38 SYNDEAC rapport annuel 2002-2003 39 Le secteur «indépendant» du spectacle vivant en France Réflexions et propositions élaborées par le groupe de travail de ce secteur de février à mai 2003 Une réflexion sur le secteur indépendant du spectacle vivant (et au-delà, sur la place de la création), a été initiée depuis le début de cette année par les membres de ce secteur élus1 au conseil national du Syndeac. D’autres compagnies adhérentes 2 les ont rejoints. Cette plate-forme constitue la première étape d’un travail plus large qui se donne trois objectifs : 1 • Analyser ce qui existe, ce qui vient, ce qui s’invente, du point de vue de l’art, du point de vue des dispositifs, du point de vue financier. 2 • Élaborer un référentiel commun et le confronter aux aspirations d’autres groupes de réflexion, internes ou externes au Syndeac. 3 • Ouvrir sans attendre une négociation avec les tutelles (locales et nationales), avec les élus politiques et le ministre de la culture et de la communication. préambule concrètement Remettre la création au centre du dispositif. Remettre la culture et l’éducation à la base de la politique. Il est pour nous vital que cette réflexion se mène à l’intérieur d’un organisme réunissant aussi bien des institutions que des compagnies. Aussi bien des structures dirigées par des artistes que par des non-artistes. Pourquoi ? La situation de la création en France n’a jamais été aussi paradoxale. Jamais autant de spectacles n’ont vu le jour, jamais autant de jeunes gens n’ont exprimé le désir de poursuivre une carrière artistique, jamais les salles de spectacle n’ont été aussi remplies par un public parfois agacé, souvent enthousiaste, mais rarement indifférent. Et pourtant… ! Jamais le spectacle vivant n’a été aussi menacé : • Mise en cause brutale du statut d’intermittent. • Accusations d’une grossièreté sans nom, inspirées par le Medef et reprises avec gourmandise par les medias : notre secteur serait truffé d’escrocs, nous serions à nous seuls, responsables du déficit de l’Unedic. • Insinuations de moins en moins voilées et reprises par notre ministre : une grande partie des compagnies seraient subventionnées à mauvais escient ; nous ne serions qu’un rassemblement de médiocres assistés. • Risques que, sous couvert de la décentralisation et du discours «en faveur de la proximité», nous nous retrouvions plus encore pris « dans les eaux glacées du calcul égoïste ». Sans la contrepartie d’un jugement esthétique prenant en compte un monde complexe qui appelle des formes d’art complexes et qu’on ne devient pas spectateur éclairé en un jour. • Menaces graves d’une diminution substantielle du budget de la culture, une fois passée l’année du jeu de trésorerie, qui a permis de faire passer un moins pour un plus en 20033. Même si notre président de la République défend la fameuse exception culturelle, ces mots ne pèseront rien si tous les acteurs de la création ne se mobilisent pas ensemble en s’appuyant sur le plus large public possible pour : • Analyser en profondeur, ce qui existe, ce qui se prépare, mais aussi ce qui s’invente. • Proposer une sortie par le haut de cette situation en affirmant que les budgets de la culture, de l’éducation et de la création doivent être non seulement préservés, mais placés au centre de la réflexion et de l’action politique. Trop souvent et depuis trop longtemps, le rapport qu’entretenaient les directeurs de scènes nationales et de centres dramatiques avec les compagnies était au mieux de l’ordre d’une solidarité de façade, pas toujours exempte de condescendance. Le secteur « indépendant » par la modestie de ses moyens est certes, dépendant des institutions. Et les artistes qui sont à la tête des compagnies sont autoproclamés ce qui les rend d’autant plus vulnérable. Mais qu’étaient les directeurs de CDN avant leur nomination et que deviendront-ils au terme de leur mandat ? Par ailleurs qu’est-ce qui constitue la chair et l’âme de la programmation et de la vie des institutions si ce n’est le secteur indépendant? Mais il nous semble à nous, compagnies adhérentes au Syndeac, que cette attitude – en tout cas en ce qui concerne les scènes nationales et conventionnées – est en train d’évoluer en profondeur et que leurs directeurs sont aujourd’hui conscients qu’elles ont besoin de nous autant que nous d’elles. C’est dans cet esprit que nous affirmons : • Que le secteur indépendant doit redevenir le centre de tout le dispositif du spectacle vivant en France et en Europe • Que la création et la diffusion de ses créations doivent être la première raison d’être de tous les établissements culturels du territoire • Qu’il faut remettre à plat le fonctionnement financier de tous les établissements publics, pour dégager la part la plus importante possible des budgets pour les répétitions et l’écriture des spectacles, pour les ateliers menés par les artistes avec des professionnels ou avec le public • Que les frais fixes des lieux d’accueil doivent être mis au service des spectacles et non l’inverse 4 • Que des salles de répétitions utilisables toute l’année doivent être mises à la disposition des compagnies en résidence et à d’autres compagnies quand les résidentes ne les utilisent pas • Que de plus en plus de compagnies doivent pouvoir