Traitement de la constipation par Transipeg® : données récentes M.A. Bigard* constipation chronique idiopathiou constipation fonctionnelle, Lestaque, définie actuellement par les critères de ROME II (1), classification d’experts élaborée en 1999 et englobant la totalité des troubles fonctionnels gastrointestinaux. Ces critères consistent en la présence pendant au moins douze semaines, non nécessairement consécutives, dans les douze derniers mois, de deux ou plus des critères suivants : – efforts de poussée dans plus d’un quart des défécations, – selles fragmentées ou dures dans plus d’un quart des défécations, – sensation d’évacuation incomplète dans plus d’un quart des défécations, – sensation d’obstruction anorectale ou de blocage dans plus d’un quart des défécations, – manœuvres manuelles (évacuation digitale, maintien du périnée) dans plus d’un quart des défécations, et/ou du critère suivant : moins de trois défécations par semaine. Il n’y a pas de selles molles et les critères sont insuffisants pour le syndrome de l’intestin irritable défini dans la même classification. Il s’agit d’une définition assez stricte, et toutes les études de population selon les critères de ROME II ont amené à des chiffres d’incidence des troubles fonctionnels intestinaux inférieurs à ceux obtenus avec la classification de ROME I. * Service hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy. Classiquement, les enquêtes épidémiologiques dans les pays occidentaux chiffrent la prévalence de la constipation entre 15 et 20 % (2). Une enquête dans la population générale en France avait retrouvé la plainte “constipation” chez 35 % des sujets (3). Même si une partie des sujets constipés ne consulte pas, la constipation est un motif fréquent de recours aux soins et de prescription médicamenteuse. La constipation retentit sur la qualité de vie des sujets atteints et une prise en charge thérapeutique est donc fréquemment l’objet de la demande du malade. Quels sont la fréquence et l’impact de la constipation fonctionnelle chronique sur la qualité de vie des patients ? Une enquête SOFRES, réalisée en collaboration avec les laboratoires ROCHE NICHOLAS en janvier 2002 (4), permet de répondre à cette question. Cette enquête a été réalisée entre août et octobre 2001 auprès de 4 000 sujets âgés de plus de 15 ans, représentatifs de la population française. Il s’agissait d’un questionnaire autoadministré envoyé par voie postale. Les principales questions portaient sur la symptomatologie liée à la constipation, l’existence de signes associés, le niveau de gêne ressenti, le recours à une prescription médicale ou à un médicament laxatif et le degré de satisfaction de la prise en charge. Deux mille sept cent quatre-vingt-deux questionnaires ont été renvoyés exploitables. La préva- Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 lence de la constipation, définie selon la présence de deux critères de ROME II, était de 5,5 %. Dans 29,8 % des cas, on retrouvait un seul des symptômes énumérés dans les critères de ROME II. La constipation était plus fréquente chez la femme. Chez les hommes, la constipation était plus fréquente après 75 ans. Les principales plaintes étaient les efforts à la défécation et l’émission de selles petites et dures. Sur une échelle de 0 à 10, évaluant la gêne provoquée par la constipation dans la vie de tous les jours, les patients ayant une constipation selon ROME II évaluaient cette gêne à 5,16, ce qui correspond à une altération manifeste de la qualité de vie de ces malades. Dans cette enquête, les patients émettaient dans 41 % des cas le souhait de “calmer la douleur et retrouver des selles normales” à court terme. À long terme, 47 % des sujets interrogés jugeaient “insupportable la survenue d’une diarrhée liée à un traitement de la constipation”. La volonté des patients était de retrouver un transit physiologique, “sans faire de mal à l’organisme” (30 % des sujets). L’enquête a montré par ailleurs qu’au cours des douze derniers mois, les patients constipés selon les critères de ROME II avaient eu recours à diverses classes thérapeutiques : – des laxatifs de lest dans 13,6 % des cas, – des laxatifs lubrifiants dans 14,8 % des cas, – des laxatifs stimulants dans 16,0 % des cas, – des laxatifs par voie rectale dans 35,8 % des cas, – des laxatifs osmotiques dans 60,5 % des cas. 41 Question d’actualité Question d’actualité Les laxatifs osmotiques utilisés étaient à base de lactulose ou de polyéthylèneglycol (PEG ou macrogol). Le traitement de la constipation doit éviter les laxatifs stimulants, susceptibles