Éditorial mt cardio 2007 ; 3 (2) : 83-4 Cellules souches et régénération myocardique : mythe ou réalité ? Jean-Sébastien Silvestre Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. INSERM U689 Hôpital Lariboisière 41 boulevard de la chapelle 75475 Paris cedex 10 <[email protected]> L doi: 10.1684/mtc.2007.0084 e concept selon lequel le cœur est un organe différencié postmitotique a été récemment remis en question par la découverte de cellules souches cardiaques ou provenant de la moelle osseuse présentant des potentialités de différenciation en cardiomyocytes et en cellules vasculaires. Il a pourtant longtemps été admis que le cœur ne pouvait pas renouveler ses cellules parenchymateuses et que le nombre de myocytes présents à la naissance déterminait le devenir de cet organe. En accord avec ce paradigme, le renouvellement des myocytes est inexistant et les cellules initialement formées pendant le développement cardiaque au stade embryonnaire ou fœtal sont responsables de la préservation de la performance myocardique dans le cœur jeune, adulte et sénescent. Les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses des vaisseaux coronaires sont principalement quiescentes et ne sont remplacées que par une division épisodique des cellules endothéliales ou musculaires lisses résidentes dans la paroi vasculaire. De même, les cellules progénitrices circulantes ou provenant de la moelle osseuse ne sont pas capables de se transdifférencier et donc d’acquérir un phénotype cardiomyocytaire ou endothélial [1, 2]. Par nécessité, l’apoptose myocytaire doit être occasionnelle car une diminution minime du nombre de cardiomyocytes engendrerait immanquablement une altération des perfor- mances ventriculaires. Les cardiomyocytes subissent alors une hypertrophie cellulaire et ne peuvent être remplacés par l’entrée dans le cycle cellulaire de cellules souches cardiaques ou par l’activation de cellules progénitrices d’origine médullaire. Ce modèle reflète une vision statique de l’homéostasie cardiaque et de la pathologie. De plus, ce paradigme impose de sévères limitations au développement des stratégies thérapeutiques basées sur l’administration de cellules souches pour le traitement des patients coronariens. Pourtant, il n’existe aucune preuve définitive soulignant l’incapacité du tissu cardiaque à remplacer ses myocytes. De plus, il paraît surprenant que les cardiomyocytes puissent se contracter 70 fois par minute pendant 80 ans, c’est-à-dire plusieurs billions de fois, et continuer à être fonctionnels. à la fluorescence ou artéfactuels comme l’assimilation de ces myocytes mitotiques à des fibroblastes interstitiels. La controverse s’est encore aggravée avec les études cherchant à montrer que la régénération myocardique provenait de l’activation de cellules progénitrices dérivées de la moelle osseuse. Les travaux établissant la capacité des cellules progénitrices médullaires à migrer vers le tissu cardiaque et à se différencier en cardiomyocytes ou cellules vasculaires [6-9] ont été immédiatement remis en question par les résultats négatifs de certaines études ébranlant le concept de la plasticité des cellules souches adultes et de la formation de novo de cardiomyocytes [10-13]. Là encore, des arguments techniques sont avancés pour souligner l’interprétation erronée des images d’histomorphologie et expliquer la discordance entre toutes ces études. Le cœur pourrait donc être un organe dynamique susceptible, grâce à l’activation locale ou systémique de cellules progénitrices, de générer des cardiomyocytes. Ainsi, dans les dix dernières années, des cardiomyocytes en mitose ont été identifiés dans les cardiomyopathies ischémiques chroniques ou aiguës [3, 4], les cardiomyopathies idiopathiques dilatées [3] ou encore dans le cœur sénescent [5]. Pourtant, ces travaux ont été fortement remis en question, pour des aspects techniques comme l’utilisation de la microscopie confocale associée Plus récemment, plusieurs laboratoires ont mis en exergue la présence de cellules progénitrices directement dans le tissu cardiaque. Ces cellules souches cardiaques sont multipotentes in vitro et se différencient in vivo en cardiomyocytes et cellules vasculaires coronaires [14-18]. Même si ces travaux ont été bien évidemment rapidement remis en question [19], la présence de cellules souches résidant dans le tissu cardiaque représente une avancée majeure dans le domaine de la cardiologie d’un point de vue biologique mais également mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 83 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Cellules souches et régénération myocardique : mythe ou réalité ? sur le plan clinique. Cette découverte pourrait concilier la démonstration de la présence d’un nombre restreint de cardiomyocytes en mitose et le débat concernant l’origine des cellules progénitrices repeuplant le tissu cardiaque. Enfin, ces cellules souches cardiaques pourraient servir de base à des thérapies cellulaires développées pour le traitement des pathologies cardiaques [20]. En conclusion, la caractérisation biochimique de l’hypertrophie cardiaque effectuée dans les années 1960-70 a permis d’affirmer que le développement cardiaque postnatal ne provenait que de l’hypertrophie des myocytes, confortant le dogme que le cœur est formé d’un nombre déterminé de myocytes incapable de réentrer dans le cycle cellulaire. L’existence de cellules souches adultes d’origines diverses évoque la possibilité de la formation de novo de cardiomyocytes et sous-entend que le cœur ne fonctionne pas avec les mêmes cellules tout au long de la vie. Un nouveau concept que l’on se doit de considérer pleinement d’un point de vue expérimental et clinique. Références 1. Rubart M, Field LJ. Cardiac regeneration : repopulating the heart. Annu Rev Physiol 2006 ; 68 : 29-49. 2. Menasche P. You can’t judge a book by its cover. Circulation 2006 ; 113 : 1275-7. 3. Kajstura J, Leri A, Finato N, et al. Myocyte proliferation in endstage cardiac failure in humans. 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