s’associer pour créer des COOPÉRATIVES ARTISTIQUES DE PRODUCTION, lieux alternatifs non institutionnels permettant de partager le personnel technique et administratif ainsi que le matériel et qui donneraient aux compagnies plus de poids face aux institutions sans pour autant prendre leur place. Elles resteraient les partenaires indispensables à la production et à la diffusion des œuvres. • Que les aides au projet, subventions de fonctionnement aux compagnies conventionnées et aux compagnies nationales soient réévaluées de manière significative. D’une part pour permettre de réformer efficacement le régime des intermittents, d’autre part pour donner aux compagnies une vraie position de force dans leurs rapports avec les institutions. • Que les compagnies ne soient plus évaluées au coup par coup, spectacle par spectacle, mais sur un parcours d’au moins trois ans et dans tous les aspects de son travail5. • Que des compagnies nationales soient créées, installées ou non dans une de ces CAP. Et qui pourraient continuer d’exister, même si l’un de ses fondateurs poursuit sa carrière ailleurs. quelques mots clés pour alimenter la réflexion LA PROCLAMATION L’artiste dit je. L’artiste dit, je suis artiste. Il s’autoproclame. L’auto-proclamation de l’artiste est une entrée en scène, une première inscription dans l’espace public. Elle est à la source de tous les arts et chaque nouveau geste artistique reconstitue sa vitalité. Elle fonde, elle met en mouvement tout le secteur artistique, indépendant et institutionnel. Cependant, cette auto-proclamation ne suffit pas. Pour se transformer en puissance artistique inscrite dans la durée, elle a besoin de rencontrer l’adhésion d’autrui, d’être légitimée par une reconnaissance de l’autre : publics, institutions, pouvoirs, corporation… LA LÉGITIMITÉ La délégation de service public est aujourd’hui tellement atomisée que ce statut a perdu son caractère injonctif. 1 Bernard Bloch, Le Réseau (Théâtre) - Montreuil (compagnie conventionnée) / Madeleine Louarn, Théâtre de L’entresort - Morlaix (compagnie conventionnée) / Patrick Michaëlis, Bagages de sable - Paris (compagnie conventionnée) / Marc Baylet, compagnie Anabase - Montpellier (aide au projet). 2 Philippe D’Hauteville, compagnie Black Blanc Beur - Élancourt (aide au projet) / Philippe Lanton, Compagnie Le Cartel - Montreuil (aide au projet) / Penchika Velez, 4 Relire à ce propos, le texte remarquable de Matthias Langhoff pour La Comédie de Genève Arguia Théâtre, Dax (aide annuelle à la production). 5 La seule richesse d’un artiste, c’est le temps qu’il se donne. Si les instances d’évaluation commencent à se fonder, consciemment ou pas, sur les mêmes critères de rentabilité immédiate que l’industrie audiovisuelle,(comme le fait déjà la plus grande partie de la presse culturelle), alors tout parcours artistique qui refuse la simple fabrication de biens de consommation, deviendra impossible. 3 Cette diminution venant se combiner avec une réforme des annexes VIII et X, risque de casser notre secteur avec une violence telle que les deux tiers de ce qui fait la richesse du spectacle vivant est menacé de disparition. 40 SYNDEAC rapport annuel 2002-2003 L’attribution d’une subvention ne suffit plus à le définir 6. Et quand bien même elle y suffirait, en quoi ce statut parlerait-il de ce que nous faisons ? Les années Vilar sont loin derrière nous. Que les structures de création, de production et de diffusion d’art et de culture sont nécessaires et doivent être prises en charge par la collectivité est aujourd’hui acquis. La demande d’art, de littérature, de théâtre est profondément ancrée en France 7 et en Europe. Le paradoxe est que l’intervention publique limite trop souvent cet ancrage au symbolique. Pour nous, il ne s’agit plus seulement de proclamer, il s’agit d’inscrire cette proclamation dans la réalité. Il ne s’agit pas de “ sanctuariser ” les budgets de la culture et de l’éducation, mais de faire de ces deux domaines des priorités de l’action publique. Les compagnies conventionnées et celles qui méritent de l’être savent assumer le rythme émotionnel de la création. Le rythme du groupe, la façon dont il s’élargit, dont il se rétrécit, dont il vibre, dont il cherche, dont il doute, son respect des métiers 8, sa culture du partage 9, de l’échéance10, sa montée en tension à mesure que le travail avance, à mesure que la représentation approche, sa culture de l’évaluation11 : tout cela est extrêmement important pour la compagnie et requiert la plus grande attention. Et par-dessus tout, les compagnies savent mettre en question ce savoir-faire accumulé, ne jamais s’en contenter. Elles expérimentent sans cesse des nouveaux protocoles de travail, des nouveaux rapports aux publics, des nouvelles formes de production… Ce vécu professionnel considérable12 est aussi source de légitimité. LA LÉGITIMITÉ DU THÉÂTRE PASSE AUSSI PAR L’UNION EUROPÉENNE Le rapport d’initiative sur « l’importance et le dynamisme du théâtre et des arts du spectacle dans l’Europe élargie », adopté en juillet 2002 par la commission culture du Parlement européen, recommande un soutien actif de l’Union européenne aux arts du spectacle. L’ensemble des attendus et des résolutions de ce rapport est très favorable au développement du