La question arménienne et le Djihad

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La question arménienne et le Djihad
Par Vahé MURADIAN
armenews.com - 7/3/2016
Les Turcs avec l’aide des Kurdes ont massacré les Arméniens par haine et
par cupidité. Les rescapés ont transmis à leur descendance des images
d’horreur et de souffrance qui s’accommodaient avec cette explication
sommaire. En creusant la question, la réponse au comment et au pourquoi est
devenue de plus en plus complexe.
Littérature, conférences, expositions comme en 2015, pendant l’année du
centenaire du génocide, ont permis un éclairage érudit sur les faits et,
pour l’essentiel, les raisons géopolitiques. L’actualité de ces dernière
années auraient dû nous amener à nous pencher davantage sur les raisons
lointaines de la disparition quasi-totale des chrétiens d’Orient, un sort
tragique qui était écrit dès l’apparition du djihadisme au Moyen Orient.
Les raisons géopolitiques
On fait référence généralement à la Question Arménienne depuis le traité de
San Stefano, suivi du Congrès de Berlin la même année en 1878. Ce traité
jugé humiliant par la Turquie voit le démantèlement de la colonisation
ottomane sur la plus grande partie des Balkans et la cession des provinces
arméniennes du Nord Est à la Russie avec des « recommandations » pour
améliorer le sort des Arméniens qui réclamaient le soutien de l’Occident.
Enfermés dans l’Empire ottoman
avaient-ils d’autres moyens ?
depuis
des
siècles,
privés
d’un
état,
Malgré une certaine continuité dans les pressions diplomatiques sur le
Sultan, ces réformes ne viendront jamais. Cet échec va finalement alimenter
le réveil national des Arméniens, et justifier leur adossement à la Russie.
L’inquiétude des Turcs de voir se répéter le scénario catastrophique des
Balkans, le repli sur l’expansion à l’Est, le panturquisme ou pantouranisme
seront les principaux arguments géopolitiques du plan d’extermination mis
en œuvre durant la première guerre mondiale.
N’oublions pas qu’en 1878, les Russes étaient sur le point de prendre
Constantinople et qu’ils en ont été empêchés par les occidentaux au premier
rang desquels l’Angleterre, qui suivie plus tard par les Etats Unis
n’auront de cesse de soutenir la Turquie pour contenir l’expansionnisme
russe. Le cours de l’Histoire en aurait certainement été changé. La
soviétisation puis la guerre froide n’ont rien arrangé, au contraire. Seule
consolation la survivance après 1918, grâce au sacrifice d’une poignée de
combattants volontaires et du protectionnisme russe, d’une République
d’Arménie, indépendante depuis 1992, sanctuaire des Arméniens dispersés
dans le monde.
Les alliés anglais et français n’ont jamais sacrifié le moindre de leurs
intérêts coloniaux et leurs liens d’amitié avec la Turquie pour soutenir la
Cause arménienne. C’est à se demander si la campagne des Dardanelles en
avril 1915, mal engagée, mal préparée, défaite magistrale francobritannique dirigée par Churchill lui- même, n’a pas été mené pour la forme
en sacrifiant des milliers de combattants issus pour l’essentiel des
colonies (africains, australiens), autant dire des vies qui ne valaient pas
très cher aux yeux des Occidentaux. Cet épisode a permis à l’armée turque
de concentrer son action sur le front Est où les Anglais les ont laissé
faire. Comme si cela ne suffisait pas, les Turcs ont toujours bénéficié du
soutien de l’Allemagne, qu’elle soit impériale jadis ou fédérale
aujourd’hui.
Cent ans après, qu’est ce qui a changé ? A la lumière des évènements,
presque rien : les rivalités géostratégiques entre occidentaux, l’hostilité
à l’influence de la Russie et de l’Iran, le chaos en Irak et en Syrie, ont
sacrifié en trois ans ce qui restait de chrétiens en Orient et jeté sur les
routes de l’exil des millions de réfugiés.
