Mémoire du génocide et politique en République d’Arménie Par Claire Mouradian De l’hommage aux morts à la commémoration ritualisée de la « Grande Catastrophe Les Arméniens de l’Empire russe, observateurs « privilégiés » du génocide Dès décembre 1914, et surtout à partir du printemps de 1915, face à l’afflux au Caucase de quelques 300 000 réfugiés des provinces arméniennes de l’Empire ottoman frontalières, les dirigeants politiques et la population de l’Arménie russe, base territoriale de l’Etat actuel, sont très tôt informés des déportations et des massacres et se mobilisent massivement pour venir en aide aux rescapés. Des comités de secours se constituent à Erévan et surtout dans les centres urbains de l’Empire russe où sont regroupées les couches aisées et les élites intellectuelles et politiques : Tiflis, Bakou, Nor Nakhitchevan près de Rostov-sur-le-Don, Moscou, Saint- Petersbourg. Le 24 mai 1915, par une déclaration commune solennelle, la Russie tsariste s’est d’ailleurs associée à ses alliés de l’Entente, la France et la Grande-Bretagne, pour faire «savoir publiquement à la Sublime Porte qu’ils tiendront personnellement responsables les membres du gouvernement ottoman ainsi que ceux de ses agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres», des massacres déjà désignés comme des «crimes contre l’humanité et la civilisation» ou des «crimes de lèse-humanité». Cette même année, une médaille commémorative, sans doute la première du genre, est frappée en Russie. Elle porte l’inscription : «Russes et Arméniens unis dans l’épreuve». Le produit de sa vente est destiné à aider les réfugiés dont on fait connaître le sort au cours de conférences et de soirées dans les centres communautaires. On y projette des reportages de guerre russes sur le front du Caucase. Certaines de leurs images seront reprises, dès 1915, dans des premiers films documentaires ou de fiction comme Ariounod Arevelk (Orient sanglant) de A. Arkadov (Moscou) et Krderi ltzi dak (sous le joug des Kurdes) de A. Minervine (Ekaterinodar). Ce n’est cependant qu’en 1916, avec l’avance de l’armée russe en Anatolie orientale, à travers villes et villages dévastés et déserts, que les Arméniens du Caucase prennent réellement la mesure de l’ampleur de la catastrophe, également confirmée par les premiers témoignages publiés en Occident dès 1915. En 1919, la traduction russe du témoignage de H. Barby est publiée à Tiflis, tandis que paraissent à Constantinople des traductions arméniennes de Morgenthau, Lepsius, Bryce, Pinon. La perception des événements se fait néanmoins au travers du prisme de la guerre, premier conflit mondial où l’hécatombe a atteint un degré sans précédent sur tous les fronts. On espère que la paix signifiera un retour à la «normale» et le retour des réfugiés dans leurs foyers. C’est l’un des thèmes à l’ordre du jour de l’Assemblée arménienne qui réunit à Petrograd, en mai 1916, les organisations nationales de l’Empire russe. L’éclatement de l’empire tsariste consécutif aux défaites et révolutions de 1917 plonge bientôt les Arméniens orientaux, comme l’ensemble du Caucase dans une autre tourmente. L’offensive de l’armée ottomane profitant du vide laissé par le départ des troupes russes pour marcher sur Bakou, à travers le Nakhitchevan, le Zanguezour, le nord de l’Iran et le Karabagh, prolonge les massacres d’Anatolie et démontre la volonté d’anéantissement de l’ensemble des Arméniens au-delà des frontières de l’Empire ottoman. Dans la région de Erévan, le sursaut de résistance d’une population consciente du sort qui l’attend en cas de victoire turque, pour avoir été confrontée aux flux de réfugiés depuis le printemps 1915, permettra la naissance de l’Etat arménien. Entre le 21 et le 25 mai 1918, les Turcs sont ainsi repoussés aux portes de Erévan par les forces nationales, constituées par les soldats arméniens de l’ancienne armée tsariste et les légions de volontaires, soutenues par une levée en masse, lors de batailles désespérées aux portes de Erévan. L’éphémère