Sœur Dr Gilles Aimée CISSE Séminaire sur l’Epistémologie UCAO/Saint Michel les 16-17-18 mars 2017 L'homme a naturellement le désir de connaître et ce penchant existe en nous tous. La connaissance est la saisie par l’esprit d’un objet de connaissance par un sujet. Connaître c’est avoir à l’esprit un objet de pensée non en tant que donnée, mais en tant que saisie dans sa nature et dans ses propriétés. La chose connue est aussi la connaissance. Selon le vocable de la langue, la connaissance est l’acte de la pensée qui pénètre et définit l’objet de la connaissance. La connaissance ainsi définie n’est possible que parce que nous sommes dans un monde où il y a des choses et des objets à connaître. Le sujet connaissant est du monde et part du monde de tous les jours. Il ne fait qu’expliquer ce qui est devant ses yeux. Cette coprésence entre sujet connaissant et objet à connaître implique une relation entre deux entités dans l’acte de connaître. Mais pourquoi cherchons-nous à connaître ? Si le travail et la technique sont les activités par lesquelles l’homme cherche à maîtriser la nature, la connaissance est l’activité par laquelle elle la comprend et l’interprète afin d’échapper à l’inquiétude qui l’accable face à l’opacité de la nature. Celle-ci ne peut être domptée que parce que comprise et expliquée. C’est en comprenant le fonctionnement, en l’interprétant que l’homme parvient à agir sur la nature pour la transformer. Reconnaissons que la connaissance est une utilité pratique, car elle nous fournit les outils nous permettent d’être maîtres et possesseurs de la nature. L’approche conceptuelle de l’épistémologie, les formes de connaissance et les différents courants épistémologiques constitueront les axes de notre réflexion durant ces trois jours de séminaire. L’épistémologie signifie étude critique sur la connaissance en général et sur la connaissance scientifique en particulier. C’est une théorie philosophique ayant pour objet de comprendre le fonctionnement de la science, la manière dont l’homme arrive à élaborer des modèles scientifiques. Le terme dérive du grec epistêmê « science » et logos « étude »). Selon Le Robert, dans son application la plus large et la plus courante que nous retiendrons que le mot science se confond souvent avec le mot savoir ou connaissance. C’est un « ensemble de connaissances, d'études d'une valeur universelle, caractérisées par un objet et une méthode déterminés et des relations objectives vérifiables ». Cette définition moderne associe également au mot science une certaine forme de rigueur et d’objectivité. Platon (427-347 av. J.-C.) avait réfléchi sur la connaissance et les conditions de sa production dans le Théétète. 1 Avec la séparation de la philosophie avec la science en 1900, le terme épistémologie voit le jour et s’intéresse désormais à la science. Trois traits principaux caractérisent la science : - la science vise une réalité par une recherche constante, laborieuse et cependant créative de concepts orientés vers la description ou l'organisation de données résistant à nos fantaisies ; - la science a pour objectif de décrire, d'expliquer, de comprendre et non d'agir directement ; - la science a pour objectif de décrire, d'expliquer, de comprendre la science a le souci constant de produire des critères de validation publique, c'est-à-dire exposés au contrôle de quiconque tant soit peu instruit. La magie et le mythe constituent les premières approches du réel. En effet, pour comprendre et expliquer l’univers dans ces diverses manifestations, l’homme a d’abord fait appel à des formes impersonnelles et à des récits populaires qui sont censés guider le monde, l’ordonner et lui donner une signification. Cette attitude a donné naissance aux religions primitives qui faisaient de l’homme un être vivant en permanence avec des êtres qui présidaient à sa destinée et à celle du monde. La connaissance sensible est liée à la sensibilité, à l’expérience concrète. Notons cependant que les sens ne disent pas l’essence, mais l’apparence de l’objet voué au changement. A côté de la connaissance sensible, nous avons la connaissance rationnelle objective fondée sur l’expérience scientifique. La connaissance