Hémochromatose génétique HFE : aspects

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Synthèse
Ann Biol Clin 2012 ; 70 (4) : 405-11
Hémochromatose génétique HFE :
aspects réglementaires et économiques
du diagnostic et de la prise en charge*
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Hereditary hemochromatosis HFE: regulatory and economic aspects
of diagnosis and medical management
Martine Ropert-Bouchet1
Isabelle Fajardy2
Henri Michel3
Résumé. L’hémochromatose génétique HFE est une affection de longue durée
(ALD no 17 – Maladies métaboliques et héréditaires) qui reste la première
maladie génétique en France (60 % de l’ensemble des maladies génétiques).
Elle est parfaitement codifiée par la Haute autorité de santé (HAS) quant à la
liste des actes et des prestations autorisés et leur cotation, afin de limiter les
dépenses de santé inutiles. La recherche de la mutation C282Y du gène HFE
permettant de confirmer le diagnostic est prise en charge par la sécurité sociale
depuis 2007 (dans certaines conditions). Le traitement par saignées est bien
codifié. Il doit débuter en milieu hospitalier et est en général bien toléré. La
récupération du sang des patients (dons-saignées) depuis avril 2009 dans des
Établissements français du sang était souhaitée par certains malades et assure
un apport supplémentaire à la transfusion sanguine. Cependant, si cette maladie
génétique est bien connue du point de vue scientifique (mécanisme et toxicité
de la surcharge en fer, gène. . .) et du point de vue thérapeutique (saignées), le
diagnostic est toujours trop tardif par méconnaissance des symptômes.
1 Laboratoire de biochimie,
CHU de Rennes
<[email protected]>
2 Institut de biochimie et biologie
moléculaire, Lille
3 Association hémochromatose France,
Nîmes
Mots clés : hémochromatose, réglementation, aspects économiques
Abstract. HFE hereditary hemochromatosis is a chronic illness (ALD
no 17 – Maladies métaboliques et héréditaires) which is the first genetic disease
in France (60% of all genetic diseases). The list of medical acts and the services
supported by the French national health insurance fund are fully codified by
the French national authority for health (HAS) in order to reduce unnecessary
health care spending. The search for the C282Y mutation of the HFE gene to
confirm the diagnosis is supported by French national health insurance fund
since 2007 (under certain conditions). Treatment by phlebotomy is well established. It should begin in hospital and is generally well tolerated. Since April
2009, the use of the patient’s blood (phlebotomy – blood donations) in French
blood centers provides an additional contribution to blood transfusion. However,
if this genetic disease is well known to the scientific viewpoint (mechanism and
toxicity of iron overload, gene. . .) and therapeutically (bleeding), the diagnosis
is always made too late by ignorance of the symptoms.
doi:10.1684/abc.2012.0731
Article reçu le 02 avril 2012,
accepté le 20 avril 2012
Key words: hemochromatosis, regulatory, economic aspects
∗
Tirés à part : M. Ropert-Bouchet
Travail réalisé dans le cadre du Groupe de veille SFBC « Fer et hémochromatose ».
Membres du groupe : Patricia Aguilar-Martinez (Coordonnateur), Carole Beaumont, Muriel Bost,
Joël Corberand, Véronique David, Gérard Dine, Isabelle Fajardy, Victoria Gerolami, Jean-Louis
Berge-Lefranc, Anne-Marie Jouanolle, Henri Michel, Daniel Seifer, Jérôme Pfeffer, Catherine
Vallat, Martine Ropert, Victor Sieso, Jean-Pierre Vinel
Pour citer cet article : Ropert-Bouchet M, Fajardy I, Michel H. Hémochromatose génétique HFE : aspects réglementaires et économiques du diagnostic et de la prise en
charge. Ann Biol Clin 2012 ; 70(4) : 405-11 doi:10.1684/abc.2012.0731
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Synthèse
Modalités de prise en charge
de la maladie et coût
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La prise en charge
L’hémochromatose (HFE ou hémochromatose de type 1)
est une pathologie génétique de transmission autosomique
récessive, caractérisée par une surcharge en fer progressive
de l’organisme. Elle est liée majoritairement à la présence
à l’état homozygote de la mutation C282Y du gène HFE.