d’entraîner une dépendance et des pertes hydroélectrolytiques. Les laxatifs par voie rectale ne doivent être prescrits qu’en cas de constipation occasionnelle ou en association avec la rééducation d’une dyschésie. Les laxatifs de lest sont souvent mal tolérés, aggravant le ballonnement du fait de la production d’acides gras volatils et de gaz. Les laxatifs lubrifiants entraînent des pertes huileuses anales désagréables pour le patient. Les laxatifs osmotiques constituent donc une classe thérapeutique importante dans la prise en charge de la constipation. Les disaccharides de synthèse (lactulose, lactitol) sont métabolisés par les bactéries coliques et donnent naissance à une quantité importante de gaz, source de ballonnements et de douleurs abdominales. Les laxatifs osmotiques à base de PEG agissent par un mécanisme différent de celui des disaccharides de synthèse. Le PEG n’est pas absorbé par le tractus digestif et ne fermente pas au contact de la flore colique. Différents laxatifs à base de PEG, mais de compositions diverses, sont commercialisés. Ils contiennent soit du PEG 3350, soit du PEG 4000, et incluent ou non des électrolytes dans leur formule. Leur composition différente peut être responsable d’une différence d’activité ou de tolérance. Une comparaison entre ces laxatifs était donc souhaitable. Existe-t-il une différence d’efficacité et de tolérance entre des laxatifs différents à base de PEG ? Une étude a été réalisée par Chaussade et Minic et publiée en 2003 (5). Il s’agissait d’un essai prospectif multicentrique, randomisé, à double insu avec double placebo. L’essai a comparé un laxatif contenant du PEG 4000 seul (Forlax®) et un laxatif associant du PEG 3350 à des électrolytes (chlorure de sodium, sulfate de sodium, chlorure de potassium, bicarbonate de sodium). Le PEG 3350 est plus hygroscopique que le PEG 4000. L’adjonction d’électrolytes a pour but d’obtenir une solution iso-osmotique et d’éviter une éventuelle perte d’électrolytes plasmatiques. L’étude avait pour but de comparer deux doses différentes de chaque spécialité : la dose standard et la dose maximale recommandées dans le résumé des caractéristiques du produit. Quatre groupes étaient ainsi définis : – groupe 1 : dose standard de Transipeg® 5,9 g = un sachet par jour de 5,9 g de PEG 3350 + électrolytes, – groupe 2 : dose standard de Forlax® = un sachet par jour de 10 g de PEG 4000, – groupe 3 : dose maximale de Transipeg® 5,9 g = deux sachets par jour, – groupe 4 : dose maximale de Forlax® = deux sachets par jour. Les patients devaient souffrir de constipation depuis plus de trois mois et avoir au moins un des symptômes suivants : moins de trois selles par semaine, selles dures ou fragmentées nécessitant des efforts de poussée ou encore sensation d’évacuation rectale incomplète. Une lésion organique colique avait été précédemment exclue chez les sujets de plus de 40 ans. Les paramètres de l’étude étaient relevés à l’inclusion, puis après deux et quatre semaines de traitement. Pour déterminer l’efficacité, le nombre moyen de selles par semaine était le critère principal. Il était déterminé grâce à la tenue par le patient d’un journal de bord rempli quotidiennement. Les critères secondaires d’efficacité incluaient la consistance des selles, le moment de la première exonération, les efforts éventuels de défécation, la sensation d’évacuation incomplète, la distension et les douleurs abdominales, la qualité de vie (par échelle visuelle analogique – EVA) et l’efficacité globale (par EVA). La tolérance était appréciée par la recherche d’effets indésirables, indiqués Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 notamment sur le journal ou recherchés par interrogatoire. Au total, 270 patients ont été répartis dans les quatre groupes (groupe 1 : n = 67 ; groupe 2 : n = 66 ; groupe 3 : n = 70 ; groupe 4 : n = 67). Ces groupes ne différaient pas entre eux pour les données quantitatives et les caractéristiques basales. Efficacité ● La fréquence des selles a augmenté de manière significative dans tous les groupes de traitement (p = 0,0001). La fréquence hebdomadaire des selles, initialement comprise entre 1,8 et 2,4 au départ, est passée à 6,0 à 8,2 à la deuxième semaine, et à 6,2 à 7,8 à la quatrième semaine. ● Le temps écoulé entre la première prise de traitement et la première exonération était de 0,85 ± 1,14 jour pour le groupe 1, de 1,38 ± 1,93 jour pour le groupe 2, de 0,89 ± 1,17 jour pour le groupe 3 et de 1,15 ± 1,39 jour pour le groupe 4 (p = 0,1385). Dans tous les groupes, la consistance des