tentative de Fédération transcaucasienne ne résiste pas à la poussée turque et aux intérêts divergents de ses composantes arménienne, géorgienne et azérie. Et après les proclamations unilatérales d’indépendance par la Géorgie, forte de la protection allemande (26 mai), suivie par l’Azerbaïdjan, les représentants arméniens se résignent, à leur tour, à proclamer l’indépendance le 28 mai. Une indépendance qui n’avait pas été envisagée pour l’ancien gouvernorat tsariste de Erévan, province arriérée et à la population mixte, mais devenue nécessaire pour conclure la paix avec la Turquie, et finalement assumée comme une nécessité historique pour réaliser le projet historique de rassemblement des terres et des hommes. Un héritage douloureux pour un Etat nouveau-né Comme pour les Juifs, le génocide, même si on ne le nomme pas encore ainsi, est un des éléments constitutifs de l’identité nationale des Arméniens à l’époque contemporaine. Cependant, à la différence des Juifs, il ne constitue pas un des arguments de légitimation de la création ou de la renaissance d’un Etat national, un lieu où il existerait la possibilité de vivre normalement, sans discrimination et en sécurité, un lieu qui permettrait le retour et la fin de la diaspora, conçue comme une situation «hors norme», sinon «dangereuse». Pour les Arméniens, le génocide symbolise l’échec du projet national d’émancipation, plus fédéraliste qu’indépendantiste à l’origine, un projet prônant une plus grande autonomie locale et des réformes en vue d’établir l’égalité des droits et la sécurité des personnes et des biens dans un cadre impérial rénové, respectueux des minorités. Le génocide signifie la disparition des terres ancestrales, du cœur de la «vraie» patrie située dans l’Empire ottoman, là où devait s’incarner ce projet. La république créée autour de Erévan, dans une province périphérique du Yerkir (pays), ne s’imposera pas d’emblée comme République d’Arménie : elle est désignée à ses débuts comme «République araratienne» ou «République de Erévan», ne recouvrant qu’une partie du projet d’»Arménie intégrale» présenté à la Conférence de la Paix de Paris, devant laquelle se présentent deux délégations, celle de la République et des Arméniens de Russie, menée par Avétis Aharonian, et celle des Arméniens de Turquie, dirigée par Boghos Noubar Pacha. A l’inverse des Juifs, le génocide constitue l’acte fondateur non de l’Etat, mais de la diaspora, quand la nouvelle entité politique créée autour de Erévan ne réussira ni à sauvegarder sa souveraineté, ni à inclure dans ses frontières les vilayets d’Anatolie orientale attribués par le traité de Sèvres (10 août 1920), ni à obtenir le retour des réfugiés dans leurs foyers. D’où la difficulté originelle de l’Etat arménien à assumer l’héritage du génocide, sauf à héroïser le martyr et à revendiquer des réparations pour effacer l’injustice. Ce sera le cas dès le premier anniversaire de la proclamation de l’indépendance, le 28 mai 1919. Le souvenir des victimes, s’il est évoqué, est mis au second plan par l’Acte d’Union des deux Arménies, une décision prise en réponse au IIe Congrès des Arméniens occidentaux de février 1919 qui exigeait le jugement en cour martiale des auteurs des crimes contre les Arméniens - Guillaume II, principaux dirigeants JeunesTurcs, Enver, Talaat, Djemal, Nazim, Behaeddin Shakir, ainsi que les gouverneurs et responsables administratifs - et demandait l’indemnisation des victimes ainsi que le retour dans leurs foyers. La naissance du «24 avril» dans les capitales des pays coupables : Constantinople et Berlin Ce n’est donc pas à Erévan, la capitale de l’Etat Arménien, mais à Constantinople, sur le lieu même des événements - la rafle des notables arméniens de la capitale ottomane qui, en décapitant la nation, donne le coup d’envoi de l’extermination qu’a lieu la première commémoration du 24 avril (11 avril selon l’ancien calendrier). Dans la ville occupée par les Alliés depuis l’armistice de Moudros (30 octobre 1918), tandis que s’organise