La douleur aigue reste encore insuffisamment évaluée et traitée en situation d’urgence. Les causes de cette « oligo-analgésie » : - dogmes erronés, - mauvaises habitudes, - difficultés d’organisation, - mauvaise utilisation paliers antalgiques - sous-évaluation de l’intensité. Dogmes erronés Crainte d’interférence avec le diagnostic, « Fatalité » de la douleur en situation d’urgence, Priorité aux détresses vitales, Prise en charge globale des patients privilégiée par rapport à la prise en charge spécifique de la douleur, Peur des morphiniques pour leurs effets indésirables. Conséquences de la douleur Cardiovasculaires : tachycardie, hypertension, aggravation d’une ischémie myocardique. Respiratoires : hypoventilation, atélectasie, décompensation d’insuffisance respiratoire chronique. Psychologiques: anxiété, agressivité, agitation pouvant compliquer la prise en charge de ces patients. Evaluation de l’intensité de la douleur aigue La douleur ne peut être bien traitée que si elle est identifiée et correctement évaluée. La fréquence et l’intensité de la douleur en situation d’urgence sont nettement sous-estimées Son évaluation systématique devrait devenir un objectif prioritaire. Evaluation de l’intensité de douleur aigue Utilisation d’échelles d’auto-évaluation en première intention : - échelle numérique (EN) : échelle quantitative de 0 à 100 - échelle visuelle analogique (EVA) : échelle de référence (très utilisée pour l’évaluation de la douleur post-opératoire) - Douleur aigue en urgence <= excès de nociception, soit par - inflammation - traumatisme tissulaire - lésions viscérales - Douleur « classique » par stimulation d’un récepteur a la douleur (récepteur cutané ou viscéral). Par opposition à la douleur neuropathique : lésions du système nerveux à l’origine de manifestations douloureuses (décharges électriques, fourmillements, brûlure). La classification binaire déterminera l’approche thérapeutique. 3.1 Traitements non médicamenteux 3.1.1. Position antalgique Immobilisations des membres en traumatologie 3.1.2 Cryothérapie (application thérapeutique de froid) - poche de glace pilée, placée dans un linge éponge humide - Efficacité maximale : précocement, en phase aiguë, dans les 72 heures suivant le traumatisme - durée d’application recommandée en traumatologie : 15 à 30 minutes 3.2 Traitements médicamenteux 3.2.1. Analgésiques a. Palier 1 : Non morphiniques : - Paracétamol Délai d’action 30 min, pic d’activité entre 1-2h Posologie : 1 g toutes les 6 heures. - AINS : Kétoprofène (Profenid) Délai d’action 20 min Durée d’action de 4 à 6 heures Posologie : 100 mg /8 h, IV lente sur 10 min. b. Palier 2 : Morphiniques faibles +/- Palier 1 - Association Paracétamol et Codéine ou Dextropropoxyphène dans les douleurs modérées - Association Paracétamol et morphine dans les douleurs sévères. b. Palier 2 : Morphiniques faibles +/- Palier 1 - Tramadol : puissance analgésique 10 fois plus faible que morphine Pic analgésique atteint en 60 min Durée d’action : 5-6 h Dose de charge : 100 mg, IV lente en 30 à 60 min Dose d’entretien : 50-100 mg /4-6 h c. Palier 3 : Morphiniques purs - Titration de la morphine par voie IV : 2 à 3 mg/ 5-10 min, jusqu’à obtenir un soulagement jugé satisfaisant par le patient - Les protocoles de titration de morphine prennent en compte le niveau de vigilance et l’intensité des douleurs. c. Palier 3 : Morphiniques purs - Morphine par voie sous-cutanée délai d’action long : 1 h pour l’effet maximal peut être administrée en relai, 2 h après une titration IV - PCA (Patient Controlled Analgésia) - Voie IM déconseillée car douloureuse et absorption inconstante 3.2 Traitements médicamenteux 3.2.2. Anesthésie locale a. Anesthésie topique : - thermique : le froid peut provoquer une anesthésie superficielle très brève - médicamenteuse : en France, on utilise la lidocaïne, ou un mélange de lidocaïne et prilocaine, l’EMLA. b. Anesthésie par infiltration :permet une anesthésie des branches sous cutanées des nerfs sensitifs 3.2 Traitements médicamenteux 3.2.3. Mélange équimoléculaire d’Oxygène et de protoxyde d’azote (N2O)= Kalinox Le protoxyde d’azote est un gaz analgésique d’action centrale. Il permet la réalisation d’actes douloureux, d’intensité moyenne et de durée brève (moins de 30 min.) 3.3 Réévaluation Les mesures correctrices peuvent être : - une majoration du traitement - un changement de classe thérapeutique - une adaptation à une nouvelle composante de la douleur (exemple répercussion psychologique) - le traitement d’un effet secondaire (nausées ou vomissements dus aux morphiniques) 3.4 Stratégie thérapeutique Les différents antalgiques doivent être associés dans le cadre d’une analgésie multimodale selon des protocoles préétablis, validés et enseignés au sein de l’équipe. - Non morphiniques dans les douleurs peu intenses - Association non morphiniques et morphiniques pour les douleurs modérées à intenses La douleur aigue en urgence doit être évaluée de manière systématique et rigoureuse par une échelle d’autoévaluation (échelle visuelle analogique ou numérique). Le traitement doit respecter les grandes fonctions : hémodynamique, ventilatoire et neurologique. Une fois la stabilisation des paramètres vitaux acquise, l’analgésie doit devenir une priorité. L’amélioration de la prise en charge de la douleur passe par une meilleure sensibilisation des équipes, et par des protocoles de prise en charge thérapeutique. Elle s’inscrira dans une démarche qualité car elle aboutira à une amélioration de la qualité des soins.