L’hémochromatose génétique HFE est une affection de
longue durée (ALD no 17 – Maladies métaboliques et
héréditaires). Les modalités de prise en charge du sujet
homozygote pour C282Y dont le diagnostic vient d’être
établi ont été précisées par la Haute autorité de santé (HAS)
dans le cadre de recommandations professionnelles [1].
Cette prise en charge doit être adaptée au stade d’expression
phénotypique du patient. Les paramètres cliniques et biologiques qui ont servi de base pour établir une classification
en 5 stades de sévérité croissante de l’expression de
l’homozygotie C282Y sont présentés dans le tableau 1.
La liste des actes et prestations pour la prise en charge d’un
patient atteint d’hémochromatose liée au gène HFE, définie
par la HAS en 2005 et actualisée en mars 2010 [1, 2], cible
les bilans qui peuvent apparaître justifiés pour un malade
en affection longue durée, lors d’un suivi ambulatoire. Elle
doit servir de base aux protocoles de soins pour les patients
en ALD. Cette liste comporte des actes de biologie et des
actes techniques réalisés par certains professionnels.
Concernant les actes de biologie, on trouve les paramètres
suivants :
– coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf) : bilan
initial (stades 0 et 1) et suivi ;
– ferritinémie : bilan initial (stades 0 et 1) et suivi ;
– hémogramme y compris plaquettes : bilan initial (stades
2, 3 et 4), et suivi ;
– transaminases (ASAT, ALAT) : bilan initial (stades 2, 3
et 4) et suivi si anomalie initiale ;
– glycémie : bilan initial (stades 2, 3 et 4) et suivi si anomalie initiale ;
– testostérone (sang) : bilan initial (stades 3 et 4) (homme).
Concernant les actes techniques, la liste des examens
trouve :
– échographie hépatique : bilan initial (stades 3 et 4) et suivi
si fibrose significative ;
– échographie cardiaque : bilan initial (stades 3 et 4), et
suivi sur avis spécialisé, IRM plus rarement ;
– ostéodensitométrie : bilan initial (stades 2, 3 et 4) en
présence de cofacteurs d’ostéoporose ;
– IRM hépatique : bilan initial (stades 2, 3 et 4) en cas ou
non de cofacteurs d’hyperferritinémie (alcool, syndrome
métabolique, etc.) sur avis d’un spécialiste en hépatologie ;
– ponction biopsie hépatique : suspicion de cirrhose (ou de
cancer).
Ainsi, aux stades 0 et 1 (absence d’hyperferritinémie),
aucun examen paraclinique n’est recommandé en complément de l’examen clinique et du bilan martial standard
(CS-Tf et ferritinémie). Au stade 2, en plus de l’examen
clinique et du bilan martial, l’exploration doit comporter un hémogramme, un dosage des transaminases, de la
glycémie ainsi que la réalisation d’une ostéodensitométrie et d’une IRM hépatique. Aux stades 3 et 4, en plus
des examens précédemment cités, le bilan recherchera
d’éventuelles atteintes hépatiques, cardiaques ou gonadiques avec des examens échographiques, et un dosage de
la testostéronémie. En fonction des données obtenues, le
patient sera orienté vers des consultations professionnelles
dites « en recours systématique » ou « en cas de nécessité »
(tableau 2). Ainsi, certaines situations particulières de
complications faisant l’objet d’hospitalisation peuvent être
à l’origine d’actes et de soins non listés ici.
À propos des professionnels en recours systématique,
l’Association hémochromatose France (AHF), association
de malades comportant 1 879 adhérents, propose d’ajouter
le médecin du travail et le psychiatre aux praticiens impliqués. En effet, la plupart des patients en activité souffrent
fréquemment de fatigue chronique, ainsi que d’un état
dépressif ignoré survenant en réaction de leur maladie, avec
un retentissement sur l’activité professionnelle. Ces manifestations sont d’autant plus évidentes dans les métiers où
les conditions de travail sont dites « pénibles ». La diminution de l’efficacité et de la productivité au travail sont
souvent mal tolérés par l’employeur, car la maladie « ne se
voit pas ». En effet, le patient hémochromatosique est rassurant sur son aspect physique : les douleurs, l’état dépressif
ne transparaissent pas. Ainsi, la consultation de médecins
du travail ou de psychiatres permettrait à ces patients d’être
entendus.