le procès des criminels de guerre Jeunes Turcs, le 12 avril 1919, une cérémonie laïque et religieuse en hommage aux grandes figures nationales disparues est organisée par un «Comité du souvenir du 11 (24 avril)». Evocation des disparus, lecture de poèmes, discours politiques et partie artistique alternent au cours de la cérémonie où l’on annonce aussi le projet de création d’un fonds d’aide aux familles des victimes. Pour l’occasion, un premier ouvrage mémorial a aussi été préparé par l’auteur de célèbres almanachs, Théodik. Des extraits en ont régulièrement été publiés dans la presse diasporique. Les rééditions en fac similé de 1985 et 1990 à Erevan, précédées d’une introduction de l’historien Galouste Galoyan, constituent en elles mêmes une étape dans la «récupération» de la mémoire à l’époque soviétique. Il comprend des biographies et des photographies des grandes figures déportées, des témoignages, un article d’Aram Andonian, lui-même rescapé de la déportation. Jusqu’au tournant du cinquantenaire en 1965 quand commencent les manifestations de rue, la commémoration du 24 avril 1919 de Constantinople servira de modèle au rituel du souvenir. A la même époque, une autre commémoration a lieu dans la capitale de l’ancien allié vaincu de l’Empire ottoman, à Berlin, où la toute jeune République de Weimar essaie de se démarquer de la politique du Reich et du Kaiser déchu. Le 14 mai, dans la grande église catholique Ste Edwige, une messe de requiem, chantée par la chorale de l’opéra de Berlin-Charlottenburg, est célébrée, en présence de députés du Reichstag, du corps diplomatique, de membres du clergé, d’intellectuels, de la presse. Auparavant, la communauté arménienne de Berlin, qui avait été l’un des grands lieux de formation des intellectuels avant 1914, avait organisé, le 20 mars, une soirée d’hommage dans la salle du théâtre Urania, en présence du Professeur et arménologue Marquart. Armin Wegner, ancien officier du Corps sanitaire allemand dans l’Empire ottoman et, à ce titre, témoin oculaire des événements dont il vient de publier le récit, y présente une conférence, «la tragédie du peuple arménien dans les déserts de Mésopotamie», illustrée par ses photographies personnelles qui constituent, à ce jour, la principale documentation iconographique sur le génocide. La soirée sera perturbée par une centaine d’étudiants turcs dont le fils de l’ambassadeur ottoman, et leurs amis allemands. Une bagarre s’ensuit provoquant l’intervention de la police. Le long «oubli» de Erévan La première cérémonie du souvenir officielle dans l’Etat arménien ne semble avoir été organisée que l’année suivante, en avril 1920, sous la forme d’une messe de requiem spéciale, célébrée par le catholicos Kévork V Souréniantz dans la cathédrale d’Etchmiadzine, en présence de représentants des autres cultes - catholique et protestant. Le catholicos annonce sa décision de faire du 11/24 avril une «journée nationale du souvenir des victimes de la Première guerre mondiale», «fête» religieuse à introduire dans le calendrier liturgique dès l’année suivante. Mais un an plus tard, en avril 1921, la République d’Arménie, prise en tenaille entre la Russie bolchevique et la Turquie kémaliste a été soviétisée (2 décembre 1920), retombant dans l’orbite russe. Le traumatisme du génocide n’a pas été pour rien dans la résignation à la perte de l’indépendance : «Mieux vaut les Russes que les Turcs» sera le principal argument de légitimation du régime soviétique en Arménie. Pour la nouvelle Russie bolchévique et «internationaliste», l’»axe Ankara-Moscou» devient le fondement des nouvelles relations entre les deux pays «ennemis historiques» (treize guerres en deux siècles). C’est l’alliance des Etats successeurs des défunts empires tsariste et ottoman, unis par la défaite dans une commune détermination à consolider leur nouveau régime respectif et à s’affirmer comme puissances régionales face à l’Entente franco-britannique victorieuse. S’il n’est pas exempt d’arrièrepensée de part et d’autre, le