idée de liberté se manifeste cette fois dans les déploiements rhétoriques qui la placent au cœur de l’imaginaire social et lui confèrent une fonction motrice et répressive. À la faveur d’un mouvement hyperbolique récurrent, l’idée de liberté promue endosse un caractère fantasmatique, cristallisant les aspirations à l’émancipation et les rendant propres à se muer en désirs d’adaptation et d’obéissance. Par là, l’histoire de la philosophie nous en apprend aussi sur la manière dont les hommes s’aliènent et constitue une ressource cruciale pour l’exercice de la raison critique. En somme, l’investigation généalogique de l’idée de liberté met au jour aussi bien ses ancrages psycho-affectifs que ses altérations pratiques, au cours desquelles « l’idée devient sociale, donnée, enveloppante (on est dans l’idée), étrangère à elle-même, chose magique et extériorité »1. Université Saint-Louis Bruxelles Salle P61 (6ème étage) Bd du Jardin Botanique, 43 1000 Liège 22/10/2014, de 19h à 21h 1 Président : Marc-Antoine GAVRAY Vice-Président : Raphaël GÉLY Secrétaire : Sébastien RICHARD contact : [email protected] J.-P. Sartre, Cahiers pour une morale, Paris, Gallimard, NRF, 1983, p. 429.