En ce qui concerne les actes techniques, l’échographie
hépatique et le dosage de l’alpha-fœtoprotéine devraient
Tableau 1. Les différents stades de l’hémochromatose génétique avec en corollaire l’expression clinique et biologique.
Expression clinique
Expression biologique
Stade 0
Pas de symptômes
*CS-Tf < 45 %
Ferritinémie normale
Stade 1
Pas de symptômes
CS-Tf > 45 %
Ferritinémie normale
Stade 2
Pas de symptômes
CS-Tf > 45 %
Hyperferritinémie
Stade 3 et 4
Phase d’expression clinique
CS-Tf > 45 %
Hyperferritinémie
* CS-Tf : coefficient de saturation de la transferrine.
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Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012
Hémochromatose génétique
être réalisées tous les 6 mois dès que la ferritine dépasse
1 000 ␮g/L, mais aussi en phase de désaturation. En effet,
le cancer primitif du foie peut survenir sur foie désaturé et
même non cirrhotique [3, 4].
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Le coût des tests et examens biologiques
recommandés
La nomenclature et le coût des actes de biologie médicale
recommandés pour la prise en charge d’un patient atteint
d’hémochromatose sont présentés dans le tableau 3.
Concernant le bilan martial, la capacité totale de saturation
de la transferrine (CTST) est déterminée par calcul à partir
du dosage de la transferrine selon la formule suivante :
CTST (␮mol/L) = transferrine (g/L) x 25
En cas de prescription de coefficient de saturation en
fer de la transferrine (CS-Tf), c’est-à-dire du rapport fer
sérique/CTST, (exprimé en %) le laboratoire exécute et cote
les actes 0548 (fer) et 2000 (CTST) pour ce calcul, soit un
coût de 9,99 D. La cotation de l’acte 2000 (CTST) n’est pas
cumulable avec celle de l’acte 1819 (dosage de la transferrine, coté B25 s’il est réalisé isolément). Le nombre de
Tableau 2. Liste des professionnels médicaux impliqués dans la
prise en charge de l’hémochromatose génétique.
Professionnels
Recours systématique
Médecin généraliste
Hépato-gastro-entérologue
Recours en cas de nécessité
Rhumatologue
Endocrinologue
Cardiologue
Médecin interniste
Généticien
Hématologue
Radiologue
Infirmier
Situations particulières
Tous les patients
Tous les patients
En fonction du stade et de
l’existence de complications
Traitement à domicile
prescriptions du CS-Tf a augmenté de plus de 6 000 % entre
2005 et 2007. Il est passé de 9 000 à 609 000 [5].
Le coût de la recherche de la mutation du gène HFE en
C282Y homozygote correspond à B180, soit 48,60 D selon
la valeur de la lettre clé B à 0,27 D au 1er janvier 2011.
La recherche de la mutation (Journal officiel du 30 mars
2007, décision effective le 30 avril) a été retenue dans 2
indications : contexte individuel, contexte familial.
De nombreux actes sont réalisés avant que le diagnostic
d’HG soit posé. Selon une enquête de l’AHF effectuée
auprès de 257 patients entre 2003 et 2006, une dizaine
d’années serait nécessaire pour établir ce diagnostic. Selon
cette enquête, avant le diagnostic, les patients ont consulté 4
généralistes et 5 spécialistes (rhumatologue : 17 %, gastroentérologues : 25 %, cardiologues : 18 %, urologues : 6 %,
gynécologues : 3 %, divers : 3 %). Ils ont bénéficié de
bilans sanguins (12 %), d’échographies diverses (2 %),
de radiographies osseuses (19 %), pulmonaires (12 %),
d’ostéodensitométries (20 %). Certains d’entre eux ont dû
être hospitalisés. Des prothèses de hanche (9 %), épaule
(2 %), ont été réalisées chez des malades dont le diagnostic
d’HG n’était pas posé. Des arrêts de travail ont été prescrits
(25 %) parfois sur un an. Des invalidités complètes (8 %)
ou partielles ont été prescrites (2 %).