traité d’Amitié soviéto-turc de Moscou (16 mars 1921) scelle l’entente en fixant les frontières de Transcaucasie par dessus la tête des trois républiques concernées, dont l’Arménie qui en est la grande perdante. Dès lors, et jusqu’au cinquantenaire, le 24 avril ne sera plus commémoré que dans l’émigration, non sans dissensions. Certes, en diaspora, les tensions entre partisans et opposants du régime soviétique se manifestent surtout autour des commémorations à connotation directement politiques, comme l’anniversaire de l’indépendance (28 mai 1918) ou celui de l’insurrection populaire contre les bolchéviks du 18 février 1921, célébrés par le parti Dachnaktsoutioun, tandis que la déclaration de soviétisation (29 novembre 1920) est fêtée par les courants communistes et les divers «compagnons de route». La journée du souvenir du 24 avril devient aussi l’enjeu de ces luttes au caractère parfois extrême, suivant en cela les tensions provoquées par la volonté de l’URSS d’une contagion révolutionnaire. En 1933, l’évêque de New York, Mgr Levon Dourian, est assassiné en pleine messe de Noël. Cette même année où les Etats-Unis avaient fini par reconnaître l’URSS, la querelle autour du maintien du drapeau tricolore de la république indépendante comme emblème national s’était exacerbée et Mgr Dourian, primat d’un diocèse contrôlé par le pouvoir soviétique par l’intermédiaire d’Etchmiadzine, avait refusé de participer à une soirée organisée par l’Association des amis des écrivains disparus le 24 avril, au prétexte que le tricolore y était déployé. En France, autre grand terrain d’affrontements entre pro- et anti-soviétiques, lieu de refuge du gouvernement en exil de la République indépendante, on a aussi des exemples des combats autour de cette commémoration. Ainsi Missak Manouchian, lui-même orphelin de 1915, peutil écrire que cette cérémonie est un «attirail du bazar nationaliste des dachnaks» qui «attise les haines raciales». Il faudra attendre 1965 et le dégel post-stalinien, pour qu’à l’occasion du cinquantenaire, le 24 avril devienne une journée du souvenir autorisée, commémorée en général dans l’unité, en diaspora comme dans la RSS d’Arménie. Pour la première fois depuis la soviétisation, une messe est alors célébrée à Etchmiadzine, tandis que les autorités organisent une cérémonie à l’Opéra de Erévan, en présence des dignitaires du régime et de personnalités de la diaspora. Pour la première fois aussi, une énorme manifestation politique de 100 000 à 200 000 personnes déferle dans les rues de Erévan aux cris de «justice» et «nos terres», débordant le cadre feutré de la commémoration officielle. Une manifestation plus modeste, mais fortement symbolique, se déroule en même temps à Moscou devant l’ambassade turque. Dans les mois qui suivent, la direction du parti est purgée avec une mise en accusation en règle des «survivances du nationalisme bourgeois». Néanmoins, la manifestation de rue à l’occasion du 24 avril fera partie du nouveau rituel commémoratif en Arménie, comme en diaspora, où jusque-là, la célébration de cette journée du souvenir ne sortait pas des salles. Ce n’est cependant que le 22 novembre 1988, dans le contexte de la montée du mouvement démocratique et national que le Soviet Suprême de la RSS d’Arménie fera du 24 avril une journée nationale fériée du souvenir des victimes du génocide des Arméniens. A l’automne 1990, alors que l’Arménie s’était engagée dans le processus d’accès à l’indépendance par la voie légale, Levon Ter Pétrossian, président du Parlement issu des premières élections relativement libres, déclarait en privé que ce vote constituait à ses yeux une des grandes victoires du Comité Karabagh. C’était la première fois où, sous la pression populaire, le Soviet suprême républicain sortait de son rôle de chambre d’enregistrement des décisions du pouvoir central. La création de lieux de mémoire Au delà d’une date anniversaire symbolique, la mémoire institutionnelle a besoin de lieux et de monuments pour s’incarner. Dans ce domaine, on