La Turquie laïque durant la dictature kémaliste, est redevenue islamique,
ce qu’elle a toujours été au fond, sans rien perdre du soutien occidental.
Avec l’Arabie Saoudite, elle a inspiré sinon favorisé l’émergence de
l’armée islamique. L’Union Européenne, Allemagne en tête, toujours aussi
prompte à soutenir la Turquie à tout prix, a proposé trois milliards
d’Euros d’aide pour parquer les réfugiés dans des camps, et ce n’est pas
fini. On peut le comprendre mais pourquoi avoir ouvert un nouveau chapitre
d’adhésion à l’UE. Une aberration qui convient bien aux affaires étrangères
de la France et à tous les lobbies turcs en France (groupe d’amitié franco
turque, Institut du Bosphore, intérêts économiques....). Comme un rappel de
l’Histoire, c’est la Russie qui a surpris le monde et contrarié la Turquie
et ses alliés, en ouvrant à sa façon, la voie à un engagement militaire
plus efficace contre l’Etat islamique et d’une manière plus générale contre
une prise du pouvoir les islamistes en Syrie.
Le djihad : une arme de destruction massive.
Si les conditions géopolitiques n’ont guère évoluées, ce tournant du siècle
est lourdement marqué par la montée de d’une résurgence à des degrés divers
de l’Islam radical. La révolution iranienne et son rival l’Arabie saoudite
ont outrageusement « confessionnalisé » le Moyen-Orient en réveillant une
nouvelle forme du djihâd qui se répand dans tout le monde musulman et qui
se manifeste jusqu’en Europe : France, Belgique en particuliers.
Avec le recul qui convient, le djihadisme est la cause profonde de
l’élimination des Arméniens dès les premières vagues du djihadisme arabo
musulman au VIIème siècle. C’est le sort qui attendait en particuliers la
plupart des chrétiens dès lors qu’ils résistaient à la soumission ou à la
conversion. Il faut rappeler que Byzance, la seule puissance chrétienne de
la région, hostile aux choix théologiques des chrétiens monophysites du
Moyen Orient, les a abandonnés à leur sort. Avec l’échec des Croisades et
la chute de Constantinople en 1453 sous les coups des Ottomans, le sort
funeste des Arméniens était scellé.
On a souvent dit, sans doute inspiré par le génocide des juifs en Europe,
que les Arméniens ont été massacrés parce qu’ils étaient Arméniens. Leur
soif d’émancipation nationale bien relative gênait la turquification du
pays. C’est vrai que comme dans les Balkans, les langues et les cultures
nationales avaient connu au cours du XIXème siècle un regain d’intérêt
surtout chez les élites. Mais après 400 ans de domination et de
promiscuité, les Arméniens étaient déjà relativement turquifiés comme la
plupart des peuples conquis puis assimilés par les vagues d’expansionnisme
du djihadisme turco-musulman. Il faut rappeler qu’avant le VIIème siècle,
l’essentiel du Moyen Orient, le foyer historique du christianisme, était
peuplé de chrétiens et de juifs qui à cette époque étaient à la pointe de
la civilisation judéo chrétienne. Ils ont été laminés progressivement par
le djihâd : la conversion, la soumission, l’exil ou la mort. Malgré cela,
pour les institutions officielles de France, l’Islam serait « une religion
de paix ». Peut-être, encore faut-il en convaincre les millions de victimes
d’enlèvement, de massacres et de déportations qui ont lieu en ce moment
même au nom de l’Islam...
Au Moyen-Orient et dans les Balkans, l’Islam s’est répandu par la violence
et la terreur. Ceux qui ont résisté, comme les Arméniens parmi d’autres
peuples, obtenaient par une négociation en échange de la vie le statut de
dhimmi. Leurs survies a été durant des siècles, la condition de la
prospérité économique et culturelle des conquérants qui avaient besoin de
la terreur pour régner et de l’impôt pour s’enrichir ! Ce statut en faisait
des sujets, sans droits, lourdement imposés, soumis à l’arbitraire aux
razzias, aux enlèvements, à la corruption généralisée. La tolérance
religieuse était révocable et soumise à marchandage.