scientifique, dans ses principes utilise l’idée et l’objet, les confronte pour déterminer la vérité de la fausseté. Cette confrontation confirme ou non l’expérience scientifique. Dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Lalande définit la science comme « un ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d’unités et de généralités susceptibles d’amener les hommes qui s’y consacrent à des conclusions concordantes qui ne résultent ni de conventions arbitraires, ni de goûts, ni des intérêts individuels qui leur sont communs, mais de relations objectives que l’on découvre graduellement et que l’on confirme par des méthodes de vérifications définies ». La connaissance scientifique exige, outre l’usage de la raison, de la réflexion, pour discerner le vrai du faux, un esprit critique et la rupture avec les premières données. Elle exige aussi l’universalité, la neutralité, l’expérimentation et des méthodes de vérification, l’objectivité que confère la distanciation entre le sujet et l’objet. Dans une perspective historique, il se dégage plusieurs courants afférents à l’épistémologie dont le rationalisme qui défend l’idée selon laquelle les connaissances sont l’œuvre de la raison et non des sens, ceci parce que l’objet de la raison passe à travers l’aire des sens pour saisir l’objet dans son essentialité. C’est ainsi que pour les rationalistes (Descartes, Leibnitz, Kant), il faut aller au-delà du monde des sens pour saisir la nature intrinsèque de la chose. La raison est alors la seule faculté permettant d’acquérir des connaissances certaines et crédibles. L'empirisme s'oppose au rationalisme et affirme que toute connaissance provient de l'expérience. Selon ce courant, les sciences progressent en accumulant des observations dont on peut extraire des lois par un raisonnement inductif ou 2 synthétique. Tout ce qui ne peut être le fruit d’une expérimentation ne peut exister. La seule véritable rigueur provient de l'expérience. Les figures emblématiques de ce courant sont Bacon, Locke, Newton, Berkeley. On attribue généralement la paternité du courant positiviste au philosophe Auguste Comte (1718-1857) ainsi qu'aux physiciens Mach (1838-1916), Bridgman (1882-1961) et Bohr (1885-1962). Ce courant positiviste s'inspire de l'empirisme en ce sens qu'il s'en tient aux seuls faits de l’observation, mais reconnaît l'importance du raisonnement en ajoutant que les sciences s'efforcent, en utilisant la mathématisation, de relier entre elles de façon assez simple les données expérimentales. Cette combinaison entre le raisonnement et l'expérience apparaît déjà très clairement chez le comtiste. « S'il est vrai qu'une science ne devient positive qu'en se fondant exclusivement sur des faits observés et dont l'exactitude est généralement reconnue, il est également incontestable […] qu'une branche quelconque de nos connaissances ne devient une science qu'à l'époque où, au moyen d'une hypothèse, on a lié tous les faits qui lui servent de base. » Après le positivisme, nous avons le constructivisme et le réalisme au 20 e siècle. D’après le constructivisme, les connaissances scientifiques sont des constructions subjectives qui ne nous apprennent rien de la réalité. Il faut alors que les sciences construisent une réalité à partir des expériences cognitives successives. C’est d’ailleurs toute la démarche pédagogique que propose Piaget, construire des savoir-faire soi-même sur les savoir-appris des autres. Le réalisme désigne la position qui affirme l’existence d’une réalité extérieure indépendante de l’esprit. Il affirme à la fois l’existence et l’indépendance du monde. En effet, il existe un monde extérieur au sujet qui n’a pas besoin d’être relié à un sujet pour exister. Pour le réalisme, le monde est une chose et nos représentations en sont une autre. Il s'oppose de ce fait au subjectivisme, lequel soutient que le monde n’est qu’une représentation et n’a pas d'existence autonome. L’existence du monde précède celle de notre esprit et le monde continue d’exister sans lui. À la proposition du constructivisme qui voudrait que l'observateur construise la réalité s’oppose la proposition réaliste pour qui l'observateur fait partie de la réalité. 3