DOSSIER SPÉCIAL Sham Repères n°10 - MARS-AVRIL 15 Sham Repères n°07 - OCT/NOV. 13 PÉDIATRIE-NÉONATOLOGIE LA COMMUNICATION AU CŒUR D’UNE MEILLEURE GESTION DES RISQUES L 6> e management des risques en matière de pédiatrie-néonatologie présente de multiples spécificités. Comment apporter une qualité de soins optimale à des patients aux profils divers et souvent vulnérables ? L’une des réponses consiste à mieux accompagner les professionnels pour améliorer la qualité de leur offre de soin. retard. Viennent ensuite les infections nosocomiales et les erreurs dans la prise en charge médicamenteuse (voir encadré) » commente Emmanuelle Riffard. Une sinistralité que l’on peut opportunément mettre en lien avec le profil des patients concernés. En matière de pédiatrie ou de néonatologie, un sinistre peut occasionner des conséquences graves, pouvant impacter le parcours de vie de l’enfant et induire une prise en charge, partielle ou totale, par la famille et la société. Mais au-delà de la sinistralité, cette spécialité est avant tout difficile à appréhender dans la mesure où la pratique médicale va au-delà de l’acte ou de l’intervention sur un patient. La prise en charge d’un enfant ou d’un mineur doit en effet tenir compte de nombreux éléments pouvant rendre l’exercice plus complexe. Pour mieux comprendre et accompagner les professionnels de cette spécialité, Sham s’est engagée dans un travail d’enquête minutieux visant à évaluer la sinistralité de ses sociétaires et à la qualifier. Les conclusions sont claires : « Il s’avère que, si la sinistralité est plutôt réduite en pédiatrie-néonatologie, elle peut s’accompagner d’indemnisations lourdes. Les réclamations sont aussi plus facilement envisagées, en raison de la sensibilité du sujet » éclaire Emmanuelle Riffard, consultante en management des risques au sein du Pôle Services de Sham. L’exploration menée par Sham a également permis de qualifier cette sinistralité. « La première cause de réclamation est en lien avec les soins et le diagnostic : absence, erreur ou Les spécificités propres à l’enfant tiennent surtout à la diversité de la population, qui va du nouveau-né à l’adolescent, « la grande vulnérabilité du jeune enfant, et plus particulièrement celle du nouveau-né et du nourrisson, est bien connue. Il paraît donc logique que le risque de dommage soit plus fréquent chez l’enfant que chez l’adulte » explique le Professeur Jean Camboulives, ancien chef de service réanimation pédiatrique à l’hôpital d’enfants de Marseille, qui ajoute : « on remarque chez l’enfant aussi une intensité et une fréquence pathologique plus importante ainsi qu’une très forte réactivité, son état pouvant évoluer extrêmement vite, dans un sens ou dans l’autre ». Enfin, chez un enfant en bas âge qui ne parle pas, il faut savoir écouter les parents. « Les parents ont un rôle essentiel dans sa prise en charge médicale ». Véritable particularité, la triade enfants/parents/soignants est au centre de la gestion des risques en matière de pédiatrie-néonatologie. Cette triade est d’ailleurs encadrée juridiquement. « On parle de l’incapacité juridique du mineur qui, pour autant, est un sujet de droit et de soin » commente Marianne Hudry, responsable du pôle droit de la santé à la direction juridique de Sham. Vis-à-vis de leur enfant mineur, les parents sont dépositaires de l’autorité parentale ayant pour Une population diverse, vulnérable et très réactive objet de protéger l’enfant dans sa personne et ses biens. Ce qui implique que l’information et la recherche du consentement éclairé, qui régit obligatoirement la relation patient-soignant, soient réalisées auprès des parents exclusivement (sauf cas d’urgence notamment) ou auprès des parents et de l’enfant quand sa maturité est suffisante. Instaurer une relation de confiance avec les parents Dans l’échelle des risques en matière de pédiatrie-néonatologie figure la difficulté à poser un diagnostic, surtout en situation d’urgence où l’histoire clinique est souvent méconnue. « Réaliser un diagnostic sur un enfant en bas âge est éminemment difficile ! Au-delà de tous les examens, je dis souvent qu’il faut d’abord et avant tout regarder attentivement l’enfant pendant l’auscultation, à défaut de l’écouter s’il ne parle pas. Ensuite il faut écouter les parents », note le Pr Camboulives. « D’abord parce qu’ils peuvent apporter de nombreuses informations utiles. Ensuite, parce que les inclure dans l’équipe de soin instaure une relation de confiance ». Une écoute active donc, mais aussi une communication avisée de la part des soignants. « Il ne faut jamais poser de diagnostic au