Coût des différentes stratégies
diagnostiques
Un arbre décisionnel proposé en 2001 [6] permet de concevoir à partir du coefficient de saturation les différentes
stratégies aussi bien individuelles qu’en dépistage de masse.
Le diagnostic individuel
Dans le cadre du diagnostic individuel, deux situations sont
possibles :
– au cours d’un bilan systématique où est retrouvée une
augmentation de la ferritine et/ou du coefficient de saturation de la transferrine plus exceptionnellement. Après
Tableau 3. Nomenclature des actes de biologie médicale, codes et cotations des différents examens.
Paramètres
Fer sérique
Capacité totale de saturation de la transferrine (CTST)**
Coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf)***
Ferritine
Hémogramme
Transaminases (ASAT + ALAT)
Glycémie
Testostérone
Codes nomenclature
0548
2000
0548 + 2000
1213
1104
522
552
357
Cotation clé B
B9
B20
B12 + B25
B40
B32
B20
B5
B65
Valeur euros*
2,43
5,4
7,83
10,80
8,64
4,05
1,35
17,55
* Selon la valeur de la lettre clé B à 0,27 D au 1er janvier 2011 ; ** La CTST a remplacé la capacité de fixation du fer avec dosage du fer (2007).
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Synthèse
avoir vérifié que cette augmentation n’est pas secondaire
à une autre étiologie (dysérythropoïèse, transfusions, insuffisance hépatocellulaire, syndrome néphrotique, inflammation, alcoolisme. . .), le test HFE est réalisé et l’homozygotie
C282Y repérée ;
– au cours d’un bilan orienté chez un patient qui présente
des signes suggérant une hémochromatose. Le diagnostic
doit être évoqué devant une présentation polymorphe avec
des symptômes chroniques tels qu’une asthénie chronique,
des arthralgies des 2e et 3e doigts, une impuissance sexuelle,
une mélanodermie, un diabète. Les signes biologiques
peuvent retrouver une élévation des marqueurs sériques du
fer (CS-Tf, ferritinémie), une hyperglycémie, une hypertransaminasémie modérée. Le diagnostic est confirmé par
la recherche de la mutation C282Y.
Ce dépistage individuel est exceptionnel entre 20 et 35 ans :
l’Association hémochromatose France estime à moins de
10 % le pourcentage des malades aujourd’hui diagnostiqués
à cette période de la vie. La plupart de ces diagnostics individuels sont faits à 50-60-70 ans sur des manifestations qui
sont des complications de l’HG : diabète de type 1, dégâts
articulaires, cardiomyopathies, cirrhoses ou même hépatocarcinomes. Les saignées, qui sont toujours à réaliser, sont
moins efficaces (tableau 5).
L’examen des caractéristiques génétiques est encadré par
la législation française (décret 2000-570 du 23 juin 2000)
[7]. Il pose en effet des problèmes spécifiques car il touche
l’individu dans sa nature intime et dans ses liens avec sa
famille. Le résultat, quel qu’il soit, peut avoir des répercussions sur la vie personnelle et familiale ; il peut être ressenti
comme une anormalité, voire une discrimination.
La pratique des tests génétiques [7] implique donc le respect
d’un certain nombre de règles qui sont résumées ci-dessous :
– le test ne peut pas être réalisé comme un examen de
routine et ne doit pas être prescrit en première intention ;
– avant le test, le sujet doit avoir compris la nature de
l’examen, la signification des résultats, et les conséquences
éventuelles en termes de suivi ou de traitement ;
– l’information doit être donnée par un médecin qui a des
compétences en génétique médicale. Elle doit être directe
et orale pour permettre un dialogue, puis consignée sur un
document écrit ;
– le sujet doit avoir donné spécifiquement son consentement écrit avant la réalisation du test. Une fois testé, il peut
refuser de connaître ses résultats et son droit de ne pas savoir
doit toujours être respecté ;
– l’annonce des résultats doit être faite directement au sujet
(probant) par un médecin qui, par sa compétence, peut
expliquer la signification des résultats ;
– le secret médical doit être respecté vis-à-vis des tiers,
y compris les autres membres de la famille. Ces derniers
ne doivent pas être sollicités directement par le médecin.