peut également constater le «retard» de l’Etat arménien sur la diaspora. C’est en effet à Antelias, près de Beyrouth, au siège du catholicossat arménien de Cilicie qu’est érigé, dans les années 1950, le premier monument mémorial : une chapelle votive où sont déposés des ossements recueillis dans le désert de Deir-ez Zor. Le second monument du souvenir est érigé en 1960, toujours au Liban, dans la cour du patriarcat catholique arménien de Bzommar. C’est le début d’une longue série dont le tableau permet de mesurer le dynamisme et le pouvoir d’influence des diverses communautés. La construction de ces monuments ne va pas toujours sans mal, en raison des pressions turques, même lorsqu’ils sont situés dans des espaces privés, le plus souvent dans la cour des églises locales. On se souvient encore des incidents diplomatiques liés à la construction du monument de Marseille en 1973. En Arménie, le premier monument est aussi érigé dans l’enceinte de l’Eglise, à Etchmiadzine en 1965 et inauguré par le catholicos Vazken Ier. C’est un ensemble de khatchkars (croix de pierres) surmonté d’un aigle, avec un bouclier et une épée, emblèmes des royaumes arméniens ... et de la République indépendante, avec les noms gravés des hauts lieux de résistance. Une symbolique patriotique similaire transparaît aussi dans le monument plus modeste, érigé la même année rue des Katchakortz (preux) à Erévan. Mais ce n’est qu’en 1967 que l’Etat arménien inscrit la commémoration dans l’espace public avec la construction du mémorial de Tzitzernakapert, la colline aux hirondelles. Il convient néanmoins de noter que l’inauguration n’a pas lieu le 24 avril, mais le 29 novembre, le jour anniversaire de la soviétisation. Le souvenir des victimes et de la catastrophe majeure de l’histoire nationale est ainsi à nouveau associé au thème récurrent de la propagande en faveur du régime : la survie grâce au protectorat russe. D’autres monuments commémoratifs commencent à parsemer le paysage du pays, d’abord dans les villages créés par les réfugiés de 1915, aux noms évocateurs de la patrie perdue : à Nor (nouvelle) Kharpert (en 1965), Nor Sebastia (1970), Nor Erzenka (1973), ou encore Noubarachen/ Sovetachen, qui a accueilli des «rapatriés» en 1936 ou 1946-1948 (1975), Palahovid (1979), Mardouni (1980), ou encore Tzovachen, dans la région de Taline où se sont regroupés les rescapés du Sassoun. A la fin des années 1980, de nouveaux monuments allient le souvenir des victimes de la barbarie turque de 1915 à celui des victimes des pogroms azéris de Soumgaït (février 1988) : c’est le cas notamment à Ohanavan (région d’Achtarak) en 1989 et à Stepanakert, la capitale du Haut Karabagh. Le rappel des «résistances héroïques» aux Turcs est une autre façon d’entretenir indirectement la mémoire du génocide : mémorial à la bataille de Sardarabad qui, en mai 1918, permit d’arrêter les troupes ottomanes aux portes de Erévan quelques jours avant la proclamation d’indépendance (1968) ; stèles rappelant les résistances d’Hadjin (Nor Hadjin, 1976) ou celle de Moussa Ler, dans le village près d’Etchmiadzine qui a repris le nom de la montagne de Moïse immortalisée par Franz Werfel ; monument à l’insurrection de Van (Achtarak, 1981). Citons également les statues aux héros de ces luttes (Antranik (1987), Kévork Tchavouch (1987 ; dans la région de Taline), Nejdeh (1990), ou encore aux fédaïs anonymes, réunissant le culte des combattants de la fin du siècle dernier avec ceux du mouvement du Karabagh (1989). Pour ce qui est des victimes, le moine musicien Komitas, rescapé du massacres des élites de Constantinople du 24 avril, mais qui en perdit la raison et mourut en exil à Paris, est le premier et de loin celui auquel on a rendu le plus hommage (monuments, noms de rues ou d’écoles, etc.). Inauguré en avril 1995, pour le 80e anniversaire, le musée du génocide à Tzitzernakapert, à proximité du mémorial, parachève la prise en charge officielle de la mémoire de 1915 par l’Etat arménien, tout en figeant ses contours.