théâtre en Europe. Mais, au-delà du soutien européen qu’il préfigure, ce texte révèle surtout que les élus européens sont convaincus de l’utilité publique du théâtre. Il serait sans doute utile que chacun d’entre nous rappelle à ses élus locaux l’existence de ce texte et son rôle prépondérant sur le futur paysage culturel européen. VERS UN NOUVEAU DISPOSITIF le conventionnement L’EXPÉRIENCE Les compagnies conventionnées ne sont pas, en moyenne, subventionnées à la hauteur minimum prévue initialement par les textes (152 450 € sur trois ans). En agissant ainsi, l’État se prive d’une partie de son droit à l’évaluation. Comment évaluer une compagnie conventionnée à 23 000 € ? Comment évaluer une mission quand on ne donne pas les moyens nécessaires à sa réalisation ? Les compagnies, quand elles obtiennent les moyens d’inscrire leur travail dans le temps, savent faire le travail quotidien qu’appellent une implantation et une durée, l’inscription dans un territoire. Elles ont accumulé dans leur parcours un savoirfaire large et diversifié où se rejoignent l’art, la littérature, la technique, la gestion, la relation avec les publics, la relation avec les institutions nationales, la relation avec les élus politiques, la relation avec les administrations centrales et déconcentrées de plusieurs ministères (Culture, Éducation nationale, Jeunesse et sports, Affaires étrangères, Travail…), la relation avec plusieurs niveaux d’administrations territoriales (Ville, Département, Région), la relation avec l’Union européenne, la relation et les échanges avec les artistes, les instances gouvernementales et les institutions culturelles d’autres pays… Ce qui bloque aujourd’hui encore davantage les conventionnés, c’est le problème du plafond. Les compagnies conventionnées sont régies par une double contrainte paradoxale. Une DRAC qui souhaite augmenter13 une compagnie conventionnée doit rogner14 sur les subventions des autres compagnies de la région. S’il n’est pas soutenu de façon durable par des institutions puissantes telles que les CDN, un artiste qui veut accéder malgré tout à des moyens plus importants n’a pas d’autre solution que de prendre la direction d’une institution nationale, autrement dit d’abandonner une équipe constituée et un territoire. Nous reviendrons sur ce point au chapitre suivant : la compagnie nationale. 6 Sauf à considérer que toute association subventionnée relève du “ service public ”, ce qui serait pour le moins une extension de la définition de ce terme. 7 Rappelons, sur ce point, le sondage « Les Français et l’art » réalisé par Beaux-Arts Magazine en janvier 2001 : 62 % des personnes interrogées considèrent l’art comme une valeur essentielle, universelle, 62 % demandent un enseignement artistique dès l’école primaire et 91 % du primaire à l’université ! 8 Le comédien, le metteur en scène, l’auteur, le dramaturge, l’assistant, le scénographe, l’éclairagiste, la costumière, le régisseur… et tous les métiers des lieux d’accueil. 9 Training, italienne, travail à la table, jeu de soutien… Avançons qu’une compagnie est libre et détentrice d’un véritable pouvoir de création quand elle peut produire un acte artistique que personne ne lui demande, ou n’attend d’elle. Mais les compagnies ont-elles aujourd’hui une marge suffisante pour faire autre chose que ce qu’on attend d’elles ? Que ce qu’on leur commande? Les objectifs induits ou exprimés par ceux qui financent sont de plus en plus nombreux, les travaux fléchés. Dans une société qui consomme de plus en plus de produits événementiels, qui exploite à fond les plus doués de ses membres, comment gère-t-on le tremblement d’un artiste qui, à un moment donné, se demande vers quoi il veut vraiment aller, ce qu’il cherche vraiment, ce qu’il a vraiment envie de faire, comment il peut le créer, quel processus il doit mettre en place ? la compagnie nationale ou durable 15 Certaines compagnies conventionnées produisent des actes de création reconnus, elles ont un volume d’activité et une visibilité nationale, internationale. Elles souhaitent aller plus loin dans leur démarche, dans la justesse du geste qu’elles ont choisi, dans la nature du travail qu’elles réalisent. Elles souhaitent disposer de moyens plus importants, tout en continuant de sculpter leur définition, de construire une forme singulière. À celles-là les dispositifs actuels n’offrent pas de solution collective. Le conventionnement, on l’a vu précédemment, subit un effet mécanique de plafonnement. Une seule autre voie se présente, mais elle est sans issue collective : prendre l’ascenseur qui propulse le leader à la tête d’un CDN et qui démembre à coup sûr la compagnie. Cette nomination est contre-productive au moins sur deux plans. Sur le plan de l’art, elle réduit la compagnie à la fonction de rampe de lancement et elle foule aux pieds une part de ce qui a fait la valeur et la force des artistes repérés : un acte singulier de théâtre, une équipe de création, une recherche collective, un univers de travail, une expérience partagée, la puissance acquise collectivement, le réseau des gens qui participent au travail de la compagnie, auteurs, metteurs en scène, acteurs, l’efficacité et la souplesse de son unité de production… Sur le plan du territoire, elle constitue une