selles s’est améliorée de façon significative (p = 0,0001). Le pourcentage des patients présentant des selles de consistance normale était significativement supérieur dans le groupe 1 par rapport aux groupes 3 et 4 (p < 0,01) et dans le groupe 2 par rapport au groupe 3 à la semaine 4 (p < 0,05). Il y avait significativement moins de selles semi-liquides à liquides dans le groupe 1 par rapport aux groupes 3 et 4 à la quatrième semaine (p < 0,01). ● La qualité de vie s’est améliorée de manière significative dans les quatre groupes aux semaines 2 et 4 par rapport aux données initiales (p = 0,0001). Tolérance La tolérance a pu être appréciée sur diverses données. Cinquante-cinq patients ont interrompu le traitement prématurément, dont 28 pour effets indésirables, 11 pour échec du traitement, 15 pour autres raisons ; un seul a été perdu de vue. Soixante-neuf patients ont présenté un ou plusieurs épisodes 42 Question d’actualité Question d’actualité de diarrhée avec des selles liquides (groupe 1 = 13,8 % ; groupe 2 = 16,9 % ; groupe 3 = 36,2 % ; groupe 4 = 35,8 %). La différence était significative entre les groupes recevant la dose maximale par rapport à ceux recevant une dose standard. Les autres effets indésirables étaient le ballonnement abdominal et les douleurs, sans différence entre les deux groupes. Au total, pour les auteurs, les résultats montrent que les deux doses de Transipeg® et de Forlax® étaient efficaces et bien tolérées pour le traitement des symptômes de la constipation. La dose standard de Transipeg® (5,9 g) permettait de normaliser la consistance des selles et s’accompagnait moins fréquemment de selles semi-liquides ou liquides que la dose maximale de Transipeg® ou de Forlax®. Quelle est la tolérance au long cours de Transipeg® dans le traitement de la constipation en médecine de ville ? Une étude ouverte avec six mois de traitement apporte des éléments de réponse (6). Cette étude multicentrique chez des patients ambulatoires a concerné 231 sujets constipés. La dose médiane utilisée par les patients a été de deux sachets par jour de Transipeg 2,95 g. L’efficacité et la tolérance ont été appréciées par la lecture des carnets de bord des patients, des visites régulières et des bilans biologiques. Parmi les effets indésirables signalés par les patients, 9,1 % ont été considérés par l’investigateur comme ayant un lien de causalité avec le médicament. Il n’y a pas eu de modification des paramètres biologiques. L’amélioration obtenue initialement sur les symptômes de la constipation se maintenait pendant la période de traitement (six mois) et était corrélée à celle obtenue sur la qualité de vie (évaluée par EVA). Conclusion Les différentes données présentées ici permettent d’émettre plusieurs conclusions. ● La constipation est un symptôme fréquent dans la population, entraînant une altération de la qualité de vie, comme l’atteste l’étude SOFRES. ● Les laxatifs osmotiques à base de PEG constituent une classe thérapeutique efficace et bien tolérée. ● L’association PEG 3350-électrolytes (Transipeg®) à dose standard (5,9 g de PEG) permet de normaliser rapidement la consistance des selles en s’accompagnant rarement de selles semi-liquides ou liquides. ● La disponibilité de deux formes (2,95 g et 5,9 g de PEG) permet d’adapter la posologie en fonction du profil du patient. Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 ● La tolérance du Transipeg® est très satisfaisante à long terme, aussi bien du point de vue clinique que biologique, et ce traitement améliore la qualité de vie des patients constipés. Références 1. Drossman DA, Corazziari E, Talley NJ et al. The functional gastrointestinal disorders. 2nd edition Mc Lean : Degnon Associates 2000. 2. Talley NJ, Weaver AL, Zinsmeister AR et al. Functional constipation and outlet delay : a population-based study. Gastroenterology 1993 ; 105 : 781-90. 3. Frexinos J, Denis P, Allemand H et al. Étude descriptive des symptômes fonctionnels digestifs dans la population générale française. Gastroenterol Clin Biol 1998 ; 22 : 785-91. 4. Enquête SOFRES gastro. La constipation chronique. Janvier 2002. 5. Chaussade S, Minic M. Comparison of efficacy and safety of two doses of two different polyethylene glycol-based laxatives in the treatment of constipation. Aliment Pharmacol Ther 2003 ; 17 : 165-72. 6. Paille F, Colombey N, Alleaume B, Vicari F. Étude ouverte de six mois évaluant la tolérance du Transipeg dans le traitement de la constipation en médecine de ville. J Clin Research 1999 ; 2 : 65-76. 43 Question d’actualité Question d’actualité