La parenthèse de la révolution Jeune Tuc en 1908, visant à en faire des
citoyens à part entière n’a pas duré sous la pression des religieux et des
ultra- nationalistes. Même le statut de dhimmi est apparu encore trop
favorable aux Arméniens. Leur nombre même modeste, leur existence même,
leur relative prospérité, leurs églises en terre d’Islam, Dâr al-islâm,
étaient une « provocation ».
Quand on songe qu’environ 2 millions d’entre eux étaient dispersés sur une
étendue immense comme une fois et demi la France, avec très peu de moyens
de communication. Ils étaient la plupart du temps minoritaires, même dans
les villages les plus éloignés. A l’Est, les tribus kurdes nomades ou semi
nomades « se servaient » régulièrement par la terreur chez ces Arméniens
sédentaires hautement vulnérables. Quand on réalise que 2 à 3 millions de
musulmans revanchards, déracinés par des chrétiens, déplacés des Balkans et
de Russie, ont précisément été réinstallés, la plupart d’entre eux, dans
les provinces arméniennes, comme si on avait laissé entrer un loup pour un
mouton dans la bergerie !
Avril 1915, il aura suffi d’une étincelle : les ordres du pouvoir politique
relayé par les préfets et la proclamation du djihâd dans les mosquées pour
que le carnage et l’expropriation commencent. Cet acte politico-religieux,
c’est terminé par un génocide.
Si la reconnaissance de cette tragédie a fait du chemin en Occident, aucun
Etat musulman, à l’exception de la Syrie récemment et du Liban ne l’a
reconnu. Pourquoi ? Tant que l’Islamisme radical concernait l’Asie ou
l’Afrique, nos élites ont réagi mollement, encore que la France ait le
mérite d’avoir été à la pointe du combat. Elle le paie aujourd’hui.
Si on se réfère au temps long, celui de l’Histoire millénaire, les
djihadistes, c’est ce qu’ils proclament, ont bien l’intention de se
répandre notamment en Europe. Leur nombre en constante augmentation au sein
d’une société communautarisée, les yeux rivés sur les paraboles, n’est pas
une menace en l’air. Internet a remplacé les minarets. La communauté turque
d’Europe, composée souvent de binationaux, noyautée par des extrémistes,
régulièrement attisés par Ankara, est déjà plus nombreuse que les Arméniens
qui sont assimilés. Et ce n’est pas fini.
Toutes les révolutions ont commencé avec une minorité active, les modérés
ont suivi par résignation, par intérêt ou par la terreur. Tous les
Allemands n’étaient pas nazis, tous les Russes n’étaient pas communistes,
et pourtant ! Nous ne sommes plus au Moyen Age, la liberté de culte n’est
pas la liberté d’imposer sa religion et de l’exposer sur la place publique.
Les Occidentaux n’ont pas vocation à devenir des dhimmis. Il n’est pas
acceptable que des quartiers entiers deviennent des Dâr al-islâm.
Il n’y aura pas d’élimination de l’islam radical et de ses signes
extérieurs tels que « l’exhibitionnisme vestimentaire » dans l’espace
public,
sans
que
les
musulmans
ne
réussissent
à
se
débarrasser
définitivement, entre autres, du dogme du djihâd et ne rétablissent la
confiance en acceptant l’assimilation aux valeurs de leur pays d’adoption.
L’Europe a les moyens de résister au moins sur son sol, à une condition,
que les élites européennes, en particuliers Bruxelles admettent leur courte
vue et tire les leçons de l’Histoire, notamment celle des Arméniens !
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=122978
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