perte nette très élevée, elle rompt la transmission liée à la mémoire intime, quasi secrète, d’un territoire et d’une communauté : plusieurs années d’une présence artistique structurante pour le paysage culturel d’une ville, d’un département, d’une région, un travail de proximité qui lie intimement art, culture, social ; plusieurs années d’art en mouvement, d’inventions de rapports inhabituels avec les habitants, de rencontres, d’échanges, de transmission ; la construction 41 patiente de relations avec les collectivités territoriales, la lente avancée du débat public entre les artistes, les habitants, les élus politiques, sur l’acte théâtral, sur l’acte artistique, sur la création… Il nous semble nécessaire aujourd’hui de réouvrir la notion de « compagnie nationale », déjà évoquée il y a quelques années ; de créer un nouveau cadre contractuel qui reconnaisse certaines unités de création16 comme « compagnie nationale », qui les prenne en compte singulièrement, en axant cette prise en compte sur l’acte de création. Le terme « compagnie nationale » est d’autant plus important aujourd’hui qu’il permet de lutter contre l’enfermement dans des normes et des cadres régionaux qui risquent de ne laisser aucune chance de développement aux grandes aventures de création. En fonction de leurs objectifs et des différents paramètres qui les définissent, ces « compagnies nationales » pourraient être subventionnées par l’État à hauteur de 150 000, 750 000, voire 1 000 000 €. la coopérative artistique de production (CAP) Le secteur indépendant est désireux d’inventer de nouveaux espaces intermédiaires, une nouvelle économie. Cet espace pourrait s’initier autour de la notion de « coopérative artistique de production » (CAP). Il s’agit pour des compagnies et des artistes indépendants de mettre en commun des moyens de production - lieu de travail (fabrique, théâtre, hangar), personnel administratif et techniques, financements – sans pour autant constituer une nouvelle institution. Les principes constitutifs de la CAP sont : 1- LE LIEU C’est un outil indispensable au développement d’une compagnie, à la continuité de son travail et de sa recherche. Chaque lieu est différent, chaque projet singulier. À Montreuil, dans les anciens studios Pathé, des artistes 17 se sont regroupés autour d’un pôle théâtre et d’un pôle cinéma. Quatre compagnies de théâtre 18 instruisent ensemble un projet de coopérative artistique de production. D’autres projets de ce type existent probablement déjà ailleurs ou sont en gestation. Ces lieux sont avant tout des espaces de travail. Simples lieux de répétitions, ateliers, stockages de costumes et de décors… Ils peuvent être également des lieux de représentations du travail des compagnies, résidentes ou invitées. 10 Bout à bout, filage arrêté, filage technique, générale, première… 11 Notes du metteur en scène après chaque répétition, après chaque représentation, le public, la presse, la corporation… 12 Combien d’autres structures doivent faire face à une telle diversité des compétences et des métiers ? Combien s’imposent un tel rythme, une telle exigence ? Combien 15 Par commodité et par symétrie avec les appellations institutionnelles, nous adoptons provisoirement l’expression “compagnie nationale” pour désigner ce nouveau label. acceptent, comme le font les compagnies, d’être évalués en permanence, par le public, par le ministère, par les autres artistes, par les institutions, par la presse ? 16 Une soixantaine, par exemple (20 % des compagnies conventionnées). 13 Lui attribuer par exemple une subvention supérieure à 150 000 €. 17 Aurélien Recoing, Bernard Bloch, Nicolas Klotz, Philippe Lanton, Isabelle Rebrè, Dominique Aru, Éric Borg, Carlo Bozo. 14 Chaque DRAC dispose d’une enveloppe globale titre IV qui évolue peu d’une année à l’autre. 18 Bernard Bloch, Aurélien Recoing, Philippe Lanton, Nicolas Klotz. 42 SYNDEAC rapport annuel 2002-2003 2 - LA COOPTATION 5 - LA RELATION AVEC LES LIEUX INSTITUTIONNELS Ces lieux sont pris en charge et investis par des compagnies et des artistes ayant déjà un parcours artistique solide et une réelle expérience institutionnelle. Cela implique que des artistes et des compagnies choisissent de développer ensemble leur recherche, de mettre leurs moyens et leurs forces en commun, de partager un dialogue et une réflexion. Il y a donc une connaissance et une reconnaissance du travail entre artistes cooptés, une envie de collaboration artistique entre ces artistes. D’où l’importance des niveaux de développement, de pratique, d’expérience, des compagnies et artistes s’associant dans ces lieux : cette démarche demande une maturité artistique, humaine et politique, et nécessite aussi une large connaissance des rouages institutionnels. Ces lieux qui regroupent des compagnies et artistes confirmés au niveau national et international n’excluent pas pour autant l’ouverture à la jeune génération, le parrainage et le soutien des compagnies ou artistes émergents, choisis par les résidents de la CAP (en leur donnant les moyens de réaliser leurs premiers travaux et en les aidant à les faire connaître). Il n’entre pas dans les objectifs de la CAP de mettre en place un réseau alternatif concurrent du réseau institutionnel déjà existant. Au contraire, la