Si un sujet refuse de faire connaître à sa famille le risque
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révélé par le test génétique qu’il a subi, le médecin est dans
l’impossibilité de contacter les apparentés. Il doit informer le sujet testé de sa responsabilité et tout faire pour le
convaincre d’informer ses proches.
Le dépistage familial
Il est accepté et pris en charge par la sécurité sociale. Une
fois le diagnostic d’hémochromatose C282Y homozygote
porté chez l’un des membres d’une famille, le dépistage
familial chez les apparentés de premier degré du probant
homozygote C282Y est recommandé [1]. Ainsi, le probant
doit être informé personnellement par le médecin traitant
ou spécialiste de la maladie, sur les avantages (et les inconvénients éventuels) d’une démarche de dépistage pour les
membres de sa famille et les probabilités pour chacun
d’entre eux d’être homozygote C282Y et de développer
la maladie. Il est demandé au probant d’informer tous les
membres de sa fratrie, ses enfants majeurs et ses parents sur
l’intérêt de réaliser des examens biologiques (Cs-Tf, ferritinémie) ou génétiques (test HFE). Seul le probant a le droit
d’informer ses apparentés.
Chez un sujet hétérozygote simple pour la mutation C282Y,
aucun suivi n’est nécessaire sauf en cas d’anomalie des
paramètres biologiques indiquant une surcharge martiale.
La confirmation génétique chez les parents n’interviendra
qu’en fonction des résultats des premiers tests biologiques
et après confirmation de leur valeur supérieure à la normale.
Pour les apparentés au 2nd degré, la démarche d’information
peut être adaptée et proposée en fonction des données de
l’arbre généalogique.
Compte tenu de l’histoire naturelle de la maladie, le dépistage, biologique ou génétique, chez les enfants mineurs du
probant n’est qu’exceptionnellement utile. Selon les textes
réglementaires en vigueur, étant non nécessaire, il n’est
donc pas légitime de le réaliser que ce soit sous la forme
d’un dépistage biologique ou génétique. Pour ce cas particulier des mineurs, le décret du 23 juin 2000 précise que
les examens des caractéristiques génétiques « ne peuvent
être prescrits que si ces derniers (les enfants mineurs) ou
leur famille peuvent personnellement bénéficier de mesures
préventives ou curatives immédiates ». Ces recommandations sont à mettre en parallèle avec les avis du Comité
consultatif national d’éthique français. L’avis no 25 de 1991
porte sur l’application des tests génétiques aux études individuelles et familiales ainsi qu’aux études de population. Il
a servi de base à l’élaboration du décret du 23 juin 2000
et indique que l’analyse du génotype d’un enfant mineur
demandée par les parents ne doit être effectuée que si la
maladie liée à ce génotype peut se déclarer avant 18 ans ou
si l’enfant mineur peut bénéficier de mesures préventives
instaurées avant 18 ans. Compte tenu de l’histoire naturelle
de la maladie, les cas d’hémochromatose symptomatique
chez des enfants mineurs sont exceptionnels.
Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012
Hémochromatose génétique
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Le dépistage dans la population générale
Le dépistage de l’hémochromatose génétique HFE dans
la population générale, qu’il soit phénotypique ou génotypique, n’est pas, à ce jour, recommandé par la HAS [1].