pied de la couveuse, si l’on n’est pas certain. Ensuite, il faut l’expliquer dans des conditions de confidentialité et demander aux parents de le reformuler pour s’assurer de sa bonne compréhension. C’est un facteur clé, alors que l’on sait qu’en général seulement 60 % d’entre eux ont réellement compris la réponse qui leur a été apportée ». SOINS ET DIAGNOSTIC : PRINCIPALES CAUSES DE RÉCLAMATIONS ENREGISTRÉES EN PÉDIATRIE ET NÉONATOLOGIE Soins 41,8 % Diagnostic 37,2 % Autres 4,7 % Prescription 7% Infection 9,3 % Source : Panorama du risque Sham, Édition 2014. <7 Sham Repères n°07 - OCT/NOV. 13 Une information claire, honnête et cohérente RÉCLAMATIONS LIÉES À DES ACCIDENTS DE CAUSES MÉDICALES* Répartition en nombre Cancérologie ou oncologie 15,9 % Autres 20,6 % Rhumatologie 3,2 % Hépato-gastro-entérologie 14,9 % Cardiologie et angiologie 14,6 % Pédiatrie et néonatologie 7,2 % Médecine interne 3,8 % Neurologie 6% Psychiatrie 4,9 % Rééducation fonctionnelle 4,2 % Pneumologie 4,7 % Répartition en coût Neurologie 16,3 % Pédiatrie et néonatologie 17,3 % Autres 18,6 % Rhumatologie 2% Médecine interne 3% Rééducation fonctionnelle 3,6 % Cardiologie et angiologie 13 % Cancérologie ou oncologie 10,7 % Hépato-gastro-entérologie 7,2 % Psychiatrie 4,4 % Pneumologie 3,9 % Alors que le nombre de réclamations au sein de la spécialité pédiatrie-néonatologie ne représente que 7,2 % des réclamations au sein des services de médecine, les coûts provisionnés en regard à ces réclamations représentent 17,3 % du total, soit la part la plus importante en médecine. *Réclamations enregistrées en service de médecine, n’inclus pas la chirurgie pédiatrique Aujourd’hui, les praticiens ont bien compris le rôle clé des parents dans l’exercice de leur métier. « L’instauration d’une relation de confiance est indispensable. Elle se joue souvent lors de l’accueil ou dans l’annonce d’un diagnostic mais également tout au long du parcours de soin » commente Emmanuelle Riffard, « les parents ont besoin d’avoir une information honnête : ils sont capables aussi d’entendre "on ne sait pas pour le moment" et d’attendre ». Partant de l’idée aussi qu’il n’y a rien de pire, pour un parent, qu’un manque de cohérence dans les informations apportées par les différents intervenants. « J’ai changé ma pratique au cours du temps » explique le Pr Camboulives. Objectif : impliquer les parents dans le parcours de soin. « Dans la mesure du possible évidemment. Leur présence au cours de la réalisation de certains gestes peut aider l’enfant à accumuler moins de stress. Audelà, les parents jugent par eux-mêmes de l’attention que l’on porte à leur enfant ». Dans cette spécialité aussi, les soignants se doivent d’être de bons communicants, même si cela ne suffit pas toujours car en cas de sinistre, certains parents portent réclamation auprès de l’établissement, même s’ils n’ont aucun reproche à adresser à l’équipe soignante. Un paradoxe bien connu du Pr Camboulives : « C’est une manière de faire le deuil. Dans ce cas, les réclamations restent la plupart du temps sans suite indemnitaire, parce que justement l’objectif est ailleurs. » Entre soignants, partager toutes les informations L’intégration des parents dans le parcours de soin n’est pas le seul levier pour optimiser la gestion des risques. « Le partage des compétences et des connaissances, l’écoute, la communication et la formation sont essentiels à une prise en charge pluri-professionnelle et pluridisciplinaire concertée. Pour répondre à ces enjeux, la clé consiste souvent à se doter d’outils pour optimiser l’identification des risques et mieux les gérer » explique Emmanuelle Riffard. Les outils techniques par exemple, comme les nouvelles technologies qui permettent d’affiner un diagnostic ou de suivre la réalisation d’un geste ; protocoles sur l’utilisation et l’administration des médicaments (voir encadré), formations par simulation sur certains gestes risqués… Si ces outils sont indispensables, ils ne trouvent leur pleine efficacité que si le personnel soignant les partage et se responsabilise dans leur utilisation, autant individuellement que collectivement. Sham Repères n°10 - MARS-AVRIL 15 En pédiatrie-néonatologie, comme dans d’autres spécialités, le partage de l’information joue un rôle déterminant dans le management des risques. Pour l’améliorer, les établissements multiplient les bonnes pratiques : les praticiens évoquent souvent la nécessité du travail systématique en équipe, la traçabilité complète du parcours de soin, l’attention apportée à la transmission entre les équipes… Autant d’éléments concrets qui dénotent