JEUDI 15 SEPTEMBRE 2011 LE NOUVELLISTE LE MAG SANTÉ L’EXPERT DU JOUR Le Dr Anne Vacanti-Robert 18 ag - bm Médecin adjoint en soins palliatifs SOINS PALLIATIFS Vers la mise en place d’un réseau coordonné en Valais. Etre ensemble pour la dernière étape ANTOINE GESSLER Depuis quelques années, la dernière phase de la vie a gagné en importance en raison du nombre croissant de personnes touchées par des maladies évolutives incurables. Avec l’allongement de l’espérance de vie, les besoins en soins palliatifs n’en deviendront que plus importants. Nous savons aujourd’hui que les 90% de la population vont mourir d’une maladie évolutive. L’évolution des maladies est plus complexe, plus longue et le moment du décès est ainsi repoussé. C’est là que, parfois, une phrase peut casser tout espoir: « la médecine ne peut plus rien faire pour vous…!». C’est une « période de la vie où le dialogue est essentiel» DR ANNE VACANTI-ROBERT Jusqu’au 20 octobre, une exposition et des conférences permettront aux Valaisans de découvrir les différents aspects des soins palliatifs. Lorsque ce couperet du pronostic tombe, il est ressenti comme une sentence fatale. Le malade passe alors de l’abattement à la colère, de la dépression à la rébellion après avoir mis tous ses espoirs dans des traitements souvent très lourds liés pour la plupart à des cancers. Entretien avec le Dr Anne Vacanti-Robert, médecin adjoint en soins palliatifs. réinvestir dans des petits ou grands projets, redéfinir des objectifs à atteindre car la phase palliative peut être encore longue. Il est très important de dire que même si un traitement curatif ne permet plus d’espérer la guérison, les traitements et l’accompagnement palliatifs aideront le patient à mobiliser ses propres ressources, lui permettant d’accéder à une meilleure qualité de vie. Une qualité qui ne se fait pas au détriment de la quantité de vie. «Que faire, face à une issue devenue inéluctable? Les personnes atteintes de maladies incurables peuvent souffrir de douleurs ou éprouver des angoisses importantes à différentes phases de l’évolution de leur maladie. Il est nécessaire alors de leur offrir les meilleurs soins et traitements médicaux pour soulager leur souffrance, qu’elle soit physique, psychologique ou spirituelle. Cette prise en charge globale et humaine offerte aux personnes malades et à leurs proches nécessite l’intervention d’une équipe multidisciplinaire coordonnée, soit des médecins, des soignants, des ergothérapeutes, des psychologues, des diététiciens, des assistants sociaux, des aumôniers, des physiothérapeutes et, bien sûr, de précieux bénévoles qui sont révélateurs du lien social. C’est donc l’étape de la fin? Certains patients peuvent être terrorisés parce qu’ils pensent que c’est la fin. Mais lorsqu’on parvient à stabiliser les symptômes physiques, ils reprennent confiance en eux et peuvent se Qu’offre le Valais pour cette période de la vie? Le canton a désigné l’Hôpital du Valais comme centre de compétence en matière de soins palliatifs. Celui-ci soutient le développement de cette spécialisation à partir des pôles de compétence de Brigue et de Martigny. Les équipes mobiles de soins palliatifs travaillent en réseau avec les médecins traitants et les équipes soignantes du domicile mais offrent également leur soutien aux équipes hospitalières. Il est primordial de pouvoir développer ce travail en réseau pour améliorer la prise en charge et le suivi du patient en phase palliative, qu’il se trouve à l’hôpital, en EMS, à son domicile ou en institution spécialisée, ou qu’il passe d’une structure à l’autre. Dans ce contexte, un lien privilégié avec le médecin traitant demeure fondamental. L’unité de soins palliatifs de l’hôpital de Martigny dispose de 8 lits répartis dans 5 chambres. Elle accueille notamment des pa- tients ne pouvant plus rester chez eux en raison de complications gênantes de la maladie ou pour un temps de répit, lorsque l’entourage ou le patient sont épuisés. Les patients peuvent aussi y être accueillis lorsque des traitements actifs sont encore possibles. Quels sont les critères pour venir à l’unité de soins