CAP propose un complément à ce réseau, sans créer une nouvelle institution. Centres dramatiques et scènes nationales peuvent venir s’intéresser aux travaux de recherche et de création, coproduire ou accueillir des artistes ou compagnies résidents, participer eux-mêmes aux recherches menées par la CAP. 3 - LA TRANSVERSALITÉ L’identité du projet CAP naît de ce que les artistes et compagnies qui se regroupent ont envie d’en faire. C’est l’endroit même du noyau artistique, esthétique, politique, où s’articulent ces différentes démarches artistiques. D’où l’importance de la cooptation dans la transversalité afin de faire rebondir entre diverses disciplines l’objet même du travail : mise en relation de plusieurs modes d’expression du spectacle vivant (théâtre, danse, cinéma, arts plastiques, musique, littérature et écriture). Chaque CAP pourrait avoir une mission particulière de confrontation d’au moins deux modes d’expression : théâtre-cinéma, cinéma-littérature, théâtre-danse… 4 - L’ÉCONOMIE INTERNE Il est demandé à l’État et aux collectivités territoriales d’intervenir sur l’équipement et l’aménagement du lieu, mais l’originalité de la CAP repose sur le fait que les frais de fonctionnement ne font pas l’objet d’une demande d’aide spécifique : ils sont couverts par les aides à la production ou les conventionnements déjà attribués par ailleurs à chacune des compagnies membres. La mise en commun des moyens financiers, matériels (décor, lumière, son, costumes) et des forces (administrateur, directeur technique) se fait suivant des modalités propres à l’identité de chaque CAP. Chaque CAP doit également définir de façon singulière son rapport à la DRAC, à la ville, au département, à la région. Chaque CAP se donne pour règle de réduire au minimum les frais de fonctionnement pour consacrer à la création l’essentiel des moyens financiers disponibles. 6 - LA RELATION AVEC DES ARTISTES ET DES TROUPES INVITÉS La CAP doit rester un lieu ouvert. Elle ne doit à aucun prix, ce serait en contradiction avec sa légitimité, devenir un outil au service des seules compagnies résidantes. Elle doit donc statutairement ouvrir son lieu (par exemple au moins un mois sur quatre) à des compagnies ou des artistes invités. Compagnies émergentes dont le projet intéresse les résidents ou compagnies confirmées venant d’autres régions ou d’autres pays. LA DÉCENTRALISATION L’ÉTAT PROTÈGE Le local est sévère. Une mairie a des marges de manœuvre réduites, elle ne subventionne pas par altruisme. Tous ceux qui ont affaire au local connaissent les contraintes du retour sur investissement. Ils savent que la municipalisation de l’esthétique et l’instrumentalisation de l’artiste sont deux dérives récurrentes du local. Le national, le niveau de l’État (qui entre en jeu dès la convention), permet à l’artiste de se dégager d’une rentabilité immédiate de l’acte artistique. L’État protège, les inspecteurs protègent. Ces observateurs attentifs qui viennent du lointain voient des choses que les proches ne voient pas ou qu’ils refusent de prendre en compte. L’État fait preuve en général d’une certaine ouverture, d’une certaine capacité à détecter des choses originales, à les accompagner. En Bretagne, il a su accompagner la Volière Dromesko qui était pourtant au départ très singulière. Dans d’autres régions, il a su également accompagner la naissance des fabriques. Si ce regard se perd, si on ne donne pas la primauté au regard artistique, on risque de ne plus voir grandir des Éric Lacascade, des François Tanguy, des Frédéric Fisbach, des Marcial Di Fonzo Bo, des Jean-Michel Rabeux… et les artistes. Quelles prérogatives 19 entend-il garder ? Quelles propositions entend-il faire ? Quels futurs va-et-vient imagine-t-il ? Quelle place entend-il réserver à la création dans les prochaines années ? Nous aimerions que le Ministère de la Culture se prononce. Nous aimerions que l’État se prononce. LA LOI PROTÈGE La décentralisation ne s’oppose pas à la centralisation, elle la déplace. C’est l’État qui partage ses compétences. Les collectivités territoriales n’ont pas la compétence de la compétence: elles ne créent pas la loi. En 1981 et 1983, les lois de décentralisation ont transféré aux collectivités territoriales certains pouvoirs administratifs, dans le respect d’un cadre fixé par la loi. Elles ont remplacé la tutelle a priori 20 de l’État par un contrôle a posteriori de la légalité 21 des décisions prises dans les collectivités territoriales 22. Dix ans plus tard, en 1992, la loi ATR (la loi Joxe) a corrigé certains aspects des lois précédentes et repositionné l’État comme acteur local. Voici son article 1 : « L’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État ». La loi ATR a donc opéré un rapprochement structurel entre les trois acteurs de la décentralisation : l’administration centrale, le service déconcentré, la collectivité territoriale. Ce court rappel historique est utile pour penser notre stratégie. En même temps que la nouvelle étape de décentralisation, l’État peut en effet imposer par la loi un mode d’organisation et des procédures d’évaluation nationaux et déconcentrés. D’ailleurs, si l’État ne pèse plus rien financièrement après la décentralisation, comment pourrait-il continuer à protéger l’artiste