83947 17-21 24/03/05 0:15 Page 20 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Pratique infirmière Les annonces au cours de la maladie chez un patient atteint de cancer Françoise CHARNAY-SONNEK Chargée de mission AFIC A ujourd’hui encore, le mot cancer reste aux yeux de la plupart des gens un sujet tabou engendrant peur et angoisse, synonyme de traitements lourds à supporter, de douleur, de mort. Cette épée de Damoclès menaçante ne peut être ignorée et chaque patient étant passé par ce grand tunnel que représente un traitement anticancéreux en conviendra sûrement. Le traitement miracle qui guérira le cancer comme on guérit un simple rhume n’est malheureusement pas encore trouvé. Cela explique donc pourquoi l’annonce du diagnostic de cancer ainsi que celles au cours de la maladie peuvent être source de traumatismes majeurs. Alors quel rôle joue l’infirmière, quelle est sa place ? Qui plus est, quelle est celle du patient ? Le patient face à lui-même éprouve un sentiment que “ quelque chose ne va pas bien ”, qu’il n’est plus maître de lui-même, que son corps ne lui répond plus, un sentiment d’impuissance. Il se trouve très souvent en position de dépendance face à sa famille, qui aurait parfois tendance à vouloir tout prendre sur elle-même, à le materner pour le ménager, et de surcroît à projeter ses peurs et ses angoisses sur lui. Bulletin Infirmier du Cancer Face au corps médical, il est souvent placé en position d’infériorité, ses connaissances dans le domaine de la médecine sont réduites, même si par internet il peut accéder à de nombreuses données. Son destin est malgré tout entre les mains d’autrui. Face au corps infirmier, il pourra aussi éprouver un sentiment d’infériorité, de dépendance s’il se sent ignoré mais, souvent, c’est vers lui qu’il se tourne pour s’épancher et/ou poser toutes les questions qui restent ouvertes. Il est vrai que c’est le personnel soignant qui dans le temps est le plus en contact avec le malade, son rôle n’est donc pas à sous-estimer. Il a souvent un rôle de médiateur. De par sa position, c’est lui qui fait le lien entre le patient, sa famille (et/ou entourage), le médecin et le ou la psychologue. Il est vrai que cela demande beaucoup de “ doigté ”, une certaine maturité. Il peut arriver que de jeunes IDE se trouvent désarmés face à des situations critiques, préférant se retrancher derrière les soins techniques et ignorer la détresse du patient qui n’est pas ou mal informé. Ce n’est pas une marque de mauvaise volonté, loin s’en faut, mais plus un signe de manque d’assurance, d’expérience. Il est alors 20 Vol.4-n°4-octobre-novembre-décembre 2004 83947 17-21 24/03/05 0:15 Page 21 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Pratique infirmière important qu’ils soient soutenus, guidés par des collègues plus expérimenté(s. Il n’incombe pas à l’infirmier(e) de faire la première annonce, mais il est de son devoir de faire en sorte que le patient et sa famille/entourage se sentent correctement informés. Un rappel du décret du 11 février 2002 qui stipule : “ Art.2 les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle : 1) de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur réinsertion dans leur cadre de vie familiale ou sociale ; 2) de concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ; […] 5) de participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, autant que de besoin, leur entourage ”. Le rôle de l’infirmièr(e) peut être illustré ainsi dans différents cas de figure. - Le patient n’est pas ou mal informé, soit parce qu’il n’a pas réellement saisi ce que lui avait dit le médecin pour se protéger, soit parce que sa famille s’interpose entre le médecin et lui par crainte qu’il “ tombe ” dans une dépression qui le pousserait au suicide. - Le patient refuse d’être informé parce qu’il a peur, qu’il Bulletin Infirmier du Cancer ne se sent pas encore en mesure d’écouter, d’entendre. Une très grande tension se fera alors ressentir, le patient sera très renfermé sur lui-même, voire agressif, que ce soit vis-à-vis du personnel ou de sa famille. Dans ce cas il est important de rester à son écoute, de l’observer pour percevoir les moindres signes pouvant signaler un besoin de parler, de s’ouvrir. C’est alors qu’on s’adressera au médecin pour lui demander de bien vouloir expliquer ou re-expliquer, sans oublier de contacter le ou la psychologue. L’idéal est que l’infirmièr(e) soit présent(e) à ce moment-là, pouvant ainsi s’informer de ce que le médecin a dit et, si toutefois le malade n’a pas compris, par la suite, être à même de répondre à ses questions. Si la famille ne veut pas que le malade sache, il est alors bon de lui parler sans la brusquer en lui expliquant combien il est important que celui-ci ne soit pas mis à l’écart de toutes décisions le concernant. En effet, il est responsable de lui-même, son corps et son esprit lui appartiennent et aucune décision ne peut être prise à son insu. De plus, comment peut-il se battre s’il ignore contre quoi ? En fait tout est fondé sur une étroite collaboration entre médecin, soignants paramédicaux et psychologue. C’est un véritable travail “ main dans la main ”. Au final un patient et sa famille/son entourage bien informés, se sentant soutenus, pourront vivre plus sereinement cette rude épreuve, régler des affaires s’il y a lieu. Le malade, de son côté, sera mieux armé pour lutter contre la maladie. En phase terminale, les adieux se feront dans la paix. En conclusion, en tant que soignants, notre mission dans l’annonce faite au patient est avant tout celle d’une médiation. Nous ne sommes ni médecin, ni psychologue. En revanche, nous devons rester attentifs et savoir reconnaître les besoins du malade, l’écouter, le soutenir. ■ 21 Vol.4-n°4-octobre-novembre-décembre 2004