Cependant, l’HG correspond aux critères définis par l’OMS
[8] pour les maladies devant bénéficier d’un dépistage. En
effet :
– l’HG représente un problème de santé publique important : 1 Français sur 300 est porteur de mutations du gène
HFE et l’hémochromatose est responsable d’une diminution significative de la durée de vie chez les malades
porteurs de complications au moment du diagnostic, alors
que les malades diagnostiqués et traités avant l’apparition
de ces complications ont une durée de vie identique à celle
de la population générale ;
– l’histoire naturelle de la maladie est connue ;
– son diagnostic (tests biologiques précis, test génétique de
confirmation) et son traitement (saignées) sont faciles ;
– il existe une reconnaissance possible des formes débutantes (taux de ferritine, CS-Tf) ;
– le coût du cas diagnostiqué est raisonnable ;
– le dépistage est applicable dans le système de santé en
vigueur ;
– un test efficace est disponible ;
– ce test est acceptable par la population ;
– le traitement simple, efficace et peu coûteux est accepté
par les personnes atteintes de la maladie (les saignées sont
bien tolérées dans 77 % des cas [9]) ;
– il existe un consensus sur les indications de traitement
(saignées).
De nombreuses conditions sont donc remplies pour formaliser un dépistage précoce, lequel permettrait d’éviter
les complications sévères parfois invalidantes ou mortelles
dont peuvent souffrir les patients chez lesquels le diagnostic
a été établi tardivement. Force est de constater que ce sont
surtout des considérations économiques qui freinent la mise
en place du dépistage dans la population générale. Si l’on
considère 20 millions de sujets caucasiens (les autres populations étant exceptionnellement atteintes) de 20 à 35 ans,
en estimant à 20 D le prix de réalisation du coefficient de
saturation et de la ferritinémie, le coût du dépistage serait
de 400 millions d’euros.
L’Association hémochromatose France milite depuis plusieurs années pour le dépistage systématique de la maladie.
Son action a probablement contribué à une meilleure
connaissance de l’hémochromatose par les patients, les
médecins et le grand public.
Le dépistage dans la population générale a progressé
comme en témoigne l’augmentation du nombre de prescriptions médicales pour le test de coefficient de saturation
de la transferrine (examen indispensable au diagnostic initial). Comme indiqué plus haut, la prescription de ce test a
augmenté de 6 000 % entre 2005 et 2007 [5]. Concernant
le dépistage de l’hémochromatose génétique à la naissance,
une étude pilote réalisée pendant trois ans dans des maternités de Picardie [10] conclut qu’il n’est pas recommandé
car il pose de nombreux problèmes d’ordre éthique qui
s’amplifient pour le nouveau-né. En effet, dans le cas de
l’hémochromatose HFE, il existe un risque de stigmatisation du génotype C282Y homozygote avant l’âge de
l’apparition des premières anomalies biochimiques.
Traitements
Les saignées
Les saignées constituent le traitement de référence [2]. Elles
ont démontré leur efficacité sur la survie des patients et la
régression de certaines des complications associées à la surcharge martiale [11] et ceci d’autant plus que le traitement a
été commencé précocement, c’est-à-dire avant l’apparition
des complications. En effet, elles sont peu efficaces à 50-60
ans sur les complications cardiaques, articulaires, les états
dépressifs ou le diabète (tableau 4).
Lieu des saignées
Les saignées peuvent être réalisées en centre hospitalier,
dans un établissement français du sang (EFS), en cabinet
médical ou par une infirmière libérale. La prise en charge
Tableau 4. Efficacité du traitement déplétif sur la symptomatologie perçue de l’hémochromatose HFE (d’après Mc Donnell et al., 1999
[12]).
Symptômes
Mélanodermie
Asthénie
Dépression
Douleurs abdominales
Baisse de la libido
Arthralgie
Troubles du rythme
Amélioration*
59
54
41
22
13
9
6
Aggravation*
4
17
10
12
28
34
10
Stabilisation*
37
29
49
66
59
57
84
(*) : données exprimées en pourcentage rapportées au nombre de sujets exprimant ce symptôme.