sans le garde-fou de la loi ? SI ON TE LOCALISE, DÉLOCALISE-TOI Nous ne sommes pas contre la décentralisation : sans elle le maillage culturel d’aujourd’hui n’existerait pas. Notre réflexe face à la décentralisation, c’est de dire : si on te localise délocalise-toi. Compense le poids de la proximité, construis des alliances internationales, tisse des rapports avec des partenaires et des artistes en Europe (à Barcelone, Londres, Berlin…) et dans le monde. Le local te regardera différemment si tu ne restes pas prisonnier du local. LE RISQUE FINANCIER Une grande partie de nos subventions de fonctionnement proviennent aujourd’hui des collectivités territoriales (mises à part sans doute les compagnies d’Ile-de-France) autrement dit de la décentralisation. Malgré la faiblesse relative du soutien financier de l’État, la reconnaissance de l’État exerce sur les collectivités territoriales un effet d’entraînement incontestable. Nous voici face à deux inconnues. La première : l’État continuera-t-il à subventionner les compagnies après cette nouvelle étape de décentralisation ? Et à quelle hauteur ? La seconde: comment se comporteront les collectivités territoriales si l’effet d’entraînement ne joue plus ? L’histoire de la décentralisation montre, année après année, que le transfert des compétences ne s’est pas toujours accompagné du transfert d’argent public correspondant. D’un côté l’État se désengage, de l’autre sa dotation aux collectivités territoriales est plus faible que son désengagement. Les collectivités territoriales sont appelées à faire un effort plus grand alors que leur marge de manœuvre ne cesse de diminuer. L’ÉMERGENCE LA QUESTION DE L’ÉVALUATION EST PRIMORDIALE Il existe aujourd’hui trois niveaux d’évaluation : élus politiques au niveau local23, experts au niveau déconcentré, inspecteurs au niveau ministériel. Depuis 1982 le dispositif visait à dissocier le propos de l’élu politique et celui de l’expert, de l’esthète, du spécialiste 24. Le risque principal de cette nouvelle étape de décentralisation serait de retourner vingt ans en arrière, de concentrer l’évaluation artistique et l’évaluation politique entre les mêmes mains. C’est une menace lourde de conséquences. La décentralisation présuppose un renforcement des évaluations nationales et déconcentrées. Structurellement la question des comités d’experts va prendre encore plus d’importance. Pas seulement la question de leur composition, mais la question de leur existence. PYRAMIDE OU COLONNE L’alimentation de la base de la pyramide des âges des artistes de théâtre doit être un souci constant et partagé. Si on n’alimente pas aujourd’hui cette base, la pyramide se transformera demain en colonne. Sans doute faut-il dans ce domaine, de la part de l’État, du réseau institutionnel et des compagnies, une politique volontariste. On ne peut pas ne pas renouveler. Le minimum serait que tout lieu inscrit dans la durée ouvre un endroit de partage où il accueille des débutants. Garder des entrées multiples NOUS AIMERIONS QUE L’ÉTAT SE PRONONCE Le silence actuel du ministère de la culture nous étonne. Cette nouvelle grande étape de la décentralisation ne signifie pas que les ponts seront coupés entre lui et la région, entre lui 20 Contrôle d’opportunité a priori qui juge l’acte par rapport au bien fondé et à la légalité. 21 Par l’intermédiaire du Préfet et de la chambre régionale des comptes. 22 Elles donnent une place centrale au juge. Elles juridicisent les rapports entre l’État et les collectivités territoriales. 23 Commissions des affaires culturelles élus qui président ces commissions, maires et présidents des différents niveaux de collectivités territoriales. 19 En général, les ministères n’aiment pas beaucoup lâcher leurs prérogatives. 43 24 Parmi les experts, contrairement à ce qu’avancent les compagnies, se trouvent des spécialistes, des artistes, des professionnels, des universitaires. 44 SYNDEAC rapport annuel 2002-2003 Le paysage de l’émergence combine le plus souvent deux figures : d’une part des collectifs, des gens qui ont le courage d’être nombreux, d’autre part des individus. L’artiste qui surgit surgit souvent où l’on ne l’attend pas. Il n’est pas forcément calibré école de théâtre. Les dispositifs mis en place doivent être conçus en ayant à l’esprit que ce personnage-là va surgir. Ils doivent permettre des entrées multiples, ouvrir des espaces et ne pas les surdéterminer. Le Bateau-Lavoir et ses peintres n’intéressaient personne à ses débuts, à part deux ou trois marchands. Un jour il est devenu un point de vue sur le monde, un creuset où l’art et la littérature se sont croisés, un lieu qui a nourri une révolution artistique. L’émergence restera toujours quelque chose qui marche à l’intuition. On ne pourra jamais établir des voies d’accès stables et garanties. DES COMPAGNIES PÉPINIÈRES DE COMPAGNIES Pour les jeunes artistes qui envisagent une implantation durable, la démarche efficace c’est de trouver à la fois des alliances artistiques25 et des soutiens politiques 26. En 1996-1997, puis en 1999-2000, une compagnie conventionnée de Bretagne a proposé à des groupes de jeunes artistes 27, issus de plusieurs écoles professionnelles, des chantiers de théâtre, des espaces de répétition et de mise en scène. Elle