palliatifs? La souffrance physique ou psychologique importante rendant la prise en charge impossible à domicile: douleur, angoisse, difficultés respiratoires, dépressions mais aussi une plus grande vulnérabilité ou un épuisement familial nécessitant un accompagnement soutenu par une équipe multidisciplinaire. L’entourage lui-même souffrant pour des raisons physiques ou psychologiques, nécessité d’accompagner des enfants de parents malades. A qui s’adressent les soins palliatifs? On y retrouve tous les âges de la vie chez des personnes atteintes d’une maladie grave et évolutive. Cela peut être une maladie oncologique mais également une maladie chronique, neurologique telle qu’une sclérose latérale amyotrophique, par exemple. Les soins palliatifs, par leur principe de prise en charge globale, devraient pouvoir intervenir à un stade plus précoce de l’évolution de la maladie. Leur but est de maintenir, chez les patients, la meilleure qualité de vie et la plus grande autonomie possible. Et que faites-vous? Nous sommes une équipe spécialisée en soins palliatifs, à même de répondre aux situations médicales les plus complexes, en collaboration avec les autres disciplines. La formation professionnelle exigeante de ces équipes va permettre de soulager au mieux les symptômes gênants des patients afin que ceux-ci puissent à nouveau avoir accès à leurs sensations propres et à leur réflexion. La discussion va peut-être s’ouvrir et la souffrance morale pouvoir s’exprimer. C’est une médecine dans laquelle la douceur et la tendresse peuvent aussi se partager. Il s’agit donc d’une période de la vie où le dialogue est essentiel. Il faut du temps pour que les choses puissent se dire et se vivre. La confiance qui s’établit peut permettre au patient de cheminer d’une période de révolte vers un apaisement. SHUTTERSTOCK l’écoute est une nécessité absolue. Pour que ces équipes puissent bien entourer les malades, elles doivent être également bien soutenues et entendues car on ne peut pas rester indifférent à la souffrance et à la détresse existentielle des patients. Les soignants doivent pouvoir en parler. Notre culture occidentale occulte la mort. A supposer que vous possédiez une baguette magique ? Il en faudrait plusieurs. D’abord pour le patient qui ne peut pas rester chez lui, il faudrait un endroit identifié, une vraie maison spécialisée. Plus que le bout d’un couloir dans un hôpital. Un lieu où les familles peuvent se rassembler et se sentent accueillies. C’est un besoin fondamental entre humains. Comment la remettre sur la place publique? Il faut la laisser au cœur de nos préoccupations comme un événement naturel de la vie. Jusqu’au 20 octobre, l’exposition «Si un jour je meurs… les soins palliatifs s’exposent» fera halte à Saint-Maurice, Martigny, Sion et Brigue (http://www. hopitalvs.ch/siunjourjemeurs). Chaque visiteur est amené à comprendre qu’il pourrait être concerné d’un jour à l’autre et incité à se positionner sur sa propre fin de vie ou celle de ses proches. L’exposition invite à l’échange et l’interaction autour de questions souvent toutes simples: combien de temps me reste-t-il encore à vivre? Comment passer le temps qui me reste? Doisje réaliser un vieux rêve? Dois-je espérer essayer toutes les thérapies et tous les traitements imaginables? Qui m’accompagnera? Qui m’aidera à régler mes affaires? Vais-je souffrir? Pourrais-je décider moi-même?» Il faut du personnel bien formé et très motivé… Les compétences spécialisées sont nécessaires mais la qualité de la relation humaine et de Pour toutes informations: Equipe mobile de soins palliatifs, hôpital de Martigny (téléphone 027 603 95 95 [email protected]). EN CHIFFRES % seulement des décès survenant en Suisse sont soudains et inattendus. 10 % de la population meurt d’une maladie évolutive. 90 % des personnes interrogées souhaitent mourir chez elles. 75 + INFOS Un complément d’information? Des questions sur la santé? Un contact direct? www.vs.ch/sante www.promotionsantevalais.ch www.lvt.ch PARTENARIAT DFIS Service cantonal de la santé publique Promotion Santé Valais Ligue valaisanne contre les toxicomanies