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Synthèse
à domicile peut être proposée en cas d’éloignement du
patient d’une structure de soins habilitée ou à la demande
de celui-ci, par exemple en vue d’une amélioration attendue
de son observance. Dans 23 % des cas, il peut survenir des
malaises, hypotension, vertiges. La tolérance aux saignées
est bonne dans 77 % des cas. Cette prise en charge à domicile est contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque
ou de cardiopathie décompensée, de mauvais état général, d’antécédents de malaises à l’occasion de prélèvements
sanguins ayant nécessité l’intervention d’un médecin. Elle
concerne essentiellement la phase d’entretien et peut être
acceptée en phase d’induction, mais uniquement après que
les 5 premières saignées aient été effectuées dans une structure de soins spécialisée (car les éventuels problèmes de
tolérance générale se rencontrent habituellement au début
de la mise en route du traitement déplétif). La réalisation des phlébotomies à domicile implique une surveillance
constante par l’IDE et la possibilité d’intervention rapide
d’un médecin. Cette prise en charge doit s’accompagner de
l’élaboration d’un projet thérapeutique écrit entre les différents partenaires médicaux et paramédicaux assurant la
prise en charge du patient. Toute prise en charge à domicile doit s’accompagner d’une procédure écrite décrivant
l’élimination des déchets (Déchets d’activité de soins à
risque infectieux (DASRI)) générés par l’activité à domicile
(conditionnement et récupération au domicile du patient,
transport et stockage avant destruction dans une structure
agréée). À titre sécuritaire et en vue d’une élimination systématique des déchets, le recours à des kits de saignée,
disponibles sur le marché et comprenant au minimum la
tubulure et la poche collectrice est fortement recommandé
par la HAS [5].
Concernant les différents lieux de saignée, une enquête réalisée en 2009 par l’AHF retrouve par ordre croissant de fréquentation : centres hospitaliers (44 %) dont 16 % en hôpital
de jour (interdit depuis 2005 en raison du coût élevé) et
28 % en consultation hospitalière maintenant, EFS (34 %),
domicile par infirmière (10 %), dispensaires (3 %), centre
infirmier (3 %), laboratoires de biologie médicale (3 %, non
remboursé par la sécurité sociale), cabinet médical (3 %).
Tarif des saignées
Le coût des saignées est très variable selon le lieu de réalisation de la saignée : le tableau 5 présente le coût dans
chaque cas. Concernant la tarification pour les hôpitaux,
elle a été fixée par un arrêté du 25 février 2008 (paru au
Journal officiel du 5 mars 2008). La nouvelle classification
des prestations hospitalières précise que pour les saignées
thérapeutiques (FEJF 003) lorsqu’une mise en observation
en environnement hospitalier est nécessaire au patient, il
peut être facturé, un « forfait d’environnement » ou SE4 à
20,10 D. À ce forfait, il est possible de rajouter une consultation (23 euros).
Devant une telle disparité, il serait très important que la
tarification soit revalorisée, surtout pour les infirmières, et
harmonisée au plan national entre tous les acteurs.
Saignées et don de sang
L’arrêté du 12 janvier 2009 (Journal officiel du 18 janvier
2009, page 1067, texte no 23) fixant les critères de sélection
des donneurs de sang précise que l’hémochromatose génétique n’est pas une contre-indication au don de sang. En
cas d’indications de déplétions sanguines thérapeutiques,
le don de sang est autorisé, sur proposition d’un médecin
d’EFS ou du centre de transfusion sanguine des armées,
sous réserve d’une information éclairée du donneur et de
son consentement, dans le respect des conditions suivantes :
– le prélèvement est fait sur un site transfusionnel comprenant un centre de santé ;
– le prélèvement est fait en collaboration avec l’équipe
médicale assurant le suivi du patient ;
– le don respecte les critères de sélection fixés par le présent
arrêté. Le médecin peut décider de déroger aux dispositions
relatives aux intervalles entre deux dons et au nombre de
dons par an.
Cette disposition répond entre autres à un vœu formulé
depuis de nombreuses années par les patients hémochromatosiques de voir leur sang utilisé à des fins médicales et
non pas éliminé.
Autres traitements
Les chélateurs du fer
Ils sont utilisés chez seulement 2 % des patients [9], essentiellement en cas de contre-indication des saignées due par
exemple à une anémie associée ou lorsque le réseau veineux
est inabordable. Les médicaments actuellement disponibles
sont :
Tableau 5. Coût des saignées selon le lieu de réalisation.