a mis à leur disposition ses démarches de création, son atelier de construction de décors et son équipe technique. Elle les a programmés dans les temps forts théâtre et les festivals auxquels elle était associée, dans les spectacles qu’elle produisait. De ces rencontres et de ces espaces de travail sont nées des affinités artistiques et personnelles qui ont permis à deux nouvelles compagnies de se constituer, de créer leur premier spectacle professionnel et de s’implanter en Bretagne. Une de ces deux compagnies est déjà conventionnée, l’autre a reçu des aides à la production de la DRAC. Sur le même principe et le même rythme – une fois par période triennale - chaque compagnie conventionnée pourrait s’engager à aider au moins un artiste émergent, ou un groupe d’artistes émergents. LA MISE EN ROUTE INSTITUTIONNELLE La question du vivier, de la mise en route, de l’ouverture d’espaces à des gens qui démarrent fait partie des enjeux de tout lieu institutionnel. Les centres dramatiques et les scènes nationales devraient tous inclure la question de l’émergence dans leurs objectifs 28. Par exemple, repérer des jeunes artistes dans une école professionnelle (quand ils n’en ont pas dans leurs murs) et leur donner la possibilité de travailler. LA QUESTION DE LA FORMATION Aujourd’hui, les dispositifs de pratique artistique se sont considérablement accrus. Les métiers du spectacle attirent un nombre de plus en plus important de jeunes. Les pratiques amateurs, les écoles d’art (conservatoire et écoles nationales), l’université sont des lieux d’accès, de passage, où la présence et le travail des artistes sont essentiels. Ces lieux sont à ce jour trop peu nombreux. Certains d’entre eux offrent des contenus et des apprentissages confus, parfois médiocres (conservatoire de région ou municipaux). Ces lieux, pourtant, mériteraient d’être bien repérés, développés, valorisés. Une habilitation à délivrer un D.E.T (diplôme d’état de théâtre) est en cours d’attribution dans certains conservatoires. Ce label nouveau rend obligatoire la collaboration directe avec les artistes, sous le contrôle de l’État. La présence régulière d’artistes dans ces lieux de formations permettra de revitaliser les conservatoires d’art dramatiques. Les compagnies sont confrontées à une croissance très forte de la demande de pratique d’art théâtral. Elles interviennent dans la formation initiale et continue des professionnels, dans la formation initiale et continue des enseignants, dans les établissements scolaires du premier et du second degré, dans les universités, dans les secteurs social, médico-social et judiciaire, dans les zones défavorisées, rurales ou urbaines… Elles organisent et animent des ateliers d’initiation à la pratique théâtrale. Cette démarche de transmission est fondée sur une motivation forte et un véritable engagement qui demande un investissement égal à celui que nécessite un acte de création. En transmettant son art l’artiste ne change pas de métier, il prolonge son acte de création (on ne peut pas exiger de l’artiste qu’il s’exclue de son art pour le transmettre). La qualité de la transmission de l’art théâtral dépend en grande partie du contexte dans lequel elle s’effectue. Ce contexte et le statut de l’artiste intervenant posent aujourd’hui de nombreux problèmes qu’il nous paraît nécessaire d’examiner avec la plus grande attention. DIALOGUER LES INTÉRÊTS COMMUNS AUX COMPAGNIES ET AUX INSTITUTIONS 1 • Défendre la notion d’art et de création. Deux notions toujours menacées parce qu’elles n’apparaissent pas souvent dans les textes. Et parce qu’elles sont délicates. Le rapport aux artistes, le rapport à la création, c’est un endroit où il est difficile de tenir un discours juste et efficace. Abandonner le discours sur l’art et la création, c’est se mettre ailleurs, dans le champ du développement culturel, dans le champ du social. 2 • Veiller à ce qu’un État comme la France consacre une masse financière significative pour le subventionnement du théâtre d’art et plus largement de l’art. 3 • Affirmer qu’il faut des grosses structures de diffusion et de production. De puissantes structures de production et de création imposent sur le plan international la recherche, la prise de risque, et permettent des investissements ambitieux qui obligent les politiques à prendre conscience du coût de la création. LA NATURE DU DIALOGUE Dans le dialogue avec les diffuseurs, les compagnies seront d’autant mieux reconnues qu’elles reconnaîtront elles-mêmes la légitimité professionnelle du médiateur et qu’elles accepteront la subjectivité du programmateur 29. Chaque collaboration est singulière. Très peu sont susceptibles de rentrer dans des règles fixes, dans un moule 30. Nous avons au contraire besoin qu’il y ait du jeu, que les repères soient instables. L’instabilité des repères rend possible des innovations, des collaborations inédites. Plutôt que de définir des modalités d’action trop formatées, que personne ne mettra en œuvre, il nous semble préférable de dialoguer avec les directeurs d’institutions sur la base de deux ou trois grandes orientations qui leur laissent la possibilité d’inventer eux-mêmes le concret de leur collaboration. EXEMPLES DE GRANDE ORIENTATIONS : 1 • Creuser la question de l’accompagnement des équipes artistiques. Réfléchir à des formes de relations qui ne soient pas que ponctuelles. Travailler sur le continu plutôt que sur le discontinu ; ou sur le continu dans la discontinuité (des artistes sont là pendant un mois, repartent, reviennent, etc.). Qu’il y ait le plus souvent possible une tentative de continuité 31. 