Séminaire Langage oral et écrit

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Inspection Académique de l’Oise – IEN Maternelle
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Séminaire
Langage oral et écrit
De l’utilisation du langage dans les coins jeux
Caractéristiques et enjeux du parler professionnel
« En apprenant le langage, vous n’apprenez pas seulement ce que sont le nom des choses, mais ce qu’est
un nom ; pas seulement ce qu’est la forme d’expression convenant à l’expression d’un désir, mais ce qu’est
qu’exprimer un désir ; pas seulement le mot père, mais ce que c’est qu’un père ; pas seulement le mot amour
mais ce que c’est que l’amour.
En apprenant le langage, on n’apprend pas seulement la prononciation des sons et leur ordre grammatical,
mais aussi les formes de vie qui font de ces sons les mots qu’ils sont, en état de faire ce qu’ils font. ».¹
A travers la mise en place de coins jeux avec les élèves, je souhaite que le langage prenne une dimension
particulièrement importante. Je veux amener l’élève à nommer ce qu’il voit, ce qu’il veut, ce qu’il pense et à
exercer dans son jeu le langage qu’il est en train d’acquérir.
La démarche entreprise auprès des élèves montre bien que le langage sert à nommer le monde mais aussi à
agir dans le monde et sur le monde.
Dans une classe de tout-petits / petits.
Je décide à la rentrée de n’installer dans la classe aucun coin jeu. Le projet est alors de les penser avec les
élèves tout au long de l’année. Philippe Legrand, professeur de français à l’iufm, adhère à ce projet et
m’aidera dans sa réalisation.
Les différentes étapes du projet
1 - La première période de l’année est consacrée à l’observation que font les élèves de l’espace classe. Un
espace qui devient un espace réel, à interroger et qui va "titiller "notre curiosité.
A quoi peut-on jouer ? A des jeux existants : puzzles, pâte à modeler, bac à graines…, à des jeux encore
inexistants : il s’agit déjà d’utiliser le langage pour nommer, désigner ce qui existe déjà mais aussi pour
évoquer l'absent. J’aide un peu les élèves en apportant un matin dans un sac des objets pouvant appartenir à
différents coins jeux. Des premières catégorisations s’opèrent : la casserole est placée avec la fourchette et la
cuillère. Ces différents groupes d’objets sont placés physiquement dans la classe, symbole de leur futur
emplacement.
2 - Le deuxième temps est consacré à la mise en place du coin jeu. Son emplacement est déterminé grâce
aux objets apportés. Nous partons des situations réelles de classe: les ateliers "cuisine." Ceux-ci nous
permettent de visiter la cuisine de l’école, de réaliser un inventaire et d’établir une liste du mobilier rencontré.
Un matin, ce même mobilier miniature se trouve dans la salle de repos. Les élèves l'installent alors, essayant
différentes configurations et se mettant d’accord sur la meilleure organisation dans l'espace de la classe.
3 - Il s’agit maintenant d'enrichir ce coin de différents ustensiles servant à la cuisine. Une liste est dressée et
un matin, un atelier « marchande » est organisé. Chaque enfant doit acheter un ustensile de la liste
précédemment établie. Nous nommons, nous désignons, nous rangeons.
¹Stanley Cavell est écrivain et philosophe américain. Son maître est Wittgenstein. Cette citation est tirée de l’ouvrage, Wittgenstein,
métaphysique et jeux de langage, chez PUF, coordonné par Sandra Laugier.
Vincent Boudard, PEMF
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Séminaire
Langage oral et écrit
- Enfin, le quatrième temps est consacré à l’investissement de ce coin par les élèves. Différents scénarii sont
proposés par l’enseignant. L’un d’entre aux consiste à proposer aux enfants de réaliser un gâteau pour fêter
l’anniversaire d’un copain. Notre observation se porte plus particulièrement sur deux élèves.
L’un, prénommé K, est centré dans un premier temps vers des actions individuelles. Puis, petit à petit, il se
tourne vers des actions plus collectives, certaines sous l’impulsion de sa camarade, prénommée M, d’autres
sous l’impulsion du langage des camarades et celui de l’adulte. Son activité n'est accompagnée d'aucun
langage verbal.
Cela montre bien que le jeu symbolique peut laisser une place importante à la communication non-verbale
pour des enfants qui maitrisent encore peu le langage articulé.
L’autre, prénommée M, est tournée vers l’adulte, accompagnant ses actions par le langage. Dans la situation,
le langage se nourrit de la force symbolique du coin jeu. Son action, apparemment irrationnelle (mélanger
fruits et fromage), est aussi un repas de langue. Ce qu’elle a mis au four, c’est le langage. Elle est déjà arrivée
à cette étape fondamentale qui permet de dire: "Je peux le faire puisque je peux le dire. Je peux le dire donc
je peux me servir du langage pour interroger l’action."
Le langage a alors force de loi sur l’action.
Faire l’action, c’est énoncer l’action ; inversement dire les mots, c’est clarifier l’action. C’est avec ce
que j’énonce que je dis l’action; c’est le langage qui permet de comprendre l’action.
C’est la définition du langage ordinaire énoncée par Sandra Laugier1 qui a travaillé à partir des écrits
philosophiques de Wittgenstein2. Le langage ordinaire, c’est clarifier ses pensées. Il est celui que l’on parle
tous les jours; c’est celui qui permet de comprendre l’ordinaire. Avec les mots ordinaires que je possède, je
peux penser.
Apprendre aux enfants à parler, à communiquer, cela passe par la qualité du langage ordinaire et quotidien.
1
Sandra Laugier est une philosophe française qui travaille sur les questions de philosophie du langage.
2Wittgenstein (1889-1951) fut un philosophe autrichien puis britannique. Il apporta des contributions décisives en philosophie du
langage.
Vincent Boudard, PEMF
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