Le 15e jour du mois, mensuel de l'Université de Liège Février 2008 /171 Protection avancée Perspectives prometteuses d'un meilleur contrôle du cancer du col Le dépistage par le frottis cervico-vaginal a longtemps constitué le seul moyen efficace pour lutter contre le cancer du col utérin. Depuis peu, d'autres approches préventives et thérapeutiques existent, notamment grâce à des recherches menées dans le laboratoire d'anatomie et cytologie pathologiques du Pr Jacques Boniver. « Le cancer du col de l'utérus est la cause d'une morbidité et d'une mortalité considérables dans le monde et en Belgique, prévient Philippe Delvenne, directeur de recherches au FNRS. Des études ont montré que son développement est étroitement associé à l'infection par certains types oncogènes de papillomavirus humains (HPV). » Si la détection des virus améliore le dépistage des lésions précancéreuses, les chercheurs ont estimé qu'une vaccination antivirale pourrait également contribuer à diminuer la mortalité du cancer cervical dans la population. Une infection virale qui tourne mal Les défaillances immunitaires permettant que le virus s'installe à demeure et provoque le développement d'un cancer du col utérin sont de mieux en mieux connues. Des recherches à cet égard ont été réalisées dans le laboratoire d'anatomie et cytologie pathologiques*. « L'enchaînement des causes depuis l'infection jusqu'à la cancérisation est très complexe, relève Philippe Delvenne. Et si le virus est toujours présent lors du développement d'un cancer du col, ce n'est pas une condition suffisante. Le délai généralement long entre l'infection virale et l'apparition du cancer laisse penser que d'autres facteurs interviennent pour que le potentiel oncogène - "déclencheur de cancer"- du virus s'exprime. » Certains ont beau évoquer la responsabilité de facteurs hormonaux, de l'usage du tabac et de certaines habitudes alimentaires et d'infections par des bactéries ou par d'autres virus, il n'en reste pas moins que l'importance relative de tous ces facteurs dans le développement des cancers du col reste discutée. L'origine virale avérée de ce type de cancers a conduit tout naturellement les chercheurs à s'intéresser au développement de vaccins anti-HPV. « Nous avons notamment étudié les raisons pour lesquelles la présentation naturelle des antigènes viraux chez une personne infectée n'entraîne pas d'immunisation efficace, continue Philippe Delvenne. Une bonne compréhension des mécanismes responsables de la non-reconnaissance, par le système immunitaire, des protéines virales est, en effet, potentiellement utile au développement de vaccins efficients. » Deux vaccins prophylactiques sont actuellement en vente. Ils induisent des taux élevés d'anticorps neutralisants spécifiques. En cas d'exposition, les anticorps se fixent sur les particules virales et empêchent l'installation de l'infection. « Ainsi le vaccin protège non seulement des infections persistantes et incidentes par les deux types de HPV les plus fréquemment retrouvés dans le cancer du col, précise le chercheur, mais également des lésions pré-invasives associées à ces types viraux -1- Le 15e jour du mois, mensuel de l'Université de Liège avec une efficacité presque complète. » Idéalement, le vaccin doit être proposé aux adolescentes avant les premiers rapports sexuels, car il n'est pas encore prouvé qu'un bénéfice puisse être obtenu chez les femmes déjà exposées au virus. L'Inami a dès lors décidé de rembourser le vaccin lorsqu'il est administré à une jeune fille de moins de 16 ans. Effet thérapeutique ? D'autres stratégies sont également à l'étude : celles d'utiliser le vaccin contre un processus néoplasique ou précancéreux déjà présent. Des femmes atteintes d'une lésion précancéreuse ont pu bénéficier d'un premier essai de vaccination grâce au soutien du FNRS et de la Région wallonne. Une protéine virale leur a été injectée, associée à des stimulants du système immunitaire. Ces patientes ont été suivies régulièrement par le département de gynécologie du Pr Jean-Marie Foidart et des résultats prometteurs ont été obtenus, notamment en ce qui concerne la stimulation du système immunitaire, ce qui pourrait éviter dans l'avenir le recours à des traitements chirurgicaux plus pénibles. Une autre approche consiste également à inciter l'organisme à utiliser ses moyens de défense sans le recours à l'injection de protéines virales synthétisées artificiellement. Il s'agirait d'appliquer localement un gel capable d'attirer certains types de cellules immunitaires dans les lésions. Dans le cadre d'un projet financé par la Région wallonne et coordonné par la firme Mithra, d'autres essais, plus importants, vont être bientôt mis en œuvre avec différents laboratoires de l'ULg et la firme Arlenda**. C'est lorsqu'il atteint le stade invasif que le cancer du col utérin compromet sérieusement la santé et la survie des patientes : à ce stade, près de la moitié d'entre elles décèdent de la maladie malgré les acquis de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Il est donc essentiel d'agir de façon précoce. Or, le cancer du col utérin est l'un des meilleurs exemples d'une pathologie précédée par une phase précancéreuse qui peut être détectée par des moyens simples : le frottis cervico-vaginal de dépistage, lequel devra être maintenu même chez les femmes vaccinées. Patricia Janssens * Recherches financées par le Centre de recherches interuniversitaires en carcinologie, avec l'aide de la firme GlaxoSmithKline et de la Région wallonne. ** Il s'agit des laboratoires d'anatomie et cytologie pathologiques, de pharmacie galénique-reproduction humaine, de biologie des tumeurs et du développement ainsi que de chimie analytique. -2-