L`histoire naturelle des cancers de la vessie

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Progrès en Urologie (2005), 15 1065-1066
L’histoire naturelle des cancers de la vessie
Catherine MAZEROLLES
Les carcinomes transitionnels représentent plus de 95% des
tumeurs de la vessie. A la différence de la plupart des tumeurs
qui comportent une évolution progressive de lésions superficielles de bas grade vers des lésions de haut grade infiltrantes, les
tumeurs de vessie se distinguent par une présentation initiale
bimodale liée probablement à deux principaux mécanismes
pathogéniques susceptibles de s’associer. Quatre-vingt pour cent
des tumeurs sont dites « superficielles » : de bas grade ou de
haut grade et 20% des tumeurs sont dites « infiltrantes ». Ces
expressions, consacrées par l’usage clinique sont impropres. En
effet, sous le terme de « tumeurs superficielles », on désigne à
la fois des tumeurs non infiltrantes, de stade Ta qui n’infiltrent
pas le chorion et des tumeurs de stade T1 pour lesquelles il existe une effraction de la membrane basale avec infiltration du chorion et potentiel métastatique. De même, le terme « tumeurs
infiltrantes » désigne des tumeurs qui infiltrent au moins la
musculeuse.
I. HISTOIRE NATURELLE DES TUMEURS
SUPERFICIELLES (Ta et T1)
Elles représentent 80% des tumeurs vésicales.
a) Soixante-dix pour cent d’entre elles sont de bas grade d’architecture papillaire ; elles n’infiltrent habituellement pas le
chorion (stade pTa). Malgré ce profil histologique très rassurant,
plus de 60% de ces lésions peuvent récidiver dans un délai variable (de quelques mois à plusieurs années). A l’occasion de ces
récidives, 5% peuvent s’étendre à une grande partie de la
muqueuse et réaliser une papillomatose diffuse. En fait, ces nouvelles lésions ne sont pas toujours de vraies récidives. Si de
vraies récidives (liées à une nouvelle croissance du clone tumoral initial) surviennent fréquemment dans certaines circonstances (exérèse insuffisante, phénomène d’implantation ou de
migration de cellules tumorales à distance du foyer tumoral
initial), dans d’autres cas, il s’agit de l’apparition de nouveaux
clones tumoraux susceptibles d’apparaître en différents points
de l’arbre urinaire, en particulier au niveau des voies excrétrices
supérieures. Ce mode évolutif très particulier suppose une
atteinte diffuse de la muqueuse. L’urothélium non tumoral serait,
même dans ces tumeurs de bas grade, modifié par l’exposition
à des carcinogènes endo ou exogènes (field effect). Ces modifi-
cations moléculaires ne se traduisent pas dans ce type de tumeur
par des anomalies morphologiquement caractérisables. Enfin, 5
à 10% de ces tumeurs de bas grade vont progresser vers une
infiltration pariétale. Ces progressions sont parfois très décalées
dans le temps et peuvent survenir des années après l’émergence
de la première tumeur. C’est ce qui justifie un suivi très prolongé de ces lésions malgré leur morphologie peu inquiétante.
b) Trente pour cent des tumeurs superficielles sont de haut
grade. Elles comprennent les tumeurs papillaires de grade élevé
et des lésions planes de haut grade de type carcinome in situ.
Les tumeurs papillaires de haut grade se caractérisent par une
infiltration fréquente du chorion, un taux de récidive qui atteint
80% et un taux de progression qui se situe autour de 40 à 60%
(carcinome de haut grade après résection seule).
Le carcinome in situ est une lésion plane de grade 3 dont il existe deux formes : la forme isolée représente moins de 5% des cas
alors que les autres sont associées à des tumeurs urothéliales
superficielles ou infiltrantes le plus souvent de haut grade. Dans
tous les cas, cette lésion est à haut risque d’extension diffuse à
l’urothélium et de progression. Lorsqu’elle est associée à une
tumeur papillaire superficielle, elle double le risque naturel de
progression et de récidive de cette tumeur.
c) Les facteurs pronostiques des tumeurs superficielles sont
macroscopiques : taille de la tumeur > 5 cm (risque de progression), multifocalité (augmente davantage le risque de récidive
que le risque de progression). D’autres facteurs sont fournis par
l’étude anatomopathologique du matériel de résection : grade de
la tumeur, infiltration ou non du chorion, et pour les stades T1,
degré d’infiltration du chorion. Enfin, l’existence d’une dysplasie et à fortiori de lésions de carcinome in situ de voisinage augmentent le taux de récidive et de progression.
II. HISTOIRE NATURELLE DES TUMEURS
INFILTRANTES STADE > T2
Les tumeurs infiltrantes représentent 20% des tumeurs vésicales. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de carcinomes
de haut grade de malignité souvent associés à des lésions de carcinome in situ. Pour ces tumeurs, le risque de micro métastases
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occultes est de l’ordre de 50%, ce qui explique un taux de curabilité limité, même après des interventions étendues, et cela
malgré un taux d’infiltration ganglionnaire métastatique qui
n’excède pas 20% des curages. Au stade d’infiltration pariétale
évoluée, la taille de la tumeur, la présence de nombreux emboles et le stade sont des facteurs pronostiques importants.
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