2 • Réfléchir à la possibilité pour les diffuseurs de former leur personnel administratif aux différents aspects de la gestion déléguée d’une coproduction, afin d’être en mesure d’assumer cette délégation plus fréquemment qu’ils ne le font aujourd’hui. RÉÉQUILIBRER LES RAPPORTS ENTRE LA CRÉATION ET LA DIFFUSION 1 • Nous ne disons pas : « Rééquilibrer les rapports entre les l’argent qui sert à faire fonctionner la structure ? Ne faut-il pas dans certains cas signaler que ce ratio est inacceptable ? 3 • Au cours des vingt dernières années le maillage des équipements de diffusion culturelle s’est considérablement densifié. Quelle commune n’a pas investi dans ce domaine ? Notre réseau est riche, diversifié. Il couvre l’ensemble de la France. Mais l’argent public va plus facilement vers la pierre que vers l’immatériel, vers la diffusion et le développement culturel que vers la création artistique. Sans arrêt l’écart se creuse. Si on continue d’assécher la création à ce rythme, qui jouera demain dans tous ces lieux nouveaux ? Ne risquentelles pas à terme, ces belles enveloppes, de se trouver sans contenu artistique réel ? Il est temps, nous semble-t-il, de remettre des poids sur l’autre plateau de la balance, d’augmenter de façon significative les aides publiques en direction de la création et notamment en direction des unités de création stables que sont nombre de compagnies. 4 • Les liens forts, cadrés ou non par une convention, qui unissent des scènes nationales ou des Centres dramatiques avec des compagnies implantées devraient bénéficier d’une attention et d’un soutien particulier. DÉVELOPPER DES INSTANCES DE DIALOGUE ENTRE COMPAGNIES ET INSTITUTIONS Une des façons de lever les obstacles et les inquiétudes engendrés par les transformations de notre métier est de construire des espaces de débats, des contributions collectives sur nos enjeux communs. Il s’agit aussi de saisir dès que possible les occasions d’inventer les nouvelles formes de nos actions. Si elles s’inscrivent dans la durée, ces rencontres, ces habitudes de parler, peuvent nous déplacer, nous faire évoluer, nous apporter une connaissance plus intime, plus précise des manières de voir et de penser de chacun. Nous nous interrogeons sur l’absence de débat, de dialogue, entre les centres dramatiques, les scènes nationales et les scènes conventionnées, l’absence de dialogue entre les centres dramatiques et les compagnies. À quoi tient-elle ? Les centres dramatiques sont pourtant tous dirigés par d’anciens directeurs de compagnies indépendantes. Compagnies dont aujourd’hui les productions auraient bien du mal à voir le jour sans le réseau des scènes nationales et conventionnées. À l’heure où la création théâtrale est menacée, où l’existence même de bon nombre d’artistes tient à un fil, la réflexion commune, au-delà des différences de statuts et des désaccords qui peuvent en découler, est plus que jamais nécessaire. compagnies et les diffuseurs ». Nous disons : « Rééquilibrer les rapports entre la création et la diffusion ». Il y a de la création dans les deux réseaux. 2 • Mais dans quelles proportions ? Comment évolue le ratio entre l’argent donné à des gens qui font un acte de création et 25 Un compagnonnage ou une articulation ponctuelle avec une scène nationale, avec une compagnie plus expérimentée… 26 Le soutien financier d’une ville, d’un département, d’une région… 27 19 en 1996-1997, 15 en 1999-2000. 28 Ce que fait par exemple l’école du CDN de Saint-Étienne, qui prend en charge toute la promo sortante et met à sa disposition un espace de travail théâtral et de confrontation avec le public : l’Usine. Ce que fait également le TNB de Rennes, qui accompagne un bon nombre des acteurs qui sortent de ses promos. 45 28 Même quand elle s’exerce à nos dépens. 29 Définir à l’avance et en détail ce que devrait être une “ résidence ” n’a aucun intérêt. 31 À condition que la confrontation se révèle féconde ; à condition que le courant passe entre les deux équipes. 46 rapport annuel 2002-2003 QUELQUES ÉLÉMENTS POUR POURSUIVRE LA RÉFLEXION LES PARTENARIATS COMPAGNIES ET INSTITUTIONS • les résidences : comment se réfléchissent les espaces d’accueil, les durées, les projets ? Comment une rencontre et un travail en commun transforment nos manières de faire ? • les artistes associés • les productions déléguées • les médiations du spectacle LA PRESSE, LA MÉDIATISATION : ses effets et ses limites L’ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE • le prolongement de l’invention artistique • le statut de l’artiste intervenant • l’éthique de l’intervention LES VISAGES DES COMPAGNIES • les multiples fonctions assumées par une compagnie • pour une véritable professionnalisation L’INTERMITTENCE • permanence, intermittence ? • quelles évolutions ? LE CHIFFRAGE • rapport création / diffusion / fonctionnement • rapport et pourcentage de ce que représente chacun des secteurs de la profession.