À domicile (IDE)
Tarifs (D)
(2011)
410
Consultation hospitalière
Acte médico
infirmier AMI
5
Indemnité
forfaitaire de
déplacement
15,75 D
2,30 D
EFS (centres
de soins)
Hôpital
de jour
40 D
Arrêt depuis
2005
Saignée thérapeutique
FEJF003
Forfait environnement
SE4
Consultation
18,69 D
20,10 D
23 D
Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012
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Hémochromatose génétique
– le Desféral® (déféroxamine) administré par voie souscutanée abdominale 5 jours sur 7 à la dose de 20 à 60 mg/kg ;
en général pendant la nuit en sous-cutanée abdominale ;
– le Ferriprox® (défériprone) administré par voie orale, surtout prescrit dans les surcharges cardiaques. Ce chélateur est
essentiellement indiqué dans le traitement de la surcharge
en fer chez les patients qui présentent une thalassémie
majeure et pour lesquels un traitement par la déféroxamine
est contre-indiqué ou inadapté. Il n’a pas d’AMM en France
pour l’hémochromatose génétique ;
– L’Exjade® (déférasirox), administré per os, essentiellement dans les surcharges en fer d’origine hématologique,
surtout les thalassémies majeures. Il n’y a pas encore
d’AMM pour les hémochromatoses génétiques.
2. Haute autorité de santé. Liste des actes et prestations affections de
longue durée – hémochromatose liée au gène HFE (type 1) – Actualisation
mars 2010. Paris : HAS, 2010.
L’érythraphérèse
Il s’agit d’une technique d’aphérèse permettant le prélèvement sélectif des hématies. Les autres constituants
du sang (plasma, plaquettes, globules blancs) sont réinjectés au patient. L’efficacité de la technique est liée à
l’important volume de globules rouges prélevé par séance,
soit l’équivalent de 3 saignées de 500 mL. Néanmoins, cette
technique est plus coûteuse que les saignées (300 D) et n’est
pas prise en charge par la sécurité sociale.
Dans l’avenir, d’autres traitements tel que l’hepcidine sont
attendus.
7. Décret no 2000-570 du 23 juin 2000 fixant les conditions de prescription et de réalisation des examens des caractéristiques génétiques
d’une personne et de son identification par empreintes génétiques à des
fins médicales et modifiant le Code de la santé publique (deuxième
partie : décrets en Conseil d’État). Journal officiel du 27 juin 2000 :
9652-4.
Conflits d’intérêts : aucun.
Références
1. Haute autorité de santé. Prise en charge de l’hémochromatose liée au
gène HFE1. Paris : HAS, 2005.
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3. Deugnier Y, Brissot P. In : Benhamou JP, Bircher J, Mc Intyre N,
Rizzetto M, Rodes J, eds. Hépatologie clinique. 2e édition. Paris : Flammarion, 1999 : 1378-92.
4. Bismuth M, Aguilar-Martinez P, Michel H. L’hémochromatose héréditaire. Presse Med 2003 ; 32 : 1716-23.
5. Points de Repère – octobre 2008 - Caisse nationale de Sécurité sociale.
6. Vernet M, Corberand J, David V, Deugnier Y, Frey J, Giraudet
P, et al. Algorithmes de prescription recommandés pour le diagnostic
d’un déficit et d’une surcharge en fer. Société Française de Biologie
Clinique, Société Française d’hématologie. Ann Biol Clin 2001, 59 :
149-55.
8. Wilson JMG, Junger G. The principles and practice of screening for
disease. Genève : World Health Organization, 1968.
9. Enquête sur les saignées dans l’hémochromatose génétique. Bulletin
no 107, janvier-février 2010 – Association hémochromatose France.
10. Rochette J, Cadet E. Screening for HFE C282Y mutation at birth ?
Rev Med Int 2006 ; 27 : 1-4.
11. Bomford A, Williams R. Long term results of venesection therapy in
idiopathic haemochromatosis. Q J Med 1976 ; 45 : 611-23.
12. McDonnell SM, Preston BL, Jewell SA, Barton JC, Edwards CQ,
Adams PC, et al. A survey of 2,851 patients with hemochromatosis : symptoms and response to treatment. Am J Med 1999 ; 106 :
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