finalement un vrai changement de mentalité : « la capacité pour un soignant de partager toutes les informations, y compris les événements indésirables auxquels il a été confronté. Il n’y a pas si longtemps encore, ces éléments n’étaient pas connus. Or, ils sont essentiels pour faire progresser la pratique » met en perspective le Pr Camboulive qui cite par exemple « les réunions de mortalité/morbidité ou la déclaration des "near-miss" (presque accidents). Il a fallu libérer la parole au début, mais leur apport est aujourd’hui indiscutable dans l’amélioration des pratiques ». Décloisonner, partager pour progresser ensemble Dans cette dynamique, le CHU de Poitiers réfléchit à la création de Comités de retour d’expériences, pilotés par l’unité de gestion des risques de l’hôpital. L’ambition est d’encourager, à l’échelle locale, l’en- HARMONISER DAVANTAGE LES PRATIQUES MÉDICAMENTEUSES En néonatologie et en pédiatrie, la prise en charge médicamenteuse occupe une place importante dans l’échelle des risques : « elle s’effectue souvent hors AMM* et amène à pratiquer des dilutions importantes pour être la plus adaptée au poids de l’enfant, ce qui accroît les manipulations donc, potentiellement, les risques » explique Karine Beuzit, pharmacienne au service pédiatrie du CHU de Poitiers. Pour encadrer ce risque, la Société Française de Néonatologie et le CHU de La Réunion ont mis au point un logiciel d’aide à la prescription, Logipren-SFN, qui au travers de protocoles spécifiques au nouveau-né, facilite la prescription médicamenteuse et nutritionnelle. Objectif : sécuriser les prescriptions et les préparations effectuées en néonatologie et harmoniser toutes les pratiques sur le territoire. Utilisé ou en cours d’installation dans plusieurs CHU, Logipren-SFN est vécu comme une opportunité réelle d’encadrer les risques mais ne concerne que les nourrissons jusqu’à un an. Il bénéficie d’un financement européen. D’autres initiatives se développent, comme la pharmacie hors les murs mise en place en 2011 au CHU de Poitiers. Le principe est simple : créer des équipes pharmaceutiques mobiles au plus près des soignants et des malades, en parallèle de la construction d’une nouvelle pharmacie excentrée des services de soins et automatisée. Une « petite révolution » qui a transformé en profondeur le rôle du pharmacien et du préparateur, désormais intégrés dans le quotidien de l’équipe médicale. « Nous faisons beaucoup plus de conseil et d’accompagnement en amont : nous validons les prescriptions, alertons sur les protocoles, prenons part aux suivis thérapeutiques. Nous apportons plus de contrôle et plus de valeur ajoutée aussi sur les dilutions, la posologie, les modes d’administration… » note Karine Beuzit « au bénéfice de la sécurité du patient bien sûr, pour lui apporter le bon traitement, au bon moment ». *Autorisation de Mise sur le Marché 8> semble des personnels de l’hôpital à signaler tous les défauts d’organisation ou de communication du quotidien. À plus grande échelle, régionale précisément, le CHU de Poitiers souhaite également impulser un regroupement de tous les travaux réalisés en matière de pédiatrie. Pour décloisonner encore, encourager davantage le partage d’expériences et progresser ensemble… Convaincue de la nécessité d’anticiper pour minimiser la sinistralité, c’est à cet enjeu que répond Sham en proposant à ses sociétaires un dispositif d’accompagnement adapté à cette spécialité. Sur la base d’un référentiel relatif aux spécificités de l’accueil et de la prise en charge de l’enfant, Sham réalise des visites de risque permettant d’identifier les points forts et points faibles de chaque établissement. Des recommandations sont ensuite formulées et leur mise en place est suivie par une visite du site tous les deux ans. Toujours dans cette optique d’accompagner ses sociétaires dans la gestion de leurs risques, Sham a plus récemment mis son outil d’analyse CartoRisk® à la disposition des établissements. Cela permet aux professionnels concernés d’identifier eux-mêmes leurs risques en bénéficiant du soutien méthodologique de Sham. Outre un rythme soutenu de publications diffusées sur Internet*, Sham dispose également d’un panel complet de formations : droit et pratique, sécurité des soins, management des risques, sécurité de la prise en charge médicale… Sham travaille également à la finalisation du prochain ouvrage piloté par son Conseil Médical « Management des risques en pédiatrienéonatologie ». À paraître sur l’Espace Client Sham, en octobre 2015. * Portail de la Prévention Sham et Espace Client, accessibles via le site www.sham.fr <9